Event Hurricane - Groupe 3

Un ouragan. Son œil se tournait vers la voiture. Un poteau électrique avait eu raison du véhicule. Et il poussait un soupir. Le voilà coincé loin des territoires japonais. Il n’avait pas juré, car ce n’était ni le lieu, ni sa place. En plus de cela, celui qu'il devait rencontrer ne s’était évidemment pas présenté et le traquenard s’était définitivement refermé sur lui en cet instant. Il était bloqué en Moskva alors que la tempête se levait, de plus en plus intense. Une journée qui commençait finalement sous les plus mauvais augures tandis que, sous le ciel gris, il devait commencer à chercher un lieu où s’abriter au plus fort de la tornade.

Une course-folle. Des bars fermés. Aux Russes armés jusqu’aux dents qui lui refusaient le droit d’entrer. Tout cela parce qu'il était un bridé. Pas de chez eux. Se protéger soi d’abord. Et s’il y avait encore de place, ceux qui appartenaient à l’Organisation. Ce n’était pas le moment de créer un incident diplomatique mais que l’envie était présente. En jeter quelques-uns dehors. Juste pour survivre. Qu'il les détestait de plus en plus ceux-là qui se pensaient trop permis. Une longue inspiration. Pourtant, il n’était plus temps de réfléchir mais trouver un abri, au moins temporaire tant la Tempête battait de plus en plus de son plein. Jusqu’à ce lieu. Nullement gardé. Le premier sur son chemin. A plusieurs mètres et rues de sa voiture éventrée.

Arquant le sourcil, il observait le lieu puant. De son œil borgne, il jugeait le lieu. L’Estrade ne payait pas de véritable mine. Et, déjà, il était temps pour lui de réaliser pourquoi aucun Ruskoff ne gardait les lieux. Ils auraient même été heureux de s’en débarrasser au vu de ce à quoi il ressemblait. Que dalle. Aucune description n’aurait permis de décrire son dégoût. Des gens venaient-ils vraiment en ces lieux pour voir quelques femmes danser ? L’idée l’insupportait. La bassesse du genre humain. Un frisson lui parcourait l’échine alors qu'il retenait la nausée qui remontait dans sa gorge. Le dos de la main devant son nez et sa bouche. Des détritus à gauche et à droite, comme si des porcs habitaient les lieux. Une odeur qui laissait croire que des corps jonchaient le sol. Et quelques centimètres d’eau, venu directement de l’extérieur.

L’atmosphère apocalyptique était effrayante.

Brièvement, les lumières s’étaient allumées. Puis coupées à nouveau. Une ombre dans le recoin et, se retournant, sa voix rocailleuse s’exprimait dans un mauvais anglais – car il n’aimait guère parler autre chose que le nippon. « Qui est là ? », lâchait-il aussi brièvement que l’apparition. Sortant finalement son device, il vérifiait d'abord la batterie (82%) avant d’allumer la lampe torche pour couvrir un peu les lieux de luminosité.

A ses risques et périls de découvrir pourquoi une telle odeur traînait en ces lieux.

La misère s'accrochait à mes poumons tandis que je me traînais à la suite d'un gars croisé dans un bar de la rue de la soif, direction l'Estrade. Un barathon bienvenu dans ce contexte oppressant. L'annonce d'une catastrophe.  Angoisses muettes, mais agités. Ma boîte mail est pleine à craquer de newsletters spéciales météo auxquelles je me suis inscrite pour tuer l'ennui entre deux lap dance, mais que je ne consulte jamais. Les notifications font vibrer le cellulaire de manière récurrente, presque en suivant un rythme spécifique. Ça me donne l'impression que quelqu'un pense à moi. Pathétique n'est-ce pas ? Depuis la veille, l'alcool coule à flot, éparpille mes idées, et de fait, accentue ma détresse. L'anxiété est ma cage. Le besoin de ne plus rien ressentir se fait de plus en plus pressant. De cet état léthargique, j'en rêve.

Alors, une fois la dose entre mes mains, je m'éclipse dans les WC. Une lanière de cuire entre les doigts, je met en place le garrot. Prise de sueurs froides, j'ai les mains moitent. Mes gestes sont imprécis. Je sors une seringue. M'assois sur la cuvette. Plante l'aiguille dans une veine. Administre la dose. L'adrénaline monte. Je ferme les yeux. Longtemps. Puis les rouvre. De l'eau à mes pieds. Des cris.

De l'eau. J'ignore combien de temps je suis resté assise là, complètement défoncée.

Lorsque je sors finalement et pénètre une nouvelle fois dans la pièce, de l'eau s'infiltre un peu partout et tout le monde semble avoir quitté les lieux. Pour une raison qui m'échappe, d'ailleurs. Je m'empare de mon cellulaire dans l'optique de consulter les news, mais le réseau est soudain devenu exécrable. Tous les signes sont là. Je refuse d'accepter la réalité des choses. Mécaniquement je me dirige vers la porte de sortie mais les bourrasques de vent sont tellement violentes que je ne réussis même pas à l'ouvrir. Ou serait-ce parce que je suis défoncée ? Ou bien parce que je suis bourrée ? Fatiguée ?

L'homme que j'avais suivi tantôt m'attendait dans un coin de la pièce, près d'une autre porte. Il m'attrape par le bras et m'entraîne avec lui dans les sous-sol.

« OOOOOOH MAIS PUTAIN T’ÉTAIS OU ?! T'AS PAS ENTENDU L'ALARME ? Et comme je n'ai aucune réaction, il agite les mains devant moi, sûrement pour imiter une tornade, L'OURAGAN ! »

Mais alors qu'il s'agite devant moi, il dévale les escaliers dans un fracas sinistre et se retrouve à la dernière marche avec la tête retournée à trois cent soixante degrés. Stupéfaite, je le rejoins et me recroqueville dans un coin. L'odeur pestilentielle m'enveloppe dans un cocon surréaliste et je m'enferme dans mon imaginaire. Mon corps est présent mais pas mon esprit. Personne ne pleurera sa mort. Personne ne se souviendra de lui.

Dix minutes plus tard, ou peut-être dix heures plus tard, je ne saurais dire, une voix masculine me sort de ma torpeur. Au moment où je relève la tête, une lumière crue se braque en plein sur mon visage, me forçant à protéger mes yeux injectés de sang avec ma main.

« Dégage ta lumière de merde de mon visage mec, je peste. Puis je le lorgne de bas en haut, autant que me le permet la lumière qui m'aveugle et j'enchaîne mais qu'est-ce tu fous là ?»

Et comme si mon cerveau venait d'enregistrer l'événement précédent, je jette un coup d’œil à Brise-Nuque derrière moi et explose de rire en me tenant les cotes. Un rire nerveux qui fait un mal de chien. Le corps sans vie se met à onduler et mon rire s'écrase contre les murs miteux. En même temps que les larmes s'écrasent sur mes joues. Je pleure ? Situation absurde.

Ces derniers temps, Belladone a encore peine à croire que l'Organizatsiya l'autorise à travailler en extérieur. Avec la puce, les contrôles permanents et les questions intrusives, elle n'a pas de mal à imaginer que la prochaine étape sera la séquestration en bonne et due forme, cloîtrée dans sa suite au Dvorets.

C'est bien le soir, pour se balader au bras d'un énième loubard friqué. Surtout dans les rues de Moskva. Quand l'alarme a retenti, la prostituée n'a pas su interpréter le signal. Et pour cause, elle n'a jamais rien entendu de tel, surtout ici. Ca pourrait être une sorte d'annonce sur le Track, ils font toujours des trucs étranges par là-bas. Ca semblait venir des docks, après tout. Le client n'avait pas l'air plus inquiet que ça, trop obnubilé par l'idée d'assister à une vente aux enchères dans l'un des troquets les plus sinistres du quartier, la plus chères et parfaite des escorts à son bras.

Vêtue d'une énième robe inconfortable et bien trop courte pour son bien, la russe s'est assise dans un coin, parfait petit trophée, pour regarder partir tout le monde petit à petit, sans se poser de question. Ce ne serait pas la première fois qu'un client s'amuse à réquisitionner un lieu normalement public pour faire son petit numéro. Seulement voilà, lui aussi, après quelques minutes, finit par jeter quelques coups d'oeil tendus vers la sortie. Belladone n'est pas habituée à être autre chose que le centre de l'attention de la pièce. Le coup est d'autant plus violent que les derniers reliquats ivres morts d'êtres humains se précipitant vers les issues ne prennent même pas la peine de lui répondre lorsqu'elle tente de les questionner sur la raison de leur empressement.

C'est à peine s'ils lui jettent un regard. Elle se décide alors à monter pour constater la situation apocalyptique à l'extérieur. "Merde, c'était ça l'alarme ?" Murmure-t-elle avant de se précipiter sur son device pour appeler le Dvorets. Rien ne marche. Ni les appels, ni l'application. Les protocoles ont bon dos si elle se retrouve livrée à elle-même. Terrifiée, elle redescend ma reflexe au sous-sol, espérant trouver un peu de tranquillité pour réfléchir. Trouver une solution, n'importe laquelle.

En dévalant l'escalier, un des talons de ses escarpins se décroche et la voilà qui se retrouve à sur ses fesses, au milieu du bordel ambiant. Quel plaisir. Tendue, paniquée et les chevilles et genoux endoloris, Belladone s'éloigne à quatre pattes pour se terrer dans un coin de la pièce, les yeux rivés vers le sol. Elle ne sait même pas combien de temps passe, dans cet état second, elle n'entend plus rien. Panique totale, perte de contrôle, elle ne fait qu'appuyer encore et encore sur le bouton d'aide de l'application du Dvorets. Rien. C'est une lumière parcourant la pièce à présent sombre qui la force à relever les yeux et prendre conscience de ce qui l'entoure. Des voix ? Parfait. Quelqu'un saura la sortir de ce merdier.

A peine en équilibre sur ses jambes, Belladone tente d'approcher de la lumière, mais tombe à nouveau à genoux sur le carrelage douteux - ou est-ce autre chose ? Difficile à juger vu son état - du sous-sol. Une nouvelle fois, elle se relève, retirant ses inconfortables et instables escarpins pour enfin approcher des deux inconnus à priori bien vivants qui attirent son attention. A peine arrivée près de celui qui détient la lumière, elle s'accroche au premier de ses vêtements qui lui passe sous la main - encore une fois, dans l'obscurité, difficile de juger de ce que c'est. "Eh, ça en est où dehors ?" Ses yeux peinent à s'habituer au contraste lumineux, comme s'ils voulaient lui épargner la vision du véritable état de la pièce. "Pourquoi elle ça se marre ? Ou ça chouine ?"

Dans un geste machinal, d’instinct de survie, il avait repoussé la jeune femme qui s’accrochait déjà à lui. Il ne la connaissait pas. Elle ne le connaissait pas. S’époussetant brièvement, l’envie de soupirer s’intensifiait. Était-il donc là en présence des deux reliquats du bâtiment ? Ne pas jurer, comme il se l’était promis. Mais l’envie le prenait à nouveau. D’un côté, un détritus même de cette société perdue, endommagée par les drogues et un mélange malsain avec l’alcool. De l’autre, tout ce qu’il détestait. La prostitution. Les femmes aux bras d’hommes riches. Profiteuses. Représentation même de ce que les Russes pratiquaient. Sûrement ce qu’était aussi sa mère. C’était encore à cause d’elle, à sa recherche, qu’il se retrouvait dans ce qu’il considérait dorénavant comme un merdier.

Prenant enfin le temps de répondre à celle qui s’était accrochée à lui, il continuait de parcourir de sa lampe-torche les lieux, analysant le sous-sol dans le même temps. Tournant sur lui-même, à la recherche d’autres survivants, son œil ne s’attardait pas sur les corps inertes. Morts. Ils ne serviraient à rien. « C’est la merde dehors. Mais je t’en prie, fais-toi plaisir et essaie ta chance ! » … Cela lui ferait plus d’air pour lui, parlait-il de son mauvais anglais à l’accent prononcé. L’idée même d’avoir les pieds dans l’eau ne le rassurait pas, même s’il ne le montrait pas encore. D’abord réfléchir. Les émotions viendraient plus tard. De toute façon, les deux survivantes étaient déjà des poids. Inutile de s’imposer davantage. « Il y en a d’autres comme vous ? », mentionnait-il uniquement de son menton, pointant dans une direction au hasard.

Des addict. Des prostituées. Des détritus et autres résidus du genre humain. Dorénavant, même en levant les pieds, ces derniers étaient submergés. Son esprit continuait d’analyser la situation dramatique. Pour le même prix, les canalisations d’eau étaient au-dessus de leur tête et avec les pluies battantes, le tout ne tiendrait pas des heures. Encore un bâtiment créé à la va-vite. Il détestait définitivement le modèle russe. Il ne comptait pas mourir en ces lieux. Surtout pas en présence d’une prostituée et d’une droguée. Quelle image laisserait-il à son frère et sa sœur ? Une longue et lente inspiration. Reprendre le contrôle de ses nerfs mis à rude épreuve.

« On ne peut pas rester des heures en ces lieux. Trop dangereux. », lâchait-il à l’approche de la prostituée, ne tenant guère compte de la droguée vers qui il se tournait néanmoins. Cause perdue. « Tu sais au moins marcher et tenir droit ? », sous la tempête voulait-il dire, en cas de sortie nécessaire sous les vents et la pluie acharnée.

Invisible. Je suis complètement invisible face à ces deux individus. En entendant l'accent russe de la jeune femme, je sais que je ne l'apprécierai pas. Dehors, dehors... quelle question. J'essuie les larmes qui continuent de couler pendant qu'ils font connaissance. Et sa putain de lumière toujours allumer. Lorsqu'il demande s'il y en a d'autres comme nous, je pointe du doigt le mec qui s'est brisé la nuque en dévalant les escaliers tantôt.

« Ça risque pas de devenir un problème... » je fais le bras tendant en arrière, désignant le corps sans vie jonchant le sol dans un coin que la lampe torche n'éclaire pas.

Puis je me relève, jusqu'ici restée accroupie, les genoux relevés contre la poitrine. Lui aussi à un fort accent, que je ne reconnais pas vraiment. Un chintoque et une ruskove...  je renifle d'un air dédaigneux en leur lançant un regard de biais. Les catastrophes naturelles sont sensés faire ce qu'on appelle la sélection naturelle n'est-ce pas ? Ils devraient crevés d'un instant à l'autre selon les stats. Quoique ma mère me disait souvent que les noirs étaient toujours ceux qui mourraient en premier dans les films. Le fait est que nous n'étions pas dans un film. Scoop du jour.

« Ouais mec, même que j'savais p'têtre marcher avant toi. C'quoi c'te question chelou. C'est safe ici. »

Et a défaut je pourrais toujours me servir de leur corps pour faire un barrage. Un peu comme les castors, ouais.

Repoussée sans douceur ni politesse, Belladone pousse un bruyant soupir agacé à destination du grand brun. De toute évidence, il n'est pas sensible à ses charmes. Mais c'est proprement impossible. Sans doute est-ce les circonstances, rien de plus. Elle ne ressemble pas à grand chose, dans cette tenue, les cheveux mouillés, le maquillage dégoulinant sur ses joues, les jambes tachées par les détritus et l'eau brunâtre qu'elle voit déjà couler doucement dans le sous sol. Si elle n'est pour l'instant pas un problème, il y a fort à parier que ça ne durera pas.

Ravalant sa fierté d'un air boudeur, elle se met à parcourir la pièce du regard, quand bien même elle sait qu'elle n'y verra rien. "Je suis unique, mon chou. T'en trouveras pas deux comme moi." Tente-t-elle de plaisanter pour se rassurer. Tout ça n'augure rien de bon. Elle est mal à l'aise, sa robe inconfortable lui démange la poitrine et les aisselles, ses pieds à peine protégés par ses bas troués foulent un sol écoeurant et elle a froid. Si elle veut pouvoir réfléchir ou se débrouiller, le confort est important. "Je vais regarder." Lance-t-elle en laissant l'homme s'occuper de l'inconnue accroupie.

D'un pas prudent, elle fait le tour de la pièce, trouve un ou deux corps endormis - c'est tout du moins ce qu'elle espère. Du bout du pied, elle les secoue pour voir s'ils se réveillent, mais rien. Alors, n'écoutant que ses vieux instincts qu'elle croyait abandonnés dans un placard de sa suite au Dvorets, Belladone débraille un homme et une femme, récupère un sweater un peu grand, une ceinture et un jean sur le premier, et une paire de baskets sur la deuxième. Sans attendre ni se poser de question, elle se déshabille et se change, fourre le contenu de son petit sac dans ses nouvelles poches, et rejoint ses deux compagnons d'infortune.

" Personne d'autre en vie, à première vue." Lance-t-elle d'une voix forte en revenant. Les bras croisés, elle reprend à l'adresse de la femme. "S'il continue de pleuvoir comme ça, le sous-sol va finir inondé, je suppose. Ce serait pas la première fois que ça arrive. Vaut mieux partir." Partir, mais pour aller où ? Le Dvorets, peut-être ? Il n'est pas tout proche, et connaissant les propriétaires, il y a fort à parier qu'ils ont fermé le bâtiment. "Tu as un endroit en tête, mon chou ?" Reprend-elle à l'attention du type. "T'as pas l'air d'ici."

Il s’arrêtait. Brièvement. Entièrement droit alors que la droguée osait l’ouvrir et lui parler comme s’il n’était qu’un chien. Savait-elle seulement à qui elle parlait ? Qu’il avait envie de lui faire boire cette eau putride dans laquelle baignait déjà son camarade. « En sécurité ? Il ne t’est pas encore venu à l’esprit que cela ressemblait de plus en plus à une piscine publique ? Ou que c’était le seul lieu non gardé par des chiens russes ? Ou encore que l’escalier … », qui était d’ailleurs la seule entrée autant que sortie de ces lieux jusqu’à preuve du contraire, « ressemblait à une cascade ? » Court silence. « T’es débile, ma parole. » Il aurait pu ajouter un connasse ou un va crever, bien gratuitement. Il ne fit aucun autre commentaire, bien que l’envie lui prît de lui clôturer définitivement le bec.

L’autre n’était pas bien meilleure. Au moins avait-elle un peu de cervelle car sa tenue, inconfortable, dévoilait déjà beaucoup trop pour l’œil borgne du Japonais. Il détestait les femmes dénudées, qui jouaient d’érotisme et sensualité pour obtenir les avantages qu’elles ne pouvaient pas s’offrir. Une prostituée n’était qu’un déchet humain qui n’avait que son corps pour toute valeur marchande. « Je ne t’appartiens pas, prostituée. Garde tes belles paroles pour ceux qui les paient. Tu peux m’appeler Eiichiro, ce sera déjà plus approprié. » Passant derrière le bar, il cherchait après tout ce qui pouvait leur servir avant que l’ensemble du bâtiment devienne un sous-marin submergé. Une arme cachée. Un peu de pécule. Tout ce qui pourrait encore servir sous ce climat apocalyptique. Pour se défendre. Se protéger. Mais aussi se battre, quitte à tuer pour obtenir ce dont il aurait besoin. Sa seule survie comptait.

« Est-ce que l’une d’entre vous saurait se rendre utile ? Nous allons devoir sortir et nous battre. Chercher des armes, des bouteilles d’eau. Tout ce qui peut servir. » Et reprenant aussitôt sans laisser le temps à l’une ou l’autre de savoir qui serait le chef de ce groupe improvisé, il reprenait. « Je ne vous demande pas votre avis. Vous suivez ou je vous laisse crever ici. Si vous préférez aller par vous-même, faites-vous plaisir ! Je me fiche que votre corps serve aux rats, que vous terminiez en morceau de viande pour quelques détraqués qui en profiteront sûrement fort bien ou qu’un poteau vous tombe dessus. » Et pointant sa lampe torche vers la droguée. « On s’est bien fait comprendre, femme ? Si tu veux la jouer chacun pour soi, grand bien te fasse. »

Une piscine. Tierwyfie s'était plongée dans des souvenirs d'enfance peu glorieux où sa mère, dans ses crises existentielles, avait habitude de plonger la pauvre enfant dans une baignoire glacée afin de la laver de tout ses péchés. Prétendument... Elle se tourna en direction des escaliers, d'où s'écoulait effectivement une quantité d'eau importante. Elle haussa simplement les épaules, envelopper dans le brouillard des drogues, elle n'avait et ne voulait pas prendre conscience de la réalité et de la dangerosité de la situation.

« On aura toujours de quoi manger si jamais on arrive pas à sortir d'ici. Petit barbeuc' au bord de la piscine. Ca m'a l'air plutôt pas mal. Pas vous ?» lança-t-elle cynique en étouffant un rire forcé.

Ironiser la situation ou paniquer. Elle préférait se cacher derrière ce masque plutôt que de montrer ses faiblesses. Pour une raison obscur, elle partait du principe qu'une meuf chiante était beaucoup moins pénible à gérer qu'un boulet hypersensible qui paniquait complètement. Alors lorsqu'elle comprit que monsieur Piscine se présentait comme leader dans leur entreprise de sortir de ce calvaire, même drogué, son esprit adhéra immédiatement à l'idée. Il y avait dans son attitude quelque chose qui donnait envie de suivre ses instructions, non pas jusqu'au point de lui accorder une confiance aveugle, mais chaque cellules de son corps avait reconnu cet individu comme leurs meilleures chances de survie dans l'instant présent.

« La femme à un nom, Eiichiro, vous pouvez m'appeler Tielyer, Tie pour les intimes. » dit-elle en insistant sur les noms, à l'intention des deux autres.

En un instant, cet homme avait éveillé en elle son esprit de combativité. Elle qui projetait de se laisser aller dans un coin sombre de cette pièce, on venait de lui entrouvrir une porte de sortie. Nul besoin de réfléchir, elle n'avait qu'à suivre les instructions de cet homme, et elle avait même un bouclier humain à sa disposition au cas où les choses tournait mal. C'était parfait.

« J'en suis, commença-t-elle en se dirigeant vers la seule porte de sortie, remontant les escaliers Ok le ninja, c'est quoi le plan ? On commence à fouiller le bar pour l'eau ? Je doute qu'il y ai quoique ce soit d'utilisable ici. A part si Blondie à une illumination, je vois pas d'autres possibilités... »

Bien qu'elle l'est pensé très fort, elle ne fit aucun commentaire sur les différents scénarios que Eiichiro avait énoncé à leur propos. Chercher des armes semblait être la chose primordiale à faire. Mais c'était comme si le fait de s'être retrouvé au bout milieu d'un braquage armé avait ériger une barrière mentale. Elle ne voulait pas entendre parler d'arme.

"Dis donc, Eiichiro, t'es si séduisant que j'en mouille déjà, tu devrais freiner sur les mots doux."

L'urgence de la situation ne l'empêchent pas vraiment d'appuyer sur l'agacement du type. En pleine panique, l'humour a quelque chose de rassurant. Pourtant, et alors que tout le monde semble trouver préférable de se présenter, Belladone ignore sciemment ce détail. Comme si son nom pouvait encore être souillé par la situation. "J'peux me rendre utile en vous faisant rentrer au Dvorets le temps de l'ouragan, si vous voulez, que vous tenez debout, et que c'est pas trop une bassesse pour vous." Son regard passe de l'un à l'autre, avec impatience.

" On va pas rester dans ce trou, de toute façon, ce sera bientôt pire que dehors. Et je suis sûre que le grand prince saura nous protéger, le temps qu'on arrive jusque là bas. Il vaut mieux tenter, de toute façon." Son ton se fait dur, on y trouverait presque de la détermination si sous le mauvais caractère, on ne discernait pas une terreur manifeste.

L'eau continue de couler, d'envahir le sol souillé de la cave aménagée de l'Estrade. On a pas idée de venir bosser ici par ce temps. "Le Dvorets est notre meilleure chance." Insiste-t-elle en prenant la direction du rez-de-chaussée. "C'est pas tout près, par contre, si on veut avoir une chance, il faut se bouger. Et oui, il y aura des "chiens russes". Précise-t-elle en simulant les guillemets de ses doigts. "Mais promis, ils vont pas te mordre."

Elle dépend d'eux. Belladone, à nouveau, dépend de deux inconnus peu avenants pour sa survie. Un motif récurrent qui commence à l'agacer. Pas le choix. Elle continue de monter l'escalier glissant. A ce stade, et si la terreur la paralyse presque, elle serait presque prête à tenter, seule, à braver la tempête. "S'il vous plaît."