[T1 : Speed-Dating] Du love ou la sortie ?

Merde.

Comment avait-elle fini dans cette situation ? Qui aurait cru que Alyce se pointerait dans un évènement comme celui-ci ? Un speed-dating. Sérieusement ? Si un jour on était venu lui annoncer ça avec un sérieux imparable, la rouge ne l'aurait jamais cru. Elle en aurait même ri.

Alors que faisait-elle ici ? On l'avait inscrite à sa place, car c'était loin d'être une décision qu'elle aurait prise d'elle-même. Quel intérêt d'aller à ce genre de rendez-vous pré-organisé avec des inconnus ? La probabilité de rencontrer quelqu'un de désagréable, qui ne pense pas de la même façon que soi est trop grande. Et pourtant, elle est là, à attendre qu'on vienne la guider à sa table.

Finalement, elle s'était quand même rendue sur les lieux, dans l’espoir que ce ne soit pas si regrettable, et peut-être même rencontrer des personnes avec qui elle pourrait passer une soirée tranquillement, autour d’une cigarette, ou même d’un verre mais ailleurs que dans ce restaurant. Beaucoup de possibilités s’offraient à elle dont certaines qui lui semblaient plus que plaisantes, malgré l’appréhension de la jeune femme.

Un homme était finalement venu la chercher et par chance, ou pas, elle avait entendu une partie du speech du propriétaire des lieux. Trouver l’amour ? Quelle sacrée blague. Il lui était presque impossible d’aimer, trop méfiante, trop associable pour ces conneries.

Elle était ensuite arrivée à sa table, constatant que personne n’y était encore installé. Elle avait eu de la chance sur ce coup. S’il y avait déjà quelqu’un sur place, elle aurait dû s’excuser du retard, tenter de trouver une excuse valable et c’était loin de lui plaire. Alyce détestait rendre des comptes en général, à qui que ce soit. Même son meilleur ami n’avait pas le droit à un tel traitement de faveur. Il ne fallait pas déconner non plus. Le fait que la demoiselle avait fait l’effort de bouger ses fesses jusqu’ici était déjà un miracle en soit.

Un soupire vint s’échapper de sa bouche. L’ennui commençait à prendre place ainsi que le malaise. Un endroit bondé de monde… Des personnes un peu partout, dont sûrement l’un d’eux qui peut potentiellement être « l’âme-sœur ». Bref, tout ici lui donnait envie de partir. Et il y avait un détail qui ne lui avait pas échappé : l’interdiction de fumer. A Decay ? C’était possible ? Une catastrophe, pire même, c'était un scandale. Comment pouvait-elle décompresser si elle n’avait pas sa petite dose de nicotine ? Son index s'était mis alors à tapoter la table, pendant qu’elle fixait le verre vide, la tête soutenue par sa main en équilibre sur son bras le coude posé sur la table.

Que faut-il faire pour ne pas y penser ? Rien. Surtout lorsqu’elle avait sorti une clope de son paquet pour s’amuser à la faire rouler avec son autre main.

« J’en ai déjà marre… » Cette simple pensée lui donnait encore plus envie de fumer. Mais elle avait coupé sa réflexion en voyant quelqu’un venir dans son champ de vision. Elle s’attendait à voir un homme, un peu beauf et cliché sur les bords mais l’analyse était tout autre.

Premièrement… Il s’agissait d’une femme.

Amber se demandait ce qu’elle faisait la. Son comportement toxique ne lui donnait pas envie de se lancer dans des relations sérieuses, et pourtant, elle se refusait aux coups d’un soir. Elle ne voulait pas être ici, à côtoyer des gens normaux, des gens qu’elle allait pourtant finir par détester. Mais elle était là, et c’était le plus important. La prothésiste s’était fixé ça comme une sorte de challenge, quelques semaines plus tôt. Depuis, son cerveau avait volontaire occulté ce détail, et il lui était revenu comme un élastique en pleine gueule quelques jours plus tôt. Elle avait dû se faire violence pour se préparer à ce speed dating, se répétant que c’était un challenge. Une façon de progresser. Mais dans la salle, elle n’avait qu’une envie, se tirer une balle. Dégager par la sortie de secours, encombrée bien sûr par des tables qui n’auraient pas dû si trouver. Amber sentit une coulée de sueur dans son dos alors qu’elle se dirigeait vers la table qu’on lui avait assigné.

Rouge.

Putain, ça lui brûlait la rétine, c’était quoi cette couleur option pétasse ? Amber fit une fixette sur les cheveux de cette femme, bloquant dessus de très longues secondes, avant de devenir elle même rouge pivoine. Dans la précipitation, elle fit un pas en avant, se cassa littéralement la figure, et ne se rattrapa qu’in extremis à la table, faisant tomber les verres vides.

Ah, euh, oups. Pardon. Je ne suis pas douée. Ah ah, lol.

Elle se gratta les cheveux, évitant maintenant de regarder cette femme dans les yeux. Quand elle remonta son regard, elle fit à nouveau une longue pause sur la chevelure de cette femme. Putain, ça devait être sympa sous la douche. Un peu comme avoir ses règles tous les jours, des règles de cheveux. Mon dieu, elle n’en pouvait plus. Trente secondes, et c’était déjà une catastrophe. Il fallait rattraper le coup, et vite. Il lui fallait une phrase inspirante, quelque chose de frappant, mais pas méchant. Un truc pour accrocher quoi.

Vous avez euh … de beaux cheveux.

Putain de merde.

La chute de la jeune femme qui s’était pointée à sa table lui avait fait un bond de sa chaise. Enfin… C’était plus la chute des verres qui venaient de se casser la figure au sol. L’un d’eux s’était brisé en tombant, le tout dans un fracas assez… Conséquent disons. Elle qui voulait passer inaperçue lors de cette soirée, c’était raté.

« Hum… C’est pas grave, tant que vous n’êtes pas blessée je pense. » Fit-elle simplement en mettant de côté sa cigarette qui ne faisait que lui donner envie de la consommer sans se soucier de ce que pourrait penser les autres. Mais il fallait qu’elle se retienne, au risque de faire fuir la brune qui était censée être sa « partenaire » lors de ce premier tour. « Vous n’avez rien au moins ? »

Il fallait au moins qu’elle soit polie. C’était la moindre des choses. Pourtant, la remarque de la brune lui avait valu un simple hochement de la tête. Ses cheveux ? Des brefs souvenirs lui étaient revenus en mémoire. La dernière fois qu’on lui avait fait un compliment sur la couleur de ses cheveux, elle avait fait la rencontre d’un jeune homme qui portait le nom du dieu de l’amour, qui avait un « sourire » presque effrayant, un masque et une belle chevelure.

« Eh bien… Merci ? Je veux dire… Je pensais pas que ce serait la première chose qu’on allait aborder. »

La rouge en profitait pour observer la brune un peu plus en détail. Elle avait le mérite d’être belle, mais que faire ? Alyce n’avait pas l’intention de faire de la drague ou quoi que ce soit, préférant les choses venir à elle naturellement. Et quand bien même… Il s’agissait d’une femme. Mais pour l’instant, le but était de faire la conversation, au risque de faire durer le malaise de son côté car elle non plus n’osait pas la regarder dans les yeux, préférant fixer sa petite cigarette. Pourtant, il n’y avait pas de quoi avoir peur. Elle était censée être là pour se « divertir », « s’amuser ». Des mots qu’elle ne connaissait pas énormément vu qu’elle passée ses soirées enfermée chez elle autour d’un bon verre de whisky.

« Et sinon… Comment vous vous appelez ? Moi, c’est Alyce… » Elle se sentait bien moins à l’aise après avoir dit son prénom. Comme si elle était sous un spot de lumière alors qu’elle ne craignait rien. « Excusez-moi, je n’ai pas l’habitude de ce genre… D’évènement. Les endroits remplis de monde ne me mettent pas à l’aise. »

Un peu plus, et elle était capable de se sentir rougir et devenir de la même couleur que ses cheveux. C'est alors qu'une vague odeur de tabac brûlé était venue à ses narines, la reniflant à plein nez. Visiblement, quelqu'un se contre-foutait du fait qu'il était interdit de fumer dans l'enceinte de la pièce. Cela ne faisait qu'attiser son envie de sortir pour entamer sa clope.

Euh oui, je vais bien.

Amber soupira, se gratta les cheveux. Elle était quand même un peu mal. Après une rapide inspection, Amber vint à la conclusion que cette femme, malgré cet air rouge camion de pompier, était quand même belle. C’était pas si souvent qu’elle croisait de belles femmes à Decay. Entre la drogue et l’alcool, les ravages étaient légions. Mais

Désolée, je ne suis pas habituée à sortir moi non plus. Elle rigola nerveusement. Je suis dans l’église, ceci explique cela. Je suis Amber au fait, enchanté Alyce.

Puis, n’ayant pas grand chose à dire de plus, elle débita un torrent de merde. Cela arrivait parfois quand elle était gênée. Quand elle devait essayer de draguer une belle femme, et qu’elle n’y arrivait pas, parce que cela faisait des années qu’elle s’éloignait volontairement des gens.

Ma meilleure amie, qui était aussi mon ex-copine mais c’est du détail, pense que je suis dans une secte. Enfin, elle n’a pas fondamentalement tort, parce que du coup, effectivement, ce n’est pas comme si j’avais beaucoup l’occasion de sortir. Mais au fond, peut-on vraiment considérer l’Eglise comme une secte ? Ils m’ont soignée et accueillie en échange d’une loyauté absolue, mais je n’arrive pas à me faire à l’idée.

Puis, elle vit quelque chose qui changea drastiquement sa vision catastrophique de la soirée. Mon dieu murmura t’ elle. Vous voyez ça ? Elle désigna la porte du fond, tremblant légèrement. Elle est si belle.

Amber prit son sac à main, et en sortit sa pochette surprise. Celle contenant ses tournevis. Son attention était maintenant complètement détournée de son date. Soudainement, elle ne semblait plus vraiment gauche, plus vraiment maladroite.

Je vous aime bien Alyce, vous êtes tout à fait mon style de femmes, enfin, j’ai pas vraiment de style, mais vous êtes vraiment très belle, malgré vos cheveux rouges. Elle regarda à nouveau la porte, et continua à fouiller dans sa pochette à tournevis. L’espace d’un instant, vous m’avez fait oublier ce qui comptait le plus pour moi. Vous avez du mérite. Elle rigola un peu, sans la regarder. Vraiment. Bref, je reviens tout de suite.

Prenant son sac à main, elle se leva, et se dirigea vers la porte. Il faudrait être rapide, elle espérait ne pas se faire voir, grâce à l’agitation. C’était certainement les toilettes. Allant à l’intérieur de la pièce, Amber vérouilla la porte, et commença à en retirer la poignée.

D’un côté, Alyce était rassurée de savoir que quelqu’un était comme elle sur ce point à ne pas avoir l’habitude de sortir de son antre. Elle fut cependant surprise de savoir qu’elle venait de l’église. Pour aucune raison valable, elle la voyait en tant que simple civil, ou peut-être même de l’Alliance des Gangs.

« Oh je vois. Je fais partie de l’Alliance… Enchantée de même. » Fit-elle en faisant une tentative de sourire. Ce n’était pas un énorme sourire comme dans les pub de dentifrice, mais un petit sourire quand même, presque timide.

Puis elle l’écoutait calmement, sans l’interrompre. Elle n’était pas vraiment du genre à parler beaucoup, préférant largement être à l’écoute. Ça faisait parti de son caractère en tant qu’associable, c’était d’ailleurs surprenant qu’elle ne se soit pas déjà barrée. Elle qui n’était pas du genre à traîner dans ce genre d’endroit, voir autant de monde l’entourer dans un lieu si restreint… C’était presque comme si elle se sentait à l’étroit.

Son « ex-copine » ? Donc elle était de ce bord-là ? Alyce en avait haussé des sourcils. Comme quoi, les apparences peuvent parfois être trompeuses. Pourtant ce détail ne lui dérangeait pas plus que ça. Il ne fallait pas oublier qu’elle vivait à Decay, et après avoir vécu un certain nombre de choses, il fallait dire qu’il lui en faudrait plus pour la choquer. Mais est ce que c’était toléré à l’Eglise ? Sans doute une question qui restera sans réponse puisqu’elle n’osait pas la poser, et c’était sans compter sur le fait qu’Amber semblait être obnubilée par quelque chose d’autre. La curiosité ainsi que l’incompréhension faisaient surface du côté d'Alyce.

Elle avait presque penché la tête sur le côté, tournant son visage vers là où les yeux de la brune regardaient. Une porte ? Qu’est-ce qu’elle avait d’exceptionnel ?

« Quoi donc ? » Questionne-t-elle, toujours avec un air interrogatif collé sur sa face. Elle n’eut même pas le temps de lui reposer la question qu’elle avait repris la parole, ne manquant pas de la laisser bouche-bée. Son genre ?

« V-Vos genre ? Hum… Merci ? Je suppose ? » Alyce était un peu confuse par les propos de Amber, ne sachant pas où se mettre. Et le pire, c’était qu’elle était partie comme ça, la laissant en plan à sa table, la bouche légèrement entre-ouverte.

Elle avait eu droit à un compliment, là n’était pas la question puisque c’était toujours assez pour flatter son ego. Le problème était qu’elle venait de déballer les choses comme ça, puis repartir à ses intérêts, laissant la rouge confuse. Sans oublier que l’envie de fumer sa cigarette ne faisait que grimper en elle. Elle voulait la consommer, même si le buffet le faisait de l’œil depuis tout à l’heure.