[T1 : Speed-Dating] From a Place of Love

Des conneries. Encore et encore. À vrai dire tu ne te souviens même plus ce que tu avais bien pu faire pour te retrouver ici, dans ce bar particulier à écouter un homme à l’accent que tu comprenais à peine parler de choses te faisant rouler des yeux. Trouver l’amour en le provoquant presque, que des conneries et pourtant tu t’y étais inscrite – sûrement parce que tu n’avais rien d’autre à faire en cette soirée à vagabonder seule ici et là. Alors tu t’es laissée porter par un vent de curiosité ; simplement dans l’espoir de rencontrer des gens et faire connaissance voire plus si affinité.

Tout ça pour passer du bon temps.

Te dirigeant vers la table qu’on t’a pointée du doigt tu tires sur ta cigarette en observant la demoiselle présente devant toi. Rousse. Jeune. Mignonne. Toute fine et petite pour lui donner un air de poupée délicate. Probablement serais-tu capable de la briser d’une seule poigne tant vous sembliez être le jour et la nuit. Un soupir t’échappe alors que tu restes à bonne distance le temps de te calmer ; ce n’était rien qu’une discussion pour apprendre à vous connaître rien de plus donc aucune raison de se faire des films pas vrai Olga ?

Tirant la chaise en face d’elle tu laisses les pieds riper contre le sol comme pour être sûre d’attirer ton attention et t’installer en posant déjà un coude sur la table. « Salut …. Freyja si je ne me trompe pas ? » Tu espérais sincèrement ne pas t’être trompé de personne et te taper une honte monumentale. Laissant tes doigts pianoter sur la table tu te tais l’espace de quelques secondes semblables à une éternité angoissante. Que dire ? Que faire ? « Moi c’est Olga. T’es habituée à ce genre d’endroit ? » Peut-être aurais-tu mieux fait de la vouvoyer mais ce n’était pas ton genre d’être trop polie avec les gens. Un coup d’œil vers le petit papier que l’on vous a donné à l’entrée tu hésites, observe le buffet et finalement le range.

« Tu veux boire quelque chose ? C’est moi qui offre la première tournée. »

Elle a cette douceur que tu n’as pas au premier abord et confirme petit à petit tes premières impressions de petite poupée délicatement bien habillée contrairement à toi. Avec ton simple débardeur et jeans esquinté de partout tu n’avais pas le charme que tu aurais pourtant bien voulu montrer dans ce genre de soirée si tu n’avais pas décidé ça sur un vieux coup de tête après la promenade nocturne de tes deux cabots.

Elle est mignonne aussi de sa voix douce, contraire même de la tienne plus bourrue et peut-être bien effrayante pour la petite personne qu’elle peut être. Alors tu t’efforces de te montrer la plus agréable possible en te relevant pour aller chercher la boisson qu’elle venait de te demander au buffet à volonté en prenant la tienne en même temps. Participerais-tu au si célèbre stéréotype vous collant à la peau avec un verre de vodka ? Bien sûr mais quitte à profiter autant de pas y aller à moitié.

« Mademoiselle. »

Aussi galante que possible tu déposes le verre devant elle pour revenir t’asseoir juste en face et écouter sa présentation en lui souriant tendrement tout en prenant appui de ton menton sur la paume de ta main. Elle n’avait pas le profil de Decay, alors que faisait-elle ici ? Et surtout elle parlait russe ? C’était un point non négligeable, même si tu te débrouillais en anglais il allait sans dire que tu préférais de loin parler dans ta langue maternelle.

« Ne dis pas que c’est ennuyant voyons, moi je trouve ça très intéressant au contraire. L’informatique c’est pas trop mon délire je ne m’y connais pas très bien je t’avoue donc ça m’épate toujours. Tu joues à quoi comme genre de jeu ? Et moi je pense que tu as deviné mais je viens de Russie, enfin j’ai passé pas mal de temps à Neo-Atlantis avec mes deux darons avant de me barrer ici. » Putain d’erreur de jeunesse. « Mais du coup tu parles couramment russe ? Et comment tu t’es retrouvée ici ? Une poupée comme toi c’est pas forcément ce qu’on trouve dans ces lieux craignos. » Buvant une gorgée de ta boisson tu commençais déjà à être bavarde mais n’était-ce pas le but de ces rencontres ? « Oh et tu aimes les chiens ? J’ai deux malamutes à la maison mais il m’arrive de ramasser des chiens errants pour les soigner. »

Et pour espérer t’atteindre dieu sait qu’il fallait d’abord passer leur épaisse fourrure.

Tu l’écoutes parler, attentive pour essayer de garder le fil de la conversation et surtout comprendre ce qu’elle essayait de t’expliquer. C’était … Compliqué pour toi mais t’intéresser était le plus important, surtout pour satisfaire ta curiosité. Souriant à sa tentative de parler dans ta langue maternelle tu apprécies le geste, touchée par son petit accent maladroit mais tout ce qu’il y avait de plus clair.

Vingt-et-un an : elle était bien jeune comme tu t’en étais doutée, peut-être un poil trop pour toi-même si malgré tout tu ne savais pas quoi en penser. Buvant une nouvelle gorgée tu ne cesses de lui sourire délicatement jusqu’à pouffer à sa question. Ah les chiens ! Une nouvelle gorgée pour terminer ton verre et tu te racles la gorge en essayant de parler le plus calmement possible pour qu’elle puisse te comprendre dans cette cacophonie.

« Du coup moi c’est Abby, j’ai trente-cinq ans. Je sale beaucoup mes plats et j’ai tendance à trop faire cuire ma viande. » Beaucoup trop en faite. « Et pour mes chiens oui et non, disons qu’ils ont leur caractère et ils demandent beaucoup d’entretien mais on fait avec, j’ai choisi de passer ma vie avec eux je dois assumer mes choix. Et puis ce sont un peu comme mes bébés leur bonheur passe avant le mien ! » Attrapant ton téléphone tu viens fouiller dans tes photos pour lui montrer les deux boules de poils que tu avais avec toi, un énorme mâle et une femelle encore toute jeune de deux mois que tu gâtais plus que tout. Dès que le sujet partait sur eux tu avais tendance à perdre le cours du temps et bavarder un peu plus que prévu. « Ce sont eux. Enfin … Désolé j’abuse peut-être un peu avec eux j’ai tendance à divaguer et à m’étaler un peu trop. »

Tu ranges aussitôt ton cellulaire, tu aurais voulu esquiver ses dernières questions en laissant un silence s’installer mais finalement tu prends ton courage à deux mains en soufflant nerveusement. Tu devais mentir pour te préserver au cas où et rester loin des oreilles possiblement indiscrètes.

« Je suis à la recherche d’un emploi. Sinon je n’ai pas de préférences, je laisse l’amour venir de lui-même en me fichant bien sur qui je pourrais tomber tant que le feeling passe bien. Si on s’impose trop de critères ont fini par laisser passer l’âme. Enfin c’est mon avis et toi ? »