Fight! | ft. Karl [Violence]

Comment doit-on s'habiller pour un combat de boxe ? Pour quelqu'un qui, comme Xiao, serait fichue de se pointer à un rendez vous en tenue d'Eve, la question est plus complexe qu'elle n'y paraît. La chinoise ne fait généralement pas tant d'efforts pour être présentable lorsqu'elle sort, mais dans ce cas précis, elle n'a jamais mis les pieds dans un combat de boxe.

Quelques jours auparavant, elle a reçu un message de Karl lui indiquant la date, l'heure et le lieu de son prochain combat. Pour elle qui n'a jamais eu l'occasion d'analyser en vrai ce genre de combats, c'est une aubaine. Elle pourrait tomber contre un ennemi boxeur un jour et devoir monter une stratégie pour l'exécuter. Si Xiao est déjà extrêmement efficace et entraînée, il est toujours bon d'être curieux, ce que la chinoise a toujours été, heureusement pour elle.

Elle opte finalement pour quelque chose de simple, de l'ordre du short en jean porté depuis des années et du sweat à capuche discret, sombre et relativement informe. De quoi sembler passe partout au milieu de n'importe quelle foule, surtout celle probablement bien alcoolisée de Moskva.

Ce soir, c'est dans un bar assez conséquent de la rue de la Soif, lequel a une arène en sous-sol. Bien moins importante culturellement que l'Arena, mais qui s'est fait sa petite réputation de retransmettre en live les combats de boxe. Pour la plupart des gens qui recherchent le frisson et le hardcore, l'Arena est plus intéressante, mais les fans de combats plus structurés sont encore nombreux.

Comme d'habitude, Xiao sort de nuit. Elle traverse la ville à pied, profitant de la fraîcheur nocturne et passant par les toits. Comme à son habitude. D'un geste trop preste, elle se griffe le nez, au passage, et se présente finalement au bar, un pansement posé à la va-vite sur sa blessure, lui donnant un air bien moins menaçant qu'elle ne devrait l'être.

Lorsqu'elle descend vers l'étage du combat, un homme lui barre la route. Il lui faut un instant et quelques négociations avant de réaliser qu'elle avait reçu un pass d'entrée, et qu'il ne lui refuse pas le passage par principe. Elle qui se préparait déjà à lui mettre la tête dans les marches d'escalier … Au bout du compte, Xiao joue le calme et la discrétion, sort son pass, qu'il vérifie, avant de la laisser descendre.

L'étage est rempli de spectateurs hystériques. C'est bruyant, ça sent pas toujours très bon alors même que le combat n'est pas commencé, et il fait chaud. Xiao reste un moment à distance, cherchant un endroit où s'installer pour avoir une bonne vue, et remarque un petit coin juste à côté d'un type bien rembourré installé sur une place et demi. Pour son petit gabarit, la place est déjà bien confortable. Elle s'assied et parcourt la pièce du regard, sérieuse. Trop de choses à découvrir, à analyser. La chaleur commence déjà à peser, aussi, elle finit par retirer sa capuche pour profiter des trop rares courants d'air qui traversent le recoin où elle est assise. "Mh." Impatiente, Xiao s'approche du ring en se faufilant et s'appuie sur ses bras, cherchant du regard un signe que ça commence bientôt. La silhouette de Karl, par exemple. Après tout, c'est lui qui l'a invitée.

Ce soir, c’est le grand soir. L’occasion de se vider un peu la tête après cette dure semaine et la pointe d’amertume sur laquelle le jeune homme a quitté Xiao. Son dernier combat remonte au mois dernier et le jeune homme a dû s’entraîner plus sérieusement qu’à son habitude au cours des semaines ayant suivi. En effet, son coach a remarqué une perte d’endurance de la part du russe, lequel a décidé de corser un peu ses entraînements. Malheureusement, il ne se doute pas que le facteur de cette baisse de régime est strictement psychologique. Hélas, Karl ne parlera jamais de ses états d’âmes. Du moins, pas à eux.

Malgré leur dernier contact, Karl connaît Xiao et s’est douté en lui envoyant l’invitation qu’elle n’aurait sans doute même pas retenu leur petite dispute. Qu’importe. Le jeune homme lui a promis de l’inviter et a donc tenu parole. Peut-être serait-ce un bon moyen de lui faire découvrir un peu ce milieu, en plus de faire plus de spectateurs. S’il y a bien un contexte ou Karl aime se faire voir, c’est bien dans le cadre sportif. Après tout, ses activités de boxeur l’ont rendu relativement célèbre sur l’île auprès des amateurs de sports de combat.

Bien entendu, le jeune homme n’est pas connu comme étant un combattant d’arène. Si cet endroit a un certain succès à Decay, Karl ne combat pas pour l’esthétisme de la violence mais pour l’esprit sportif et la performance physique. Sans parler du combat à mort mensuel, chose pour laquelle le boxeur a une aversion. Il n’a jamais compris le concept de regarder des humains se massacrer pour le divertissement. Ils le font déjà très bien pour d’autres raisons, pourquoi risquer sa vie pour amuser les autres ?

Non, Karl combat sur le ring. Pas dans l’arène. Un ring modeste ayant lieu dans une salle tout aussi modeste ce soir. S’il est arrivé au jeune homme de combattre dans des octogones entourés d’immenses gradins, il ne refuse jamais un combat. De toute manière, la majorité des spectateurs seront derrière leur écran. Tout le monde ne peut pas se payer une place et tout le monde n’a pas envie de se déplacer spécialement pour ça. Évidemment, voir un combat de ses propres yeux restera toujours plus enrichissant et prenant qu’au travers un écran mais la place n’est pas gratuite.

“ Arrête de rêvasser champion ! “

Le jeune homme est extirpé de ses pensées par la voix de son coach. Un grand black d’1M90, bedonnant mais chez qui l’on devine une carrière riche et fournie. De toute manière, Karl n’a jamais rien eu à redire de ses enseignements.

“ Pardon, c’est sûrement le stress du combat. J’vais aller attendre qu’on m’appelles. “

Dit-il en se dirigeant vers le couloir menant jusqu’au ring. Ici, à l’abri des regards, Karl attend. Les cris de la foule résonnent jusqu’ici et l’atmosphère lourde se fait sentir sur ses épaules. L’air sent la sueur, la testostérone, le combat. Et pour cause, le dernier combat a eu lieu deux heures auparavant. Mais si les gens sont la, c’est surtout pour voir le grand, le puissant, le tigre. Karl. Sa puissance a un succès retentissant depuis qu’il est actif dans le milieu et son jeune âge renforcent d’autant plus son succès. Au final, c’est un combattant autant aimé des hommes que des femmes et ce, pour différentes raisons.

Ce soir, son adversaire n’est pas n’importe qui non plus. Carlos Ortiz, un hispanique de 35 ans. 1M85 pour 120 kilos, 2cm de moins pour 20 kilos de plus que Karl. Si son poids pourrait laisser penser qu’il est obèse, le chicano a surtout une lourde ossature et une carrure de bûcheron aux larges muscles. Ceux si sont moins tracés que le jeune homme, mais plus imposants, plus fermes. Un vrai physique de travailleur, la ou Karl pourrait passer pour un mannequin ou un culturiste.

“ Eeeeetttt à présent… Karl Colman, le tigre Russe ! “

A l’annonce de son nom, le jeune homme débarque sur le ring aux côtés de deux préparateurs sous les cris de la foule. Il jette un bref coup d’oeil sans parvenir à distinguer grand monde. Dans cette pièce fermée et relativement plus petite que les salles où se déroulent les matchs conventionnels, le jeune homme s’y sentirait presque mal à l’aise. Mais peu importe. Une fois en combat, tout lui paraîtra bien secondaire. Quand il se bat, le boxeur ne pense à rien d’autre. C’est dans cette optique qu’il se hisse sur le ring, ou son adversaire l’attend déjà. Quelques cris de fan féminines s’élèvent dans la foule en voyant le jeune russe dans sa tenue la plus confortable, un simple short sportif. Ni chaussures, ni t-shirt ni même gants. Ce combat, comme la majorité qu’il mène, est à mains nues. Et l’esthétique du jeune homme, affichant sa musculature et la puissance de la jeunesse aux yeux du public et bien entendue voulue par les organisateurs. Ceux-ci veulent voir les muscles se bander sous l’effort, les impacts sur les pectoraux, la sueur luire. Si ces délires incongrus lui passent totalement au dessus, Karl accepte volontiers de combattre ainsi. Le confort avant tout.

Le jeune homme cherche Xiao du regard pendant que le présentateur fait son annonce, sans vraiment parvenir à la voir. Tout le monde est collé la dedans et au vu de sa petite taille elle ne doit pas avoir beaucoup d’espace. Si tant est que la jeune femme est bien venue néanmoins. Mais l’annonce du combat vient encore une fois chasser ses pensées. Celui-ci va bientôt commencer. Chaque combattant se serre la main, regagne sa partie du ring tandis que l’arbitre prend la place de l’annonceur. Celui-ci lève la main, décompte… et annonce le premier round. C’est parti.

L'atmosphère d'un combat de boxe est vraiment toute particulière. Accoudée au bord du ring, Xiao se fait hurler dessus et bousculer par ceux qui filment l'affrontement et les autres, occupés à vomir des conseils et commentaires aux organisateurs et aux athlètes. La chinoise recule de quelques pas et se laisse tomber sur sa demi-place à côté du type obèse qui a placé sur ses genoux un plateau regorgeant de saucisses panées, de hot dogs et de frites dégoulinantes de sauce indéterminée. Sans gêne et de toute façon trop discrète pour lui, elle chipe une saucisse panée et se met à la grignoter calmement en regardant les deux combattants annoncés monter sur scène, l'un après l'autre.

Si elle peut saisir l'intérêt de se dépasser physiquement, celui de choisir délibérément la masse et le muscle plutôt que l'agilité et la rapidité la dépasse un peu. Un sourcil arqué et l'air dubitatif, elle attend le combat en continuant de grignoter sa saucisse dégoulinante de gras, un sourire en coin. Silencieuse, elle détaille tout ce qui se passe sur scène et voit finalement Karl passer devant sa zone des gradins de fortune. Il a l'air de chercher quelque chose, mais ne la voit pas. Compréhensible, car contrairement à d'autres minettes de son âge, elle ne porte pas de tshirt à son effigie et ne hurle pas son nom dans les suraigus. Ce n'est pas vraiment dans ses habitudes. Ses oreilles, elles, subissent ces assauts qui lui font lever les yeux au ciel. "Mais fermez vos gueules…" Marmonne-t-elle dans sa barbe en avalant le reste de la saucisse panée d'une bouchée un peu trop grande pour sa bouche.

Le combat commence enfin, et Xiao n'a même pas eu le temps de terminer de mâcher ce qu'elle a dans la bouche. Son attention est captivée par les deux boxeurs dont elle cherche à comprendre la stratégie. Il y a pourtant tant de failles … A gauche, en bas, une béquille ou un coup de talon dans le tibia, et ce grand type super large irait pleurer dans les jupes de son coach. Lequel semble passer son temps à gâcher la vue. Ne sont-ils pas supposés se faire petits, quand le combat se lance ? Il est agaçant, à la fin.

Quelques coups partent, personne ne tombe, ils ne semblent pas vraiment encaisser grand chose. Au fond, Xiao espère voir quelque chose de sanglant, une surprise, peut-être un saut, un pied lancé vers la mâchoire ou une nuque brisée, quelque chose. Contrairement à ce qu'elle connaît, c'est beaucoup d'attente. Ils se tournent autour longtemps. Quand est-ce qu'elle verra du sang ?

Pas pour tout de suite. S'ils se pètent une arcade ou se détruisent le nez, elle ne risque pas de le voir, car l'autre abruti d'entraîneur continue de passer devant. Les cameramen aussi. Est-elle trop petite, ou bien sont-ils trop grands ? Son agacement, lui, ne fait que gonfler encore et encore. "Mais putain mais bouge !" S'exclame-t-elle. Il a vraiment le droit de faire ça ? Ce doit être perturbant pour Karl, son coach n'a pas l'air de se dandiner comme ça, lui. Excédée, elle attrape une autre saucisse panée sur le plateau de son voisin qui finit par s'en rendre compte et se met à lui aboyer des trucs en russe. Si elle comprend la langue en général, lui ne fait que hurler la bouche pleine et lui cracher de la panure sur son pull. "Mais ça va, c'est qu'une saucisse !" Son regard passe du coach au spectateur qui tente de lui reprendre des mains, en passant par son pull tâché. "Ah tu soules !" D'un geste sec, elle lance alors la viande panée en direction du ring, où le coach d'Ortiz la reçoit en plein visage. Sa faute, il n'avait qu'à pas être là, et se retourner en direction des caméras.

Lesquels se retournent immédiatement en direction des gradins d'où provenait la nourriture projetée. Pressentant l'arrivée du problème, la chinoise se faufile derrière le gros spectateur, vole une mini banderole mal peinte à une groupie du rang derrière, et la secoue au dessus d'elle en hurlant. "Allez Kaaaarl !" Pourvu que le combat attire à nouveau l'attention de tout le monde, avec un retournement ou quelque chose.

Le début du combat n’est pas passionnant. Comme beaucoup, les deux adversaires se jaugent et se tournent autour. Le gros Ortiz aux multiples tatouages semble attendre une ouverture pour pouvoir décrocher ses droites assassines tandis que Karl se contente de l’attendre. Le jeune homme aime tester la puissance de ses adversaires, quitte à se prendre un K.O imprévu. Ses excès de confiance lui ont déjà joué de petits tours. Mais sa capacité à encaisser les coups est reconnue dans tout le milieu, au moins autant que sa force brute.

Les premiers coups partent. Karl les esquive sans mal, prouvant que sa carrure ne le rend pas pour autant pataud, et amorce un coup lorsque l’entraîneur se met à le gêner en lui passant presque devant. Ce geste lui arrache un haussement de sourcil et le russe recule. A mieux y regarder, la disposition des encadrants n’est ni optimale ni très professionnelle. Le coach d’ortiz gesticule comme un demeuré autour du ring, passant même les bras à l’intérieur ce qui est fortement interdit. Il suffit qu’un des combattants soit projeté dans les cordes pour le percuter, qu’est-ce que c’est que ces conditions de combat ? Celui-ci se déroule peut-être dans une cave mais il n’a jamais vu un tel niveau d’amateurisme jusqu’ici.

Mais qu’importe. Le combat est plus important que ces gêneurs, Karl est la pour la compétition pas pour se prendre la tête avec des inconvenances qu’il règlera hors du ring. Observant la garde du chicano, le russe finit par lui décrocher un direct dans le foie. Celui-ci fait mouche et le basané se plie en deux tout en laissant sa garde levée, le souffle coupé. Karl en profite alors pour commencer un enchaînement, que son adversaire vient briser en lui collant au corps pour lui saisir les épaules.

“ Break ! “

Crie l’arbitre, ordonnant aux deux combattants de retourner à leurs côtés respectifs. Lesquels s’exécutent. Mais alors que le combat reprend, une saucisse assassine vient voltiger jusqu’au visage du coach d’Ortiz, qui se retourne furieusement vers la foule avec les caméras. Déconcentré et curieux, Karl fait de même l’espace d’un instant. Instant qu’exploite son adversaire pour lui décrocher une violente droite au visage, ouvrant l’arcade du jeune homme pour laisser son sang lui couler au visage.

“ … “

Les spectateurs crient, huent ou se réjouissent. Dégoûtés d’avoir manqué cette action, les caméras et le coach reportent rapidement leur attention sur le combat en omettant cette saucisse volante. Les cris de Xiao se perdent d’ailleurs dans la cohue ambiante malheureusement. C’est donc ensanglanté mais très loin de la défaite que Karl tente de rendre son coup au chicano avant qu’il soit de nouveau interrompu par l’arbitre. Celui-ci choisit une nouvelle fois ce moment pour lui couper l’élan en passant entre eux, chose totalement interdite et inconsciente. Est-il con ?

“ Mais… “

Karl s’apprête à protester mais son adversaire profite une nouvelle fois de cette faille, amorce son coup derrière l’arbitre pour lui asséner une nouvelle droite au visage, dans la lèvre cette fois. Celle-ci s’ouvre, saigne, et amoche de plus belle le jeune russe qui lève immédiatement sa garde. Quelque chose ne va pas dans ce combat. Il recule lentement histoire de reprendre ses marques, mais le coach du gros vient lui toucher les épaules pour le déconcentrer. Ortiz en profite alors à nouveau pour le frapper, bien que Karl parvienne finalement à le bloquer. Oh, très bien. Le jeune homme commence à comprendre. Ce combat est truqué. Quelqu’un a du parier cher sur Ortiz. Ce qui explique le comportement de l’arbitre et du coach.

“ Ah, vous voulez jouer ? On va jouer. “

Une veine apparaît alors sur la tempe du russe, désormais en colère. Ce combat n’a rien d’un combat réglementé, le jeune homme va donc dépasser les règles. Premièrement, le gaillard saisit le coach du gros par les cheveux et lui éclate le nez d’un grand coup de coude. Celui-ci recule et s’écroule dans la foule qui s’écarte pour le laisser se ramasser au sol sous les caméras. Ce combat commence à tourner en catch, sans le côté simulé. Une fois ceci fait, Karl s’approche d’Ortiz et lui décroche une droite. Celui-ci la bloque, mais le jeune homme ne s’arrête pas. Gauche, droite, droite, droite, gauche, droite, gauche, gauche. Une pluie de coups ravageurs s’abat sur lui, brisant finalement sa garde pour lui enfler le visage. Les paupières, le nez, l’arcade, les joues, la bouche, le menton, tout y passe. Son adversaire a beau être une armoire, celui-ci ne fait pas long feu et s’écroule sur le dos. L’arbitre semble s’apprêter à le siffler pour l’accuser de triche, mais Karl ne le lui laisse même pas le temps et attrape le malheureux par le col pour lui donner un coup de front en plein visage. Celui-ci s’écroule, K.O.

“ Enculés de vendus. “

Le jeune homme relève la tête vers la foule médusée. Un léger instant de flottement plane jusqu’à ce que les hostilités éclatent. Les fan d’Ortiz commencent à s’en prendre à ceux de Karl et inversement. Plusieurs montent sur le ring pour se confronter au russe, qui les aligne à coup de phalanges. Et au milieu de ce carnage, le jeune homme se met à chercher Xiao dans la foule.

Avec tout le bordel ambiant, Xiao a bien du mal à garder l'oeil sur le combat, mais elle perçoit tout de même que quelque chose ne va pas. Karl a l'air en colère, plus que quand ils baisent, c'est pas normal. Mais elle aime bien cette couleur sur lui. Peut-être parce que le combat est tout de suite moins ennuyeux quand on ne suit pas des règles trop guindées. Cachée derrière le type qui a tout bonnement abandonné l'idée de se plaindre d'elle - ça impliquerait de se retourner, et il manque de souplesse dans son état - la chinoise jette quelques regards avant de se mettre finalement debout. Tout le monde a oublié la saucisse - sauf son voisin de siège - et le public autant que les cameramen et les coachs sont obnubilés par ce qui est en train de se produire.

Karl n'a pas l'air de se contenter de son adversaire. Celui-ci étalé au sol après un enchaînement de coups plutôt respectable, c'est l'arbitre qui prend un coup dans la tête et tombe au sol. "Eh mais c'est vachement plus marrant qu'à la télé !" S'exclame le petit oiseau de la triade en plein silence gênant dans l'assistance. Pourquoi ne sont-ils pas aussi enthousiastes qu'elle ? Le spectacle est quand même enthousiasmant ! D'un geste rapide, elle pioche allègrement dans une barquette de frites à sa gauche et en enfourne quatre ou cinq en gloussant. "A qui l'tour ?!" Lance-t-elle alors, quand des spectateurs se mettent à monter sur le ring pour s'en prendre à Karl. "Ah mais c'est un genre de battle royale ? Trop bien !" Mais la chinoise ne s'est peut-être pas bien placée dans l'assistance pour exprimer son enthousiasme, lequel va trop dans le sens du russe au goût des supporters qui l'entourent.

L'un d'eux, arrivant par le côté, tente de l'attraper par les cheveux. Réflexes et entraînement oblige, elle le voit arriver du coin de l'oeil, se baisse au dernier moment, et le fait basculer au dessus d'elle pour atterrir directement sur le dos. Le bruit de sa chute fait résonner le métal et le bois des gradins dans toute la pièce. D'un coup de talon, elle frappe en plein milieu du ventre, puis entre ses jambes, pour le forcer à rester au sol. "Pas avec tes doigts gras, crado !" Elle se lèche les doigts pour retirer le gras des frites et les restes de panure de saucisse avant de jeter un coup d'oeil autour d'elle. Les supporters sont trop occupés à se taper dessus pour faire attention à elle, et celui qui a volé tout seul semble en avoir dissuadé d'autres. Cependant, ils se font de plus en plus nombreux à grimper sur le ring pour s'en prendre à Karl, lequel a l'air de chercher quelque chose autour de lui.

"Trop bien !" S'exclame l'assassin qui saute par dessus le dernier banc de gradins en prenant appui sur l'épaule de son fournisseur de saucisses pour se projeter vers les cordes. Elle monte à son tour sur le ring et attrape le premier idiot aviné venu par les cheveux, des deux mains, tire un grand coup vers l'arrière tout en donnant un coup sec du genou à la base du crâne. Il tombe, inerte, probablement juste inconscient si l'on est optimiste.



Juste à côté, elle voit Karl, de dos, en train de se défendre. Elle s'approche alors, dos à lui pour garder cet angle mort, et lui donne un léger coup de coude en guettant les éventuelles arrivées d'autres idiots, les poings relevés par mimétisme. "Combien tu paries que j'en dégage ?!" Lance-t-elle, les dents à moitié ensanglantées, guettant déjà sa prochaine proie qui s'avance vers elle. Un nouveau candidat pour la morsure, mais où, cette fois ?

Si l’on pourrait penser à un no match, il n’en est rien. Les supporters d’Ortiz sont nombreux, assez pour égaliser ceux du Russe. Et certains n’hésitent pas à y aller franchement, à croire que les coups sont portés pour tuer. Karl ne serait même pas étonné de voir des couteaux sortir des poches. La plupart de ses assaillants sont des hommes bedonnants, moustachus, ayant atteint la quarantaine au minimum. De vrais clichés mexicains. D’ailleurs, s’ils sont simples à mettre K.O individuellement, le surnombre et la pagaille ambiante ne rend pas le combat si simple.

Enchaînant ses adversaires à coup de droites dévastatrices dans le menton, Karl n’échappe pas à quelques coups de poings ou kick dans les abdos, qu’il encaisse sans trop de problèmes. C’est comme frapper un rocher, un rocher pouvant rendre les coups. Et alors qu’il s’apprêtait à s’en prendre à un gros chicano en colère, le jeune homme entend des cris. Une femme, une de ses supporters visiblement, manque de se faire violer par deux opportunistes profitant de la cohue pour lui arracher ses vêtements. Le sang du jeune homme ne fait qu’un tour et il s’approche de la scène, qui se situe juste de l’autre côté des cordes.

“ Сукин сын “.

Voyant que Karl tourne le dos, plusieurs supporters d’Ortiz en profitent pour tenter de le prendre à revers. Mais il n’en est rien. Les coups, les tentatives de plaquage, rien ne perturbe le colosse Russe qui vient attraper l’un des agresseurs par le sommet du crâne à l’aide de la simple largeur de sa main. Le jeune homme le soulève ensuite du sol à la simple force de son bras, épris d’une colère froide. S’il est un tas de muscles, Karl est aussi une machine de nerfs.

“ Touche pas à mes fans. “

Sans sommation, le jeune homme lui assène un coup de tête en plein visage, écrasant son front contre le nez et la bouche de l’agresseur. Sa dentition et son cartilage ne font pas long feu et ce n’est plus qu’une poupée inanimé qu’il tient dans sa grosse main. Karl relâche alors son crâne chauve pour le laisser tomber au sol, inanimé. Le second, qui s’occupait d’immobiliser la jeune femme, tente de s’enfuir en profitant des cordes qui barrent la route de Karl pour le ralentir. Il n’en est rien, le boxeur n’a qu’à tendre le bras pour l’attraper par le col et le tirer vers lui avant de le soulever en l’air tel un sac à patates. Il le jette ensuite plus loin dans la foule sur un autre groupe de fans d’Ortiz, d’une pierre deux coups.

“ Ça va mademoiselle ? “

Bouche bée, celle-ci hoche machinalement la tête. Karl l’attrape alors par la taille pour traverser le ring avec elle et la déposer de l’autre côté, non loin de la sortie de secours. Ce ne sera pas difficile de s’en aller, personne n’essaie vraiment de s’enfuir au milieu de cette baston générale. Bien sûr, d’autres opportunistes tentent de l’avoir de dos lors du trajet, le jeune homme se prenant même une chaise à l’arrière du crâne. Une chaise en bois, qui se brise à l’impact sans vraiment le faire sourciller d’ailleurs.

“ Allez, va ! “

Aussitôt la jeune femme déposée, Karl retourne dans la mêlée et tombe enfin sur Xiao. Malgré la cohue, le russe sourit sincèrement à son amie en bloquant un coup d’une main. Leur dernier différent est déjà oublié, un mois sans la voir a été bien trop long pour lui. Mais il n’a guère le temps de s’émouvoir. D’une main, Karl brise le bras qu’il vient de bloquer et repousse l’adversaire en arrière.

“ Franchement, c’est la première fois que ça arrive ! “

Répond-t-il à Xiao qui semble vouloir se battre à ses côtés. Ainsi, pendant qu’elle arrache l’oreille d’un type, ce qui fait grimacer le grand russe, celui-ci se voit confronté à un colosse encore plus imposant que lui. D'où est-il sorti celui-là ? Ça aurait dû être lui son adversaire. Un grand black, musclé, au visage dur et taciturne. Un adversaire idéal. Karl entend comme une boss music et le charge, bousculant les autres sur son passage comme un vulgaire jeu de quilles. Le russe lui envoie une droite, qui se retrouve bloquée dans la paume du colosse. Il tente alors une gauche, même résultat. Son adversaire recule la tête, signe qu’il va lui mettre un coup de boule… mais Karl prévoit le coup. Profitant de la poigne avec laquelle il retient ses deux mains, le Russe se jette au sol pour lui passer entre les jambes. Soit il le lâche, soit il se retrouvera à faire un salto. Le colosse le lâche donc.

A peine est-il relevé que Karl se jette à nouveau sur lui, enchaînant des coups rapides pour l’empêcher de bloquer une seconde fois. Plusieurs font mouches, semblent toucher, sans vraiment inquiéter son ennemi qui ne semble pas flancher. Et merde. Karl a trop l’habitude de coucher tout le monde facilement tomber sur quelqu’un de résistant le surprend. Et cette seconde de réflexion laisse une ouverture au black, qui lui décroche une droite en plein visage. Karl recule, titube, mais reste bien debout. Quel punch… il n’a vu ça que lors de ses meilleurs combats.

“ Toi… je t’aime bien. “

Karl est presque en transe. L’adrénaline du combat le rend indolore, si bien qu’il ne sent pas son arcade saigner de plus belle. Celle-ci est bien ouverte et l’aveugle presque d’un oeil, mais le combat est loin d’être fini. Deux hommes lui foncent dessus, tentant de perturber son combat, mais le russe leur attrape chacun l’arrière du crâne pour leur écraser chacun la tête contre l’autre sans quitter des yeux son véritable adversaire. Ce n’est que de la marmaille, pas de temps à perdre avec eux. Karl les enjambe, s’approche à nouveau du gaillard et entame un échange de coups. Plusieurs de ses fans tentent de l’aider, ce à quoi il proteste, mais finissent rapidement couchés par les coups du colosse, qui parvient à gérer Karl d’une main. Quelle arrogance. Le Russe frappe de toutes ses forces, cette force avec laquelle il a brisé plus d’une mâchoire, enfoncé plus d’une porte, tué plus d’une fois. Et si ses coups semblent plus efficaces qu’auparavant, son adversaire semble bien loin du tapis.

Les siens sont plus forts. Plus fulgurants. Karl en esquive trois ou quatre, en encaisse deux… mais sa rage est trop forte pour le faire flancher. Il ne lâchera pas. Arrivant à la charge de plus belle, le boxeur frappe le colosse au plexus. Celui-ci fait au moins deux mètres 10 pour 130kg, son torse est facilement atteignable et la quantité de muscles ne rend pas cet endroit plus résistant. Il se plie de douleur, laissant une ouverture au jeune homme… mais il sent quelqu’un lui attraper les bras par derrière pour l’immobiliser. Putain de lâches. Karl tente de se dégager d’un coup de tête arrière, mais celui qui le tient esquive. Et il n’a guère le temps de réfléchir davantage que le colosse revient à la charge.

“ Toi, mort. “

Karl ne peut ni esquiver, ni contrer. C’est un déluge de coups qui s’abat sur lui, chacun étant plus violent que l’autre. Dans le visage, dans le ventre, le russe a beau contracter… les coups sont dévastateurs. Son nez saigne, ses lèvres aussi, son visage gonfle même par endroits. Pourtant, rien ne se brise. Son nez, ses dents, tout reste en place. Il ne se laissera pas avoir si facilement. Constatant sa résistance, qui semble même croître au fur à mesure de ses coups, le colosse attrape le jeune homme par la nuque pour le jeter dans les cordes et commence à lui entourer la gorge avec l’une d’elles. Lentement, il serre, étranglant le boxeur à mesure que sa vue se trouble. Mourir comme ça ? Ce serait beaucoup trop con. Il n’aurait même pas pu dire au revoir à Xiao. De toute manière, l’idée de mourir ne lui traverse même pas l’esprit. Posant les bras sur la corde qui l’étrangle, le jeune homme tire. Tire. Tire. Si l’on pourrait le penser idiot, à s’auto étrangler de la sorte, sa force colossale parvient finalement à faire craquer l’élastique et à lui libérer le cou au prix d’une grande trace de brûlure autour de la gorge.

“ J’suis immortel moi, connard. “

Karl s’élance, esquive un coup réflexe du colosse et lui écrase le poing directement dans les dents. Une incisive vole. Le grand gaillard recule alors, perturbé, titubant. Il ne s’attendait pas à voir autant de résistance… mais le combat est loin d’être fini pour autant. Alors qu’il se met en garde, Karl sent un petit coup de coude le toucher. Il s’apprête à se défendre mais s’aperçoit que ce n’est que Xiao. C’est vrai, elle se bat elle aussi… et il aurait bien besoin d’elle.

“ J’sais pas… mais j’ai bien besoin d’aide avec celui la. Il est impossible à coucher et ses potes viennent l’aider. “

Dit-il en lui désignant la montagne qui lui fait face, surveillant que le type l’ayant immobilisé à revers ne soit pas dans un coin à attendre une opportunité.

Lorsqu'elle jette un coup d'oeil en arrière, Xiao constate que Karl, bien que debout et relativement fringant, semble avoir tout de même pas mal encaissé. "J'aurais p'tet dû me ramener plus tôt." Sa résilience ne la surprend pas et paraît même normal pour un combattant digne de ce nom, mais son état la force à lever un sourcil. Quel intérêt à toute cette force si on ne peut s'épargner les blessures par manque de vitesse ?

Le suivant qui approchait d'un air menaçant voit une Xiao déterminée se projeter dans sa direction pour s'asseoir directement sur ses épaules, lui enserrant le crâne de ses cuisses. Elle profite du mouvement et du déséquilibre qu'elle cause du même coup pour se laisser tomber dans le sens inverse et le faire tomber sur le sol du ring, lequel fait résonner un grand bruit métallique lors de la chute. Elle atterrit sur ses mains et se relève immédiatement pour donner un grand coup de pied dans la mâchoire de l'homme au sol qui ne bouge plus. La chinoise le fait alors rouler hors du ring. "J'comprends mieux ce qui vous plaît dans la mise en scène. Ce bruit, c'est dingue !" Si Xiao aime la discrétion et l'efficacité dans son travail, il y a quelque chose dans ce côté spectaculaire qui aggrave les coups et fait monter l'adrénaline. Mais la boxe ne fait pas assez ressortir cet avantage.

Profitant de ce que sa dernière manoeuvre semble avoir découragé les plus proches qui voulaient s'en prendre à elle - ils préfèrent manifestement aller se battre avec de vrais supporters - Xiao revient vers Karl. "Bon. Au suivant." La montagne que Karl désigne d'un mouvement de tête est effectivement assez impressionnante. Par sa taille et par son gabarit, principalement. Mais la chinoise en a éliminé quelques uns de ce genre là. Pas à visage découvert, et pas sans tout son attirail, mais un défi est toujours bon à prendre. "Vas-y." Intime-t-elle au Russe en faisant mine de reporter son attention ailleurs. Mais ça n'est pour elle qu'un moyen de concentrer l'attention du colosse sur le boxeur plutôt que le petit oiseau de la Triade. Elle se faufile au milieu de la cohue pour le contourner, discrètement, et approche, lentement.



Une fois certaine qu'ils ne sont pas en état de se relever pour un second souffle, Xiao se redresse pour faire le point de la situation. La totalité des supporters montés sur le ring sont redescendus, leurs regards paniqués rivés vers son visage tâché de sang et ses mains écarlates. Un large sourire aux lèvres, Xiao vient inutilement essuyer son visage d'un revers de la main portant le couteau, pour n'étaler que plus de sang sur son menton. "Bande de lâches, assumez !"

Son rire aigu résonne dans la pièce qui commence à se vider d'un côté. Le reste de l'assistance reste comme interdit. Silencieux, et plutôt immobile. Ils ne regardent pas qu'elle, cependant, ce spectacle restant réservé aux plus proches. Non. Ce qu'ils observent avec incrédulité, c'est l'autre combat, celui auquel Xiao n'a participé que très brièvement. Un grand choc, sur le sol du ring, projette la chinoise dans les airs, une courte seconde. Elle se retourne, brusquement. Pourvu que le bon colosse soit tombé.

Xiao lui fait signe d’y aller. Evidemment. Le combat a commencé entre eux et il fera une bien meilleure diversion pour permettre à son amie de le prendre à revers. Comment ? La est toute la question. Le jeune homme la connaît et s’attend à un sale coup sans vraiment savoir ce qu’elle va faire. De toute manière, au stade ou ils en sont… ce colosse a tenté de le tuer, pas de quartier.

“ Ok ! “

Sans plus de cérémonies, le boxeur s’élance. Il est vrai que ce combat le laisse amoché et pourrait faire douter de son efficacité dans un combat hors du ring, mais Karl ne sort jamais sans sa batte. Et savoir manier une arme, en plus de sa force, le rend bien plus habile et redoutable que l’on pourrait croire au premier abord. De toute manière, s’il est encore en vie et en bon état malgré son boulot, ce n’est pas par hasard.

Le premier coup sonne. Son adversaire est plus grand et a donc une meilleure allonge, son poing se retrouve logé dans la mâchoire de Karl. Et pourtant… le Russe n’a pas bougé d’un centimètre. C’est tout juste s’il ne s’est pas brisé la main sur lui. Le combat a pris un autre tournant, Karl gagne toujours en force et en endurance au fil des coups qu’il encaisse. A croire qu’il ne fonctionne pas comme tout le monde, ou qu’il se dope. Quiconque le connaît saurait que le simple fait d’y penser lui donne des nausées mais c’est une accusation à laquelle il a déjà dû faire face dans le passé. En plus d’être accusé de truquer les combats avec ses adversaires pour des histoires de paris, encore. Mais son colosse d’adversaire va vite se rendre compte que tout ceci est faux. Son seul secret, ce sont ses prouesses physiques.

Un second coup part. Cette fois-ci, il vient de Karl. Son poing s’écrase dans la gorge du colosse, qui réprime un hoquetement et commence à reculer pour reprendre son souffle, comprenant qu’il a peut-être crié victoire un peu trop vite. C’est un vrai chien enragé qu’il combat, un chien au regard fou et déterminé à lui faire cracher ses tripes. L’espace d’un instant, le grand black semble hésiter, mais se redonne du courage en poussant un grand cri de rage, s’élançant vers le Russe toutes griffes dehors pour le massacrer. C’est sans compter sur Xiao, qui choisit le moment parfait pour lui planter son couteau caché en plein dans les ligaments. L’homme pousse un cri de surprise, recule en sentant sa jambe perdre tout ses appuis, mais ce n’est pas fini. Rapidement, la jeune femme le larde de coups de couteaux bien placés et le fait lentement tomber en arrière. Karl, sidéré, regarde la scène en se relâchant un peu.

“ Wouah… t’y vas pas de main morte ! “

Dit-il en s’approchant. Alors que le gros commence à se relever, deux autres supporters s’attaquent à Xiao. Karl lui fait confiance pour s’en sortir, après tout elle n’a pas l’air d’avoir d'égratignures et sa dextérité la fait danser aisément entre ses adversaires pour les renvoyer d'où ils viennent. Mais ce petit moment d’inattention, dû au flottement qui a déconcentré le jeune homme et détourné ses yeux du combat, le colosse en profite pour lui frapper d’un grand coup entre les jambes. Inutile de décrire la douleur qui en découle, le Russe est presque à genoux. Et son adversaire, enragé, semble furieux de ce petit coup en traître. Comme Karl avant lui, sa force est visiblement décuplée puisqu’il soulève le boxeur du sol à une main, par la gorge.

“ Ta petite pute d’amie, je vais la violer moi et tous mes gars. Son putain de cadavre finira dans les égouts, et tu seras même pas la pour le voir. “

Dit-il, posant sa seconde main sur le cou de Karl. Pas pour l’étrangler, oh non. Mais pour lui briser la nuque. Lentement, le jeune homme sent l’étau se resserrer et sa nuque se tordre dans un angle inhabituel, il va devoir réagir vite. Mais les mots du gros lui suffisent à faire voir rouge. Le simple fait d’imaginer Xiao dans une telle posture le rend malade. Ainsi, relevant les bras pour saisir les mains de son ennemi, Karl lui plie les deux auriculaires en les brisant sur le coup. Pris de douleur et surpris, le colosse le lâche et se rend bien vite compte qu’il n’a plus affaire à quelqu’un que l’on peut arrêter.



Karl regarde alors autour de lui, confus, peinant à reprendre son état normal. En constatant l’issue sinistre du combat et cette bataille perdue d’avance, la salle commence peu à peu à se vider dans la panique.

Silencieuse, Xiao se relève pour faire un tour du ring et se faire une idée de la situation. Les gens sont presque tous partis, ceux qui sont encore dans la pièce qui semble tout à coup si grande une fois vide tentent de presser les spectateurs qui bloquent les sorties de leur lenteur. Le petit oiseau de la Triade s'appuie sur les cordes bordant le ring en les regardant faire, repoussant le corps d'un type inconscient à moitié affalé pour qu'il rejoigne les autres perdants, sur le sol crasseux de la salle de combat. Un long soupir. "C'est vraiment pas ce à quoi je m'attendais." Commente-t-elle d'un ton aussi circonspect que le regard qu'elle jette aux environs.

Tout en s'étirant, les bras bien tendus au dessus de sa tête, elle pousse un gémissement de satisfaction avant d'ajouter. "C'est mieux que ce que je pensais !" Elle vient enfoncer ses poings dans la poche avant de son sweater qu'elle détaille brièvement. "J'ai encore pourri un pull avec ces histoires, heh." Entre les postillons du gros spectateur et sa bouche pleine et les projections de sang, Xiao n'est pas prête de passer une nuit sans soigneuse lessive. "C'est marrant, quand même, de faire participer le public comme ça. Si tu m'avais dit ça, j'serais venue plus tôt." Elle qui n'a pas vraiment le droit d'aller se battre à l'arena ne serait pas contre un compromis, et si les combats de boxe de Decay se terminent toujours de cette façon, ça lui donne de quoi s'entraîner pour le boulot. "C'est pas souvent qu'on croise des types prêts à se battre à mort sans qu'on les paie. Ca fait un bon entraînement, je trouve." Ce n'est pas grand chose en comparaison de ce qu'elle a connu, mais comme lui ont toujours dit tous ses mentors, la clé est dans la régularité. Hors de question de laisser s'encrasser son potentiel.

Elle lève finalement les yeux vers Karl. Lui aussi en a quand même pris plein la gueule. Un petit sourire en coin et secouant la tête d'un air presque contrit, Xiao ne peut s'empêcher de commenter. "C'est dommage de perdre des points comme ça. Tu frappes fort, mais tu devrais gagner en vitesse, t'en prendrais pas une seule dans la gueule." Elle ricane. Leurs méthodes de combat n'ont décidément rien à voir, mais c'est probablement dû au but premier. "T'as dit que t'étais boxeur alors je me suis dit, ok, il y a des règles, tout ça …" Xiao hausse les épaules. "Mais si c'est du combat à mort, tu gagnerais à varier un peu les méthodes, sans doute." Son regard se reporte vers le visage du colosse gisant sur le sol du ring. "Enfin, j'avoue qu'à la fin, c'était créatif."

Puis, à nouveau, elle observe le visage de Karl. De sa poche, elle sort deux petits sparadraps de la même taille que celui qui orne la griffure sur son nez. "Mh. Ca suffirait probablement pas pour ton visage. J'espère que t'es équipé, si ça s'infecte, ça va être vraiment dégueulasse. Crois moi."

Karl prend une minute pour retrouver ses esprits, appuyé sur les cordes, ignorant totalement les alentours en proie à la panique. Heureusement pour lui, les caméras n’ont rien pu filmer dans cette cohue. Voir le boxeur commettre un meurtre de la sorte aurait sûrement des répercussions peu agréables. La rumeur se répandra sûrement depuis les témoins affluant en masse à la sortie, mais sans preuves, peu lui importe. Il y a eu tellement de remue ménage que plusieurs corps apparaissent sur le sol à mesure que la salle se vide, signe que le colosse n’aura pas été la seule victime de la soirée. A voir qui est inconscient et qui ne risque pas de se réveiller.

Karl ferme les yeux, concentré sur sa respiration. Le jeune homme est pris de spasmes dû à la colère et l’excitation, sans parler de toute cette adrénaline qui retombe. Un courant d’air froid lui caresse la nuque, et le jeune homme est soudainement frigorifié malgré son corps chauffé par l’effort. Sensation ô combien désagréable s’il en est. Aussi loin qu’il se souvienne, il n’a pas tué quelqu’un de rage depuis des années. Pourtant, ce n’est pas comme si les occasions manquaient.

“ C’est… “

Lentement, il reprend son état normal. Sa respiration se fait plus lente, ses muscles se décrispent et il sentirait presque son corps se dérober sous ses pieds après cette retombée d’adrénaline soudaine.

“ C’est pas vraiment comme ça que ça se passe normalement. “

Mieux vaut prévenir que guérir, il n’a pas très envie de voir Xiao se mettre à fracasser des spectateurs s’il s’avère qu’elle vienne assister à un autre combat. Un tel événement sur un ring professionnel serait tout bonnement scandaleux, bien que Decay soit toujours en proie à des événements de la sorte de toute manière. Ainsi, plutôt que de regretter son acte ou de pleurer les morts, Karl se contente d’essuyer le sang qu’il a sur lui. Étant torse nu, une douche va devoir s’imposer rapidement.

“ Tu pourras mettre ton pull à laver chez moi. Par contre j’dois prendre une douche dans les vestiaires, je suis… dégueulasse. “

Dit-il en secouant les mains pour éclabousser le ring du sang encore frais de son adversaire. Suite au commentaire de Xiao, le jeune homme regarde le cadavre grotesque du colosse ainsi que les autres supporters affalés au sol sans savoir s’ils sont morts ou non. Karl n’est pas vraiment choqué, mais tout de même… c’est un carnage. Il ne refera pas l’erreur de perdre son sang froid la prochaine fois. Tout est de sa faute.

“ Je crois que la plupart ne pensaient pas mourir ce soir. C’était juste une bagarre générale à la base. “

Dit-il en tapant du pied le corps inanimé du géant.

“ Mais certains ont voulu aller plus loin. “

Après tout, s’il n’avait pas tenté de l’étrangler à mort… peut-être en serait-il autrement. Quoique la remarque de Xiao n’aurait jamais pu passer dans quelque contexte que ce soit. Non pas qu’il pense que la jeune femme n’est pas capable de se défendre seule, elle a bien prouvé ses capacités ce soir, mais son devoir est de la défendre malgré tout. Son côté protecteur ne risque pas de le quitter de sitôt.

“ Tu as sûrement raison. Mais regarde moi, je peux pas être aussi rapide et agile que toi avec tous ces muscles et ma taille. “

Dit-il, contractant le bras. Après tout, sa génétique joue une grande part la dedans. Rien que son ossature est suffisamment lourde pour le ralentir.

“ Enfin, tu m’as pas vu avec ma batte. Un coup bien placé dans la tête suffit largement, et j’arrive à la manier assez bien pour contrer les adversaires plus rapides. Enfin, de toute manière chacun ses méthodes. On devrait se battre plus souvent ensemble. “

Il sourit et, alors qu’il s’apprête à ramener le corps hors du ring - tout ceci sera sûrement nettoyé le lendemain par une équipe compétente - Xiao lui offre une petite attention au travers de ces deux sparadraps. Ce n’est pas grand chose mais ça lui fait plaisir. Enfin, si c’est bien pour lui, on sait jamais avec elle. De toute manière ça ne servirait pas à grand chose.

“ Y’a du désinfectant et toute la trousse à pharmacie dans les vestiaires. On sait jamais trop à quoi s’attendre lors d’un combat. En plus je dois prendre une douche, tu viens ? “

Dit-il sans vraiment l’attendre pour une fois. Son visage est douloureux et sa peau collante et poisseuse, Karl n’a qu’une hâte: prendre une satanée douche. Ainsi, lorsqu’ils arrivent dans les vestiaires totalement vides, le jeune homme se dirige vers une petite armoire blanche au mur. Normalement, il y a tout dans sa loge mais le combat n’a pas eu lieu à l’endroit habituel. Il va falloir se contenter de ce qu’il y a. Ainsi, le boxeur sort du désinfectant, quelques pansements et un antidouleur. Il ne se fait pas prier pour avaler l’antidouleur et pour désinfecter rapidement les blessures qu’il a, de toute manière ce n’est pas bien difficile en 2040.

“ Hum… je mettrais les pansements après la douche. Tu pourras m’aider ? “

Demande t-il en retirant son short et son caleçon, les seuls vêtements qu’il a de toute manière, avant de filer sous la douche pour nettoyer tout ce sang et cette sueur. C’est un vrai paradis, sentir l’eau chaude nettoyer ses muscles après tout ces efforts… sans ouvrir les yeux, le jeune homme se mouille les cheveux tout en s’adressant à Xiao en élevant un peu la voix pour ne pas qu’elle soit couverte par le bruit de l’eau.

“ Y’a des vêtements de rechange dans les casiers si jamais t’es trop sale. A moins que tu veuilles prendre ta douche avant ? “