Love place ✘ Xiao

Karl sourit. A vrai dire, sa phrase marche pour tout. Sauf dans ce cas précis. Après tout, Karl a beau ne pas être avec elle, coucher avec d’autres filles serait comme la tromper dans son coeur. Quand bien même elle ne doit pas se priver de son côté. Mais ce n’est pas une raison pour en faire de même.

“ Chacun voit les choses à sa manière on va dire. “

Puis vient le confort. Si le jeune homme aurait pu rapidement sombrer, ses yeux se fermant déjà, la chinoise vient rapidement le descendre de son nuage. Chose qu’il perçoit instantanément comme une agression, ne comprenant pas ce changement brutal de ton. Aurait-il encore fait quelque chose de mal ? Bien sûr. Encore. Karl a l’impression de revivre la même scène qu’à l’appartement. Pourtant, cette fois-ci, il ne s’écrasera pas.

“ … “

D’abord rale t-elle, puis elle le repousse. Le boxeur n’oppose pas de résistance, relâchant son amie pour plutôt regarder le plafond, bras croisés sous la tête. S’il la regarde, le jeune homme n’est pas sûr de la réaction ni de l’expression qu’il affichera. Mieux vaut oublier. Faire style de rien. Ça va passer, la jeune femme est du genre à vite oublier. Certes, mais lui ? Leurs échanges de l’appartement sont encore très frais dans son esprit et résonnent en même temps que ses mots assassins. Soudain, une multitude de pensées l’assaillent. Tout ce dont il se berce n’est qu’illusion. Quelle naïveté a-t-il d’encore croire à une compatibilité entre eux. Ils ne seront jamais ensemble. Ce n’est pas envisageable, il n’y a aucune complémentarité entre eux. Et le jeune russe, aussi costaud et viril soit-il, ne pourra pas supporter ses rejets incessants très longtemps.

“ … “

Le plafond devient noir, brumeux. Son esprit aussi. Bientôt, Karl ne voit rien d’autre que ses idées noires. Au final, pourquoi s’accroche t-il à cela. Pourquoi s’accroche t-il à cette vague idée qu’il pourrait un jour l’aider à comprendre ses sentiments et peut-être à en développer ? Pourquoi devrait-il se conforter dans les bons moments qu’ils passent ensemble si les disputes viennent systématiquement ensuite. Le jeune homme soupire. A quoi bon. Ses sentiments sont bien la, il les sent lui dévorer la poitrine et l’esprit à l’en asservir. Peut-être devrait-il tout simplement laisser tomber. Oublier, au risque de souffrir un moment, mais ressortir au final libéré de cette relation aussi douloureuse qu’impossible. Après tout, au vu de son comportement, le jeune homme doute que Xiao ressentirait un quelconque manque s’ils venaient à se perdre de vue. Il est évident qu’elle se moque de lui. C’est du moins ce que son esprit embrumé par l’incertitude et la tristesse, muée en colère, lui fait croire.

“ T’as raison. “

Vivement, le boxeur se redresse du lit et pose les pieds à terre. Son poids en fait trembler les étagères. Puis, le gaillard se rhabille, met les premiers vêtements un minimum confortable qu’il trouve et essuie d’un revers de manche les traces du rouge à lèvres laissées par ces baisers échangés sans amour. Il jette ensuite un regard au travers de la pièce. Si elle n’aime pas les russes, malheureusement pour elle, le bâtiment en est rempli.

“ T’es pas une poupée. T’es juste une ingrate. Tu comprendras jamais ce que je ressens. “

D’un geste rageur, le jeune homme se saisit de sa veste et l’enfile sans faire attention à ce qu’il renverse autour. De toute manière, la chambre est déjà payée de sa poche. Sans un regard, son courroux étant trop fort pour lui permettre de seulement tourner la tête, le russe se dirige vers la sortie. De toute manière, elle ne tentera sûrement même pas de l’arrêter.

La voix de Karl traverse à peine la chambre pour l'atteindre jusqu'à la salle de bains. Bien sûr qu'elle a raison, pourquoi se sent-il obligé de le préciser ? Xiao hausse les épaules et continuer d'observer les hauteurs du quartier russe depuis la fenêtre de la salle de bains. Mais au bout de quelques minutes, il parle à nouveau. Ce qu'il dit n'a pas vraiment de sens aussi, la chinoise se retourne et regarde devant elle d'un air dubitatif. "Ingrate ?" Murmure-t-elle en chuchotant. En voilà, un terme qu'elle a entendu souvent dans l'enfance. De mentors, de nourrices, lesquels lui reprochaient généralement de ne pas faire assez d'efforts. De ne pas donner assez de son corps et de son esprit pour la tâche qui lui était assignée. Xiao ne comprend pas. Elle lui a pourtant donné tout ce qu'elle avait d'expertise et d'efforts, alors pourquoi la traite-t-il d'ingrate ?

Avec le temps, le petit oiseau de la Triade a fait la paix avec l'idée de ne pas toujours comprendre les gens qui la fréquentent. "Ok." Répond-elle à la dernière assertion sans la moindre animosité. Ce n'est qu'un constat évident que c'est certainement le cas. Il a raison, elle ne comprendra peut-être jamais, c'est le propre de l'humain, lui a-t-on également appris. La tête appuyée contre le mur, elle continue d'observer les allées et venues de ceux qui ressemblent à de petites souris dans les rues de Moskva, depuis cet étage. Elle entend des bruits dans la chambre dont elle ne se soucie pas et, quelques minutes plus tard, sort de la salle de bains plus détendue, moins crispée. Pas de signe de Karl, ou de ses affaires. "Hm ?" D'un air toujours dubitatif, elle regarde autour d'elle. Quelques trucs par terre, ce n'est pas son affaire. Des traces de leurs ébats un peu partout. Des bouteilles toujours sur le sol et d'autres sur le bar. S'il y a eu de la vie dans cette pièce, ce n'est plus le cas. L'air sérieux, elle reste là quelques secondes, à réfléchir. "Nah."

Aucun intérêt de rester dans la chambre. Tout ce luxe la mettrait mal à l'aise. Le confort est bon à prendre, et elle repartirait bien avec une bouteille ou quelques coussins, faute d'avoir vraiment besoin des jouets qui jonchent le sol de la chambre. Mais ça n'a aucun intérêt pour la collectionneuse qu'elle est. Au bout du compte, elle attrape ses sangles roulées en boule, enfile sa culotte et fourre le tout dans son sac. Son regard tombe sur la carte d'Ekaterina, ce qui lui arrache un sourire. Quelle bonne soirée.

Un dernier coup d'oeil circulaire à la pièce pour voir si elle n'oublie rien. Profitant une dernière fois, elle prend une nouvelle gorgée de vodka, repose la bouteille derrière le bar, et prend la direction de la sortie. Une fois dans le couloir, elle pousse un long soupir, un léger sourire aux lèvres en observant la décoration de l'hôtel, avant d'aller prendre l'ascenseur pour quitter le Dvorets. Les russes n'ont peut-être pas le sens de la mesure, mais ils savent mettre les moyens dans leur palace. La chinoise ne s'attendait pas à partir si tôt, mais peut-être que DeathSquad a du travail pour elle.