C'est le yeet ! | Xiao

Un vieux bâtiment désaffecté, non loin de la rue de la soif. Désert, ses hommes ont fait le nécessaire.  Et l’orga a fourni les fonds. Pourquoi pas, puisque les bénéfices engendrés par cette nouvelle activité leur sera en partie reversés. Une annonce sur MEETYOURGUY et quelques litres de vodka plus tard, Dimka est confortablement installé dans la pièce principale, observant par le coin de la fenêtre, les yeux passablement vitreux, le chassé-croisé des nuages orageux croisant dans le ciel. La vitre est sale, graisseuse, ne laisse transparaître qu’une grisaille morose.

L’air est moite, lourd. Aucune climatisation n’a encore été installée, et pour cause. Pour que le projet démarre réellement, il manque au russe sa pièce maîtresse. La clé de voûte de l’entreprise. Un réalisateur de films. C’est la raison de l’annonce, qui, en quelques mots, dresse les attentes et les conditions requises pour se présenter aux entretiens de ce début de soirée. Personne ne s’est encore pointé, et le russe sent sa patience s’amenuiser, s’amoindrir, se réduire comme peau de chagrin. L’adresse est claire, pourtant. Et il ne doute pas que sa ville regorge de profils correspondant à ses attentes. Pourtant. Pourtant.

Seule sa bouteille lui tient compagnie pour l’heure. Et les caisses de matos apportées par ses hommes un peu plus tôt. Elles ne sont pas bien bavardes, ces caisses, ne répondent pas aux blagues qu’il lance de temps en temps, pour meubler le silence froid de la pièce, trop grande, dont les murs, trop gris, lui donnent presque l’impression de vouloir se refermer sur lui. Il a laissé les portes ouvertes, et des indications précises sur le chemin à suivre pour le rejoindre.

L’immeuble est un dédale, et à la pensée que son futur réalisateur déambule peut-être dans les couloirs sombres depuis des heures, Dimka étouffe un ricanement. Une bonne vingtaine de minutes s’écoule encore, avant qu’un bruissement n’attire l’attention du russe vers l’entrée de la pièce, là où le vide se voit remplacé par une silhouette fluette. Dimka hausse les sourcils, pose sa bouteille un peu trop brusquement, et s’avance vers la visiteuse alors que le tintement du verre sur le sol se répercute encore tout autour d’eux en long écho plaintif.

« Un peu lugubre, mais ça changera, j’pense. » lance-t-il en guise de bienvenue, s’arrêtant à quelques mètres de l’intruse qu’il dévisage avec un mélange d’intérêt et de curiosité. Il a la voix éraillée, traînante, et un accent russe à couper au couteau, mais son débit est lent, assuré.

« T’es bien là pour le job ? » vérifie-t-il sans la quitter des yeux. Il note l’effort vestimentaire, n’ayant à lui opposer qu’un jean troué et un débardeur qui ne semble pas de la première jeunesse. Il a les bras couverts de tatouages, ses doigts portent les traces d’écorchures fraîches, et les cernes qui lui creusent les traits mettent en valeur les iris dépareillés qu’il fixe sur elle.

« Alors ? On commence par quoi ? Tu peux t’asseoir s’tu veux, et si t’as envie d’picoler, y’a d’la vodka mais j’ai un peu tapé dedans. » prévient-il en lui désignant la chaise faisant face à celle qu’il occupait un peu plus tôt. Il retourne s’affaler dedans, la station debout prolongée formant un contraste un peu trop violent avec l’alcool déjà ingurgité, et relève les yeux vers la fille avec un air interrogateur.  A l’extérieur, un premier coup de tonnerre se fait entendre, résonne dans le vieil édifice comme s’il en léchait sournoisement les murs.

« J'imagine que t'as déjà d'l'expérience dans l'domaine ? » demande-t-il en récupérant sa bouteille abandonnée pour s'en envoyer une longue gorgée. Ce n'est pas réellement une question, parce que s'il n'en dit rien, la réponse importe peu, finalement. Il a besoin que le poste soit occupé. Maintenant que l'investissement est consommé.

Meetyourguy n'est pas exactement l'application la plus utilisée sur le device de Xiao. Elle n'est pas vraiment concernée, il faut dire, son argent passe ailleurs que dans les services de tous ces gens et elle n'a rien à y offrir qu'elle ne puisse proposer sur DeathSquad. En revanche, quelque chose lui plaît là dedans : lire les annonces sordides de tout un tas de ratés en quête de sensations fortes, de services rendus à bas prix, ou de produits bon marché. Certains en viennent à prostituer leurs talents sur ce who's who personnalités hautes en couleurs aux compétences variables. Et comme ils sont à peu près tous incompétents en matière de marketing et de communication eh bien … C'est un vrai plaisir de lire tout ça pour caqueter d'un air mesquin lorsque la journée est terminée et que la fatigue empêche de faire quoi que ce soit d'autre.

Xiao ne s'est jamais sentie concernée par les activités parallèles, elle gagne plutôt bien sa vie grâce à son métier exigeant au sein de la Triade. Il lui arrive, parfois, assez rarement finalement, de prendre un contrat sur DeathSquad. Mais le reste de ses activités relève du loisir ou d'une certaine forme de bénévolat. Faire la goûteuse pour les nouvelles recettes de ses stands de street food préférés. Filmer une sex tape honteuse avec un type prétendument inconnu pour aider un ami à se venger ou avoir un moyen de pression. Courir de toit en toit pour rattraper les oiseaux et les voir s'envoler en groupe. Tout ça, c'est du loisir.

Et puis il y a eu cette annonce, celle qui l'amène là, devant un vieux bâtiment désaffecté dans le quartier de Moskva. Un coin qu'elle ne fréquente que très peu en dehors de son travail, et donc presque jamais à visage découvert. Cette annonce, c'est celle qui se démarquait des autres en proposant un job de réalisateur de films hard. Xiao a hésité longtemps, pesant le pour et le contre. Elle se fiche bien de gagner de l'argent, ce qui l'intéresse, c'est l'opportunité de mettre les mains dans le camboui, dans un domaine qui la passionne. Lancer une telle initiative, trouver des acteurs - consentants - est bien difficile, jusque là, elle n'y est jamais parvenue. Manque de temps, manque de moyens. Et puis, c'est bien trop visible et suspect, la Triade n'accepterait jamais de la voir dériver dans ces activités qui risqueraient de la dévier de son chemin. En revanche, personne de devrait lui reprocher, à priori, de participer à quelque chose de ce genre là.

Le petit oiseau de la Triade ne connaît pas bien le pays des Russes. Elle a toujours supposé qu'on se devait de boire de la vodka à chaque heure passée sur leur territoire et que, là bas, les femmes doivent se présenter d'une certaine façon. Pour ce qu'elle en sait, chaque personne à priori féminine est "open for business", à Moskva. Alors, appliquée et précautionneuse, Xiao s'est préparée comme elle le fait pour ses meilleures soirées. Du cuir, du maquillage, un air faussement mature, le tout dans un environnement qui porterait à croire que c'est un piège, et qu'elle a bien fait de dissimuler une lame dans sa botte, et une corde à piano dans son soutien-gorge.

Le commanditaire a un drôle d'air. Au moins, on sait qu'il est d'ici, vu son accent. Il a l'air à la fois complètement à bout et étrangement en contrôle de ce qu'il dit et fait. Alors Xiao préfère supposer que c'est ainsi que sont les russes, imbibés mais conscients, et s'approche sans hésitation. "Ouais !" Un sourire froid orne ses lèvres tandis qu'elle essaie encore de jauger la situation, et la fiabilité de cette opportunité. Après tout, elle n'a qu'une expérience très spécifique et limitée, et l'annonce n'avait pas l'air très exigeante, de son point de vue. Pas besoin d'être paranoïaque pour supposer que ça peut être un traquenard. A l'aise, cependant, elle approche et s'installe sur la chaise désignée, le cuir de sa jupe craquant discrètement sous la contraction. La question du type est cryptique, elle est là pour un entretien. Ce n'est pas vraiment à elle de déterminer ce qui doit venir, aussi, elle l'observe en silence. Heureusement, la question qui suit l'invite un peu plus à s'épancher sur sa passion. Un large sourire se dessine et son ton devient instantanément plus enthousiaste, trahissant la passion qui l'anime. "Bien sûr !" Elle sort de son soutien gorge une petite carte mémoire, le genre qui passe sur un peu tous les appareils, devices, portables ou non. "Voilà mon book !"

Drôle de façon de désigner le contenu de la carte. A vrai dire, il n'y a là dedans qu'une collection de sextapes plus ou moins bien réalisées. Certaines en solo, d'autres à plusieurs, la plupart ayant servi de moyen de pression contre des gens qu'elle ne pouvait tout simplement tuer pour régler des situations fâcheuses. Mais avec le temps et la pratique, Xiao s'est laissée emballer et il faut bien admettre que certaines séquences sont supposément détruites. Des partenaires qui apprécient l'idée d'être filmés mais pas les répercussions qui viennent ensuite. "Je fais plutôt dans le gonzo que le film scénarisé, mais j'ai de la culture en la matière. Vous pouvez me demander n'importe quoi, je le ferais." Son sourire devient mauvais lorsqu'elle réalise le sous-entendu de ce qu'elle vient de dire, et l'assume totalement. "Vous avez besoin de quoi ? C'est quoi vos projets ?"

Il n’en montre rien encore, mais s’amuse déjà à l’idée d’avouer à celle qui est venue pour le poste qu’il ne connait rien de rien au porno. Si l’opération n’a pas été montée sur un coup de tête, ça ne change rien au fait que son principal instigateur est un novice en la matière. Aucune importance, finalement, puisqu’il compte sur la jeune femme qui se tient devant lui pour lui donner les informations qu’il lui manque.

Il la laisse s’installer, plante les lèvres sur le goulot de la bouteille, et souffle lentement, afin d’en extirper un son sourd et poussif. Il relève les yeux vers la fille, note le changement d’attitude et la transfiguration qui s’opère lorsqu’ils abordent un sujet qui a l’air de lui tenir à cœur, et cesse de faire l’idiot pour se concentrer sur la conversation. Il écarquille les yeux devant la cachette choisie pour la carte, mais la réceptionne quand même, non sans jeter un coup d’œil appuyé aux atouts physiques de la jeune femme, mis en valeur par la tenue qu’elle porte.

Il se force à reporter son attention sur son visage plutôt que sur ses seins, et lâche en insérant la disquette dans une caméra qui traîne par terre, non loin de sa propre chaise. « Dis-toi qu’t’es seule sur le coup, t’auras même pas besoin d’coucher pour m’convaincre de te garder, l’job est à toi. Par contre… » Il s’interrompt brusquement, absorbé par les images qui défilent subitement sur l’écran miniature, et son professionnalisme déjà sommaire s’envole complètement à la vue de la chinoise qui se tient devant lui, mise en scène dans différentes situations et positions qui lui donnent clairement envie de tester ses prouesses ici et maintenant, sur le sol dégueulasse du bâtiment.

« Bordel. » lâche-t-il en relevant la tête vers elle, une appréciation nouvelle au fond des yeux et un début d'érection dans le fut. Il s’oblige à poursuivre, chasse les pensées qui lui viennent pour se focaliser sur les informations qu’il doit lui transmettre, l’effet qu’elle lui fait devant rester secondaire. « L’projet est simple, trouver suffisamment d’acteurs et d’actrices pour tourner des films dans lesquels l’scénario sera pas forcément mis en évidence. J’veux du trash, du crade, de l’extrême, mais pas d’gore par contre, j’connais que dalle aux termes du milieu, considère-moi comme un putain d’touriste et ça devrait simplifier les choses. C’toi qui sera aux commandes, moi j’vais me charger de t’amener les instruments, à toi d’les placer, et d’leur tirer leurs meilleurs sons, tu captes ? »

Il renifle, s’octroie une nouvelle gorgée de vodka tout en essayant vainement de voir la fille comme une illustre inconnue censée bosser avec lui et pas une possible partenaire de baise, et ajoute finalement en se renversant dans sa chaise. « Dimka, au fait. T’es d’quel coin ? Non pas qu’ça m’concerne pour c’qui va nous réunir, t’façon, mais j’aimerais autant pas m’ramasser un gang à la con sur le coin d’la gueule si jamais t’as rien à foutre là. »

Ce sont surtout les traits asiatiques marqués de la femme qui le poussent à demander, il n’a pas la moindre envie de contrarier les yakuzas ou, pire encore, la triade. « Tu m’as parlé d’gonzo, j’vois plus ou moins c’que c’est, mais clairement j’ai pas l’vocabulaire, va falloir qu’tu m’apprennes, ça t’dérange pas ? T’as fait d’autres trucs que c’que j’peux voir dans les vidéos ? T’as l’air vachement au courant, j’m’attendais pas à un tel enthousiasme,, si ça t’chante, tu pourras tourner, aussi.» jette-t-il encore avant de se lever un peu trop vite.  

Il tangue légèrement sur ses jambes, se dirige vers l’une des caisses déposée non loin, et vient en tapoter le dessus avec un air satisfait. « En terme de matos y’a tout c’qu’il faut, j’ai rien installé parce que mes hommes s’en occuperont plus tard, mais y’aura aucune limitation technique. On veut faire d’la tune, et pour que ça fonctionne, faut s’donner les moyens. Les moyens sont là, l’reste dépend d’toi. Y’a même des scénarios déjà prêts, mais ça t’prendra pas longtemps à lire, j’pense, comme dit, c’pas l’plus important. Y’a des trucs que t’as envie d’faire en particulier ? Quand t’as choisi d’répondre à l’annonce, t’avais une idée précise en tête ? Ou tu t’es pointée à l’arrache ? »

Il revient vers elle, de la même démarche précautionneuse, le regard un peu brouillé, et s’arrête devant elle pour lui tendre machinalement la main. « Bon, en tout cas, j’imagine qu’on a un deal, j’te filerai les clés du local, considère que t’es ici chez toi, qu’tu peux faire c’que tu veux. » Et visiblement, il n’a pas l’air gêné par l’idée d’accorder sa confiance à la première venue, qui pourrait aussi bien se tirer avec le matériel et ne plus jamais donner signe de vie.  

Le type est vraiment étrange, mais ça reste un gars. Xiao est attentive et remarque ses réactions, elle a envie de sourire. Elle s'attendait à quelqu'un de relativement insensible, après tout, dans le porno, on voit passer des culs toute la journée. Mais celui-ci a l'air d'apprécier la vue, ce qui n'est pas pour déplaire à son ego. Elle ne s'est pas mise sur son 31 pour rien. C'est une manière comme une autre de se garantir un emploi. Cependant, la réponse qu'il lui donne - à savoir que le boulot est à elle sans plus de question - a quelque chose de décevant. Pour ce même ego. Tout l'avantage de ce genre d'entretiens, c'est de gagner des points, jusqu'à obtenir le précieux boulot. Ici, ça ressemble à une victoire par forfait, la pire des issues, après la défaite pour le même motif.

Silencieuse, certains diraient même "sage", elle le regarde bouger, parler, expliquer avec son énorme accent parfois difficile à suivre, et acquiesce en silence, sérieuse. Il y a un temps pour l'enthousiasme, et un temps pour mériter sa place, c'est bien ce qu'on lui a appris. Au fond de sa tête, l'idée d'obtenir ce boulot sans coucher a quelque chose de décevant. Pas que Xiao soit particulièrement affamée en ce moment, mais elle se faisait une joie de découvrir la pratique avec des connaisseurs, des professionnels. Néanmoins, force est de constater que celui-ci n'en est pas vraiment un.

" Xiao. Je vis entre Chicago et les Docks, je bosse en indé." Demi-mensonge ou vérité partielle, en somme, la chinoise est presque totalement honnête. Pour le porno, elle est indépendante. Mais ce Dimka n'a pas besoin de savoir qui la possède. Elle est tout à fait capable de se faire discrète.

La réponse balancée, elle le laisse continuer. Il y a des questions, des constats, des informations, tout s'inscrit dans sa tête. Quand quelque chose l'intéresse vraiment, l'assassin a une excellente mémoire. Polie, elle continue d'acquiescer lorsqu'il avoue sa méconnaissance totale du domaine dans lequel il cherche à se lancer. Toute modestie mise à part et même oubliée et réduite en centres, Xiao songe qu'il a sacrément de la chance de tomber sur elle plutôt que le premier pervers venu qui croit savoir tourner du hard parce que son téléphone filme en bonne qualité. Un filtre collé à l'arrache sur une sextape mal cadrée, ce n'est pas un film porno.

Lorsqu'il lui tend la main, elle fronce légèrement les sourcils en répondant tout de même au geste. Elle glisse sa main partiellement recouverte de mitaines dans celle du russe et le dévisage un instant. Son petit manège était tout de même particulier, et il lui est difficile d'en connaître la raison exacte. "Vous allez bien ?" Elle pourrait se contenter d'accepter toutes les opportunités qu'il lui balance au visage, et le réaliser lui renvoie la liste de toutes les choses qu'il a abordées en plein visage. "Oh, heu, vous disiez. Mes vidéos. J'vous expliquerai si vous voulez, mais vous avez le principal là dedans. J'avais pas encore les moyens ou les acteurs pour varier mais je pense que vous avez de quoi vous faire une bonne idée, déjà. Vous trouverez rien d'aussi qualitatif pour une personne seule, en tout cas pas dans cette ville." Il y a bien quelques personnes talentueuses aux États-Unis, et dans certains pays européens, mais ça reste abstrait pour une enfant de Decay.

" J'pourrais vous montrer, si vous voulez." Montrer en tournant, évidemment. C'est en tout cas limpide pour Xiao. "Je peux vous faire pas mal de choses avec peu de moyens, au début. Les gens on beau faire les fines bouches, ils raffolent du côté faussement amateur, décor pourri, quelques accessoires. J'espère que vous avez de quoi vous fournir là dedans ? Le matos pour les acteurs. Pour commencer, c'est ça le plus important, que ça tienne le coup, la qualité d'image pourra s'améliorer ensuite." La voilà qui synthétise l'analyse de plusieurs années de consommation irraisonnée de porno, en ligne comme ailleurs. "J'aurai pas besoin de scénarios au début. Le porno chic et les scénar, c'est pas le plus urgent si vous voulez faire de l'argent en quantité." Elle détourne le regard pour détailler les environs. "On tourne seulement ici ? Ou vous avez des accès ailleurs ? Je parle pas du Dvorets, hein, mais des fois, les gens aiment bien des trucs un peu thématique, une salle de sport, un donjon, ce genre de trucs." Et puisque toutes les idées lui viennent en tête en même temps. "Ah et pour la langue. Ca va parler russe ? Ou vos acteurs sont plus diversifiés ? Ils parlent anglais ? Les gens aiment bien entendre parler leur langue, mais si on veut éviter d'être trop niche, il vaut mieux viser l'anglophone."

Encore curieuse, et plus à l'aise, Xiao finit par se lever et faire un petit tour des environs, d'un pas lent. Malgré son goût pour ce genre d'attirails, sa tenue ne la met pas assez à l'aise pour que sa démarche soit totalement détendue, aussi, elle ne cesse de se cambrer sans le vouloir. Les harnais, c'est de l'entraînement. "C'est pas mal, vous avez de la place. On pourra faire plusieurs tournages en simultané." Et puis, toujours aussi curieuse. "Pourquoi vous faites ça ? Il y a pas mal de business à développer dans le coin, c'est une vocation ? "  Amusée, elle ne peut réprimer un sourire. " Vous voulez tourner ?"

Dimka n’a plus conscience depuis longtemps de l’effet qu’il peut produire sur les autres, de l’image qu’il peut offrir, le naturel prenant toujours le pas de toute façon sur les rares airs qu’il peut tenter de se donner. Pour l’heure, la question ne se pose pas, il n’a d’yeux que pour la fille, et les pensées qui le traversent se situent essentiellement en dessous de la ceinture.

Il essaye pourtant, de garder les idées claires, de maintenir au moins un semblant de sérieux pour ne pas juste lui arracher ses fringues et tester ses compétences en direct. Elle ne lui facilite pas la tâche, et le cerveau du russe bloque rapidement sur la proposition qu’elle lui fait. Est-ce qu’ils parlent bien de la même chose ? Est-ce qu’il a bien compris ? Ou au contraire, est-ce qu’il se plante royalement ? Il n’a pas pour habitude de tergiverser, et seul le fait d’être amené à travailler avec elle sur la durée le force à museler ses élans.

« Me montrer ? » répète-t-il en faisant un effort d’articulation manifeste afin de clarifier ce point. Non pas qu’il soit contre l’idée, bien au contraire, mais ne sachant réellement pas qui elle est, il n’a pas la moindre envie de s’exposer à une rebuffade musclée en cas de désaccord. Prudence basique lorsqu’on fréquente essentiellement des gens prêts à sortir leurs armes pour un mot de travers, ou une attention déplacée. Elle n’a pas l’air armée, mais là encore la défiance du russe se dresse, l’empêche de miser sur une apparence plutôt fine et une taille modeste pour s’imaginer avoir l’avantage.

Il continue de l’écouter, distrait, et s’installe tranquillement sur la caisse alors qu’elle continue de parler. Elle semble avoir un bagage impressionnant, et il ne peut s’empêcher d’hocher la tête un peu bêtement alors qu’elle explore les possibilités qui s’offrent à eux, faisant du peu d’informations qu’il lui a communiqué une véritable mine d’or. Clairement, elle sait de quoi elle parle, et le russe ne peut que se féliciter de cette annonce et de ce qu’elle lui a rapporté. Il peine à faire le tri, à choisir les réponses alors que les questions dansent encore dans sa tête, forment un méli-mélo compliqué ponctué d’images obscènes.

« On fera essentiellement ici. Pour le Dvorets c’pas impossible que j’arrive à m’arranger, ça pourrait l’faire. Quant aux donjons… on peut peut-être d’abord voir c’que ça donne avec le matos ici avant d’penser au décor ? Fin j’veux dire, ce serait pas si dur d’installer d’quoi donner l’illusion d’un donjon ici, si ? » Il fronce les sourcils, inspecte la pièce du regard en essayant de la travestir mentalement en donjon sm, et reporte ses iris dépareillés sur la fille avec un sourire dubitatif « Ouais bon,  on verra plus tard pour l’donjon. Côté accessoires par contre y’a tout c’que tu peux imaginer dans les caisses là, on sera jamais à court de rien. J’connais pas non plus les noms d’la moitié d’ces trucs, j’en ai pas franchement l’utilité au quotidien, mais p’têtre que ça aussi, tu pourras m’montrer. » lâche-t-il en matant son cul sanglé dans la jupe ajustée.

« J’suis pas censé tourner, juste, organiser. J’ai jamais fait ça, mais ça m’dérangerait pas plus j’pense. J’ai juste pas d’notion d’performance, quand j’baise, c’pour m’vider les couilles, pas pour m’donner en spectacle. Pourquoi ? J’t’intéresse ? » Il regrette la bouteille qu’il n’a pas prise avec lui, se sent loin d’être suffisamment bourré pour encaisser la provocation vivante qu’elle représente pour sa libido, et son humour mal dégrossi n’est qu’une tentative comme une autre pour écarter toute éventualité de s’envoyer en l’air sans plus de cérémonie. Parce que les filles qu’il fréquente quotidiennement ne le font plus bander depuis longtemps, avec leur plastique de rêve et leurs sourires corrosifs, qu’il connait trop la marque artificielle de leurs faux ongles et la rupture toujours trop rapide de leurs esprits étriqués, la chinoise lui offre toute la nouveauté dont il a besoin pour ferrer son intérêt.

Est-ce qu’elle est bonne au pieu, se demande-t-il silencieusement, un ricanement franchissant ses lèvres à la pensée qu’elle pourrait tout aussi bien n’être qu’un joli package dépourvu de la moindre saveur. « Une vocation, pas vraiment. Disons qu’j’ai un sale boulot, et qu’j’ai envie d’un truc un peu plus léger, pour l’moment. » Il ne s’épanche pas, se contente de la suivre des yeux pour rajouter, le timbre voilé. « Ramène-moi la bouteille, tu veux ? Et si ça t’intéresse on peut commencer à check ce qu’il y’a dans les caisses. Y’a autant d’accessoires que d’matériel audio et vidéo j’crois, faudrait qu’on s’tape l’inventaire, j’ai pas d’liste précise, j’ai juste tout commandé en masse pour pas être emmerdé par la suite. »

Lorsqu'il répète ses mots, Xiao réalise soudain le double sens de ce qu'elle a proposé à ce parfait inconnu dont elle ne connaît finalement que le nom et, potentiellement, la marque préférée d'alcool. Moyennant un regard à la bouteille. Mais non, ses yeux restent plantés dans ceux du type, à qui elle répond d'abord par un sourire entendu, avant de dissiper toute incompréhension. "Vous montrer ce que c'est, sur le terrain. Pendant un tournage." Habile, elle ne balaye pas ouvertement les sous-entendus qui pourraient avoir causé ce besoin de clarté. Pas qu'elle soit prête à sauter sur tout ce qui bouge, mais l'éventualité d'un recrutement canapé s'est toujours posée dès lors qu'elle a décidé d'assister à cet entretien avec son vagin et son plus bel attirail. Et Xiao a fait la paix avec ça.

Profitant de son petit tour d'horizon, elle écoute les réponses du russe sans lui accorder un regard, préférant observer avec une grande attention ce qui deviendrait très vite son nouveau studio de tournage. Il lui est encore difficile de réaliser que c'est vraiment gagné, que ce n'est peut-être pas une entourloupe, et qu'on ne va pas l'attaquer dans un coin sombre de la pièce. Mais ce dernier point, pour l'instant, reste à vérifier. Xiao, pendant ce temps, ne peut réprimer un sourire tout excité en imaginant tout ce qu'elle peut faire de l'endroit. Elle voit déjà les lumières, les plans, une esthétique grunge et assez trash pour contraster avec des actrices à la plastique parfaite aux accessoires à moitié chic et à moitié cheap. Toujours en l'écoutant répondre à ses questions avec l'innocence d'un non-initié, la chinoise s'approche d'un pilier de béton auquel elle s'appuie à l'aide de ses coudes, s'inclinant à moitié pour en tester le confort dans une position assez populaire. "Hm, pas mal." Au moins, celui-là n'aura pas besoin de revêtement pour être confortable et ne pas blesser les actrices. Ou les acteurs. Question intéressante, d'ailleurs, à garder en tête pour plus tard.

"Je dirais bien que vous avez l'air de bien prendre la lumière et que vous passeriez bien à la caméra, mais ce serait malhonnête, il y a d'autres critères de sélection plus importants." Répond-elle à la fausse proposition, un sourire espiègle aux lèvres alors que ses yeux descendent lentement vers l'entrejambes de Dimka. "Il n'y aurait que ça pour m'intéresser, je pense." Un petit rire, qu'elle réprime assez vite pour recommencer son petit tour du propriétaire.  

"Je peux ?" Demande-t-elle sans attendre de réponse alors que Dimka l'invite justement à fouiller dans les caisse, ignorant l'impolitesse avec laquelle il exige un service avant de s'y mettre. Elle récupère la bouteille, prenant son temps pour traverser la pièce, et la lui tend sans un regard, déjà obnubilée par ce qu'elle pourrait découvrir dans cette caverne d'ali-baba du cul.

Sans se faire prier, elle commence à ouvrir une caisse et estimer le contenu. Celle-ci semble exclusivement réservée aux accessoires de tournage et autre jouets. Enthousiaste, Xiao se met déjà à sortir une boîte, puis deux. "Oh ! Je les ai tous les deux. Pas mal, résistants. Pas les plus puissants mais de toute façon, l'important, c'est que ça tienne." Après tout, les actrices porno sont bien ça, des actrices. Feindre d'être proche de l'orgasme avec un jouet merdique fait aussi partie de leur boulot. Et pour cette fois, elles s'en sortent bien. Quoi d'autre. Elle une ceinture accompagnée de plusieurs plugs et jouets interchangeables. "Pas mal ça aussi. Ça tient moyennement la distance mais, dans un premier temps, c'est une bonne économie." La chinoise le pose à côté des deux premiers, avant de sortir une boîte plus grande, contenant un jouet à taille… surprenante. Un sourire suffisant sur le visage, elle se retourne, l'objet en main. "Vous êtes ambitieux. Vous avez choisi tout ça vous même, ou vous avez commandé au pif ?" Le jouet a l'air résistant, mais tout de même assez spécifique. "Vous visez quel public avec tout ça ? Gay ? Hétéro ? Geek fan de monstres ?" En énonçant ce dernier critère, elle parcourt l'objet du regard en ricanant. "Si vos acteurs sont prêts à tout faire, vous y gagnerez sans doute au change. Choisissez les bien, comme vos accessoires."

Ses jambes se balancent lentement contre la caisse, qu’il tape mollement des talons à chaque passage. Il a beau savoir qu’il doit se tenir, penser avenir, collaboration, et bon rapports, les seuls rapports qui l’intéressent pour l’heure sont ceux qu’ils pourraient avoir. Elle ne le regarde pas pour le moment, et c’est tant mieux, il ne sait pas combien de temps encore sa patience pourra le retenir. Il ne se refuse jamais ce qui lui plait. Ni celles qui lui plaisent. Et l’obligation de respecter l’accord qu’ils viennent de passer contrarie nettement ses habitudes.

Merde, putain, jure-t-il mentalement en la voyant se pencher dans ce qui est une pose bien trop suggestive pour son état présent. Il n’a qu’une envie, la rejoindre, relever sa jupe, et s’enfoncer en elle jusqu’à ce que ses burnes cessent de le lancer. Il grommelle quelque chose sans cesser de la regarder, se recompose un air qu’il espère innocent lorsqu’elle se tourne vers lui, avant d’éclater de rire en suivant son regard.

« J’vois ouais. » commente-t-il sans chercher plus loin pour l’heure, ravi de la voir revenir avec la bouteille demandée. De quoi calmer l’envie qui lui tenaille le bas-ventre, au moins pour un temps. Sans attendre, il s’en saisit, la porte à ses lèvres et s’envoie une longue lampée sans même prendre le temps de respirer. Il tourne ensuite la tête vers la chinoise, intrigué par l’enthousiasme qu’elle continue d’afficher, et esquisse un sourire en la voyant déballer les jouets. Elle a l’air d’une gosse devant un sapin de noël, songe-t-il alors qu’elle brandit une boite, puis une autre.

« J’te crois sur parole. » lance-t-il en reprenant la bouteille, décidé à se murger la gueule à défaut de pouvoir baiser. Il l’écoute toujours, mais le gode géant lui fait cracher la vodka qu’il a dans la bouche, et il lui faut une bonne minute pour cesser de cracher ses poumons. Les larmes aux yeux, il se lève, s’approche de Xiao et lui arrache le jouet des mains pour le balancer plus loin. « J’ai pas choisi, mais on va p’t’être commencer plus soft. Sérieux, j’mate du porn, beaucoup, mais j’ai jamais vu personne s’enfiler un truc pareil. Ou alors j’suis pas fan des chattes éclatées, j’sais pas. » Il hausse les épaules, jette un coup d’œil méfiant à l’accessoire inerte sur le sol, et reporte son attention sur la fille, bien trop proche de lui maintenant.

« Prêts à tout faire, ça s’trouve. Mais là c’est plus à toi qu’j’ai envie d’tout faire. » Il lui attrape un poignet, sans forcer vraiment, et guide la main féminine, qui lui paraît minuscule jusqu’à son entrejambe. « Parce que tu vois, si j’ai bien compris, chef, c’est c’qui s’trouve ici qui compte. C’est pas c’que tu m’as dit ? » Oubliées les bonnes résolutions, envolées les tentatives de temporisation. Il n’en a clairement plus rien à foutre depuis qu’il a dans le nez l’odeur subtile de jasmin qu’elle dégage.

« Avant d’choisir les jouets, c’est important d’choisir les partenaires. J’ai aucune envie d’tourner une vraie scène, mais si t’es ok pour tester des trucs, maintenant, ici, avec moi, ça m’arrangerait un peu. » Il la relâche, recule d’un pas, comme pour lui laisser de l’air, mais, surtout, lui laisser le choix. Parce que la suite des événements dépend entièrement d’elle, et qu’il va vraiment falloir qu’il se paye une pute de bas étage si elle l’envoie chier, tellement il a les couilles pleines. Sale alternative, qu’il aimerait bien s’épargner. D’autant plus qu’elle lui plait bien cette nana, avec son léger accent, ses façons directes et son attirail de connaissances. « C’toi qui voit. J’propose, tu disposes. » souffle-t-il encore, le regard assombri par un désir qui ne diminue pas.

Lorsqu'il lui prend le jouet des mains pour le lancer, visiblement choqué par ce qu'il touche, Xiao ne peut réprimer un éclat de rire. L'extrême, dans ce boulot, est certainement un de ses principaux points d'intérêt. Mais peut-être est-il frileux. C'est sans doute ce qui la pousse à rire. Alors qu'elle se calme, un large sourire demeure, elle en aurait presque les larmes aux yeux. "Eh ! Chacun son truc, mais ça a son public, c'est certain." Le regard mutin, elle ne peut s'empêcher d'ajouter. "Je me demande bien quel autre genre de surprises vous me réservez, là dedans." Si Xiao n'a jamais utilisé cet accessoire en particulier, les vidéos amateur les mettant en scène ne lui sont pas étrangères et le souvenir très net de ses premiers visionnages la forcent à un peu d'empathie pour ce novice terrifié.

Et puisqu'il est question des surprises - quoique la situation ne soit pas de nature à déstabiliser la chinoise - voilà qu'elle le sent attraper sa main. Elle l'aurait sans doute rapidement retirée, offrant en complément une vue de premier choix de son genou en gros plan s'il ne lui avait pas laissé l'impression de quelqu'un manquant d'équilibre et, par conséquent, de peu menaçant aussi. Et puis, elle est obnubilée par tous ces jolis accessoires colorés à découvrir en situation. Alors, lorsqu'elle retrouve sa main sur son entrejambe, elle ne fait que tourner la tête, les yeux grand ouverts et les sourcils relevés, l'air de lui demander s'il est bien sûr de ce qu'il veut.

"Vraiment ?" Répond-elle d'un ton insupportablement insolent. "Ca vous arrangerait, c'est bien ça ?" Profitant de ce qu'il la relâche, elle recule aussi d'un pas sans détourner le regard. Elle le jauge, un sourcil circonspect toujours relevé, un sourire en coin sur les lèvres. Le silence lui donne envie de rire, autant que les manières de ce russe qui, finalement, fait honneur à tous les pires stéréotypes que Xiao se balade en tête depuis l'enfance. A croire qu'ils ont un gros fond de vrai.

Il attend le verdict, l’observant sous ses paupières mi-closes, la jauge à son tour, avec une brève envie de lui faire bouffer son sourire. Le ton qu’elle emploie est une provocation à lui tout seul. Et il ne sait pas ignorer les défis. Encore moins celui qu’elle représente, à l’heure actuelle, à la fois intéressée et distante.

Ce type est vraiment tout ce qu'on lui a dit des russes, et plus encore. Le problème avec cet état de fait est ce qu'il représente. Les types comme ça, qui ont un semblant de grande gueule et de tendance à la provocation - volontaire ou non, Xiao n'est vraiment pas bien placée pour en juger - la rendent compétitive. Si elle est joueuse la plupart du temps, et le contexte l'aide, la chinoise voit aussi les autres intérêts d'une telle situation. Mettre un type russe assez baraque et de vingt centimètres de plus qu'elle en état de perdre ses moyens et plus encore. Ce genre de défi pourrait inspirer une envie de tuer, mais l'atmosphère est toute autre, les idées de Xiao, déjà teintées.