Acciaio | ft. Khan, Mei Lin et Zhi-Wei

Les rencontres nocturnes sont presque un cliché, tout droit sorti des films d'espionnages. Mais c'est bien les seules exigences de Livia, celles de la discrétion. En plein jour, et sur son propre territoire, Livia est bien trop visible, à plus forte raison si elle est accompagnée de quelqu'un qui n'est pas de sa famille - ça attire l'oeil.

Il est une heure du matin, sur la Spaggia Nera, et il n'y a pas âme qui vive. La Donna, toute de noir vêtue, enserrée dans un long manteau de feutre noir, remonte à son nez le foulard bordeaux qui protège son cou tandis que ses bottes s'enfoncent dans le sable. Les odeurs, au moins, ne sont plus, depuis que l'essentiel des corps et des déchets ont été emportés par l'océan. Il faut dire qu'avec le temps que les siens passent enfermés dans Napoli pour leur propre protection, ils doivent bien trouver de quoi se divertir, et qu'une plage recouverte de corps et détritus en décomposition avancée n'est pas bien accueillante. Quelques âmes généreuses ont probablement pris le parti de mobiliser quelques paires de bras pour la rendre plus vivable.

Suivie par une ombre de soldat de la Triade, l'italienne n'ose pas regarder derrière elle. Déjà parce qu'il doit certainement être aussi alerte qu'elle, mais aussi parce qu'à chaque fois qu'elle l'observe, elle voit toutes les tortures qu'il s'est imposé pour elle. Raison pour laquelle elle a insisté pour obtenir le contact de quelqu'un d'autre, n'importe qui de fiable, pour effectuer la mission qu'il aurait sans doute voulu s'octroyer à lui même. "J'espère qu'ils sont aussi ponctuels que toi." Se permet-elle de glisser tout de même, comme un réflexe. A une telle heure, alors qu'elle peut profiter de l'air marin apaisant ses angoisses un court instant, elle ne pourrait avoir moins d'intérêt pour la ponctualité. Ce qui l'oppresse, c'est le temps qui la sépare du fin mot de cette histoire.

Le regard perdu vers l'autre rive, pas si éloignée que ça, de Neo-Atlantis, Livia ne peut s'empêcher de se questionner sur ce qui peut bien se passer, là-bas. Sont-ils encore en alerte ? Y a-t-il des rondes plus fréquentes, un couvre-feu ? Certains profitent-ils de la paranoïa ambiante à Decay pour faire des propositions à la Milice qu'elle ne saurait contrer dans l'ignorance ? L'idée de retourner au Checkpoint fait son chemin, mais l'angoisse. Pas encore. Il y a déjà trop à envisager ici, et les nouvelles des autorités sont encore trop rares et maigres en substance pour valoir une visite en personne.

La brise marine vient soulever le bas de son manteau et les quelques mèches de cheveux qui s'échappent de son col relevé sur sa nuque. Il ne fait pas si froid, avec l'hiver qui s'éloigne peu à peu, mais la Donna ne peut retenir un frisson. Son visage se fait alors plus dur, comme pour compenser cet instant de faiblesse pourtant totalement hors de son contrôle, purement biologique. Elle se retourne, laissant son regard se perdre en direction du Sud, d'où elle espère voir arriver ceux dont elle doit faire la rencontre. Il serait bien bête de les voir débarquer du Nord, compte tenu des circonstances. "Il fait particulièrement frais ce soir. J'espère qu'il ne faut pas y voir un mauvais signe." Livia n'est pas femme à se laisser porter par les présages ou les signes de l'univers. Mais parfois, il suffit d'un rien pour devenir frileux.

Il la suivait dans le plus grand silence. Il savait ce qui devait se passer. Après la révélation de toutes les informations qu’il possédait, le Mongol connaissait trop bien l’engrenage enclenché. Il le regrettait déjà. Se plonger dans les jeux du pouvoir des Puissants n’était pas du tout ce qu’il préférait. Il avait toujours fait en sorte d’être uniquement leur outil, une arme aux multiples facettes. Pourtant, en cette nuit qui annonçait la sortie de l’Hiver, il le sentait. Tout n’était dorénavant plus pareil à la suite de la Semaine Rouge et l’Attentat Rouge, qu’il avait provoqué à Neo-Atlantis. Se gardant bien de faire part de ses états d’âme, il ne pouvait s’empêcher de réaliser que les descentes de la Milice sur Napoli et les Docks étaient essentiellement sa faute. Ils le cherchaient. Mais ils ne risquaient pas le trouver, il s’en était assuré.

Marchant les deux mains estropiées dans les poches, il avançait, telle l’ombre qu’il était, juste derrière la Donna. Il n’était pas vraiment important de discuter en cette soirée. Ils n’étaient pas exactement là pour une sortie de plaisance. Que du contraire, ils le savaient tous les deux. Prenant une longue inspiration, alors qu’elle observait l’autre rivage, là où il avait salement déconné, il prit la parole de sa voix mécanisée. « N’y pense pas trop, Liv’. », avait-il seulement dit. Il n’était pas nécessaire d’en dire davantage en cet instant alors qu’elle continuait finalement sa route.

Non seulement, il avait payé l’Underground de ton propre corps. Ils ne pourraient pas dire qu’il était sinon un homme masqué. Ils ne s’étaient même pas intéressés à son identité. Sûrement l’avantage de travailler avec eux, en vérité. Quant aux balles utilisées pour l’occasion, il les avait commandées en ligne, par un compte bancaire off-shore, en passant par trois comptes piratés. Heureusement, Overwatch sécurisait toujours ces transactions. Il ne savait même pas lui-même d’où venait exactement les balles. Ne restait que les traces de ton sang. Pour cela, c’était la plus grande inconnue. A voir s’ils pourraient remonter jusqu’à lui. Néanmoins, la Hackeuse restait sur le coup, surveillant toujours le flux de la Milice. Plus qu’à espérer qu’elle ne soit pas découverte.

Il n’était pas vraiment à l’aise dans sa démarche. Il aurait préféré agir lui-même mais Livia ne l’aurait pas laissé faire. D’une certaine façon, il sentait bien qu’elle en avait assez de tout ce sang récemment coulé. Il avait bien trop de sang sur ses mains pour pouvoir continuer sereinement. Se protégeait-elle ? Ou le protégeait-elle, lui, d’une mort qui se rapprochait insidieusement ?

Il eut un frisson alors qu’elle sortait de l’ombre. Mei Lin n’était pas une Assassin de la Triade pour rien. Elle ne l’avait pas exactement effrayé. Que du contraire. Pour autant, sa présence le dérangeait toujours un peu. Heureusement, sous son masque de fer, personne ne pouvait voir son rictus de dégoût. Elle était bien différente de lui. Elle tuait par plaisir. D’une façon qui, même pour lui, était malsaine. Prenant une longue inspiration, sans réellement attendre que Livia prenne la parole ou que l’autre qui devait se présenter arrive, il prit la parole.

_ Needle, je te présente Donna Lombardi. Donna, voici Mei Lin. L’une des deux personnes contactées pour … Vous savez quoi. », avait-il dit sans sortir ses mains de ses poches. Ce n’était pas exactement à lui d’en dire davantage, malheureusement. Il était le lien entre ceux qui allaient arriver. Pour autant, il devrait rapidement s’effacer pour laisser les femmes jouer au Pouvoir. Une discussion qui ne serait pas la sienne. Se plongeant dans le silence, il scrutait les environs à la recherche de celle qu’il attendait.

L'idée de traverser tout Decay la ravit. Xiao aime bien ces petites occasions de profiter de la ville à sa façon, de toit en toit, et voir du monde, du paysage. Pour une fois, elle n'en est pas à recevoir les instructions et foncer directement sur la cible. C'est nouveau, déstabilisant, mais excitant.

Alors elle a traversé la ville, ignorant l'itinéraire conseillé via les Docks. Les gens ne pensent jamais à regarder en l'air, de toute façon. Musique dans les oreilles, casque replié à la hanche et les règles du jeu bien établies, la chinoise a sauté, tant qu'elle le pouvait, d'un bâtiment à un autre. Une chance que les gens s'entassent dans de plus en plus d'habitations serrées, surtout à Medellin. Cinquante points de plus pour un long saut, et un gros malus s'il lui faut redescendre sur le plancher des vaches.

C'est lorsqu'elle s'est approchée du territoire de Napoli qu'elle a enfin enfilé son casque et refermé sa veste jusqu'à son cou. L'interface habituelle l'accueille comme une vieille amie et titille ses instincts joueurs. Commencer une nouvelle partie ? Non. Pas tout de suite. Aujourd'hui, on veut l'anonymat, mais pas le jeu. Pas encore. Quelques fonctions bienvenues pour repérer les meilleurs passages, et se faufiler jusqu'à la Spaggia Nera.

Peut-être s'est-elle un peu oubliée dans les hauteurs. Peut-être a-t-elle simplement oublié l'heure du rendez vous. Toujours est-il que, déjà, elle voit au loin les silhouettes rassemblées qui lui signifient qu'elle est la dernière arrivée. Echec critique. Sans doute qu'ils sont en avance, tout simplement. Xiao éteint la musique et l'affichage des barres d'égaliseur sur son écran externe, avant de se montrer, au loin. Le désavantage de ce genre de plages, c'est bien que c'est trop plat pour proposer le moindre moyen de se cacher. Heureusement, il fait assez nuit et son apprentissage l'a rendue assez discrète pour ne pas s'imposer une longue marche inconfortable à travers l'étendue de sable sous les regards impatients des autres participants.

Elle voit déjà, de dos, la silhouette de Mei Lin. Elle la connaît surtout de nom. Observer, apprendre, retenir. Xiao suppose que l'autre silhouette masquée est celle de Khan. Le masque affiche une goutte, animée. Un petit coup sur le côté pour changer de mode et afficher une ligne s'animant selon la fréquence des son émis par la porteuse. Laquelle pose enfin son regard sur l'autre femme. Elle est plus petite que ce qu'elle aurait imaginé. Mais là encore, Xiao voit tous les boss de Decay comme, eh bien … Des boss. Géants, musclés, entourés d'une sorte d'aura magique. Peut-être même qu'ils cracheraient du feu, pour ce qu'elle en sait.

Tout naturellement, elle finit par s'avancer aux côtés de Mei Lin. "Bonsoir." Elle pourrait s'excuser pour l'éventuel retard mais, dans le doute, n'en fait rien. "Vous êtes Donna Lombardi ? Enchantée !" Sa voix est à peine modifiée, un peu modulée dans les aigus. Plutôt qu'un remplacement comme d'autres peuvent le faire, Xiao a toujours opté pour une simple modification. On peut sentir son enthousiasme et, quelque part, son excitation malgré le modulateur. "Alors ! En quoi j'peux vous aider ?" Sur son casque s'agite un point d'interrogation jaune, comme s'il percevait le ton de ses paroles. La jeune chinoise croise alors les bras et se met à détailler les autres participants. Sait-on jamais, comme lui a toujours dit le Prof, les surprises peuvent arriver de n'importe où, même et surtout des siens.

Fort heureusement, et comme Livia l'espérait, les assassins semblent être ponctuels. Certains plus en avance que d'autres, mais jamais autant que la control freak à la tête des italiens. Au moins, cette rencontre ne durera pas plus que nécessaire. La Donna n'est pas une grande passionnée des négociations avec les assassins de la Triade, ils sont mesquins et difficiles à lire.

Si la première arrivée lui donne le sentiment d'une personne un peu trop heureuse de faire son métier mais tout de même assez honnête pour montrer son visage - ou un peu plus de peau que ce à quoi elle est habituée - la seconde, arrivée un peu plus tard, ne lui fait pas ce plaisir. La Donna jette un bref regard entendu à Khan en faisant ce constat, et ne peut retenir un petit commentaire. "Vous avez vraiment un truc avec les masques, par chez vous. Et dire que c'est nous, les férus de carnavals." Songer à cette fête évoque tant de déceptions chez elle, mais ce n'est pas le moment d'y réfléchir.

" Et du coup, j'imagine que je vais devoir me passer de votre nom ?" Lance-t-elle à l'assassin masqué dont la voix semble être féminine. Mais avec son expérience des voix sythétiques, imposée par Khan, la Marraine préfère ne pas trop s'avancer. "Je vais vous numéro deux, du coup." Ou ne pas l'appeler du tout, c'est aussi bien. Livia n'est pas là pour créer des liens ou agrandir ses rangs, mais pour écrémer ceux des traîtres.

L'italienne s'avance de quelques pas pour se mettre au centre de l'assemblée. Une vieille habitude qui la met plus à l'aise et annonce généralement le début d'un petit monologue. "Je vais partir du principe que vous avez fait les choses dans les règles de l'art et que vos accessoires ne m'enregistrent pas." Un bref regard vers l'assassin masquée, puis un autre vers Mei-Lin. Elle, au moins, a l'air un peu plus fiable. "Tout d'abord, merci d'être venus. J'ai ouï dire par notre ami commun ici présent que votre réputation vous précède et j'imagine qu'en voyant qui est là, vous vous doutez de ce que je recherche." Une petite pause, une longue inspiration, profiter de l'air marin avant de se lancer.

" Il se trouve qu'il y a un traître à la tête de votre organisation. Vous vous demandez peut-être ce que je peux avoir à faire là-dedans." S'ils ne le font pas, c'est qu'ils sont lents. "Il se trouve qu'en plus de vouloir doubler vos chefs et prendre la tête, seul, de votre organisation, il essaie aussi de m'évincer. Comme vous vous en doutez, il en est hors de question." Livia croise les bras, et se redresse un peu. Le courant d'air dans sa nuque fait naître un petit frisson jusque dans son dos. Rien à voir avec la présence d'assassins inconnus et insondables bien-sur. " Voyez vous, je n'ai pas de raisons de me mêler de vos affaires internes, mais je ne peux pas accepter qu'un de vos chefs essaie de mettre à mal nos accords. Je suis certaine que les autres têtes seront d'accord. Ne pouvant pas me permettre de les contacter moi même, j'ai deux choses à vous demander."

Livia s'arrête un instant, et jette un regard en arrière, vers Khan, avant de revenir à aux deux nouvelles têtes. "J'ai besoin que vous vous débarrassiez de l'importun, et que vous communiquiez mes preuves à vos autres chefs. Au passage, il me semblera pertinent pour vous comme pour moi que vous dégottiez d'autres informations sur ses manoeuvres, je suis certaine que ce sera plus facile pour vous." Un nouveau soupir, et un sourire en coin. "Et si vous pouviez trouver un chef un peu moins vicieux et plus fiable pour les docks Nord, très honnêtement, tout le monde vous en sera reconnaissant. Enfin. Des questions ?"

Le Mongol n’était jamais trop prudent. S’il avait d’abord contacté Mei Lin, une Assassine aux talents particuliers, et au goût prononcé pour les morts les plus extravagantes, il avait aussi proposé Feng Zhi-Wei. Une femme qu’il connaissait bien peu mais qui aurait toujours pu servir, notamment dans la collecte des informations qu’il recherchait. Pour autant, par précaution qu’elle ne se présente pas, il avait aussi fait le choix d’inviter une autre personne. Xiao. Encore une anonyme. Qui, selon ce qu’il avait entendu, lui évoquait vaguement l’entraînement et le parcours enseigné par le Mentor. Ainsi, valait-il toujours mieux qu’ils se retrouvent un de plus, que bien trop court. Surtout dans son état actuel.

Ainsi, quand la dernière recrue arriva, légèrement en retard à son goût, il était temps que la Donna présente son point. Ce pourquoi elle avait demandé à rassembler cette Unité peu orthodoxe. D’ailleurs si peu catholique. L’Italienne engageait alors quelques Chinois pour travailler sur leur propre territoire. Une ironie du sort. Sous son masque, détaillant la situation, il observait d’abord l’extravagante Mei-Lin, au comportement toujours bien trop enjoué mais il jetait aussi un regard vers l’autre recrue. Il ne la connaissait pas assez. Autant dire qu’elle n’était pas encore fiable et qu’il ne savait pas exactement quoi en penser. Il restait évidemment la Donna, Livia Lombardi, qu’il commençait à trop fréquenter depuis qu’elle l’avait engagé pour sa Mission. Brièvement, il fit aller ses doigts restants dans ses poches. Comme pour les compter. S’assurer qu’il n’en avait pas perdu d’autres au passage. Une peur qui, chaque nuit, avait commencé à le réveiller.

Sans répondre aux questions de l’espiègle Mei-Lin, le Mongol reprit brièvement pour s’assurer que tous posséderaient toutes les informations nécessaires pour commettre l’impensable. « La Tête du Nord s’est alliée avec un Italien, ainsi que la Milice. L’Italien est bel et bien mort. Quant à la Milice, il vendrait quelques informations sur certains hommes de notre groupe pour avoir leur protection. » Il en faisait d’ailleurs partie, avec d’autres assassins au patrimoine plutôt prestigieux. Ceux qui avaient le plus haut taux de réussite dans leur contrat seraient les têtes qui tomberaient sous la guillotine du Traître. « Quelqu’un d’autre fournit de l’argent. Je ne sais pas qui. Un autre parti souhaite profiter de la confusion pour tirer son épingle du jeu. » Son masque se tournait vers les deux femmes engagées pour l’entreprise, comme s’il désirait s’assurer qu’elles réalisaient et comprenaient exactement le danger.

_ Nous devons surtout nous attendre à un homme sur ses gardes dorénavant. Il a perdu son allié, l’Italien. Nous ne savons pas comment cela va influencer leur organisation. », lâchait-il finalement. Dorénavant l’engrenage était lancé. Serrant ses doigts restants, il soufflait dans son masque. Avait-il fait appel aux meilleurs agents pour cette mission ? Un instant, il doutait de lui-même. Malheureusement, depuis quelques temps, l’assassin Nova était injoignable. Avait-il été, lui aussi, pris ?

L'italienne manque un peu de politesse. Xiao ne risque pas de lui en tenir rigueur, on ne lui a appris à être polie que parce qu'elle pourrait y perdre de l'argent, à jouer avec ses manières d'enfant sauvage. Face à quelqu'un qui semble si propre sur elle et rigide, bon sang, et sèche comme un coup de trique, la chinoise s'attendait à autre chose. Et puis il y a Khan, ce type toujours sérieux. Finalement, il y a quelque chose de rassurant à voir que dans tout ce beau monde, il y a quelqu'un d'un peu plus détendu, en la personne de Mei Lin. Pas qu'elle la comprenne ou sache comment l'aborder mais, c'est déjà quelqu'un de plus abordable. Loquace - moins que l'italienne qui s'écoute franchement parler, ça se voit à sa façon de prononcer ses phrases - mais qui prend les devants. L'entendre parler de pudeur, par contre, la fait sourire et son masque trahit son amusement. Un emoji hilare dont les larmes perlent au coin des yeux s'affiche soudain. Pudique, elle ? Quiconque a eu le malheur - ou la chance - de la croiser hors de ses horaires de travail aurait bien du mal à l'associer à ce terme sans rougir.

Les informations de la Donna dansent dans l'esprit de Xiao qui se demande bien ce que ses chefs doivent penser de tout ça. Pas la tête du Nord, ça non. Elle n'a jamais trop eu de liens avec lui. Il fait partie "de la haute", mais ça s'arrête là. Et, finalement, dans son entourage, il n'a pas très bonne réputation. On ne peut pas dire qu'apprendre tout ça sur lui la surprenne, mais les manoeuvres des managers la dépassent - sans doute pour ça qu'elle se contente de son rôle actuel. Son regard part régulièrement en direction de Khan qui, comme elle, semble impassible, en vertu de son masque, un choix populaire au sein du groupe asiatique.

"Faut être con, quand même." Commente-t-elle, de sa voix modifiée pour une tonalité trop aigüe pour sa crédibilité. Des accents qui rappellent les voix insupportables des protagonistes féminines de séries animées japonaises. "Pour essayer de vous la faire à l'envers, j'veux dire." Un commentaire qui manque de sérieux et a probablement des airs de complaisance, mais il lui est difficile d'imaginer qu'une Tête de la Triade cherche sérieusement à évincer la Marraine de Napoli.

C'est alors que Mei Lin est … Mei Lin. Quand bien même Xiao ne la connaît pas plus que ça, l'assassin a sa petite réputation et on ne peut que constater qu'elle lui fait honneur. Ses questions auraient pu être prévisibles, si la chinoise masquée avait pris au sérieux les bruits de couloir. "Oh là, non. Gardes le corps. J'vais pas faire collection." Contrairement à certaines, Xiao ne trouve d'intérêt que dans l'acte, pas dans l'après. Ce n'est pas pour le sang et les tripes à l'air qu'elle agit. La drogue et les filtres aidant, avec le temps, tout ça est pourtant devenu comme un joyeux festival, qui s'arrête une fois le corps inerte.

"Qu'il soit sur ses gardes, ok. Mais du coup, on doit s'attendre à quoi de la part des autres Têtes ? Il a du monde avec lui ? Des managers, des Profs ? Moi j'veux bien le descendre mais ça veut dire quoi pour nous ? On peut les tuer aussi, est-ce que ça va nous retomber dessus ? Preuves ou pas preuves, tout le monde est pas informé non ?" Un gros point d'interrogation clignote sur son casque alors qu'elle bombarde, sortant de sa semi-torpeur où elle n'écoute qu'à moitié. Les questions, dans sa tête, sont encore plus nombreuses. Xiao ne doute pas un seul instant de sa capacité à mener à bien cette mission. Mais les paramètres sont importants. "Voyez, j'pense qu'on a un peu tous une signature et les gens de la Triades sont les plus susceptibles de savoir qui a tué qui, rien qu'aux traces de sang sur les murs. J'préfère savoir à l'avance si je dois changer de méthode, brouiller les pistes. Parce que si les preuves sont plus rares que vous le dites ..." Son regard se pose sur Mei Lin. Si le corps vient à disparaître, la liste des suspects potentiels se réduit grandement. "Pas sûr que ce soit une bonne idée d'embarquer la bidoche dans ta tanière, du coup." Retour vers Khan et la Donna Lombardi. "On doit bosser ensemble, ou c'est à qui tape le premier ?" Difficile de cacher son excitation derrière cette question qui trahit immédiatement sa compétitivité. Faire la course avec un assassin émérite ? Avec grand plaisir.

Le regard de la Donna passe de l'un à l'autre des intervenants, tentant de sonder un peu leur crédibilité et leur sérieux. Ce n'est pas une nouveauté que la Triade engage des excentrique, Khan en est déjà une sorte de preuve, quoiqu'avec le temps il apparaisse de plus en plus comme l'un des plus sérieux du lot. Ses perruques ne sont finalement pas grand chose comparé aux lubies et délires des deux énergumènes que la marraine s'apprête à engager.

"Tout ce que je vous demande, c'est de faire les choses bien." Lâche-t-elle à la seule assassin au visage découvert. "Que vous ne mettiez pas de côté l'autre partie de votre boulot, celle où vous rassemblez de quoi protéger toutes les parties prenantes de notre accord." Un bref regard vers Khan. Lui aussi est concerné finalement.

Si l'italienne vient à ignorer la question sur le corps - des considérations qui ne la regardent pas et dont elle se fiche éperdument, viennent les questions de l'autre mercenaire. Tout lui semblait pourtant clair, mais l'absence de visage à analyser rend difficile la discussion éclairée. "J'ai pas pris contact avec les autres Têtes. Pas encore. On ne sait jamais qui pourrait intercepter nos communications, ou s'il ne leur a pas déjà bourré le crâne avant que je m'en mêle. C'est pour ça qu'il est capital, pour vous comme pour moi, que vous fassiez votre boulot d'enquête avant de passer à l'acte. Et ça, le plus vite possible."

La mission est délicate, et si la Donna n'est pas femme à vouloir exposer toute sa réflexion à de simples exécutants, dans la situation actuelle, il y a bien plus en jeu que de l'argent. Elle désigne vaguement Khan de la main. "Il a déjà rassemblé quelques informations, mais les choses évoluent vite, c'est pourquoi vous ne pouvez compter que sur vous-même." Les considérations d'assassin l'ennuient, mais le sujet semble devoir être abordé. Livia n'aime pas discuter des méthodes de travail des autres, surtout que ça ne fait pas partie de ses talents de stratège, mais une nouvelle fois, il lui faut entrer dans les détails. "Si au vu des preuves que vous avez vous estimer qu'il vaut mieux brouiller les pistes, faites-le.  Je suis pas regardante sur les méthodes mais si elles viennent à nous mettre dans la merde, vous comme moi, j'estimerai que votre décision était éclairée et volontaire et que vous avez essayé de me doubler, c'est tout."

La Donna a déjà bien trop à songer pour se mettre à stratégiser sur les méthodes de travail d'assassins d'une organisation dont elle n'a pas envie d'étudier la mentalité. Quelque chose lui dit qu'elle y perdrait plus en santé mentale qu'elle ne gagnerait de connaissances de valeur, dans tout ça.

" Si je demande à ce que vous travailliez à deux, c'est parce qu'il est question d'un gros morceau, déjà. Et connaissant les talents des gens dans votre branche, je ne doute pas que vous puissiez vous en charger seul. Mais j'ai cru comprendre que chacun d'entre vous a ses intérêts, en plus de ceux de votre organisation. Si l'un de vous deux venait à me trahir, je compte sur l'autre pour s'en débarasser et gagner le double. En plus de ma reconnaissance." Elle croise les bras, un petit sourire en coin. "Vous tuez qui vous avez à tuer, de la façon que vous estimez la plus efficace. J'ai pas d'ordres à donner là dessus, enfin, pas d'autres ordres que de réussir à porter mes intérêts dans cette mission. Je ne compte pas sur votre bonne conscience ou votre loyauté pour votre organisation, ça ne me regarde pas. Mais votre prix sera le mien si, et seulement si, tout est réglé comme il doit l'être." Un dernier regard vers l'assassin sans masque. "Ne me rapportez pas le corps, par contre. Ou il finira dans les égouts. Je doute que ça soit bon pour vous."