Lovelace - ft. Karl

La première bouchée de ce second round portée à sa bouche, Xiao pousse un petit gémissement de satisfaction. "C'est vraiment bon ! T'es sûr que tu veux pas goûter ? Elle a pas totalement fondu !" Un large sourire orne son visage aux pommettes rougies par la chaleur et l'effort. "Ah tu voulais pas aller payer ? Je t'attends ici, je finis ma glace. Oublie pas tes boutons."Un simple constat, sans la moindre gêne. Elle a déjà bien assez fait, au tour de la glace de subir les assauts buccaux de la chinoise.

L'attention totalement absorbée par sa dégustation, Xiao s'accoude même à la table pour reposer sa tête sur sa main et observer plus en détail le contenu de sa cuillère avant de la mettre en bouche en fermant doucement les yeux. Il n'y a pas plus grand plaisir sur cette terre qu'une bonne glace aux fruits. "Hmmmm." Ce serait presque vulgaire, cette dégustation, si elle n'avait pas fait bien pire quelques secondes plus tôt. Et en parlant de secondes, elle jette un oeil à sa montre. "Record battu." Murmure-t-elle en souriant. S'il y a un gagnant dans l'histoire, c'est sans doute elle.

Puisqu’elle lui proposa de goûter, Karl se pencha au dessus de la table et ouvrit la bouche, attendant qu’elle lui donne une cuillerée de sa glace. Autant goûter, tant qu’à faire. Il avait chaud d’un coup, et était à moitié déshydraté. Qu’est-ce qu’il se sentait léger… un vrai bonheur, comme s’il flottait sur un nuage de coton. Une fois la cuillérée avalée, sans vouloir lui prendre trop de glace, le jeune homme se dirigea vers le comptoir. Il paya l’addition sans s’alarmer vraiment du prix, il restait correct pour ce qu’ils avaient mangé. Le jeune homme gratifia le serveur d’un grand sourire, sûrement en grande partie dû à l’endorphine qu’il avait sécrété en masse.

“ Je vous remercie, c’était délicieux. “

Dit-il en retournant aux côtés de Xiao, qui devait sûrement avoir fini depuis. Le jeune homme se baissa pour ramasser ses sacs et déposa un doux baiser sur la joue de la jeune femme, par pure tendresse. Evidemment, il se débrouilla pour qu’elle puisse le voir venir histoire de ne pas se retrouver avec un couteau papillon sous la gorge. Une fois ceci fait, il parcourut la salle du regard. Les deux filles étaient toujours la et avaient visiblement terminé leur repas. Etrange tout de même, qu’est-ce qu’elles pouvaient bien attendre pour partir ? Le groupe bruyant de tout à l’heure, lui, était déjà parti. Soit.

“ On va chez toi ? Il faut bien déposer ces sacs à un moment ou l’autre. “

De toute manière, ils devaient sortir du restaurant. Attendant qu’elle récupère sa veste, il lui demanda pas soucis pratique si elle pouvait récupérer sa batte.

“ Ça ne te gêne pas de prendre ma batte ? Ce serait gentil. “

Dans le pire des cas il pourrait toujours la prendre sous son bras. Quoi qu’il en soit, le jeune homme sortit accompagné de son amie - ou peut-être plus - en jetant un regard suspicieux aux deux clientes lorsqu’il passa à côté d’elles. Une fois dehors, les deux partenaires purent remarquer que les rues étaient relativement vides. Il fit quelques pas, s’apprêtant à demander à Xiao par ou ils devaient aller, avant de prendre un grand coup de barre de fer à l’arrière du crâne. Le jeune homme s’effondra au sol, sans répandre le contenu des sacs grâce à un dernier réflexe. Quelques secondes de flottement passèrent, l’auteur du coup étant en fait l’un des jeunes du restaurant, accompagné par sa petite bande. Karl ne l’avait tout simplement pas entendu approcher, et si Xiao s’en était rendue compte, elle n’avait manifestement pas eu le temps de réagir puisqu’elle n’était pas visée.

“ Sale soumis aux chintok, ça t’apprendras à nous menacer. “

Dit l’auteur du coup en Russe. Les autres membres de la bande regardèrent Xiao avec hargne, visiblement remontés et racistes. A croire qu’ils étaient venus dans ce restau avec la seule intention d’emmerder le monde. Mais alors qu’ils semblaient déjà confiants, n’ayant visiblement pas conscience d’à qui ils avaient affaire, Karl se redressa après plusieurs secondes passées au sol. Un coup aussi fort tuerait un homme lambda, mais il était très loin d’être facile à tuer. A vrai dire, il allait sûrement avoir une belle bosse mais sa tête n’était visiblement même pas en sang. Scrutant du regard la bande de voyous de bas étage, le jeune homme fit craquer ses poings.

“ Vous êtes vraiment dans la merde. “

Il a l'air proprement shooté, ce qui décroche un sacré sourire à Xiao. Une preuve de plus de sa réussite et de sa compétence. Elle irait presque s'offrir quelques points de plus si ça n'était pas de la triche. Rajouter des points après coup, c'est même au delà de la triche, c'est assez pathétique. "Je suis toujours prête à tenter un nouveau record ! Mais dans de bonnes conditions" Cette dernière phrase, elle la grommelle presque en se massant à droite de sa mâchoire. Son intérêt pour la chose et sa connaissance technique n'a malheureusement pas d'incidence sur ses limites physiques, et voilà bien longtemps qu'elle n'a pas eu à utiliser sa bouche de façon aussi exigeante.

L'addition payée, la glace engloutie, Xiao ne fait pas de manières et enfile déjà sa veste. A l'approche du visage de Karl, elle ne peut réprimer un petit mouvement de recul et un regard surpris. Elle pousse même un petit cri surpris en envoyant la main vers l'arrière de son pantalon, mais le voilà déjà reparti. La chinoise reste néanmoins interdite quelques secondes, le regard dans le vide. Qu'est-ce que c'était que ça ? Elle voudrait bien lui poser la question mais il semble déjà bien engagé vers la sortie. "Ouais ?" Chez elle. Oui, évidemment. Elle enfile sa veste, attrape la batte de Karl et le suit silencieusement, un peu penaude même, vers la sortie.

" Qu'est-ce que c'étai-" BANG. Un énorme coup de barre de fer vient le cueillir à la sortie, l'étalant immédiatement sur le sol. Par réflexe, Xiao se fait silencieuse et recule d'un pas, discrètement, profitant de ce qu'ils ne l'ont pas encore vue et croient probablement que Karl est sorti seul. Ou alors, ils ignorent totalement sa présence, ce qui est tout aussi bien. D'un geste vif, Xiao retourne la batte qu'elle tenait jusque là par le milieu pour avoir une meilleur prise, plus équilibrée. Ca parle russe, elle arrive tout juste à comprendre deux ou trois mots hachés par l'accent du jeune. Assez pour savoir qu'il n'est pas question d'un accident, mais bien d'une menace. Lorsqu'ils portent leur regard sur Xiao, la batte est bien cachée derrière son dos et elle se tient droite, comme une enfant modèle qui attend sa petite tape sur le haut du crâne. Les yeux grand ouverts et silencieuse, elle aurait presque l'air mignonne. Et lorsque Karl finit par se redresser, il attire tous les regards. Il faut dire qu'il est grand et plutôt large, à côté de l'approximatif mètre soixante de la chinoise aux airs fluets. Il a l'air bien remonté, lui aussi, et prêt à en découdre, à en croire ses gestes. Un sourire se dessine alors, discret, sur les lèvres encore humides de salive et de glace à la fraise de Xiao tandis que son regard passe de l'un des abrutis de l'est aux autres.

Discrète, agile, elle se faufile sur le côté et d'un coup sec et brutal, allonge le premier type à portée par l'arrière, s'aidant du même coup de la batte de Karl qu'elle laisse ensuite tomber à ses pieds. Pas son genre d'arme du tout, la preuve, la voilà qui dégaine déjà son couteau papillon et, du même geste, saute sur le second énergumène à sa portée, coinçant sa tête entre ses cuisses. Afin d'éviter d'être prise par surprise par le troisième, elle lance son couteau papillon en direction de sa gorge, mais celui-ci se plante finalement sa joue. C'est au moment où elle entend le bruit de la chair pénétrée par le métal que son saut et le balancier causé par son poids renverse sa seconde victime en arrière. Avant qu'ils ne touchent le sol, Xiao prend de l'élan et entame un mouvement de torsion avec ses jambes pour emporter la tête avec.

CRAC.

Le corps inerte s'étale au sol et Xiao se retrouve à quatre pattes sur un remake low-cost de l'Exorciste, lequel embrasse le bitume pour un moment, si ce n'est toujours. Mais la chinoise n'est pas prête à se reposer sur ses lauriers. Pas tant que les cibles ne sont pas toutes mises hors d'état de nuire. Elle se relève alors, rapidement, les bras relevés en position de défense, le regard dur, prête à s'attaquer au prochain, ou celui qui aurait la mauvaise idée de se relever, pourvu qu'ils en soient seulement encore capables. D'un rapide regard, elle cherche à évaluer l'état de Karl. En espérant qu'il ne se soit pas fait surprendre à nouveau.

Karl aurait bien répondu à sa question s’il n’avait pas été interrompu par une barre de fer furtive. C’était au moins la cinquième fois qu’il se prenait un coup dans l’arrière du crâne, la plupart de ses ennemis ayant toujours préféré l’avoir de dos plutôt qu’avoir à se confronter à sa puissance. Et ils avaient bien raison. Observant un moment Xiao faire, le temps que sa vision se remette un peu en place, il assiste à la vivacité de la jeune femme. Technique, précise, rapide, elle ne laisse aucune chance à ses adversaires. Quelque part, il l’avait toujours imaginée se battre ainsi. Sa petite taille et sa corpulence devaient être très utiles pour les cabrioles. Cependant, l’auteur original du coup de barre semblait vouloir revenir à la charge en tentant de le frapper au visage. Malheureusement pour lui, cette fois-ci, le jeune homme pouvait le voir venir.

Poc.

Il attrapa la barre d’une main et poussa vivement dessus pour enfoncer l’arrière de sa propre arme dans le visage de l’assaillant. Le nez éclaté, celui-ci recula mais n’eut pas le temps de faire plus qu’il encaissa un violent coup de poing au ventre. Un coup si dévastateur qu’il se retrouva agenouillé au sol, vomissant ses tripes. Celui-ci, il le gardait pour plus tard. Un second arriva, garde levée, mais dû encaisser un autre coup dévastateur du mastodonde en pleine face, un coup si fort qu’il s’écrasa le visage avec ses propres poings levés en guise de garde. Premier k.o. Pris entre deux feux, d’un côté une assassin experte et de l’autre un bulldozer lancé et inarrêtable, leurs agresseurs tentèrent d’attaquer à plusieurs. Karl encaissa plusieurs coups sans broncher, en esquiva d’autres et envoya son pied dans la rotule du plus proche pour lui briser le genou sur le coup. Le second, un petit agile difficile à toucher, tenta de l’avoir à la ruse mais se retrouva avec les deux mains du colosse autour de la gorge. Celui-ci le souleva du sol pour lui exploser le visage d’un violent coup de front, le relâchant ensuite inerte au sol.

“ Vous ne valez rien, bande de singes. “

Il acheva celui au genou plié dans un angle inhabituel en lui envoyant un puissant coup de genou dans les dents, et passa au dernier sur son passage. Un individu encapuchonné, tremblotant, couteau à la main. Tentant d’y aller au culot, il fondit sur la masse qui avançait vers lui et tenta de le poignarder. S’il y avait bien quelque chose dont on apprenait rapidement à se défendre lorsque les combats de rues étaient courants, c’était bien les couteaux. L’assaillant n’eut même pas le temps de le planter qu’il se fit attraper le poignet par un mouvement habile de Karl, et lui brisa le poignet comme s’il s’agissait d’une simple brindille. Ni une ni deux, deux gauches dans le menton pour l’édenter un peu et il s’écroula au sol tel un fêtu de paille. Une chose était sûre, sa manière de se battre était aux antipodes de Xiao. Moins agile, moins rapide, mais extrêmement résistant et d’une puissance sans pareil. Karl n’avait pas à craindre les coups, et les rendait au centuple. Il ne fallait pas s’arrêter à ses airs doux et avenants.

“ Tu t’en sors Xia’ ? “

Dit-il en jetant un coup d’oeil vers sa muse, qui semblait avoir géré la situation plus rapidement que lui. Il ramassa ensuite sa batte tombée au sol et retourna vers le premier, toujours occupé à rendre son repas ou à chercher un peu d’oxygène entre deux respirations saccadées. Pas de quartier, il lui asséna le même coup qu’il lui avait porté à l’origine de cette altercation, ce qui eut pour l’effet de l’achever rapidement. Une fois ceci fait, il retourna vers les sacs histoire de vérifier que leur contenu était intact et retourna aux côtés de Xiao. Cette histoire aurait pu mal finir, heureusement pour lui qu’il avait la tête dure.

“ Je crois qu’on en a fini. Merci pour le coup de main Xia’. “

Il sembla pensif un instant, avant de lui proposer l’air de rien, comme si ces abrutis appartenaient déjà au passé.

“ Tu veux monter sur mes épaules pendant qu’on rentre ? “

Il souria. Elle devrait trouver ça amusant.

Difficile de dire combien d'abrutis essayaient, encore et encore, de les mettre hors d'état de nuire. Xiao compte les coups, les points, pas vraiment les corps, mais la déception est là : elle s'est fait voler des points par Karl. Des points qui lui auraient fait atteindre le rang S, quel dommage. Mais après tout, c'est ça le travail d'équipe. Laisser aux autres l'occasion de faire quelque chose.

Soucieuse de vérifier que tout soit bien rentré dans l'ordre - enfin, d'un certain point de vue - la chinoise observe chaque corps sur le sol. Ils doivent être une demi-douzaine à tout casser, et pas un ne semble encore réveillé. Celui qui a pris le couteau dans la joue semble avoir tourné de l'oeil à la vue de l'arme plantée à travers sa bouche et du sang qui a jailli des blessures - finalement, la lame est arrivée de l'autre côté et a créé comme une sorte de brochette. Sérieuse, l'assassin s'approche de lui pour récupérer son arme, qu'elle essuie lentement avec le revers de sa veste. Hors de question de toucher le sang avec les doigts, on ne sait pas où il a traîné ou ce qu'il trimballe comme maladies. Puis, d'un geste vif, elle referme l'arme qu'elle replace à l'arrière, dans sa ceinture.

Serait-il étrange de dire qu'elle éprouve un certain plaisir, presque comme un soulagement après tout ça ? C'est pourtant bien le cas, Xiao se sent comme plus légère. Comme si le combat l'avait aidée à faire passer un repas bien lourd. C'est donc un soupir satisfait et enjoué qu'elle pousse avant d'entendre Karl l'interpeller. Sans doute en a-t-il fini de son côté, avec les quelques autres abrutis qui n'avaient décidément rien d'autre à faire ce soir là que de perdre conscience - ou la vie.

Professionnelle, la jeune femme s'étire et fait bien attention à ce qu'elle laisse derrière elle - à savoir rien d'autre que des corps dénués de toute trace de son identité. Utiliser les armes d'un autre, des parties vêtues de son corps et des accessoires faciles à récupérer. Xiao ne tue pas sans réfléchir, coup de tête ou non. Pas que les empreintes soient un vrai problème dans une ville où la police n'enquête pas. Mais après tout, l'identité de ces jeunes cons est encore inconnue et qui sait qui les envoie, qui les emploie, ou qui pleurerait leur mort ? A première vue, elle aurait dit personne. Mais le monde est un endroit trop compliqué pour elle, parfois.

" Tout va bien !" Lance-t-elle enfin après avoir laissé un long silence. "Je t'en prie, j'avais bien besoin de me défouler un peu et j'aime pas les abrutis incompétents." Attaquer quelqu'un sans raison est idiot. Attaquer quelqu'un sans raison et en n'étant pas capable de le mettre hors d'état de nuire, c'est vraiment demander de se faire botter le cul. Toujours en train de s'étirer, elle fait craquer les articulations de ses doigts un peu grippés par le chaud-froid. "Monter sur ? Heu … Mes jambes vont bien, t'en fais pas." Un rapide coup d'oeil - il lui arrive si souvent de ne pas constater une blessure avant que l'adrénaline redescende - mais non, rien. Son pantalon est vraiment intact. Une idée lui vient, cependant, pour se dégourdir un peu les muscles et prendre sa revanche sur l'égalité que le combat a laissée entre eux.

" Eh, on fait la course jusqu'à chez moi ? J'prends un sac, comme ça on est quitte." Vraiment, ça n'est pas une question, plus une annonce. Xiao fait ni une ni deux, lui prend un sac des mains - celui qui contient les cassettes, le laissant avec le sac de jouets - et s'élance. Quelques mètres parcourus, elle regarde derrière elle, profitant de ce que l'effet de surprise lui a fait prendre un départ avancé, et s'arrête brièvement. "Tu te souviens où c'est hein ? Docks Est ! Et on passe pas par les hauteurs !" A en juger par le physique de Karl, il y a fort à parier que cette règle ajoutée n'handicape qu'elle, le petit oiseau de la Triade. "Allez !" Un vague geste de la main et la voilà qui part en courant, le sac remonté sous l'aisselle pour le garder au plus près d'elle et ne pas perdre en aérodynamisme.

A peine repartie en courant, Xiao oublie le monde autour. Bien sûr, il y a la course, Karl qui devrait la suivre - elle ne regarde pas vraiment, au début - mais Decay devient cet environnement flou, ce décor à la fois palpable et flottant. Les néons qui disparaissent à chaque mètre avalé, les odeurs qu'elle n'a pas le temps de sentir et le vent frais qui caresse son visage tandis qu'elle accélère. C'est tellement plus agréable sans son casque, et elle ne se donne jamais l'occasion d'en profiter. Courir, encore plus vite, sentir ses jambes forcer, l'obliger à garder une vitesse humaine. Qu'elle râle, les sourcils froncés, le regard perçant au loin l'ombre de chaque recoin de Chicago jusqu'aux docks, que son corps ne soit qu'une limite à ce qu'elle peut accomplir. La discipline du Mentor ne lui manque pas mais lui, au moins, savait briser chaque limite qu'elle s'imposait par manque d'ambition. Son souffle est court, elle a comme une douleur dans le bas des poumons, mais la course n'est pas terminée. Xiao ne respire plus, elle râle et gémit sous l'effort mais au milieu de tout ça, elle sourit et rit. Les docks approchent et leur luminosité si particulière, chaude, rougeâtre, ils vont bientôt déboucher sur les environs du marché et, avec lui, le bâtiment de Xiao. Laquelle ralentit brièvement avant de prendre le virage qui mène à son appartement, pour jeter un coup d'oeil derrière elle. Mais Karl l'a-t-il seulement suivie ?

Soit. Il se serait attendu à ce qu’elle prenne sa proposition comme un jeu, mais il ne fallait pas oublier comment était la jeune femme. A vrai dire, le fait que tout ce qu’elle faisait était sûrement sans aucune arrière pensée et simplement animé par ses envies le rassurait et rendait la chose plus supportable. C’est ce qui l’empêcha de se formaliser en la voyant partir sans même qu’elle ne vérifie son état. Après tout, il venait bien de montrer qu’il tenait toujours debout et le gaillard qu’il était avait de la ressource.

“ Ouais, ouais… “

Il repris son souffle un instant avant de lui donner son sac, et récupéra sa batte. Ça lui faisait un léger handicap mais rien de bien exceptionnel. De toute manière, le jeune homme s’avérait aussi compétitif qu’elle dans ces moments la et ne risquait pas de s’avouer vaincu. Ainsi, il partit avec un peu de retard mais d’une bonne allure. Batte en main, sac sous le bras, le jeune homme était quelque peu ralenti par son physique lourd mais la puissance de ses jambes compensait la chose. Même mieux, son physique était clairement plus adapté au sprint qu’au demi fond et il comptait bien le prouver. Il lui fallait combler le maximum de distance en un minimum de temps.

“ Hhhh… Hhhh… “

Karl sentit sa poitrine devenir chaude. Mais pire encore, ce coup à la tête ne l’avait pas laissé intact. L’effort rendait sa vision trouble, déformait les lumières et les néons désormais mués en éclats multicolores et difformes, comme s’il venait d’avaler une pilule de LSD. Un son strident vint siffler dans ses oreilles, et ses tempes, compressées, lui donnaient encore plus la sensation qu’il tomberait dans les pommes à tout moment. Pourtant, cette expérience presque psychotrope eut pour effet de le maintenir en course. Comme s’il flottait dans une atmosphère parallèle, comme si ce monde n’était pas réel. Comme si, au bout de cet horizon qui s’éloignait à mesure qu’il avançait, se trouvait une chose incroyable. Pendant un instant, il ne vit même plus Xiao. Et ce fut à cet instant précis que, indolore, le mastodonte poussa sur ses jambes pour taper un sprint d’anthologie. Au moment précis ou la jeune femme se retourna pour jeter un oeil derrière elle, elle sentit un courant d’air faire virevolter ses cheveux et vit un Karl lui passer à côté à la vitesse d’un guépard.

La sueur lui coulait sur les tempes, sa vue troublée déformait encore plus les perspectives et la sensation désagréable de chaud froid qui lui parcourait le corps lui criait d’arrêter au plus vite au risque de tomber dans les pommes. Pourquoi faisait-il ça ? Par fierté ? Il n’avait rien à se prouver et Xiao se fichait probablement bien de cela. Pour s’amuser ? Pas spécialement puisque cette course virait peu à peu à la douleur. Peut-être ne fallait-il parfois pas chercher à réfléchir à ses actes, et seulement les exécuter. C’était ce qu’il faisait presque toujours lorsqu’il agissait au nom de l’Organizatsiya. Et peut-être était-ce bien la seule chose qui lui permettait de rester humain en dehors de cela.

“ … “

Malheureusement, arrivé non loin de la porte,, le jeune homme sentit ses jambes se dérober et se laissa tomber contre le mur pour ne pas tout renverser en plus de se faire mal. Ces derniers mètres étaient tout simplement infranchissables, tant pis, c’en était trop. Le moindre effort supplémentaire allait lui faire vomir ses tripes. Trempé de sueur, le jeune homme leva la tête vers le ciel comme pour sentir le vent lui effleurer le cou, exténué.

“ C’est… j’en peux plus, t’as gagné. “

Karl sentait sa tête tourner, heureusement pour lui qu’ils étaient arrivés.

“ Faut que j’me pose… “