Hype party - Ft. Night

Les langues se déliaient petit à petit. Il n’avait pas de problème avec l’Organizatsyia, l’inverse aurait été risqué, voir inconscient. La Triade, cependant, semblait lui poser bien plus de problèmes. Aucune tolérance? Aucun gang ne l’était vraiment, sinon c’était la chute assurée. Le gang des slaves ne l’était pas non plus, mais il n’avait surement jamais fait de crasse à ce dernier.

“Quel gang est tolérant cependant… ?”

Demande-t-elle en connaissant la réponse d’avance. La tolérance était de mise lorsque vous étiez d’accord avec eux, sinon, l’histoire était tout autre. En tout cas, “Tony” semblait être intéressé par l’activité d’Irina, ce qui avait fait sourire cette dernière. C’était en général dans ces rencontres impromptues qu’elle trouvait le plus de clients. En discutant, en se montrant, de fil en aiguille elle arrivait à vendre son business.

“Ah, vraiment? C’est bon à savoir, je vous donnerai mes contacts alors, si vous souhaitez vous renseigner d’avantage.”

Enfin, alors qu’elle remarquait un nouveau round d’observation de son partenaire du moment vers celui qu’elle avait désigné comme client, elle n’avait vu aucun signe de dégoût de sa part. Certaines personnes auraient été répugnées par la façon dont se comportait cet homme, mais il n’en était rien. Et les paroles qui suivaient confirmaient son point de vue. Ce qu’il respectait, c’était les résultats. Les moyens pour y arriver étaient secondaires.

“Ho, ce n’était pas une critique mais un constat. Grand bien lui fasse s’il réussit ainsi, tant qu’il ne me porte pas préjudice…”

Une réponse un peu égoïste, mais au fond bien réelle. Les gens s’offusquent vraiment lorsqu’on commence à toucher à eux ou à leur entourage proche. Avant, pas grand chose. Pire encore, dans certaines situations critiques, les belles convictions de certains s’envolent subitement.

Dans un tout autre registre, il précisa ses envies en montrant son intérêt pour l’art, se déclarant comme un amoureux de ce domaine. Irina s’y connaissait en mode, masculine comme féminine, bien qu’avec un attrait plus grand pour celle la concernant. Les vêtements, les tissus, les coupes, les tendances… Mais les tableaux et autres sculptures? Très peu. Elle adorer décorer son appartement et était sensible à la beauté des objets, ce qui était intimement lié avec la mode, mais pour autant elle n’avait aucune connaissance particulière dans les noblesses de l’art.

“Ah oui, l’art? Quelque chose de particulier vous plaît dans l’art, tel que les tableaux ou le mobilier de designer? En tout cas, je suis désolée de vous apprendre que ce n’est pas mon domaine d’activité. Non pas que je doute de son côté lucratif, mais je ne m’y connais simplement pas assez pour participer à de l’achat revente.”

Enfin, il justifia ses problèmes par une simple audace parfois un peu trop grande pour être acceptée. Il était vrai que les grands n’aimaient pas voir quelqu’un réussissant assez pour potentiellement prendre leur place. Et dans ce cas, la solution la plus simple à Decay était l’élimination.

“Ah, quelqu’un de courageux et d’audacieux, donc… Intéressant.”

Dit la jolie slave avec un petit sourire, avant qu’il ne lui demande si elle traitait avec des gangs. Elle faisait partie de l’Organizatsyia, mais était-ce le bon moment pour lui révéler ? Peut-être pas, non. Et puis au final, elle gérait juste son business grâce à eux, mais ne s’occupait pas d’autres affaires plus … importantes et glauques.

“Est ce que je traite avec eux ? Très probablement. Mais quand je vends quelque chose, je le vend à une personne. Je ne souhaite pas compliquer mon business avec de la politique, à vrai dire. Si quelqu’un de la triade a envie d’une belle montre, je lui vendrais le prix juste, sans autre considération.”

La réponse n’était pas fausse, au moins. Mais ce qui piquait sa curiosité actuellement, c’était surtout son côté courageux et intrépide. C’est donc avec un petit sourire provoquant comme elle savait bien le faire avec son air snob qu’elle lui demanda.

“Et du coup, puisque vous êtes quelqu’un qui prend tant de risques, racontez moi un peu. Quel est votre dernier grand moment d’inconscience, d’audace? Je suis bien curieuse.”

Night tapota du doigt sur le bord du bar. En vérité, il mentait évidemment. Comme tous les gangs, sauf les yakuza, il avait eu affaire à l’Organizatsiya. Cependant, c’était de l’histoire ancienne. Le gang avait trop à lui apporter sous son identité civile pour qu’il lui nuise. Et il s’exposait peut-être un peu trop au danger en se mettant tout le monde à dos. C’était ainsi, même lui n’était pap immortel et se devait d’être prudent au risque de se faire tuer.

“ Disons que certains le sont plus que d’autre. L’organiza a une certaine éthique en apparence et est soucieux de ses clients. La triade ? De vulgaires foux furieux et arriérés mentaux, si vous voulez mon avis. Ils ont beau être violents, ça les rend prévisibles et faciles à contourner d’ailleurs. “

Dit-il, jouant parfaitement son rôle. En réalité, l’homme se foutait de la triade autant que des autres gangs. Leur contrôle sur les docks était bien la seule chose pour les démarquer du lot. Il y avait plus intéressant en l'occurrence: cette femme. Une personne était bien souvent plus digne d’intérêt qu’un groupe entier. On ne peut pas discuter avec plusieurs têtes, c’est beaucoup trop laborieux pour lui.

“ Ce n’est pas vous qui gérez l’affaire ? Peut-être que je ne veux avoir affaire qu’à vous. “

Dit-il, provocateur mais surtout tendancieux. La vitrine importait souvent plus que l’intérieur, et la beauté de cette femme n’était sûrement pas anodine si on la mettait en rapport avec ses chiffres d’affaire. Bien qu’il n’ait pas connaissance de ceux-ci, évidemment. D’ailleurs, sa remarque à propos du client fut une nouvelle occasion pour lui d’être un peu provocateur. Son but n’était nullement de narguer sa partenaire, bien au contraire. L’homme cherchait simplement à en apprendre un peu plus sur elle et son point de vue, ses réactions.

“ Je dirais qu’il vous porte un minimum de préjudice tout de même. Qui sait, il vous sucre peut-être des clients. La concurrence est rude dans ce milieu. “

Dit-il, l’air de rien. Après tout, indirectement, lui aussi lui faisait de la concurrence dans son rôle de riche investisseur.

“ Et bien vous devriez songer à étendre votre domaine d’activité. Nul besoin d’être un véritable expert en art, les gens sont tellement prêts à acheter n’importe quoi… j’ai déjà vu des riches acheter une toile entièrement blanche en se pensant subversifs. Ce milieu est rempli d’idiots manipulables dont l’argent ne demande qu’à être dépensé. “

Expliqua t-il, pensant réellement ce qu’il disait pour le coup. Tant mieux dans un sens, cela lui laissait les meilleures oeuvres. Night restait très matérialiste, pour quelqu’un ayant son rythme de vie. L’homme n’avait ni le temps de dépenser son argent ni de profiter de ce qu’il achetait, mais restait accroché à la valeur des choses. Si bien qu’il possédait parfois simplement par envie de posséder.

Il passa d’ailleurs sous silence sa phrase laissant entendre qu’il était intéressant. Intéressant pour quoi ? Il ne tenait qu’à elle de développer. Ils avaient toute la soirée et Night préférait camper sur ses positions plutôt que de précipiter les choses et tout foirer.

“ Vous avez bien raison. Faites attention tout de même, ces gens la peuvent être un peu trop gourmands.. “

Dit-il en lui adressant un regard entendu. Quand vint finalement la fameuse question. Soit. Il allait pouvoir s’amuser un peu.

“ Humm… je ne suis pas sûr que ce soit très judicieux que de vous le dire. “

Elle allait devoir le mériter d’une manière ou d’une autre.

Lorsqu’il parlait de gangs, il semblait mettre le sien sur un piédestal, surtout en le comparant à la triade qu’il n’appréciait décidément pas. Fous furieux, arriérés mentaux, violents… Il avait la langue bien pendue face à une inconnue, tout de même. Si elle avait été de mèche avec eux, ses paroles auraient pu lui coûter quelques nouvelles cicatrices. Fort heureusement, son nom faisait effectivement plus penser à un gang slave qu’à une membre de la triade.

D’ailleurs, en parlant de business, il y avait eu un petit quiproquos. Il en venait à se demander si c’était elle qui gérait ses affaires. La jolie blonde ne put retenir un petit sourire amusé en remarquant la confusion née dans cette conversation

“Est ce que c’est moi qui gère l’affaire? Ah… Bien sur, oui. Quand je parlais de mes contacts, je parlais des moyens de me contacter, pas de mes fournisseurs!”

La vérité étant rétablie, son regard glacial se reposa à nouveau sur cet homme dont ils parlaient. Tony disait qu’il pouvait peut-être faire de l’ombre à son business. Irina se contenta de détourner le regard vers Tony, haussant un sourcil dans un petit air hautain et étonné. Il n’avait aucune raison d’entacher son business. Il ne pouvait lui faire concurrence, pour sur, car il n’était pas assez connaisseur.

“Je ne me fais pas trop de soucis, les probabilités sont extrêmement faibles.”

La belle slave se tourna à nouveau entièrement vers celui ayant payé son verre, lui portant son attention la plus totale. Un peu déçu par le fait qu’elle ne fasse pas dans l’art peut-être, il lui suggéra de s’y intéresser car il y avait pas mal d’argent à se faire, et surtout sur la bêtise des gens. La dessus, elle était totalement d’accord avec lui.

“Oui, l’art est parfois bien étrange. Certains achats me dépassent, donc je suis d’accord au fond. Il y a beaucoup d’argent à faire. Mais … Je suis plus à l’aise avec le domaine de la mode. Je préfère être experte dans mon milieu que de trop me diversifier. Et pour l’argent, ne vous inquiétez pas. Mes clients ont aussi de quoi faire.”

Mais sa propre question n’eut pas de réponse. Ce qui frustra un peu la jolie russe. Il souhaitait vraiment jouer à ça? En plus, Irina n’avait pas vraiment l’habitude qu’on lui tienne tête, mais au fond elle aimait ça. Tout avoir sans aucun problème faisait perdre de sa saveur le résultat.

“Pas très judicieux? Moi, je pense que c’est la seule chose que vous devriez dire.”

Elle pousse un petit soupir, levant les yeux au ciel.

“Que de la bouche, peut-être…”

Un petit air méprisant, un regard fuyant… Elle maîtrisait sans aucun doute cet art, bien plus que les tableaux. Son but était clairement de le piquer au vif, vu qu’il avait l’air si fier. Un petit coup dans l’égo pour délier les langues…

Night avait bien assez de cicatrices sur le corps, si bien qu’une ou deux de plus ne seraient plus vraiment gênantes. L’homme savait très bien comment se contenter de cicatrices et pas de blessures plus graves. Car la plupart du temps, ceux qui osaient le blesser repartaient les pieds devant. Aucune des personnes lui ayant infligé ces cicatrices n’était encore en vie à ce jour. C’était un moyen pour eux de laisser leur marque dans le monde des vivants, en quelque sorte. Comme pour marquer un damné depuis les cieux. Car dans la liste de ses victimes, certaines étaient bien plus respectables que lui.

Il fit un signe au barman pour prendre d’autres verres. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin. Après tout, il n’était pas certain de vouloir en finir maintenant. Si cette conversation était pleine de faux semblants, de mensonges et de prétention, cette femme était intéressante. Et il avait au moins l’occasion de se reposer un peu autour d’un verre.

“ Oh, je comprends mieux. Mais je vous ai devant moi, n’est-ce pas assez pour avoir votre numéro ? “

Dit-il, taquin. Après tout, pourquoi passer par quelqu’un d’autre ? Était-elle si prudente que ça ? Peut-être à raison. Car après tout, si l’homme dont il avait pris l’identité avait été plus prudent, il serait encore en vie à l’instant.

Son regard vide croisa la glace du sien, stoïque. Comme s’ils se confrontaient l’espace d’un instant. Night l’avait-elle blessée ? Ça pouvait arriver. Une chance, il était bien plus courant que les blessures soient physiques que mentales avec lui.

“ Les probabilités varient. Et le marché fluctue. Enfin, vous le savez autant que moi. “

Dit-il alors que le barman revenait. Night lui demanda la même chose, attendant de voir ce que sa camarade prendrait cette fois. S’il tenait bien l’alcool, peut-être n’était-ce pas son cas. Quand bien même, pour une slave… il y avait plus de chances que ce soit le cas.

“ A votre convenance. De toute manière, plus on touche à tout… plus on se fait d’ennemis. Surtout à Decay, n’est-ce pas ? “

Dit-il en buvant une gorgée de son verre dans la quitter des yeux. Encore ce regard méprisant. Quelque part, cela amuserait presque l’inconnu. Si elle pensait pouvoir lui délier la langue avec un peu de passe passe, elle apprendrait vite que son interlocuteur était très loin d’être comme la plupart de ses clients réguliers. Après tout, il ne pouvait pas lui en vouloir. Personne ne savait qui il était. Du moins,pas à visage découvert. Et s’il la faisait miroiter, elle n’aurait au final que des mensonges. Night ne racontait jamais ses activités et ça ne risquait pas de changer.

“ Ah oui ? J’avais pourtant cru que nous pourrions faire affaire. A moins que vous préfériez le faire en langage des signes ? “

Dit-il, sarcastique tout en reposant son verre sur le comptoir.

“ Il faut bien avoir une grande bouche quand on a beaucoup à raconter. “

Dit-il, provocateur, continuant de la narguer pour éveiller son intérêt. A voir si elle se laisserait avant lui.

La conversation, ou plutôt le jeu, allait bon train. Et comme pour l’entretenir, voilà qu’il commanda deux nouveaux verres. La belle fit signe au barman que la même chose serait apprécié. Cependant elle devrait faire attention, car même si elle honorait ses origines sur bien des aspects, son gabarit ne l’aidait pas vraiment à encaisser l’alcool. Et dans ce genre de situation, perdre le contrôle c’était perdre le jeu, tout simplement.

Sa petite remarque vis à vis de son numéro de téléphone fit sourire la slave, qui détourna le regard un instant pour ouvrir son petit sac à main et y sortir une carte de visite noire, très sobre. Sur cette dernière, le nom d’Irina, son numéro de téléphone, et ses réseaux sociaux où elle était active. Elle lui tend alors, le sourire aux lèvres.

“Il suffit de demander.”

Leur échange de regard dura quelques petites secondes, avant qu’il ne fasse une remarque sur ces fameuses probabilités. Ce à quoi elle se contenta de répondre par un petit hochement de tête avant que les nouveaux verres soient déposés sur le comptoir par le barman.
Prenant une gorgée de ce nouveau Cosmopolitan, tout en gardant son regard froid sur son Tony, elle pouvait lentement sentir les effets de l’alcool commencer à apparaître. Les miracles de la vodka.

“Oui, c’est évident. Et pire que de toucher à tout, il y a toucher à ce qui appartient à quelqu’un d’autre. Et certains marchés font parti de cette catégorie. Il faut faire attention à ce qu’on fait, ce qu’on dit, où l’on va, et ce que l’on vend. Pas facile, Decay.”

Decay était un environnement bien particulier, et il était assez évident qu’on se rapprochait plus de la loi de la jungle qu’autre chose. Se faire sa place n’était pas facile, la garder l’était encore plus, et vouloir prendre celle d’un autre était très risqué. Irina s’était fait une jolie place, avait l’avantage d’avoir l’appui d’un gang pour la garder, et elle préférait ainsi consolider son monopole plutôt que de chercher la diversité et les potentiels problèmes.

Mais sa petite remarque sur le langage des signes lui fit hausser un sourcil, prenant un air étonné.

“Ah, en langage des signes, vraiment? Après, c’est assez simple de faire affaire sans parler.”

Elle retire sa montre tout en gardant son regard ancré dans le sien, et la pose sur le comptoir, délicatement.

“Vous pointez du doigt ce que vous voulez, je vous indique le prix, et vous payez. Je m’adapte, en toutes circonstances…”

Dit-elle en mimant un peu la scène à l’aide de sa montre posée sur le comptoir qu’elle ne tarda pas à reprendre pour la remettre à son poignet. Ils étaient dans un lieu plutôt sécurisé, mais laisser trainer des bijoux de cette valeur n’était jamais une bonne idée.

Enfin, il continuait de jouer avec elle et avec les mots. Sauf qu’Irina n’aimait pas perdre à ce petit jeu la, et elle décida d’utiliser une technique un peu basse, mais toujours efficace.

“Si vous ne souhaitez pas raconter vos petites histoires, j’espère que vous avez autre chose d’intéressant à partager. Autrement, j’irais rejoindre mes amis. Vous avez mon contact désormais, pas besoin de s’encombrer plus pour du business, si?”

Après tout c’était lui qui était venu vers elle, et c’était donc lui qui souhaitait rester avec la jolie blonde. Un petit peu de chantage pour le forcer à revenir vers elle était tout à fait adapté. De plus, elle faisait miroiter une relation purement professionnelle, ce qui pourrait peut-être le vexé s’il l’avait abordé pour tout autre chose.

Karl jeta un coup d’oeil vers la carte. Classe, épurée, à son goût. Nul besoin de faire une petite carte rose à fleurs quand on prétend vendre de la qualité. L’homme saisit alors la carte qu’elle lui tend entre son index et son majeur puis la range dans la poche de sa chemise. Elle devait sûrement avoir des contacts professionnels séparément des plus privés, mais c’était un début.

“ Je vous remercie. Au plaisir. “

Dit-il en buvant davantage le contenu de son verre. L’alcool n’est pas prêt de faire effet, l’inconnu tient bien l’alcool en plus d’être bien plus grand que la moyenne. De toute manière, il n’est que peu amené à consommer de l’alcool au quotidien. Ce genre d’occasions sont rares. Et surtout, peu intéressantes d’habitude. Sans parler du fait que son métier est tout bonnement extrêmement dangereux à pratiquer avec de l’alcool dans le sang. Il suffit de tituber un peu trop pour finir six pieds sous terre.

“ Tout à fait. Et on sait tous qu’à Decay, tout appartient plus ou moins à quelqu’un. C’est d’ailleurs pour ça que rejoindre un gang est parfois nécessaire. “

L’homme profère ces paroles naturellement, mais elles ne sont pas vides de sens. Il se doute bien que son interlocutrice travaille de près ou de loin avec l’un des gangs de Decay. On ne vend pas de la marchandise de haut standing tout en se rendant à des soirées mondaines sans être proche d’une organisation. Les indépendants sont si rares à Decay, il est trop facile de se prendre une balle dans la tête pour pouvoir se permettre de prendre des risques. Le simple fait de faire affaire sur le territoire d’un gang, une affaire qui marche, suffit à attirer leur convoitise.

Cela dit, l’inconnu gardera ses réflexions pour lui. Ce genre de remarques éveillent trop les soupçons et c’est bien la dernière chose dont il a besoin en sa situation. Les ennuis rôdent non loin. Ou qu’il soit.

Mais, plutôt que de continuer la dessus, la femme lui soumet des explications. Un peu alambiquées, certes, mais c’est sûrement dû à des manières particulières dûes au métier. Car de son point de vue, il n’y avait en l’instant rien à pointer du doigt. Sans doute sous entendait-elle avoir un local ou un entrepôt ? Il ne s’était pas imaginé son activité sous cet angle.

“ Et donc ? Je dois vous pointer le bar du doigt ? “

Dit-il, toujours de cette ironie qui le caractérisait. S’il ne comptait pas spécialement se montrer désagréable, rester constamment formel et pédant n’était pas dans ses habitudes. Autant lui transmettre son point de vue avec un peu d’humour.

Cela dit, la dernière tentative de la femme lui fit afficher un léger sourire. Maligne, mais repartir les mains vides ne le dérangeait pas plus que cela. Après tout, la revoir dans un cadre plus propice serait parfaitement faisable maintenant qu’il avait son contact. S’il appréciait cette petite conversation, le contexte commençait déjà à l’ennuyer. Night avait besoin de bouger, de passer au concret.

“ Faites moi une fleur. Allons dans un endroit plus confortable. J’aurais beaucoup d’histoires à vous raconter. “

Sourire complice. Pas besoin d’être bien malin pour comprendre le sous texte.

Il accepta sa carte sans broncher, l’inverse aurait été étonnant cependant, pour la ranger dans sa chemise. La jolie russe gardait son verre à la main et le sirotait de temps à autre. La vodka de son cocktail était presque inodore à cause des produits sucrés se mélangeant à cet alcool. Cette boisson était réputée traître, et à vrai dire Irina sentait son esprit s’alléger de plus en plus. Malgré ses origines, un petit gabarit et une consommation habituellement modérée la rendait assez faible face à la boisson.

Lui semblait sous entendre qu’elle appartenait à un gang. C’était effectivement un raisonnement qui tenait debout, et qui - en plus - était juste. Elle évitait de trop en parler si ça n’avait pas un réel intérêt. Si ça n’avait aucun impact positif, alors autant ne rien dire.

“C’est sur qu’à Decay les indépendants sont rares… Et souvent écrasés par des gangs plus puissants.”

Sa réponse était sincère, et sans le dire, elle venait de plus ou moins annoncer qu’elle n’était pas seule. C’était soit ça, soit elle faisait parti de ces indépendants qui arrivaient à se débrouille dans l’ombre. Mais Irina n’avait pas l’air d’être quelqu’un de l’ombre, justement. Elle ne se cachait pas et assumait pleinement son business. Deviner de quel organisation elle dépendait était assez aisé compte tenu de ses origines et du lieu dans lequel elle se trouvait, surtout quand les videurs connaissent son nom et son visage, la traitant comme si elle était leur chef.

Par la suite, sa petite explication imagée, mimée même, ne semblait pas avoir fait particulièrement mouche. Ou alors il avait très bien compris mais il voulait juste se moquer un peu d’elle pour la taquiner, la piquer un peu à l’égo pour voir ses réactions. Elle préféra alors répondre en levant les yeux au ciel, montrant qu’elle prenait ça pour un petit pic sans réel portée.

Mais ses prochaines paroles firent revenir toute l’attention de la slave vers son interlocuteur mystérieux. Un endroit plus confortable? Elle ne savait pas s’il parlait de partir s’assoir sur des canapés un peu plus conviviaux que le comptoir, ou tout autre chose. Dans le doute, elle haussa les épaules et se releva de sa chaise en décroisant ses fines jambes pour lui tendre la main afin qu’il la guide.

“D’accord. Si vous le souhaitez, j’ai accès aux carrés privés. Il suffit que la sécurité me voit pour nous laisser passer.”

Dit-elle en pensant effectivement que c’était son but. En tout cas, il lui avait promis des histoires, et malgré que la curiosité soit un vilain défaut, elle ne pouvait s’empêcher de vouloir savoir les petites anecdotes de la vie d’une personne montrant pas mal de cicatrices et se voulant mystérieux par nature.

Night regarde la beauté un instant. Son esprit est embrumé de pensées lubriques, point sur lequel l’homme ne risquait pas de changer. Ces longues années d’enfermement avaient inévitablement frustré sa libido, si bien qu’il s’y donnait à coeur joie depuis quelques années. Pourtant, ce n’était pas la seule raison de son intérêt pour elle. Night n’était pas dupe et avait bien compris à quel gang cette femme appartenait. Coup de chance, c’était bien le seul à qui il lui arrivait de louer ses services, sexuels notamment. Ainsi, nul besoin de se formaliser apparemment.

“ Tant que tout marche bien pour vous… c’est le principal. “

Dit-il en terminant son verre, marquant la fin de la première partie de la soirée. Il n’aurait désormais plus qu’à espérer que la suite se déroule sous les meilleures auspices, son objectif n’étant pas certain d’être réalisé. Au pire des cas, cela aura été l’occasion d’amorcer une rencontre pour de potentielles futures entrevues. Le mercenaire ne s’avouait jamais vaincu si vite. Encore faudrait-il qu’il le soit. Ainsi, l’homme se releva pour prendre la main qu’elle lui tendit si élégamment.

“ Vous êtes une véritable star décidément. “

Dit-il en l’accompagnant jusqu’aux fameux carrés. Evidemment, le fameux “Tony” ne comptait pas se mêler aux autres et choisit un endroit vide. Comme indiqué par la dame, la sécurité les laissa passer sans aucun problème. Qu’il est agréable de naviguer aussi facilement. Nul doute que fréquenter cette femme se révélerait très utile pour n’importe qui, en plus d’être en bonne compagnie. Encore faudrait-il qu’elle accepte de fréquenter n’importe qui, ce qui ne serait sûrement pas le cas.

“ Ici, c’est parfait. “

Diti-il en ouvrant la porte sur une pièce privée, laissant entrer la beauté en première. L’endroit ne manquait visiblement de rien, étant fourni en alcool, nourriture et mobilier de luxe. Un peu comme une chambre d’hôtel au final. Au moins, personne ne viendrait les déranger ici. L’homme s’avança vers le bar ou il commença à chercher à boire.

“ Je vous sers encore quelque chose ? “

Dit-il, avenant. Son objectif n’était pas de la rendre saoule non plus, mais la désinhibition avait ses avantages. Surtout sur une femme de son tempérament. Une fois son verre rempli de la boisson qu’elle désirait, le mercenaire s’avança vers elle pour le lui tendre et s’installa dans le canapé à côté d’elle. Une chose était sûre, l’endroit ne manquait de rien pour la soirée. Ne restait plus qu’à voir le temps qu’elle allait prendre.

“ Vous savez… les cicatrices que vous voyez la ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Ces vêtements cachent des choses pires encore. “

Dit-il, décontracté. S’il n’avait pas de problèmes à les exposer, il s’agissait surtout d’une petite technique.

Le duo se dirigeait alors vers la partie plus privée de l’établissement, dont les portes furent ouvertes à la simple vue de la jeune femme. Evidemment, elle était plutôt reconnue dans les environs, mais de là à parler de star? Pas vraiment, ou pas à ses yeux en tout cas. Elle fit un petit signe de la tête aux membres de la sécurité pour les remercier, tout de même. Toujours entretenir ce genre de petits avantages.

“Une star? N’exagérons rien.”

Le choix de Tony fut une salle vraiment à part, isolée du reste des tables et autres canapés. Cette salle était vraiment exclusive, et en plus du mobilier clairement premium, il y avait une grande vitre sans teint donnant sur la piste de danse, pour pouvoir observer et juger sans être vu.

“Ho, monsieur a des goûts de luxe.”

Dit-elle en faisant référence à la pièce exclusive choisie. Elle prenait le temps d’observer avec un petit sourire la piste de danse, avant de finalement se retourner lorsqu’il lui proposait de remplir son verre. Elle buvait un cocktail depuis le début de la soirée, mais elle ne pouvait pas lui demander de refaire ce type de préparation. Elle allait devoir passer à quelque chose de plus simple.

“Hm… Attends je vais choisir.”

La jolie blonde marche alors vers le bar, ses escarpins à semelle rouge lui donnant toujours cette allure sûre d’elle et une cambrure délicieuse. Elle observe un petit peu ce qu’il y avait, notamment dans le frigo à champagne. Elle attrapa une bouteille qu’elle connaissait très bien pour ensuite s’assoir sur le grand canapé central.

“Champagne?”

Demande la jolie blonde pour savoir si elle devait prendre une ou deux flûtes. Après sa réponse, elle se pencha pour se saisir de flûtes disponibles sous la table basse. Une fois la ou les flûtes disposées, elle fit sauter le bouchon du champagne avant de remplir la ou les récipients de cette boisson typiquement luxueuse.

Il s’était mis à côté d’elle, et en prenant son verre elle croisa ses fines jambes, posant son regard bleu sur celui qui parlait à nouveau ses cicatrices. Elle haussa alors un sourcil, portant sa flûte à ses lèvres.

“Ho, vraiment? Vous m’avez vendu des histoires passionnantes, peut importe le moyen, je veux en savoir plus. Carte blanche, étonnez moi.”

Elle était toujours curieuse. S’il voulait retirer sa chemise, qu’il fasse, personne ne le verrait.

La vitre amusa beaucoup le brun. A vrai dire, ce détail était tout à fait imprévu et relativement drôle. A croire que les concepteurs de cette salle avaient un certain sens de l’humour. Les plus fortunés pouvaient alors se permettre de juger les autres, à travers cette vitre. Une belle allégorie de cette société. Pourtant, l’anonyme n’était pas spécialement habitué au luxe. Il n’avait pour la plupart pas le temps d’en profiter.

“ J’essaie simplement de rester digne de vous. “

Dit-il en réponse à sa remarque sur ses goûts. Un compliment malicieux pas si éloigné de la vérité, il ne la voyait pas vraiment se mêler aux autres ou profiter de services trop communs. Et il n’allait de toute manière pas s’exposer devant d’autres clients ou regards indiscrets. La plupart de ses secrets étaient dissimulés pour une raison. Et les dévoiler serait aussi dangereux pour lui que pour la personne à qui il les révélerait. A ses risques et périls, donc. Mais il n’était pas vraiment obligé d’en dévoiler trop…

Une fois assis dans le canapé, l’homme regarda la russe se dandiner en direction du bar. Sa cambrure ne passa pas inaperçue, évidemment. Son activité l’obligeait à avoir le regard vif. Et son amour pour les belles formes aussi.

“ Allez, champagne. “

Confirme t-il sans sourciller. De toute manière, il pouvait se permettre de boire à peu près tout. Excepté l’immondice que l’on nomme pastis. Autant boire du cyanure. Une fois les verres servis, par sa partenaire cette fois, l’homme leva son verre et trinqua. D’ailleurs, il remarqua un petit tatouage qu’elle portait au poignet droit.

“ Santé. “

Il bu dans son verre avant de le reposer et de passer aux choses sérieuses. Rapidement, le mercenaire déboutonna sa chemise pour dévoiler son torse. Un torse à la musculature saillante, le genre de corps que l’on voit dans les magazines. Abdominaux, pectoraux, tout semble gainé et tracé parfaitement. Pourtant, les cicatrices qui parcourent son corps n’ont rien de communes. Coups de couteaux et même impacts de balles, ce corps n’est pas celui d’une personne habituée à travailler dans un bureau. D’ailleurs, l’homme en porte même une au coeur et à la gorge, bien qu’elle soit située sous le menton ce qui ne la rend pas si facilement discernable.

“ Celle-ci par exemple… “

Dit-il en désignant celle qu’il avait au coeur. Aucune ne semblait avoir été recousue ou soignée correctement, ce qui leur donnait une apparence imparfaite et barbare.

“ C’est une femme qui me l’a faite. Une histoire de coeur. Dans tous les sens du terme d’ailleurs. Il faut croire qu’il en faut plus que ça pour me tuer. “

Dit-il en prenant l’histoire avec humour.