[T1 : Speed-Dating] Khan You Feel the Love Tonight ? 1.0

Mais. Comment s’était-il perdu en ces lieux sombres ? Une lente inspiration alors qu’il observait les lieux. Un homme, à l’accent prononcé, du nom de Pedro, expliquait qu’ils étaient présents pour une soirée particulière. Sous un signe, qu’il nommait l’Amour. Déjà, pour le Mongol, ce n’était pas un signe davantage qu’un sentiment. Il avait eu envie de le corriger mais il n’avait pas eu le temps qu’un homme l’eût conduit à la première table face à … Une femme qu’il ne connaissait pas. Tout ce qu’il avait compris de l’idée était qu’il allait rencontrer des gens, au hasard, pour trouver quelqu’un. Qui devait sûrement lui correspondre ? Comment savoir si, pendant ce temps imparti, il aurait seulement le temps. Etrange concept.

Il observait celle qu’il avait face à lui. Une inconnue. Une étrangère. Il n’avait jamais cette dernière et elle ne l’intéressait pas vraiment. Pourtant, il devrait passer un peu de temps avec elle. Prenant une lente inspiration, il activait finalement la voix synthétique qui traduirait, dans la langue la plus commune à Decay, l’anglais, son mandarin qu’elle n’entendrait pas. Et si elle devenait pénible, il pourrait toujours revenir à sa langue natale afin d’éviter d’étirer une soirée déjà bien étrange.

Désarmé, il se sentait nu. Face à elle, il ne savait pas comment s’y prendre. Prenant finalement la parole, il se penchait en avant vers elle, imitant un peu ce qu’il observait déjà aux autres tables. Comme si tout le monde comprenait et acceptait le concept. « Salut. », lâchait-il. Plutôt qu’un Bonsoir qui serait plus formel. Était-ce la bonne manière pour interagir avec elle. Les sourcils toujours froncés sous son masque, il continuait de communiquer avec la voix synthétique et monotone. « Je ne sais pas ce que je fiche en ces lieux. Ils m’ont juste dit qu’avec mon masque, j’avais un air mystérieux qui viendrait sûrement à plaire. » Cachant volontairement sa main gauche, la plus estropiée des deux, il reprenait encore.

_ Tout ce que je sais, c’est que j’ai ce ticket gratuit pour le buffet. » Il était tendu. Il ne savait pas ce qu’il devait faire. Aussi. Parlait-il comme un moulin. Une lente inspiration. Alors, il posait une unique question afin d’apprendre à la connaître, comme il lui était demandé. « Tu fais quoi de ta vie exactement ? Je ne sais pas si cela se demande mais … » Il haussait les épaules avant de se coincer un peu mieux dans sa chaise.

Cela fonctionne ainsi cette histoire ?

Ah. Alors, à son avis, il était tombé sur une femme qui maîtrisait un peu mieux ce genre de rencontres. Elle avait de l’expérience, là où son bas blessait. Il n’était pas un habitué de ces lieux, pas du tout, et il n’échangeait jamais (ou que très rarement) des banalités, avec d’autres êtres humains. Nergüi, le Mongol, l’Assassin de la Triade, Fils du Mentor, n’avait pas l’habitude de prendre la parole avec les autres autrement que pour des contrats ou des discussions sérieuses. Il n’avait pas le temps d’être décontracté. Et contrairement à lui, elle semblait être à l’aise. Comme dans son élément.

Était-elle dès lors une professionnelle du milieu ? Était-elle d’ailleurs payée comme les deux hommes et les deux femmes de l’entrée ? Derrière son masque, silencieusement, alors qu’elle parlait, les sourcils froncés, il tentait de savoir et comprendre. Qui était sa femme ? Comment pouvait-elle être aussi à l’aise en ce lieu dans lequel il entrait pour la toute première fois ? Elle ne répondait pas à ses questions tandis qu’elle en posait beaucoup. Alors, il haussait les épaules car lui-même ne savait pas exactement pourquoi il avait posé sa première question. Une façon pour lui de briser la glace ? Pensait-il en tout cas. Aussi, sous son masque, perdu, il prit le temps de répondre. « Non, tu ne me fais pas peur. Devrais-je ? » Pourquoi aurait-il peur d’elle exactement ? Il lui manquait deux doigts mais avait appris à se battre. Il en vivait même.

_ Disons que c’est … Une première en ces lieux. Je ne sais pas trop ce que l’on attend de moi. Mais t’as l’air plus … Expérimentée ? », lâchait-il le plus naturellement dans son casque. Tout le monde autour semblait savoir et connaître les usages. Quant à lui, il n’était pas du tout dans son élément. Il était éduqué comme un guerrier. Un soldat. Être spontané. Quand toute sa vie était maîtrisée. Contrôlée. Elle lui demandait l’inverse même de son éducation. « Je suis … » Il s’arrêtait. Lui-même ne savait pas se présenter. Il avait l’habitude qu’on paie ses services. Pas qu’on lui demande cela. Alors, il vint à lui dire seulement son nom de famille qu’il connaissait encore. « … Khan ? Et tu es ? On m’appelait encore bien Nergüi. Mais cela remonte maintenant. » Il y a quasiment vingt-cinq que l’Enfant des Putes n’a plus entendu son propre prénom. Aussi, tentant d'être spontané, il lui posa la première question qui lui venait en tête.

_ Tu aimes ... Les animaux ? »

Regardant brièvement la devanture de l’étrange boutique à la restauration rapide où les gens se côtoient pour apprendre à se connaître, l’Assassin mongol ne savait pas exactement sa place en ce lieu. Que devait-il à cette femme ? Que pouvait-il même lui dire, en vérité ? Bonsoir. Je suis né dans un bordel japonais, d’une mère mongole assassinée par un homme lors de jeux sexuels vicieux et cruels. Quand ils m’ont découvert, les Yakuzas m’ont envoyé auprès d’un homme qui se fait appeler le Mentor. J’ai été éduqué par cet homme qui était la seule personne vivante que j’ai connu pendant près de dix ans. Puis j’ai commencé à travailler en tant qu’Homme de Main pour un clan Yakuza. J’ai trahi les Préceptes du Clan. Puis j’ai travaillé pour les Free Runners et dorénavant je passe mon temps à tuer des gens sur commande. Grosse présentation.

Il restait silencieux alors qu’il l’écoutait attentivement. Elle parlait beaucoup. Était-ce parce qu’elle buvait ou qu’elle causait naturellement beaucoup trop ? Souvent, ses victimes les plus bavardes étaient celles qui étaient le plus coupables, qui achetaient alors du temps, prêts à mentir pour survivre un peu plus longtemps. Ou était-elle seulement plus nerveuse qu’elle ne l’avait réellement montré ? Le Mongol n’arrivait pas à savoir comment il devait la juger. Dans quelle case préexistante faisait-elle partie ? Une lente inspiration. Puis il lui répondait finalement de façon mécanique. « J’en pense que je ne bois jamais. Mais comme tu aimes la bière, je te laisse mon ticket. Je crois que tu en sauras mieux t’en servir que moi. », lâchait-il de façon la plus débonnaire qui soit. A quoi bon conserver un ticket qu’il n’utiliserait de toute façon jamais ? L’ayant tendu vers elle, il reprit brièvement son bras, hésitant. « Sauf si cela ne se fait pas et je m’en excuse, je ne veux pas que cela soit mal interprété ! »

Prenant une plus longue inspiration, qui vint à soulever son torse, il se pinçait la lèvre inférieure sous son masque. Comment s’y prendre exactement ? L’Enseignement du Mentor ne lui avait pas appris à converser avec les gens de façon détendue. Il était entraîné à aller directement au but. Exécuter une tâche de façon efficace et précise. Il n’était pas exactement prêt à discuter avec elle, l’anxiété lui faisant trembler la main droite. Pas maintenant. Tentant de se reprendre, il déposait le ticket entre elle et lui tandis qu’il rangeait sa main.

C’est vrai cela ? Que faisait-il exactement les jours où il ne tuait pas ? Haussant les épaules, l’Assassin reprit finalement. « J’attends. J’attends qu’on demande après moi, je crois. Parfois, je sors dehors sans vraiment de but. Mais c’est rare. Je n’aime pas vraiment être dehors sans savoir pourquoi. A part pour voir des animaux. » Il souriait brièvement sous son masque, même si la voix synthétique ne rendait pas son sourire audible. « Je m’occupe des chiens errants le plus souvent, toujours en attendant qu’on me propose quelque chose pour gagner ma vie. » Il haussait encore une fois les épaules alors qu’il racontait le vide de sa vie. « Je n’avais rien de prévu ce soir. Juste une autre soirée à m’occuper d’un animal errant. » Puis regardant encore l’extérieur. « Ou finalement, j’aurais reçu une notification et j’aurais commencé ma nouvelle mission. »

Il relevait la tête alors que sous son masque, il souriait piteusement. Elle ne le verrait pas. Mais il n’y avait pas besoin. Le restant de son langage corporel parlerait pour lui. Il était sur la défensive. Il détestait parler de lui, surtout qu’il n’avait rien à dire. Pas aussi longtemps en tout cas. « Du coup … C’est à mon tour de te poser une question ? Cela se passe comment exactement dans ces moments-là ? Si t’as besoin de parler sur quelque chose qui te tient à cœur, … » Il haussait les épaules car il ne mentait pas là-dessus. « … Fais toi plaisir. Je ne le dirai à personne parce que … Je n’ai personne à qui en parler de toute façon. »

L’atmosphère avait bel et bien changé, il le comprenait. Tête légèrement penchée sur la gauche, l’Assassin mongol réalisait que tout n’était plus exactement pareil. Plissant ses yeux sous son masque, il tentait encore de décrypter celle qu’il avait face à lui. Jusqu’ici, dans ce jeu social, elle avait mené la danse. Une qu’elle semblait mieux maîtriser que lui, d’ailleurs. Et soudainement, elle s’était comme arrêtée pour lui laisser la place et l’attention. Sauf que lui … Il n’était pas aussi confortable. Il n’avait pas l’habitude de s’arrêter pour parler comme cela. Il n’aimait même pas cela. Il était resté silencieux. Peut-être plus longtemps qu’il ne le voulait vraiment. Puis il avait pris une inspiration en observant, du côté de la sortie, les premiers départs.

Haussant les épaules, il revenait à elle. Que pouvait-il dire exactement ? Le Mentor ne lui avait pas appris à faire la conversation. Ce n’était pas une compétence qui lui avait été demandée pour être doué dans son champ d’action. Il était bon en filature, en torture, en assassinat. Il était capable de tuer sans la moindre émotion. Il pouvait suivre une cible durant des jours pour trouver son point faible. Il était doué pour torturer, physiquement et mentalement. Mais il était mauvais pour discuter. Parce qu’il n’avait rien à dire, excepté si elle était intéressée par ces sujets. Ce dont il doutait.

_ Je ne sais pas vraiment ce que j’ai voulu dire. J’essaie de faire la discussion, mais … Ce n’est absolument pas mon truc. » Comme un geste-barrière, le Mongol avait croisé les bras sur son torse, cachant ses deux mains amochées dans l’intérieur de ses coudes. Il n’avait pas envie qu’elle sache ce qu’il était exactement. Brisé par l’expérience. Blessé. Alors, pendant encore de longues secondes, devenues gênantes, il s’était tu. Peut-être cela devait-il se terminer en cet instant, où ils n’avaient que des banalités à s’échanger ? Prenant une longue inspiration qui soulevait son torse, il soufflait dans son masque. Gênant. Heureusement qu’elle n’avait pas à le voir.

Brièvement, il avait été curieux de cet être humain. Elle avait été différente. Un instant, il avait cru qu’elle allait lui apprendre à danser un jeu social qu’il ne maîtrisait pas. Mais elle n’avait pas le temps, ni l’envie. Et aussi soudainement qu’elle avait été intrigante, elle ne l’était plus. « C’est bien gentil de ta proposition. Mais je n’ai pas pour habitude de … Discuter ouvertement avec des inconnues. Bien que tu aies été agréable, vraiment. » Retour au mode qu’il maîtrisait le mieux. Enfant du Mentor. Assassin de la Triade. Une machine sans émotion. Une muraille où il ne laissait pas le social l’atteindre. Un blocage pour assurer sa défense avant d’en dire trop. De s’attacher et de réaliser trop vite qu’une émotion était dangereuse.

Comme Il lui avait appris.