Chapitre 2 : La Corporation
Decay
Decay, destination de tous les possibles, terre en friche où fourmillent les possibilités et l'argent facile, où chaque vice est accessible, chaque désir libre d'être comblé. L'île prospère, se vautre dans sa propre réussite, quand l'ouragan Isaac survint, balayant sur son passage les installations des gangs comme leurs prétentions. Et un nouveau groupe émerge des brisures laissées par la tempête, la Corporation. Forte de son budget, celle-ci s'invite en sauveuse, promet à tous une aide financière et humaine, des avancées conséquentes, pour une vie meilleure. Avides de pouvoir ou simples fantoches, qui sont vraiment les acteurs de cette entité inédite qui prétend étendre son influence à tout Decay.
11/10/2020 HRP
La Newsletter est sortie ! Beaucoup de changements au programme, par ici
11/10/2020 RP
Quelques semaines après la fin de l'ouragan, la Corporation dévoile son visage ! A lire par ici
12/09/2020 RP
L'ouragan Isaac s'abat sur l'île ! Pour en savoir plus, par ici
12/09/2020 HRP
L'event Hurricane est lancé ! Vous pouvez toujours le rejoindre par ici.
27/08/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
05/07/2020 HRP
Nouvelle newsletter et nombreux changements ! La lire ici.
30/05/2020 HRP
Nouvelle newsletter en cette fin de mai ! La lire ici.
30/05/2020 RP
Un nouveau système de réalité augmentée sort au Space Station Bar ! Participer ici
5/04/2020 RP
Le Carnaval de Napoli est lancé ! Extravaganza
8/04/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
18/03/2020 HRP
Ajout des missions et petite update de l'index !
28/02/2020 HRP
Deuxième newsletter ! La lire ici.
28/02/2020 RP
La Milice redouble de violence et est plus présente sur le territoire de Decay !
31/01/2020 HRP
Première Newsletter, bébé forum deviendra grand ! La lire ici.
31/01/2020 RP
L'intrigue "Paranoïa" a été lancée ! Par ici.
17/01/2020 HRP
Ouverture du forum ! N'hésitez pas à rejoindre le Discord !
Il parait qu'une jeune fille a été aperçue allant dans les égouts. Depuis, elle n'a plus donné aucune nouvelle d'elle. Une nouvelle victime des monstres vivant dans les égouts ?Une vingtaine de serpents en liberté auraient été aperçus sur les Docks. La Triade en sueur.On déplorerait trois morts suite au dernier barathon de la rue de la soif.À Kabukicho, des rumeurs sur l'affaiblissement des effectifs du clan Oni commencent à poindre. L'absence de Yokai se fait-elle enfin ressentir ou cela n'est-il que le fruit de l'imagination de quelques résidents ?Une certaine Shrimpette serait en train d'écrire une fan-fiction sur certains membres de Decay.On dit que l'ensemble du corps d'un certain mercenaire travaillant pour la Triade serait entièrement recouverts de ses nombreux crimes. Une dizaine de cadavres auraient été découverts, au cours du mois de Janvier, sur les Docks. Certains évoquent un règlement de comptes. Un tout nouveau malware parcourrait la toile, déguisé sous la forme d'un logiciel à première vue inoffensif. Il installerait une backdoor sur les machines infectées. Pour quelle raison ? Cela reste un mystère. Une femme vagabonde à la chevelure d'un noir profond et aux yeux écarlates prendrait en charge des malades et blessés au travers de Decay pour une misère, offrant une alternative médicale à celle dispensée par l'Église. Fin Janvier/Début Février, une course de rue, en pleine nuit, aurait conduit certains hommes hors des pistes. Plusieurs voitures seraient sorties de la route suite à un « conducteur fantôme ».
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Should I run away, and change my name ?
Kagami Miyu
Should I run away, and change my name ?
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Moskva. L'ambiance de ce quartier changeait littéralement par rapport à celle de Kabukicho. Ce n'était pas chez elle, et pour une raison qui lui échappait, cette zone-ci semblait plus froide, austère, peut-être même un peu inhospitalière. À moins que tous ces regards rivés sur elle ne soient liés qu'à un seul fait ; celui qu'elle était une étrangère. Et si Miyu pouvait porter un masque pour dissimuler la partie inférieure de son visage, y rajouter des lunettes de soleil ou une capuche lui aurait sans doute valu d'être bien trop suspecte aux yeux de la population. Ainsi dut-elle faire face aux oeillades du peuple slave tandis qu'elle avançait le plus vite possible, enchaînant les rues et avenues toutes plus malfamées les unes que les autres. Sérieux, il se plait ici ? J'arrive pas à y croire. Une simple pensée qui revint à la charge à chaque carrefour emprunté, à chaque fois qu'elle eut l'impression qu'un passant allait lui rentrer dedans pour lui asséner un coup de couteau ou lui voler son fric. Heureusement, Miyu n'était pas venue seule ; une arme l'accompagnait, comme Dimka lui avait conseillé. Une lame assez petite pour que son maigre poignet soit assez large pour la dissimuler, mais assez grande pour venir se planter suffisamment en profondeur en cas d'embrouille. Seul problème : la maîtrise du couteau faisait encore défaut à la japonaise. De facto, cette arme lui servait davantage à se défendre contre un agresseur la sous-estimant ou contre quelqu'un de suffisamment trouillard pour se faire intimider par une arme. Les plus costauds s'en foutraient certainement.

Quelques jours avant ça, Miyu avait transmis une liste de course au russe, laquelle comprenait certains composants qu'elle savait être les plus rentables pour leur prix, et s'était également affairée à pré-établir des serveurs d'hébergement à distance, histoire que son travail ne lui prenne pas une plombe une fois arrivée sur les lieux. L'idée de revoir l'autre pervers bipolaire, comme elle l'appelait actuellement, ne lui déplaisait pas tant que ça. Seulement, la hackeuse n'avait pas envie de s'éterniser à Moskva, loin de chez elle. Et, dans l'éventualité où il devait lui arriver quelque chose, elle avait prévenu quelques contacts à l'avance, lesquels connaissaient sa position actuelle. Ca ne garantissait pas sa survie, mais au moins, Miyu avait l'impression de se sentir protégée.

Aujourd'hui, son errance se résuma en une phrase : trouver l'Arena, l'endroit que Dimka lui avait indiqué pour le retrouver. Et sans la moindre connaissance du quartier ni l'envie d'adresser la parole à qui que ce soit, la japonaise mit un peu plus de temps que prévu pour trouver son chemin. Mais quand ce fut le cas, une joie ainsi qu'un soulagement s'emparèrent d'elle. Enfin ! Peut-être que ce sera plus hospitalier à l'intérieur. Si elle savait... Mais Miyu ne pénétra pas immédiatement les lieux, se contentant d'abord d'envoyer un message à son rendez-vous.

« Je suis devant. Quoi que tu fasses actuellement, termine vite et bouge ton cul. Dans 5min je rentre et tu te débrouilles pour me trouver. Pas envie de passer trop de temps dehors avec tous ces rapaces qui m'observent. J'ai l'impression de pas être la bienvenue, si tu vois ce que je veux dire. »

Peut-être que ce délai était trop trop court. Et s'il dormait ? Pas à 16h, quand même. Qui faisait ça ? Et s'il baisait ? Tant pis pour lui, il n'avait qu'à se vider rapidement ou supporter la frustration de ne pas avoir pu se soulager. Cinq minutes, pas une de plus ni une de moins. Alors elle patienta, en silence, adossée à un mur. C'était plus prudent ainsi, personne ne pouvant l'attaquer par surprise de la sorte. Et, une fois le délai passé, elle souffla un coup. Évidemment, il est en retard. Putain. Miyu prit alors son courage à deux mains, poussa les portes de l'Arena pour s'inviter à l'intérieur. Le constat fut aussitôt alarmant. C'était assez délabré, comme lieu. La demoiselle avait davantage imaginé un genre de colisée, comme ceux décrit dans les récits historiques et/ou fantastiques de l'époque. Mais non, loin de là. L'éclairage pétait les plombs, le bordel régnait et une odeur pas particulièrement agréable flottait. Un nouveau message s'imposait. C'était maladif, nécessaire.

« Putain c'est quoi ça ? C'est pas vraiment accueillant, comme planque. Donc sous-sol, c'est ça ? Je crois que j'ai trouvé une porte qui y mène. Si je me perds, c'est de ta faute, fallait venir rapidement. Mais en attendant, un peu d'urbex s'impose, donc blah blah je te lis pas, msieur le retardataire. »

Peut-être que la princesse prenait un peu trop ses aises, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Alors elle s'approcha de la fameuse porte, recouvrant sa main dans la manche de son pull pour toucher la poignée et la tirer vers le bas. La porte émit un horrible grincement alors que Miyu dut la pousser d'un coup d'épaule pour pouvoir se frayer un chemin dans une cage d'escalier encore plus délabrée. Le temps de la descente, elle fut contrainte de se servir de la lampe torche de son portable pour y croire clair et éviter de se ramasser lamentablement. À chaque pack de marches parcouru, elle déglutit. L'ambiance des lieux rappelait vraiment celles de film d'horreur. Ca n'avait pas grand chose de chaleureux, de luxueux, ou tout simplement d'accueillant. Pourtant, elle continua d'avancer prudemment jusqu'à arriver devant une autre porte qu'elle poussa également, cette fois-ci pour déboucher dans un long couloir aux nombreuses autres portes.

« Chouette. J'fais quoi moi, maintenant ? »

Un soupir. Elle se remit ensuite à avancer d'un pas lent, prenant le temps de pencher une oreille près de chaque porte dans l'espoir de percevoir des sons. La plupart du temps, rien. Mais parfois, elle crut entendre des pleurs ou gémissements. Elle ne sut pas faire la différence sur l'instant et préféra passer son chemin. Puis, à force d'avancer, Miyu finit par arriver non loin d'une pièce illuminée donc des braillements s'échappaient. Ils étaient nombreux, virils et semblaient joyeux. Des mots en russe se firent entendre, aucun que la japonaise ne fut en mesure de comprendre. Alors, par précaution, elle s'éloigna rapidement de ce supposé bar pour envoyer un troisième et dernier message à Dimka.

« Bon, tu branles quoi ? J'ai eu le temps d'arriver pas loin d'un bar ou d'une connerie du genre, et j'ai étrangement pas envie d'avancer plus loin pour croiser l'un de tes potes déglingués. Sors de ton pieux et VIENS. »

Tout en douceur, toujours.
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La sonnerie retentit, le tire de sa torpeur. Un bip insistant et désagréable. Qui se répète, inlassablement. Il grogne, gronde, se débat entre les draps froissés qui s’entortillent autour de son corps et gênent ses mouvements. Il se redresse, fronce les sourcils en expédiant le téléphone un peu plus loin d’une pichenette, jette un coup d’œil au bas du lit en contemplant, incrédule, les traces de la soirée. Une robe traîne par terre. Un vieux t-shirt, également. Et ce qui ressemble à un masque chirurgical. « Qu’est-ce que… » Il se passe les mains sur le visage, tente de chasser le sommeil qui lui alourdit encore les paupières, lui ensuque les sens.

Il se lève ensuite avec lenteur, ramasse le téléphone qui traîne non loin, et tape rapidement une réponse destinée à faire patienter la casse-burne qu’il est censé retrouver dans peu de temps. Impatiente. Et trop assurée. Elle le prend pour son pote ou bien ? Il grimace, ramasse la robe d’un rose éteint, le t-shirt qu’il roule en boule entre ses mains, et le masque. Après une courte hésitation, il enfile les fringues à défaut d’autre chose, imagine rapidement la tête de ses hommes s’ils le voient apparaître dans pareil accoutrement, et laisse échapper un ricanement solitaire. Il regrette de ne pas avoir de miroir à portée de main. Aimerait presque s’admirer, sapé comme l’as de pique, avec une robe, de plus.  

Il sort de la chambre, non sans avoir récupéré une bouteille qui traînait là pour parfaire sa tenue, et quitte la chambre d’un pas lourd. Pas de doute, il a tout pour plaire, entre les frusques de gonzesse, le masque chirurgical sur le nez, et la bouteille qui pend au bout de sa main, à moitié vide, traînant dans son sillage un fort relent d’alcool. Personne dans les couloirs. Le sol est froid sous la plante de ses pieds, et il préfère éviter de regarder sur quoi il peut bien marcher. Il lui faut une douche. De toute urgence. Mais d’abord… « Rejoins-moi, avance tout droit, puis prends la deuxième à droite. Ensuite, encore tout droit. J’t’attends. Magne-toi. » Le sms part, et il s’adosse tranquillement au mur, en attendant qu’elle le rejoigne tout en pinçant du bout du doigt un morceau de sa robe. D’où sort ce truc, c’est une excellente question.

Il n’a pas le moindre souvenir de la veille, se rappelle juste avoir donné ses ordres avant de laisser la soirée suivre son cours. Des femmes. De la drogue. Mais personne dans la chambre à son réveil. Et aucune trace de ses propres fringues. Étrange. Il se frotte le menton, tente de rassembler ses pensées, sans grand succès. Tant pis. Elle arrive. Il l’accueille d’un sourire en coin, se contentant de lui lancer un « rejoins-moi » sans lui donner la moindre explication quant à sa tenue ou à l’endroit où ils vont. Il reprend le chemin de la chambre, laisse la porte ouverte après son passage, et se laisse tomber dans son fauteuil pour étendre ses jambes.

« J’suis sexy comme ça princesse ? Ça t’plait ? Ferme derrière toi, faut qu’on parle avant d’s’y mettre. » lâche-t-il d’une traite avant d’expirer lentement, le nez dans sa bouteille. « J’sais pas c’que j’ai foutu hier, j’crois qu’on m’a tiré mes fringues, alors faudra faire avec. » Un haussement d’épaule, un coup d’œil vers la jeune femme, et  un nouveau sourire un peu cassé. « Tu t’es bien amusée avec tes messages ? L’endroit est à ton gout ? Imagine-toi vivre ici un moment ? Tu ferais quoi si j’te laissais pas repartir ? J’dois dire que l’idée m’plait assez, on a pas assez d’filles exotiques dans ton genre. »

Il l’observe à la dérobée, se passe la langue sur les lèvres, réfléchit quelques minutes en silence avant de reprendre l'air de rien. « L’matos est installé. Y’a plus qu’t’es doigts de fée pour tout foutre en route, et ça devrait rouler tranquille. Alors ? Quoi d’beau depuis la dernière fois ? T’as try avec d’autres types ? C’était à la hauteur de tes attentes ? »

Le cerveau est en mode off, et le courant de pensées qui s’éternisait la dernière fois qu’il s’était trouvé face à elle reste absent. Il n’a pas envie de réfléchir. De se demander encore ce qu’elle peut lui évoquer d’agréable ou d’inconnu. Il sait juste qu’ils sont seuls, ensemble dans la même pièce, et que de longues heures les attendent. Il reprend un peu de vodka. Se lèche les lèvres. Garde son attention rivée sur la japonaise qu’il dévore du regard. « Si d’autres trucs te viennent en tête, hésite pas. Ici, j’ai d’quoi faire. » Il renifle, sent la chaleur de l’alcool lui remonter délicieusement le long des membres, chasser la fatigue persistante.

« Dis-moi par quoi tu veux commencer, j’te suis. Quand t’auras les mains occupées, j’irai prendre une douche et m’dégoter des vêtements potables. J’ressemble à une vieille pute fanée, c’est moche. » Il a le rire sec, comme un aboiement.
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Son portable se mit à vibrer doucement, le voyant des notifications s'illumina dans la foulée. Une réponse, enfin. Miyu déverrouilla l'appareil et partit détailler le contenu du message, lequel lui donnait un itinéraire à suivre afin de rejoindre le propriétaire des lieux. Alors, sans perdre de temps, elle longea les murs jusqu'à avoir dépassé le bar et ne se remit à marcher normalement qu'une fois en sécurité, loin de toute paire d'yeux éventuelle. Elle traversa prudemment et silencieusement les couloirs, comme une ombre, ne souhaitant guère attirer l'attention sur elle en ces lieux inhospitaliers. Elle mit même sa curiosité de côté et cessa d'écouter aux portes comme elle avait pu le faire lors de ses premiers pas dans ces souterrains.

Quelques instants plus tard, Miyu rencontra enfin celui pour lequel elle était venue, non pas sans l'observer de haut en bas avec un air des plus circonspect. Il a perdu un pari ? Ou le crossdressing l'excite ? Elle garda ces deux réfléxions sous silence, préférant ne pas dire quelque chose de déplacé alors que ses oreilles se baladaient peut-être pas si loin. Se contentant alors d'une simple salutation brève et concise, elle le suivit ensuite en silence, passant les quelques instants de marche à observer les environs. Si elle avait été seule ici, sans aucun motif, il ne faisait aucun doute qu'elle serait actuellement en train de tâter les murs en tremblant, à la recherche d'une sortie. Ces lieux n'étaient vraiment pas rassurants.

Ils ne tardèrent pas à arriver dans une sorte de chambre aménagée. Miyu en observa les quatre coins avant de refermer la pote derrière elle comme on lui avait demandé. D'apparence distraite, elle prêta toutefois une oreille attentive aux questions qui s'enchaînèrent. Eh du calme ! Je vais pas m'envoler, ralentis un peu... Elle qui pensait déjà trop se retrouvait à restituer tout ce qu'on venait de lui demander dans l'espoir de répondre à absolument tous les questionnements. Heureusement, la japonaise n'était pas suffisamment tête en l'air pour oublier ce qu'on lui disait en quelques secondes, à moins que quelque chose ne vienne ne la distraire. Quelque chose comme deux jambes étendues alors que monsieur portait une robe ? Mais putain ! On voit tout ! pensa-t-elle en détournant soudainement le regard. Ca y est, voilà la distraction, celle qui lui fera oublier la plupart des derniers mots de Dimka.

« Sexy, je sais pas. Par contre, je sais qu'on s'pose pas comme ça quand on porte une jupe ou une robe. T'aimes les courants d'air sur tes parties, toi ? »

Il avait beau ne pas se souvenir des événements de la veille, sa tenue actuelle n'en était pas moins particulière, surtout du point de vue de Miyu qui avait pour péché mignon de soigner son apparence avec des tenues qu'elle appréciait, sans doute pour se sentir comme une fille normale, même dans ce monde de merde. Aujourd'hui, elle était ainsi vêtue d'un top noir en coton lui collant au buste, lequel rentrait sous une jupe haute elle aussi noire et lui descendant jusqu'au haut des cuisses. Quelques étranges lanières de cuir étaient accrochées à la ceinture de cette jupe et faisaient ainsi office de décorations pendues donnant un aspect à la fois sportif et excentrique à la tenue. Enfin, une paire de chaussettes hautes noires recouvraient le reste de ses jambes, ne laissant visible qu'une seule partie de ses cuisses ; le territoire absolu, pour citer les termes de connaisseurs. Seule une veste à dominante blanche éclairait un peu l'apparence de la japonaise. En bref, elle s'estimait sapée normalement, contrairement à son vis-à-vis enroulé dans des fringues de l'autre sexe.

« Ne pas me laisser partir, tu dis ? Et tu vas faire quoi, m'attacher peut-être ? »

Non pas que ça me dérange, garda-t-elle pour elle avant de relever les yeux. Puis elle prit le temps de s'installer, se posant un peu là où elle le put pendant qu'un silence assez malaisant s'installa. Quelle plaie. Miyu ne savait jamais comment remédier à ce genre d'instants embarrassants. Mais finalement, Dimka s'en chargea pour elle, bien qu'il aborda ensuite un sujet délicat qui réinstalla un certain malaise. Miyu déglutit, ne sachant que répondre en l'instant. Devait-elle lui dire la vérité, aussi honteuse soit-elle ? Celle comme quoi elle n'a pas pu expérimenter quoi que ce soit avec qui que ce soit et, qu'au lieu de ça, elle s'était contentée de rêver de l'instant qu'ils avaient partager ? C'était un fait. La demoiselle n'avait pas été en mesure de se retirer ce moment de la tête, venant même à l'idéaliser et l'estimer comme il méritait de l'être, comme son unique première fois. Plus encore, devait-elle se confesser et lui avouer s'être accordée quelques instants de plaisir solitaire en repensant à cette scène ? Son esprit s'insurgea, se refusant à cela. Et puis quoi encore ? Je vais pas lui offrir de quoi me charrier !

« Tu crois que c'est si facile ? J'ai pas le courage de demander aux beaux mecs s'ils veulent le faire avec moi, hein. Je suis pas aussi décomplexée que toi. Puis je sais pas... J'ai pas envie de parler à quelqu'un juste pour me le faire, ça me parait pas juste. »

Elle se remettait à idéaliser les relations, comme à chaque fois. De son point de vue, il fallait forcément qu'une entente se crée, qu'il y ait une certaine complicité pour que ça puisse se faire. Elle ne pouvait se résoudre à le faire avec un inconnu. Ce constat, issu de sa petite part de pragmatisme, lui fit cependant réaliser qu'elle accordait donc une certaine valeur individuelle à Dimka, à moins que ce dernier ne l'ait manipulée pour arriver à ses fins. Miyu préféra cependant douter de cette dernière éventualité, préférant de loin accorder du crédit au russe plutôt que le considérer comme la pire des raclures. Mais de quelle sorte de crédit parlait-on ici ? C'était ce qu'elle ne parvenait pas à déterminer. Alors, pour oublier, elle se servit des derniers propos de son interlocuteur, les retournant pour qu'ils soient en sa faveur.

« Ouais j'ai une idée, belle gosse, lâcha-t-elle entre deux ricanements avant d'ajuster sa posture, redressant le buste et croisant les jambes comme pour se donner un air plus assuré. Mon travail est épuisant, tu sais ? Distrais-moi, allez. Un petit strip-tease et on est partis. »

Dire qu'elle se contentait de le taquiner, ne se doutant que très peu de la propension de Dimka à accepter des défis idiots. Allait-il au moins le faire ? De son côté, Miyu en doutait. Pourtant, elle ne put s'empêcher de l'imaginer en train de se trémousser comme une pole-danseuse et rit de nouveau.
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La remarque de la japonaise le fait éclater de rire, sans pour autant le pousser à changer de position. Tout est visible, et alors ? La pudeur n’a jamais été son fort. Il s’étale un peu plus, visiblement pas gêné le moins du monde. « Y’a rien qu’t’as pas déjà vu princesse, alors fais pas la timide. » Un haussement d’épaule. Un regard inquisiteur. Et le sourire qui vient illuminer ses traits las. Le silence s’attarde, et là non plus il ne laisse pas paraître la moindre gêne. Ses prunelles glissent sur les lanières qui pendent de la jupe, et une lueur d’intérêt s’installe dans son regard, sans qu’il ne dise mot. Il l’écoute, l’analyse, même, ou en tout cas en donne l’impression.

« J’t’ai bien demandé. J’pense pas appartenir à la catégorie des beaux mecs, mais j’ai jamais eu d’mal à coucher avec une fille. Alors j’pense que ta théorie tient pas. Tu t’poses trop de questions. Et t’agis pas assez. Réfléchis moins, Miyu, et laisse-toi aller. Tu verras, la vie sera beaucoup plus marrante. Et le cul aussi. » Il s’accorde une gorgée lente, laisse tout loisir à la vodka de lui brûler palais et œsophage, et frissonne brièvement avant de poser la bouteille pour se relever.

Il s’approche de Miyu, se plante devant elle, et baisse légèrement la tête pour l’observer, les lèvres traçant la forme d’un sourire exagéré « Un strip-tease hein ? Et tu veux pas un mars avec, beauté ? Quant à t’attacher, j’ai tout c’qu’il faut pour ça, alors me chauffe pas trop, ça pourrait bien t’arriver. Tu commences à capter comment j’fonctionne. Mais il te manque la subtilité pour que j’tombe vraiment dedans. Alors pour l’moment. Reste prudente, c’est tout c’que j’peux t’conseiller. »

Il passe derrière elle en lui effleurant les reins, se dirige vers le fond de la pièce, et commence à fouiller fébrilement dans le bordel entassé, jusqu’à en ressortir un pantalon élimé et trop large, qu’il enfile avant de faire passer la robe par-dessus sa tête. « On va dire que ce sera ok comme ça. » lance-t-il en se retournant vers la japonaise, lui laissant tout loisir d’admirer son torse exposé.  Il n’en joue pas consciemment, d’ailleurs, de ce physique taillé par des années de combat et d’entraînement. Un héritage que ses multiples excès ne sont pas encore parvenu à abimer de manière visible. Seul son esprit paie le prix de ses errements. Il revient se planter devant elle après avoir ramassé la bouteille, lorgne une nouvelle fois sur les lanières qui ornent la jupe, et en attrape une qu’il tire brusquement.

« Ça a pas l’air bien solide ces conneries, c’est juste esthétique ? Quel est l’intérêt ? » il se mord les lèvres sans cesser de jouer avec le morceau de cuir, reprend une gorgée de vodka, et annonce tranquillement, d’une voix indifférente, comme s’il se contentait de narrer ses dernières vacances.Le sourire qu’il esquisse est aussi sombre que le regard qu’il lui lance alors.

« T’es venue pour bosser, ou  pour tester ta résistance ? » La question mérite d’être posée, et, comme à son habitude, il ne s’embarrasse pas de gants, ne pense pas à ménager l’ego ou la psyché de la jeune femme. S’intéresse seulement aux raisons réelles qui l’ont ramenée vers lui. Il se glisse derrière elle, referme les doigts sur les épaules féminines et se penche légèrement vers elle, le temps de murmurer à son oreille avant de se redresser, le bassin plaqué contre son cul

« T’es pas vraiment expérimentée. Les  manières d’te distraire manquent pas. Mais l’choix t’appartient. J’ai aucune envie d’te forcer pour qu’tu viennes m’piailler aux oreilles ensuite. » Il soupire, recule de quelques pas, et lâche encore, le ton amusé « J’imagine que tu t’es pas non plus super entraînée au couteau ? Pas au point d’m’empêcher d’te coller en tout cas. Manque de réflexes ? Ou simple manque d’envie de m’repousser ? Qu’est-ce que tu cherches, qu’est-ce que t’attends ? Un type qui va t’chanter la sérénade et t’tenir la main dans la rue ? T’aménager un cocon et t’enfermer dedans petit à petit ? »
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Bien qu'encore un peu gênée par la vue soudaine des parties de son interlocuteur, Miyu cessa de dériver le regard et l'observa enfin directement, se résignant à devoir faire face à cette vision qu'on lui offrait sans qu'elle n'ait rien demandé. De toute manière, elle finirait par revoir les valseuses du russe, à force de traîner par ici. D'une certaine façon, elle savait que c'était irrémédiable et ne cherchait même plus à lutter contre. Au fond, elle en venait même à se demander si cette situation n'était pas désirée. Peut-être devait-elle apprendre à laisser couler, en accord avec la philosophie de vie laxiste et relâchée que lui décrivait Dimka en l'instant. Néanmoins, ça restait un comportement auquel elle n'était pas habituée, pas pour ce sujet-ci en tout cas. Mais elle voulait faire preuve de bonne volonté, apprendre, s'ouvrir. Alors, pour continuer sur cette voie, elle tenta de répondre le plus naturellement du monde à son interlocuteur, bien que son ton fût hésitant.

« Donc là, je suis censée dire quelque chose comme "attache-moi et déshabille-moi" ? Ce genre de choses, ça se passe pas seulement dans les films ? Ca me fait bizarre. »

Et pourtant, elle le voulait. Elle n'arrivait seulement pas à l'exprimer aussi spontanément qu'elle le souhaitait, d'où sa dernière tournure plutôt indirecte. À défaut, elle osa au moins le regarder dans les yeux lorsqu'il s'approcha, le tout en s'entichant d'un sourire malicieux. S'en suivit d'un hochement de tête pour souligner l'ajout du mars en supplément du strip-tease. Miyu n'aurait certainement pas été dérangée par un petit encas à savourer devant un tel spectacle. Malheureusement, Dimka ne semblait pas disposé à lui offrir ceci. Dommage, finit-elle par se dire en haussant les épaules avant que l'homme ne s'éloigne pour se changer en express. Et à défaut d'avoir eu droit à un strip-tease complet, la japonaise était désormais en mesure d'observer un torse bien bâti que ses doigts avaient déjà pu explorer par le passé. Les souvenirs de cet échange au parc refirent alors surface, lui arrachant un frémissement qu'elle peina à réprimer. Puis à peine cligna-t-elle des yeux pour se ressaisir que le grand dadet se retrouvait en face d'elle, à jouer avec sa tenue. Visiblement, la jeune femme s'était un peu laissée aller au point d'avoir une absence de quelques secondes, sans doute trop occupée à rêvasser pour faire attention au monde réel.

« Ouais, c'est juste pour faire joli, j'aime bien. Tu dois sûrement pas comprendre puisque tu t'habilles vite fait, mais c'est le souci du détail, quoi. »

Puis elle se tut, le temps de l'écouter discourir sur son passé. D'une certaine façon, Miyu ressentit comme une étrange vague de bien-être l'envahir. Elle ne se réjouissait pas des malheurs de son interlocuteur, ça non. Ce qui la faisait planer en l'instant, c'était cette agréable impression de représenter quelque chose, d'avoir suffisamment de légitimité aux yeux du russe pour qu'il daigne lui transmettre une partie de son passé qu'il se gardait probablement de raconter à n'importe qui. Ca lui donnait l'impression de compter, d'exister. En réponse, comme pour montrer à Dimka qu'elle ne pensait pas en mal malgré son sourire, elle répondit par une petite blague.



Son sourire s'élargit. Elle était à la fois fière de sa réponse mais aussi amusée par la nouvelle question qu'on lui adressa. Elle-même n'avait pas de réponse exacte à ça.

« Je compte bien bosser un peu, ouais. Faudrait pas que tu me remplaces après seulement une journée. Mais peut-être que je suis aussi venue pour ça, pour voir combien de temps je vais tenir avant de tomber dans les bras du grand méchant loup. »

Pas très longtemps, rajouta-t-elle aussitôt mais dans sa tête, consciente du fait que sa dite "inexpérience" venait avec certains désavantages, comme celui de ne pas avoir beaucoup de self-control lors de ce genre de situations. La curiosité et l'envie d'expérimenter lui jouaient des tours, brisant les murailles dressées par son inhibition à grands coups de marteau, comme actuellement puisque Miyu laissa Dimka se glisser dans son dos sans réagir, tout comme elle le laissa se coller à elle pour lui déclamer quelques mots aux oreilles. Touchée. Mais avait-elle au moins cherché à s'en cacher ? Non, probablement pas. Alors elle se contenta de pencher la tête sur le côté pour lui laisser un peu plus d'espace, se mordit la lèvre inférieure et retira ses bras vers l'arrière pour s'emparer de la taille de Dimka et l'encercler maladroitement, peinant à faire se joindre le bout de ses doigts à cause de la position.

« Vraiment, t'as pas besoin de me forcer. Ca sert à rien que je te mente maintenant, je suis aussi venue pour que tu me tentes comme ça. La fois au parc, c'était peut-être pas grand chose pour toi, mais pas pour moi. Je.. bah je l'avais jamais fait avant, quoi. Je pense pas que je risque d'oublier ça. Tu vas rester dans ma tête pendant très longtemps, tu sais. Elle coupa court à son aveu, ne souhaitant dériver là où elle ne souhaitait guère, bien trop embarrassée pour lui confesser avoir rêvé de lui. Au lieu de ça, elle se focalisa plutôt sur une réponse aux autres propos transmis. Tu comptes encore m'évaluer ? Parce que si oui, t'apprendras que j'ai bien acheté quelque chose d'adapté pour me défendre et que je le porte sur moi, là. J'aurais pu le sortir sans que ça fasse trop suspect, et je le peux toujours d'ailleurs mais j'ai pas envie, parce que je veux pas vraiment te repousser. Par contre, je veux pas non plus que tu poses un genou au sol et que tu te mettes à me courtiser hein. Si c'était ce que j'attendais, désolée mais je viendrais pas vers toi en premier. »

Un rire lui échappa aussitôt. C'était la vérité, après tout. S'il y a bien une personne qu'elle n'imaginait pas en train de jouer les canards pour les beaux yeux de quelqu'un, c'était Dimka. Tous les autres passaient plus ou moins, par contre. Mais avec lui, c'était comme incompatible. Et d'une certaine façon, ça ne semblait pas la déranger tant que ça.

« Mais je sais pas. Appelle-moi folle si tu veux mais je trouve ça sympa de traîner avec toi. T'es toujours pas net en ce qui concerne certaines choses hein, mais au moins je te connais un peu plus que pas mal d'autres personnes dont je me fous totalement. Puis bon, si tu m'as pas déjà abusée et enfermée dans une pièce un peu crade, c'est plutôt bon signe, nan ? lâcha-t-elle l'air de rien, amusée et intriguée par ce simple constat, par le fait qu'il aurait déjà pu la piéger au moins cent fois s'il l'avait réellement voulu. M'enfin... Tu voulais savoir ce que je veux ? Fais-moi cracher le morceau si tu le peux. »

Elle bascula sa tête vers l'arrière avec un grand sourire, bien consciente du fait que les provocations avaient tendance à le faire réagir. Sur ce point là, Miyu le comprenait parfaitement et pouvait même se vanter d'être complice.
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« Le problème c’est pas d’le dire Miyu, c’est d’assumer derrière. » Le sourire qu’il lui adresse est moqueur, mais dépourvu de méchanceté. « Peut-être que c’est ça le problème, peut-être que j’en ai envie, que j’veux pouvoir inverser les rôles à ma guise. » rétorque-t-il ensuite lorsqu’elle essaye de le rassurer, le non ferme qui résonne dans sa psyché lui tire un ricanement, bien qu’il se garde de partager la raison de son hilarité avec la jeune femme.

Il y’a encore beaucoup de choses le concernant qu’il n’a aucune envie de lui dévoiler. Il l’écoute parler sans cesser de sourire, bien que le pli de ce dernier adopte une courbure désagréable devant ce qu’elle avance. Il n’a pas la moindre idée de comment interpréter ce qu’elle lui déballe, et se contente d’un simple hochement de tête pour englober l’intégralité de ses paroles. Message reçu, semble-t-il dire bien que son expression paraisse plus déconvenue qu’assurée pour une fois.

Elle le perturbe encore, lui renvoie au visage ses provocations, mâtinées d’un sérieux dont il se sait incapable. Il renverse la tête en arrière, fait couler au fond de sa gorge le restant d’alcool qui traîne dans la bouteille et dépose celle-ci par terre avant de s’ébrouer pour se remettre les idées en place, sans parvenir à occulter la présence dans la pièce. Les provocations qui s’enchaînent lui donnent envie de la confronter à ce qu’elle semble espérer, tout en lui faisant réaliser que ce qu’elle imagine risque de ne pas coller à la réalité qu’il peut lui proposer. Il se mord les lèvres, indécis, la contemple encore une fois avant de se décider.

Son regard se fait dur, perd l’étincelle amusée qui éclaircissait jusque-là les iris dépareillés. Il ne prend pas la peine de s’habiller plus qu’il ne l’est déjà, retourne fouiller dans un placard à la recherche d’une nouvelle bouteille, et s’en empare pour revenir se planter devant Miyu une fois que c’est fait.

« Y’a des manières vachement moins agréables de t’arracher c’que j’veux savoir au besoin tu sais. Faut pas provoquer comme ça, on sait jamais sur quoi ça va aboutir. Tu veux passer la fin d’la journée dans une cage à pute peut-être ? A poil ? Avec mes hommes qui passent devant, qui commentent, qui foutent leurs mains où ça leur chante ? »

Il ne les laisserait certainement pas faire, mais ça, il ne ne lui dit pas, la laisse se projeter dans les images qu’il initie, s’imprégner de l’ambiance des lieux, de leur dangerosité aussi. Venir au QG équivaut à se jeter dans la gueule du loup, et il la sait incapable de se défendre physiquement, de résister. « Je tue des gens Miyu. J’en torture d’autres. Jusqu’à ce que leur humanité même se brise et s’échoue à mes pieds. J’ai aucune envie d’te faire subir la même chose, mais comme t’as déjà pu l’constater, j’ai une légère tendance à péter les plombs, parfois, à agir d’manière disproportionnée. J’pige pas comment, en sachant ça, en ayant en tête les images que tu peux avoir, t’arrives encore à avoir envie que j’te souille de toutes les manières possibles. J’pourrais aussi bien m’dire que c’pas mon problème, que t’es libre de t’envoyer qui tu veux, même un fils de pute dans mon genre, parce que qu’on soit bien clair, j’dirais jamais non à ça. Mais ça veut rien dire pour moi, certaines nuits, trois meufs m'suffisent pas. »

Il hausse les épaules, chasse l’envie qui menace de le faire céder et retrouve un air plus doux pour demander. « On s’met au boulot ? J’voudrais vraiment qu’toutes ces merdes fonctionnent, et qu’tu m’expliques comment. J’promets pas d’te laisser travailler tranquille. On sera p’têtre interrompus. Et j’vais rester sur ton dos non stop pour mater tout c’que tu fais, parce qu’en plus d’être un connard, j’suis un peu parano. » Il se mord la lèvre inférieure, l’observe encore un moment, puis ajoute sur le ton de la confidence, le sourire revenant éclairer ses traits.

« La salle est pas grande. J’peux pas non plus promettre qu’il y’aura pas d’contact rapproché. D’tentatives. C’est une autre manière d’tester ta concentration. J’ai hâte. Allez, viens. » Il n’a pas lâché sa bouteille, et la garde en main lorsqu’il se dirige vers l’entrée de la chambre, jetant un coup d’œil par-dessus son épaule pour vérifier qu’elle le suit bien. Il l’emmène jusqu’à la pièce qui fait office de salle informatique, dans laquelle le matériel les attend sagement, encore emballé, chaque carton annoté pour préciser ce qu’il contient.

Il laisse Miyu entrer, referme la porte derrière eux, et donne deux tours de clé avant de se tourner vers elle. « Finalement, on sera pas interrompus. Tout est là trésor, j’te laisse faire, j’capte rien à toutes ces conneries. Y’a tout c’que t’as demandé normalement, mais s’il manque des trucs, prépare-toi à revoir du sang. Les mecs savent c’qu’ils ont à faire, et j’ai horreur qu’on s’paye ma tête. Si t’as besoin d’un truc, dis-le moi. Qu’ce soit des outils, ou d’quoi boire ou manger. J’te laisse pas sortir d’ici tant quc’pas terminé. Tu vois, c’pas une cage, mais c’est pas beaucoup mieux. »

Il attrape une des deux chaises présentes, et s'installe à califourchon, les avant-bras croisés devant lui, la bouteille lui pendant toujours dans une main, les tatouages luisant presque dans la lumière chiche dispensée par les écrans.
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Elle l'écouta répondre à son tour, gardant pour elle un soupir qui ne vit pas le jour alors que son interlocuteur faisait preuve d'un certain sérieux, par rapport à elle qui semblait prendre toutes ces choses à la légère. D'une certaine façon, ça lui faisait bizarre d'être comme rappelée à l'ordre par un trublion dans son genre, par un type qui semblait prendre la vie telle qu'elle était sans y réfléchir à deux fois. Mais n'aurait-il déjà pas mis ses propos en exécution s'il l'avait réellement souhaité ? Le doute planait et confortait Miyu car, d'une certaine façon, elle en venait à se dire qu'il n'était aucunement là pour lui faire le moindre mal que ce soit. Dans un milieu aussi peu rassurant, c'était un plus non négligeable pour ne pas péter un plomb trop vite. Entre les cris des putes, les hypothétiques insultes en russe qu'elle avait pu entendre en passant près du bar et l'ambiance générale des lieux, il y avait bien de quoi y laisser sa santé mentale au profit d'une certaine paranoïa, surtout du point de vue d'une personne aussi vulnérable que la japonaise. Pourtant, cette dernière ne perdait pas pied, sans doute grâce à une certaine forme d'insouciance mêlée au fait que le chien fou semblait déterminé à lui assurer un genre de protection.

Silencieuse, elle le regarda s'éloigner pour aller s'enfiler une autre bouteil d'alcool. Jusque-là, le cliché sur les russes se tenait parfaitement, tant que la jeune femme se sentit obligée de quitter son très nouveau sérieux pour un sourire amusé. Connaissait-il au moins l'existence de l'eau ? L'espace d'un instant, Miyu se permit de douter. Peut-être même était-ce la raison derrière les sautes d'humeur que Dimka mentionna quelques instants après, à moins qu'il ne soit né lunatique ou qu'un certain événement ne l'ait fait changer à jamais. Même si la première option était la plus amusante, Miyu paria sur la dernière. Elle n'en savait que trop peu du russe mais pensait le connaître suffisamment pour déterminer vaguement ce qui pouvait le torturer, d'autant que le sujet fut brièvement abordé lors de leur rencontre au parc.

« Tu ferais pas ça, avança-t-elle alors, répondant aux propos de Dimka concernant la cage. Enfin, pas sans une bonne raison, sinon tu l'aurais déjà fait. Je pense pas que tu sois du genre à taper la conversation aux personnes que tu veux détruire comme ça. Peut-être que je me trompe hein, mais jusque-là t'as pas vraiment montré quoi que ce soit qui pourrait me faire déchanter là-dessus. Puis bon, t'es peut-être un fils de pute, comme tu le dis, mais t'es pas le pire. Je pense même qu'il te reste un petit côté humain sympa. Elle marqua une pause dans ses propos, consciente du fait qu'elle ne devrait peut-être pas trop le complimenter, puis rectifie le tir l'instant d'après en ajoutant un peu d'eau dans le vin. Enfin, assez sympa pour pas m'eviscérer sur place ou faire de moi une pute. »

Puis elle se tut, gardant pour elle une hypothèse qui aurait pu changer le ton de la conversation pour quelque chose de plus lourd. Mais elle ne put s'empêcher d'y penser pendant quelques instants, à cette éventualité dans laquelle son frère se serait épris d'une belle nana – ou peut-être même d'un mec – impliquée dans les affaires d'un gang avant de s'y retrouver lui-même mêlé. Et, avant de pouvoir s'en soustraire, on lui aurait fait la peau, ou on le retiendrait prisonnier quelque part. En se rappelant plus précisément du caractère de son frère, Miyu se surprit à penser que ce n'était pas impossible, ce qui lui arracha un frisson et quelques mouvements frénétiques de la tête pour l'aider à chasser ces idées noires. Elle s'accrocha comme elle le put à la première chose lui passant devant. Ici, les mots Dimka qui se voulurent plus professionnels. Choppant la conversation en plein vol, certaine d'avoir raté au moins la moitié des propos du russe, Miyu hocha simplement la tête avant de le suivre, faisant visiblement mine d'avoir tout entendu et saisi alors que seule la dernière partie du discours lui percuta l'esprit.

« Fais gaffe, je suis plutôt forte à ce jeu. Quand je suis plongée dans ce genre de choses, j'ai tendance à oublier tout ce qui m'entoure. J'ai du mal à imaginer que tu seras l'exception. »

À ce sujet, elle avait tout un tas d'anecdote, comme la fois où elle n'avait pas mangé de la journée, ou quand ses parents s'engueulaient depuis une heure mais qu'elle n'avait rien entendu à cause d'un trop de concentration. Une fois plongée dans quelque chose, elle avait beaucoup de mal à en être sortie. De simples appels vocaux ne suffisaient pas, en tout cas.

Une fois dans la salle, Miyu prit soin d'observer l'agencement de celle-ci afin de déterminer qu'est-ce qui irait où. Elle nota la localisation de chaque prise, l'espace mis à disposition et les éventuelles complications liées à l'absence de fenêtres. Foutus sous-sols, pesta-t-elle sur l'instant, dans sa tête. Avec des machines en train de tourner la plupart du temps, il fera vite chaud, dans cette salle. Et sans aucun moyen pour l'aérer, ça allait vite devenir compliqué pour les pauvres qui devront passer des heures ici à l'avenir.

« Hmm... Il manque rien, je crois. Par contre, pense à prévoir beaucoup d'eau pour les malheureux qui vont bosser ici. Sinon, installe une clim, quelque chose comme ça. M'enfin bref. J'espère que tu supportes la chaleur hein, parce qu'on risque d'étouffer un peu quand j'aurai terminé. »

Dans le pire des cas, elle n'avait qu'à retirer quelques couches. Puisque personne d'autre n'allait rentrer ici, Miyu ne se privera pas de faire comme chez elle. Elle commença d'ailleurs par retirer sa veste qu'elle confia à Dimka, non pas sans s'amuser en lui foutant simplement l'habit sur la tête aussitôt qu'il fut assis. Après quoi, elle vagabonda entre les cartons et se mit à piocher dedans pour commencer à monter la première tour. Aucun trou de mémoire, aucune hésitation. Elle mania les pièces avec prudence et dextérité, les assemblant sans aucun mal. C'était son hobby, elle avait appris ça sur le bout des doigts. Et, comme à chaque fois, une certaine nostalgie s'empara d'elle. C'était comme au bon vieux temps, quand son aîné lui apprenait encore à bricoler tout ça.

Elle effectua la première construction sous les yeux de Dimka, faisant en sorte qu'il puisse tout voir au cas où il devrait s'y improviser un jour, toutefois sans prendre le temps de s'expliquer. Elle n'était pas très pédagogue, de toute manière. Dans l'ensemble, il ne lui fallut qu'une vingtaine de minutes pour assembler les composants entre eux et les disposer entre quatre plaques métalliques, l'une d'entre elles étant percée çà et là pour permettre l'évacuation de l'air généré par le ventilateur interne. Elle était ainsi assurée d'avoir un rendement d'environ trois machines par heure si tout se passait bien.

« Hmm, ça va. J'ai pas trop perdu la main. »

Miyu prit toutefois la peine de vérifier si tout était fonctionnel, allant brancher l'alimentation de la machine à une des quelques multiprises rangées ici. Tout se déroula parfaitement bien, y compris lorsqu'elle relia un écran à la bête pour commencer à la configurer. Et dès que la machine n'eut plus besoin de commandes manuelles et put gérer le reste automatiquement, la nerd s'en alla bâtir un autre poste identique à l'autre, répétant les mêmes tâches encore et encore jusqu'à ce qu'une demie douzaine de machines soient fonctionnelles, soit deux heures de travail acharné pendant lesquelles la japonaise ne prêta effectivement plus la moindre attention à son surveillant, ni même à la chaleur montant progressivement à cause des ordinateurs en train de tourner. Pourtant, son corps témoigna de ce nouvel inconfort par un peu de sueur, jusqu'à ce que ça en devienne si inconfortable qu'elle fut forcée de retirer son pull pour rester en simple top. Puis, peu après, l'annonce tomba.

« Didi ! J'ai terminé. Enfin, tout marche quoi. Reste plus qu'à connecter tout ça aux serveurs, à installer les quelques programmes nécessaires et basta. C'est bon, t'es pas mort entre temps ? »
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