Mauvais bail -Sam

Il était vif le milicien. Et l’exercice était un bon moyen de tester un peu plus ses compétences. Bien qu’il m’avait déjà neutralisé aussi dans la pratique. Cela me valait même ma condition actuelle. J’avais reconnue une manoeuvre avec laquelle Nik’ m’avait donné une leçon quand il parlait de l’importance de tenir correctement son arme en toute circonstance. J’avais couiné aussi à l’époque, ça faisait sacrément mal...

“ Comme si j’allais me priver du plaisir de l’étrangler. “

Evidemment que j’allais bien la tenir. Et pour tout dire, je ne le pensais pas si sadique, même si pour le coup, la punition était légère en elle-même, venant de Sam et l’image que je m’en étais faite de cul d’ange,  cela m’arrachait un frisson discret dû au malaise. Au moins, il avait de l’imagination. Et perplexe, je le regardais sortir de la voiture avant de la relâcher.

“ Donne moi ton sac. “

Juste par principe. Même s’il n’était pas à mon goût, je le garderais en souvenir après avoir vidé son contenu sur le siège arrière. Bah oui, le milicien allait faire un drame si je voulais un truc sous son nez, même si cela aurait été mérité.

" Quoi ?... Moi aussi j'ai mérité ma petite vengeance, en plus, vu la marque, elle a du le braquer aussi alors..."

Quoi qu’il en soit, la surveillant du coin de l’oeil, je n’étais pas surprise de la voir décamper loin de là à peine quelques mètres nous séparaient…

“ Moi à sa place, je nous aurais écrasé je pense… “

Petit rire léger, car je plaisantais bien évidemment, puis sur cette note, au rythme de Sam, je jouais les guides dans mon quartier pour rejoindre le sous-sol d’un immeuble où se plaquait mon précieux garage. La zone ne payait pas de mine et c’était justement pour cela qu’elle était parfaite. Puis comme ma tête était connue et j'avais toujours été généreuse, aucune chance qu’il se fasse visiter… ou moi emmerder.

“ Après vous mon seigneur. “ Lui glissais-je après lui avoir montré la planque de mes clés derrière une fausse brique du mur. “ Tu vas me balancer à la milice pour qu’ils viennent confisquer tout ça ? “ Le retour du petit rire. “ Humm, t’es plus bad boy que je l’avais imaginé. Brûler une pauvre fille comme ça… C’est du joli Mister Rockwell. “ Je lui ouvais la portière conducteur, les clés étaient sur le compteur déjà.  “ J’imagine que tu es pressé de m’essayer. “ Et moi de la virer de ma caverne de pièces détachées volées en grande majorité…

Direction la place passager, une fois n’était pas coutume étrangement, ma mustang avait été plus souvent conduite par un autre que moi.

Radio:

Message reçu et d’un ton léger, je lui répondais donc:

“ J’ai une facture pour chaque pièce si jamais.”

Bonne chance pour fouiller les milliers de feuille et retracer tout ça, mais si ça les amusait et que ça les occupait loin de mes affaires, j’étais prête au sacrifice vu que je n’avais actuellement aucun moyen d’envoyer quelqu’un trier tout ça.

“ Ne sois donc pas si rabas-joie, c’est ici que je te propose de venir monter ta bécane. Tu n’auras pas de problème en revenant seul maintenant qu’on nous a vu ensemble. “

Et sur cette note, je le laissais inspecter mon bébé. Il semblait davantage s’intéresser à mon équipement armé que le bijou qu’il allait conduire en premier lieu, ce qui me laissait plus amusée qu’autre chose.

“ Un fusil à canon scié au coffre, sous le tapis.  Si tu lèves la housse de mon siège passager, un autre fusil  dans la mousse. “ Je lui pointais la boite à fusible. “ Un furtif ici.” C’est petit flingue à courte portée et une seule balle… “ Oui, une vraie armurerie, après notre QG était une armurerie hein..." T’as encore deux flingues sous la banquette arrière. Eh ouais, je me suis pas fait que des amis. “ L’inventaire réglé, je pouvais rire de son retour sur ma taquinerie (involontaire, c’était “l’essayer”, putain de correcteur xD). “ Je vois, tu ne veux pas paraître pour un homme facile. On en reparlera au 20ème rendez-vous alors.“

La musique qui se jouait alors à la radio ne pouvait pas mieux tomber. Une fois sortie du garage, je lui suggérais de se stopper afin de refermer le garage et remettre les clés à la place en le guettant du coin de l’oeil pour voir s’il allait traquer toutes mes armes pour les mettre sous son siège. Ce qui allait être compliqué, voire impossible, pendant ce temps, en douce, j’avais discrètement rempli mon nouveau sac de mon 9mm préféré, un glock 17.  À voir s’il allait griller ça ou non.  Puis les détails réglés, je pouvais revenir à bord du bébé largement modifié !

“ Comme tu vois, le tableau de bord à une apparence “ vintage”, mais j’ai rajouté beaucoup d’éléments électroniques au moteur et à l’habitacle. Certains parleront d'hérésie, je dirais plutôt innovation. Tu verras la différence sur les accélérations et la tenue de route surtout.  Désolée si tu espérais une vieille école, c’est pas tout à fait ça. “ Petit rire avant de reprendre. “ Le chassie est renforcé, donc elle est plus lourde que la normal, prudence aux virages. Les vitres sont pare-balles, c’est pour ça que  j’ai supprimé celles qui étaient inutiles. C’est le bijou parfait pour Decay, de l’extérieur elle n'est pas vraiment tape à l’oeil,  je n’entretiens ni la peinture, ni la carrosserie pour lui donner un côté vieillot. “ Même si j’adorerais faire revivre ce bleu foncé qui la recouvrait à son achat. “ J’ai passé presque un an dessus. “ Oui au moins, sans compter tout le temps d’entretien ou de petit rajout parfois inutiles. “ Dernier détail, tu vois l’extérieur, mais personne ne voit l’intérieur à moins de se coller à la vitre. Ça sera pratique pour nos galipettes Ché-ri. “Sourire de connasse qui va bien avant de simuler un air sérieux. “ Te la fait pas taxer par la milice quand t’ira bosser avec. “ Une façon détournée de lui dire de s’en servir pour s’y rendre… je lui devais au moins ça vu que je l’avais mis dans son état actuel. Puis restait le dernier point à régler. “ Et maintenant on va où ? “

“ J’aimerais, mais mes sbires ne sont pas dignes des acolytes de James Bond. Quelle déception n’est-ce pas ? “

Nik’ avait mis la main sur un lance grenade une fois, et quelque part, la voiture avait tiré des missiles via sa fenêtre du toit spécialement aménagée pour l’occasion. La petite anecdote me faisait sourire, mais je n’étais pas sûre qu’il serait judicieux de la partager avec Sam. Il allait tôt ou tard de toute façon faire le lien avec l’armurerie des Devil’s Guns et comprendre mieux cet excès d’armement… En y repensant, j’étais dans l’abus ouais. Mais c’était ça qui était bon.

“ Des jaloux. “

La remarque pourtant anodine, me fit penser à ma condition actuelle, comment un coup aussi banal, qu’on avait exécuté des milliers de fois avait valoir la mort de mes partenaires et ma condition actuelle. La source n’avait pas été fiable ? Erreur ou déraillage volontaire ? Ce n’était pas les jaloux de ma place pourtant fictive, qui manquaient. Mais l’heure n’était ni de faire le ménage, ni d’y penser, alors je venais vers des pensées plus légères.

“ On peut faire les deux. D’abord, la tester. Ensuite, acheter la paix. “ Un petit sourire mutin c’était affiché sur ma face. “ Et si tu présentais des résultats avec ton nouveau rôle ? Disons que tu m’as suivi et que t’es tombé sur un de mes entrepôts aujourd’hui. Le temps que les pitbulls rongent leurs os, on aura un peu d’air. “

C’était un sacrifice acceptable, je n’allais pas non plus lui livrer le meilleur stock. Puis difficile de faire le lien de ce surstock avec Nik’. De la même façon, peut-être que cela passerait un message à mon gang quant à ma nouvelle condition de vie. M’approcher n’était plus très avisé pour eux pour le moment et je n’avais pas encore trouvé un moyen de communiquer avec eux sans  risque. Puis je ne voulais pas tellement qu’ils me collent une balle dans la tête non plus, donc…

“ Quand t’auras fini de jouer, on peut atterrir dans les vieux entrepôts au nord-est. Pour récupérer les os de médor. “

À bon entendeur. C’était à double tranchant mine de rien. Si j’étais affichée comme une traître, ma tête allait sauter, mais si je ne servais à rien à la milice, ma tête allait sauter aussi. Il n’y avait pas de chemin safe dans cette histoire on dirait bien...

Heureusement que j’étais habituée à me retrouver du côté passager. Le bonhomme avait une conduite aussi singulière qu’il l’avait dit. Si les premières secondes étaient déroutantes, ce n’était au final pas si différent de toutes les courses poursuites qu’on avait essuyé avec la bande. Mais finalement, lorsqu’il s’arrêtait et alors que je pensais que l’on parlerait mécanique… il revenait sur le plan.

“ Soyons réaliste. La Milice n’est pas si conne que ça non ? Il est obligé que je tente des entorses, au début du moins… et que je sois punie pour ça. Tant qu’ils n’auront eu de quoi penser qu’ils m’ont “dressée”, on les aura toujours sur le dos. “

Fouillant dans le rangement du milieu, j’avais récupéré mes clopes pour en réquisitionner une et tendre le paquet à Sam.

“ Tu crois que je n’ai pas déjà pris partie ? Sam, je t’aime bien, sincèrement, mais je suis la cheffe de ce gang depuis des années. “ Une pause pour allumer ma poison fumant et en tirer une bonne inspiration. “ C’est trop tard pour être du côté des “gentils”. “ Là dessus, j’avais tiré sur la poigné pour m’extraire du véhicule. “ Il n’y a pas d'omelettes sans casser des oeufs. Je vais à mon entrepôt, libre à toi de faire ce que tu veux de cette information là. “

Mais avant de refermer la porte, j’avais un dernier détail à ajouter, car sur ce point-là, je n’étais pas dupe.

“ Passive ou active… Ils vont tous me tiré dessus à vue tôt ou tard. C’est un avenir  inexorable… Pour le moment du moins. “

Clin d’oeil et je laissais la portière se refermer sans donner l’occasion à mon surveillant de me renvoyer la réplique. Ce n’était pas comme si je n’étais pas consciente de mes chances ou ma situation. Et combien même c’était altruiste ou intéressé qui sait… de me prévenir, cela ne changerait rien sur les choix que j’avais déjà fait. Ainsi, il ne fallait pas longtemps pour me retrouver devant ma planque, l’ouvrir et patienter un instant dedans. Ma cigarette ne tardait pas à se finir et je constatais aussi amusée que surprise, que la came était encore là. Au vue de la poussière, cela faisait un moment que personne avait mis les pieds là-dedans. Une petite touche de ménage s'imposait-elle ?

Mais quel genre de ménage ?

Il avait été rapide à faire son choix. Je n’avais pas eu le temps de mettre de l’ordre là-dedans.

“ Des munitions, principalement. Quelques armes de contrebande. “ C’était presque mon stockage personnel à un moment… “ Et beaucoup d’objets volés. “ Une caisse en particulier attirait mon attention. “ Je crois que c’est dans celle-là que je planquais mon vieux Bordeaux. “

Et sous cette annonce, je m’empressais de vérifier. En soi, ce n’était pas la meilleure bouteille que j’avais vu, mais ça me rappelait un peu la maison. Peut-être pour ça que je m’étais encombrée d’un truc aussi inutile pendant un cambriolage.

“ Il n’est pas très bon, je te le déconseille… Si tes copains ont dévalisés ma maison, peut-être auront-ils pillés ma cave de grands crus. “ Encore pour ça… fallait-il qu’ils découvrent le double murage de la cuisine… La cave planquée, eh eh !

Quant à sa seconde réplique, j’avais volontairement mis du temps à lui répondre. Pessimiste ? C’était bien la première fois que l’on me disait ça. D’ordinaire, on me disait plutôt de calmer mon enthousiasme. Peut-être que la vie en cage-qui n’en est pas une; à nouveau, qui me minait. Tout ça avait des airs de déjà vu.

“ Je te dirais que je suis réaliste plutôt.. Et lasse de survivre. “ Haussement d’épaules. “ Tu sais, au tout début, je n’ai jamais voulu jouer avec ma vie. C’est venu par la force des choses. Ado, je voulais ouvrir un garage et remonter de vieux tacots. “ Soupire. “ Mais ce n’était pas assez bien pour Monsieur de la Croix. “ Et mon idée de partir pour suivre mes idées, ne m’avait pas réussi non plus. Mon amoureux/financeur, avait fait de moi une pute, littéralement, et je n’avais pas reçu un rond avant de me servir dans ses caisses pour mes loyaux, bien que forcées;  services.  “ Au final, je me suis faite roulée depuis que je suis née on dirait. “

Pas la bonne famille, pas le bon gars, pas les bons choix, ni même la bonne ville. Plus poissarde, tu peurs. Et ça me faisait rire.

“ Toi par contre, t’es pas très enviable non plus tu sais. Je te trouve trop calme et trop optimiste pour la suite. “

La dernière partie de la phrase n’était qu’une boutade en revanche.

“ C’est bon, ça suffira tu penses ? “ De toute façon il faudrait, doucement, mais surement que je gagne du temps et que j’équilibre le fil sur lequel je marchais en équilibriste avec cette histoire. “ Si oui, ça m’arrangerait de ne pas m’attarder par ici. “