L'un des Six [feat Khan]

Le Guerrier Mongol avait beaucoup perdu. Avec ses recherches sur la Tête du Nord, jusqu’à l’Assassinat et Attentat de Neo-Atlantis, il avait dû faire profil bas pendant un long moment. En plus de devoir récupérer et apprendre à se battre autrement. Changer ses méthodes de travail pour continuer de rester celui aux hautes performances. Il ne comptait pas arrêter le compte et son tatouage réclamait davantage de ses trophées journaliers. Membre de la Triade depuis quelques années dorénavant, recruté pour ses performances et ses compétences, autant dans le parkour mais aussi dans le meurtre, Khan, surnommé Ghost sur les plateformes digitales du DarkWeb avait finalement appris qu’il est toujours possible de se battre autrement. Qu’il aurait aimé, secrètement, retourné au Mausolée.

Sur l’interface de son masque, un message crypté venant directement de la plateforme. « Besoin de tes services. […] masque rouge. » Sourcils froncés, il n’avait pas réussi à remonter la source. Qui se permettait de communiquer avec lui de la sorte ? Était-ce une connaissance ou seulement une personne trop familière qui connaissait ses états de service impeccable ? Aucun contrat n’était lié à cette demande mais le Mongol restait curieux. Aussi allait-il se présenter à ce rendez-vous, bien qu’il appréciât peu le ton direct du message codé. Mais au moins, l’autre ne perdait pas de temps. Il reviendrait sur son prix plus tard.

Aussi, alors qu’il approchait de l’heure, il cherchait son commanditaire, facilement repéré par la reconnaissance faciale. Il n’y avait que lui qui portait un demi-masque rouge sur le bas du visage. Parlant dans son masque de son mandarin natal, la voix anglaise et synthétique traduisait en simultané pour son interlocuteur d’un ton monocorde qui empêchait de savoir les sentiments exacts du Mongol. « Je te reconnais. », lâchait-il uniquement. Un Assassin d’un certain niveau. Et en raison de ses états de services, Khan se demandait s’il n’avait pas affaire avec l’un des Enfants. Question qu’il ne poserait définitivement pas en raison de ses propres traumatismes infligés.

_ Que me veux-tu exactement ? » Par précaution, le Mongol continuait de réaliser un scan permanent autour de lui. Il était peut-être la cible de cet homme, après tout. S’il travaillait pour l’ancienne tête du Nord récemment tombée, et qu’il avait appris toute l’implication de l’ancien Yakuza, il ne serait pas étonnant qu’il cherche revanche et vengeance pour son Maître déchu. Aussi, pour sa propre sécurité, dans sa main droite, malgré l’absence de son index, il bloquait déjà le Tantô à l’aide de son pouce.

Puis ce fut le silence. L’attente. Bientôt il saurait s’il était face à son nouvel ennemi. Inspiration lente. Il ne le craignait pas.

Silencieusement, sous son masque, le Mongol avait relevé un sourcil face à la Mission qui lui était demandée. Il ne pouvait s’empêcher, brièvement, de sourire. Était-il au courant de ce qui s’était exactement passé avec la Tête du Nord ? Il était celui qui, engagé par une autre organisation, avait révélé la corruption de la Triade. Le plongeant au centre même des basculements politiques, il y avait perdu une partie de ses compétences (quelques doigts manquaient à ses deux mains) et avait dû se cacher durant plusieurs mois. Une vie de survie que le Guerrier avait détesté. Pendu dans l’attente des véritables changements. Ayant assassiné l’allié italien, c’était toujours lui qui avait trouvé les femmes qui avaient exécuté l’Homme. Dorénavant, il était temps pour lui de reprendre une vie qu’il espérait moins mouvementée. Moins tourmentée par ces derniers mois compliqués.

Il n’avait pourtant rien dit. Pourquoi discuter quand un commanditaire lui donnait l’ensemble des informations dont il aurait besoin ? Un premier objectif relativement aisé, en vérité. De l’extorsion d’informations. Une deuxième tâche entièrement inconnue. Ce qu’il détestait davantage. Comme ils aimaient leurs étapes, ceux qui se pensaient plus intelligents. Une façon de planifier que l’Assassin ne comprenait pas exactement. Il devrait patienter pour apprendre et comprendre quel était le but de ce dernier. S’il désirait faire tomber une des Six Mers qui trafiquait avec la Tête du Nord, Khan ne dirait pas non de toute façon. Haussant les épaules, il hochait déjà de la tête. « Entendu. Trois jours pour obtenir ta conversation enregistrée. » Puis après un court silence, il reprenait avant de se détourner. « Nous verrons pour le paiement dans trois jours, en même temps que la deuxième étape. »

Premier objectif. Retrouver les quatre hommes. Cibler celui qui serait la cible la plus facile pour du chantage, qui tomberait le plus facilement. Premier objectif. Premier jour. C’est ainsi que l’Assassin, se déplaçant dans les Ombres du Mentor, s’était fait discret. Silencieux. Du repérage. Puis un suivi de sa cible jusqu’à chez elle. Une vie de famille. Au moins une petite fille. Une compagne. La faiblesse de tous les êtres humains. Les relations humaines. La vie. L’attachement. Le Mongol l’avait appris à ses dépens. S’attacher blessait à un moment ou un autre. Surtout lorsque, plongé dans les méandres du Bien et du Mal, être du mauvais côté pouvait coûter la vie d’innocents. Alors qu’il les embrassait, le Guerrier s’était glissé dans la petite maison, attachant les deux femmes aux chaises, muettes. Que le chantage commence. Revenant de sa douche, l’homme devait découvrir le terrible spectacle de sa compagne et de sa fille, au milieu de leur salon pourtant si habituellement accueillant.

Et Khan de se glisser dans son dos, la lame déjà brillante à sa carotide. Voix synthétique, mécanique, frissonnante. Telle la machine en mission qu’il était en ces instants. « Tu vas faire exactement ce que je te demande, comme je te le demande. Autrement, c’est la dernière fois que tu revois ta fille. » L’homme hochait déjà de la tête. Tout, sauf ses bébés. « Tu vas aller sagement t’endormir, comme le bon père de famille que tu es. Demain, tu iras à la rencontre du quatrième des Six. Tu reviendras sur les changements à la suite du décès de la Tête du Nord, et ce qu’elle prévoit donc de réaliser maintenant. » Alors qu’il allait parler, le Mongol serrait à nouveau son étreinte, lui faisant savoir que ce n’était pas son moment pour discuter. « Je t’écouterai à chaque instant et j’enregistrerai absolument tout, tout ceci depuis ta propre maison. Si tu essaies de me la faire à l’envers, elles sont mortes à ton retour. Elles et quiconque que tu enverrais à leur secours. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? » Hochant de la tête, le Guerrier le relâchait. « Embrasse-les. Et n’oublie pas que ceci pourrait être la dernière fois si tu ne fais pas exactement comme je t’ai demandé. »

Premier objectif. Trouver le maillon faible. Le faire chanter. La famille était une faiblesse. L’attachement. Les émotions. Puis l’homme était parti. Sans même demander une certitude de la parole du Mongol. Trop inquiet pour sa famille. Prêt à se pisser dessus, il aurait tout fait pour protéger ces êtres si chers à sa vie. Et il avait fait exactement ce qu’on lui avait demandé. Elles étaient plus importantes que le reste. Sa femme et son petit bébé. Quand il était rentré chez lui, elles étaient libres. Le cauchemar mandarin avait déjà disparu. Depuis les toits, il avait observé un homme qui s’était jeté dans leurs bras. Pleurant. Ils étaient tous en vie. Encore un temps, le Mongol les avait écoutés, attentivement. Mais l’homme ne désirait plus jamais revenir sur ce qui s’était passé. Quitter l’île tant qu’ils vivaient encore. Ne plus croiser la Triade.

S’approchant du lieu de rendez-vous en date et heure du troisième jour, comme il était prévu, le Mongol s’était finalement assis à côté du Red Mask. « J’ai ce que tu voulais. Elle est bel et bien aussi corrompue que le Nord ne l’était. », lâchait brièvement Ghost qui réalisait combien cette alliance avait de nombreuses ramifications. L’Italien. La Tête du Nord. Des membres de la Milice. Et même l’une des Six Mers. Et ce doute, qui le rongeait, qu’une autre organisation, plus discrète, tirait encore les ficelles et qu’ils n’en étaient que des marionnettes bousculées au gré du chaos créé.