Mauvais bail -Sam

Bon, avoir une voiture allait grandement améliorer mon humeur, faute d’être vraiment utile, pour moi du moins, pour le moment. Ceci dit, je n’étais pas contre l’idée d’avoir mon bébé sous la main pour la bricoler.

“ Ah ah. Vendu, allons y dans ce cas ! Ce que j’aime surtout chez elle, c’est les heures de mécanique qu’elle me donne, pas vraiment conduire, mais faut bien qu’elle roule pour rester en forme. “

Devant sa remarque suivante, je m’étais contenté de grimacer. Comment ça des talents cachés ? Oui c’était toujours surprenant en y repensant que j'aime me mettre les mains dans le cambouis.

“ Je ne cache pas vraiment mes talents Sam tu sais, juste je n’ai pas toutes les occasions nécessaires pour tous les montrer. Mais je suis sûre que tu finiras par tous les lister ! “ Et vice versa ? “ Ce n’est pas ton truc les voitures du coup, ou ? Je suis sûre que t'arriverais à la conduire même dans cet état. Elle est super docile, même si très nerveuse.“ Petit rire. " Le tout c'est de la prendre en mains. "

Peut-être l’occasion d’avoir un partenaire de bricolage même qui sait. Et à son insinuation avec les béquilles je déviais théâtralement sur le côté en levant les mains comme une criminelle.

“ Oula genre ça avant de faire une bêtise. On n’a pas besoin d’en arriver là. Les bras de fer ne nous réussissent pas de toute façon. “

Suffisait de voir les traces de la dernière fois qu’on avait joué au plus con. Enfin, surtout moi. Puis le ton était redevenu aussi léger que l’humour peut-être bien, avec cette alchimie étrange qui faisait vaciller la balance trop vite pour en comprendre le réel fonctionnement.

“ J’aime bien mater la télé aussi, sous une couette, avec un truc à grignoter. “ Le moment parfait pour revenir à ses côtés tout en marchant à son rythme. “ Si t’es jamais là, on va mettre vingt ans à finir les séries. “ Je levais les yeux au ciel. Oui on, il croyait pas me laisser seule dans mon coin quand même ? Hors de question. “ Moi ? “

La question était à la fois simple et complexe. Du temps libre, je n’en avais jamais eu beaucoup à vrai dire. Deux métiers, un fils, un gang à gérer et Lola et Vera à surveiller même pendant nos sorties entres filles. Mais elles n’étaient plus de ce monde maintenant pour m’occuper et aussi surprenant que cela soit, c’était les seules personnes de mon cercle social en dehors de mon fils…

“ Je passais du temps avec mes amies. ‘fin, je les endurais plus qu’autre chose, mais j’aimais l’animation qu’elles m’offraient. “ Nostalgie ? Ce n’était pas le moment. “ Sinon principalement la même chose que toi, priorité au karaté trois fois par semaine obligatoire, footing régulier, et quand il me reste du temps au je n’ai pas juste envie de m’enterrer sous ma couverture, je fais les boutiques ou de la mécanique à choisir par ordre de préférence. “ Je tournais ma tête vers lui amusée de ma connerie à venir. “ Des fois je m’envoie en l’air aussi. “ Haussement d’épaules, puis rire amusé. Vraiment “des fois” ouais en y repensant.

J’aurais dû être contente du coup d’avoir autant de temps libre maintenant non ? Mais ce n’était pas le cas.

Plus moto… ça ne m’étonnait pas vraiment, aussi fascinant que pouvait être ces engins à monter et bricoler, ils avaient aussi un gros bémol. Le vent décoiffe autant qu’un casque. Puis adieu mes petites robes.

“ J’en ai monté et démonté quelques une dans ma vie… pour le plaisir. Mais jamais conduite. “

Une petite idée lumineuse avait germé dans mon esprit, mais il avait jugé utile de me couper l’herbe sous le pied en parlant de sa conduite. Et son rire était contagieux, qu’est-ce qu’il essayait de me dire au juste ?

“ Ah ouais ? Tu peux être pire qu’une fille qui se maquillage en roulant ou arrange ses cheveux au lieu de regarder la route ? “  Beau foutage de gueule vu que je ne me maquillais pas. Après pour les cheveux… ça m’arrivait des fois. Bon ok tout le temps.  “ Bah écoute, tu me montreras ça sur le chemin du retour. Mais pour ça, va falloir que tu me dises ton astuce pour te rendre à Chicago sans voiture. “

Je n’avais jamais été “piétonne” je crois bien. Même pendant ma fuite, j’avais piqué la caisse de mon ex… parlant d'échappatoire. La tête que j’avais faite quand il m’avait renseigné sur le rythme de visionnage vous bien dire : Donnez-moi une corde pour me pendre s’il vous plaît.

“ Rolala, faut lâcher un peu, tu n’es pas le seul milicien de Decay… Pourquoi on éteindrait juste pas ton tél, on dira qu’il est cassé. “ Lui avais-je suggéré dans un murmure ma main devant la bouche pour augmenter le caractère secret qui me faisait bien rire. “ Si tu te sauves du temps libre et que ça te botte un peu la mécanique, on pourrait te monter une bécane en un rien de temps pour un prix défiant toute compétition. “ Mon regard glissait dans le sien et je précisais plus pour le taquiner qu’autre chose la suite… “ Promis, je n’irais pas voler les pièces qui la composeront. D’ailleurs, mon garage non plus n’a pas pu être saisi et c’est là quand va. ”

Je rigolais dans ma barbe, mais quelque part... Est-ce que c’était vraiment une si bonne idée que ça de lui faire autant confiance. Qu’à cela ne tienne, j’allais m’en tenir à la mise que j’avais placée en lui. Tant pis si j’avais tort, j’avais promis pâte blanche après tout non ? Enfin, autant que faire se peut.

Étrangement, ce n’était qu’avec sa question que je me rendais compte que non effectivement, je n’avais pas déjà fait un tour de deux roues, par manque d’occasion sûrement puis à cause aussi d’un détail de taille dans ma vie.

“ J’ai eu très tôt les bras occupés avec mon fils. Les bécanes et les enfants en bas âge ne font pas bon ménage. “ Puis ensuite ? “ Puis je ne connais personne qui en conduit et c’est évident que ce n’est pas moi qui tiendrais le guidon d’un de ses engins. “

Cela me faisait rire doucement, ah ça non, ce n’était pas pratique pour porter le matériel ou les achats et en général, je ne me déplaçais en véhicule par utilité la majorité du temps ou zonée autour de chez moi le reste. C’était pratique de n’avoir qu’un ascenseur à prendre pour aller bosser…

“ Ça me tarde presque maintenant de voir l’étendue du carnage pour ta conduite. “

Et je notais que l’idée de la moto avait été adoptée. Voilà qui n’allait pas mal nous occuper. Par contre j’étais plus embêtée qu’il n’ait pas de solution pour nous éviter de marcher jusqu’à Chicago. J’aurais pu faire les fils d’une voiture, mais il n’allait pas apprécier.  D’ordinaire, j’appelais un “ami” pour servir de chauffeur, mais ça aussi c’était une mauvaise idée. Rester la dernière solution, qu’il n’était pas certaine d’être plus appréciable, mais au moins, relativement honnête. Clin d’oeil pour lui exprimer que j’avais une petite idée quant à sa demande et après un discret merci pour l’ouverture de la porte, je rejoignais le bord de la route un pouce relevé, le bras tendu. Le “stop” marchait bien en France quand j’étais jeune. J’anticipais ses commentaires d’un haussement d’épaules. Fallait que ça me servent d’avoir de jolies jambes, servir à autre chose qu’attirer des emmerdes je veux dire !

“ Hey ! “

Et voilà, il n’avait pas fallu plus de quelques minutes pour attirer le premier curieux et l’encourager à se garer au bas côté. Dommage que la première chose qu’il me demandait était mes “tarifs”. Comment dire, y avait erreur sur l’effet escompté.  Ma face à cet instant en disait long et la voiture et son énergumène ne s’attardaient pas plus longtemps à mes côtés.

“ Non, mais, je rêve. “

Et j’aurais pu fulminer longtemps comme ça en jetant un regard vers Sam pour vérifier s’il se foutait de moi ou pas, quand mon pouce toujours au travail, faisait s’arrêter une nouvelle voiture, certes moins classe, un véhicule de fonction à première vue, mais la femme à l’intérieur avait l’air sympa. Elle demandait où je voulais aller, j’indiquais Chicago et cela semblait lui aller, même quand je précisais que j’avais un ami avec moi et c’était peut-être davantage les béquilles de Sam que mon petit sourire charmeur qui l’avaient convaincue en fait…  C'était mon tour d’ouvrir la portière pour mon partenaire de mauvaise fortune.

“ Votre limousine est arrivée monsieur ! “

Au moins, mon humour décrochait un sourire à notre chauffeur.

Comme le vélo ? Ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour lui dire que je n’en avais curieusement jamais fait non plus. J’étais une vraie chochotte gamine. Heureusement que comme pour reprendre l’expression de Sam : “ beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts” depuis. Sa remarque sur la spécificité des voitures des parents, à comprendre la milice; ne décrochait un sourire et un petit air de défi.

“ Bonne nouvelle pour toi, ma princesse était faite pour concurrencer la résistance de ses cousines moins pinup chez les parents. “

Renforcée autant qu’on le pouvait sur ce genre de voiture. Et comme j’avais beaucoup d’amis… mes vitres étaient pare-balles. D’où le fait que j’avais supprimé les petites à l’arrière par économie… mais aussi pour renforcer la carrosserie des flancs arrière. Bref, il aurait bien de l’occasion de voir par lui-même comment je dépensais “utilement” l’argent de mes cambriolages.

Parlant d’affaires, il avait bien fait de s’occuper des siennes et de se cacher pour rire devant mon premier échec, qui me laissait un goût moins amer maintenant qu’on était à bord de notre chauffeur de fortune.  De nature bavarde-sans déconner on n’avait pas remarqué; je m’étais sentie obligée de faire la conversation avec notre âme charitable.  Une qui se montrait aussi loquace qu’agréable jusqu’à notre arrivée à Chicago où elle avait pris un petit détour étrange qui n’indiquait rien de bon. Une zone isolée. J’avais échangé un regard avec Sam en me demandant ce qu’il en pensait et c’était sans réelle surprise qu’au bout de cinq minutes, elle stoppait la voiture, mais non pas sans nous braquer une arme dessus. Son charmant sourire disparu, même son intonation donnait l’impression d’avoir affaire à une autre personne.

“ Filez-moi votre argent et vos objets de valeur. “

Je n’étais pas armée, mais je pouvais lui décrocher un pied dans la tronche au pire, mais pas sûr que mon agent de probation apprécierait ! ou si en fait. En attendant, je lui  lançais un regard tout en levant les mains pour les mettre bien en vu comme elle l’avait demandé. Ce genre de braquage était dangereux à Decay, au moins, j’aurais évité de prendre deux cibles personnellement, mais bon…

“ Je n’ai rien sur moi. “

À voir si elle se contenterait de cette réponse qui était la réalité en prime.  Je comprenais mieux pourquoi elle tenait tant qu’on monte tous les deux à l’arrière.

Des sièges durs ? Sur le coup, une petite seconde je m’étais demandé qu’est-ce qu’il foutait, avant de rapidement comprendre qu’il essayait de passer un message. Déjà comme ça il répondait sommairement à mes questions, alors l’entendre déblatérer sur l’état de son confort dans cette voiture ne pouvait pas être anodin. Je comprenais facilement où il voulait en venir et si d’ordinaire le travail d’équipe où je n’avais pas la rêne ne m’avait jamais botté, cette fois je me disais que cela serait une bonne occasion de tester l’alchimie de ce nouveau duo.

“ Effectivement, c’est vraiment une mauvaise caisse. Un vrai cercueil ambulant. “

Guettant la réaction de la femme, je profitais de son impatience vis-à-vis de l’attitude de Sam pour exécuter ses ordres codés en tapant violemment les riens de notre conductrice à travers le siège. Et là-dessus, croyez-moi, je n’étais pas à mon coup d’essai…

Elle hurlait autant sous la surprise que la douleur, ensuite  il n’avait pas été très compliqué de passer un bras à l’avant pour l’attraper à la gorge et  je laissais la suite à monsieur l’agent. Après tout, je n’étais pas censée me bagarrer, il paraît. C’était une amatrice en la matière on aurait, car la maîtriser à deux avait été un jeu d’enfant au final. À voir qu’est-ce que Sam allait faire d’elle maintenant.

“ Et maintenant patron ? Je lui file une bonne correction ou tu veux régler ça plus “légalement” ? “ Un ricanement m’échappait, rien que le mot me faisait rire désormais. “ On est d’accord au moins sur le fait qu’elle mérite une leçon ? “ J’aurais bien proposé de la dépouiller, oeil pour oeil, dent pour dent, mais mon petit doigt me disait qu’il ne serait pas d’accord avec ça. “ La bonne nouvelle, c’est qu’on est qu’à quelques minutes de mon garage maintenant. “

Ce qui voulait dire plus très loin de mon petit bijou, donc malgré les petits inconvénients du trajet, la finalité restait plus ou moins bonne non ?