Chapitre 2 : La Corporation
Decay
Decay, destination de tous les possibles, terre en friche où fourmillent les possibilités et l'argent facile, où chaque vice est accessible, chaque désir libre d'être comblé. L'île prospère, se vautre dans sa propre réussite, quand l'ouragan Isaac survint, balayant sur son passage les installations des gangs comme leurs prétentions. Et un nouveau groupe émerge des brisures laissées par la tempête, la Corporation. Forte de son budget, celle-ci s'invite en sauveuse, promet à tous une aide financière et humaine, des avancées conséquentes, pour une vie meilleure. Avides de pouvoir ou simples fantoches, qui sont vraiment les acteurs de cette entité inédite qui prétend étendre son influence à tout Decay.
11/10/2020 HRP
La Newsletter est sortie ! Beaucoup de changements au programme, par ici
11/10/2020 RP
Quelques semaines après la fin de l'ouragan, la Corporation dévoile son visage ! A lire par ici
12/09/2020 RP
L'ouragan Isaac s'abat sur l'île ! Pour en savoir plus, par ici
12/09/2020 HRP
L'event Hurricane est lancé ! Vous pouvez toujours le rejoindre par ici.
27/08/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
05/07/2020 HRP
Nouvelle newsletter et nombreux changements ! La lire ici.
30/05/2020 HRP
Nouvelle newsletter en cette fin de mai ! La lire ici.
30/05/2020 RP
Un nouveau système de réalité augmentée sort au Space Station Bar ! Participer ici
5/04/2020 RP
Le Carnaval de Napoli est lancé ! Extravaganza
8/04/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
18/03/2020 HRP
Ajout des missions et petite update de l'index !
28/02/2020 HRP
Deuxième newsletter ! La lire ici.
28/02/2020 RP
La Milice redouble de violence et est plus présente sur le territoire de Decay !
31/01/2020 HRP
Première Newsletter, bébé forum deviendra grand ! La lire ici.
31/01/2020 RP
L'intrigue "Paranoïa" a été lancée ! Par ici.
17/01/2020 HRP
Ouverture du forum ! N'hésitez pas à rejoindre le Discord !
Il parait qu'une jeune fille a été aperçue allant dans les égouts. Depuis, elle n'a plus donné aucune nouvelle d'elle. Une nouvelle victime des monstres vivant dans les égouts ?Une vingtaine de serpents en liberté auraient été aperçus sur les Docks. La Triade en sueur.On déplorerait trois morts suite au dernier barathon de la rue de la soif.À Kabukicho, des rumeurs sur l'affaiblissement des effectifs du clan Oni commencent à poindre. L'absence de Yokai se fait-elle enfin ressentir ou cela n'est-il que le fruit de l'imagination de quelques résidents ?Une certaine Shrimpette serait en train d'écrire une fan-fiction sur certains membres de Decay.On dit que l'ensemble du corps d'un certain mercenaire travaillant pour la Triade serait entièrement recouverts de ses nombreux crimes. Une dizaine de cadavres auraient été découverts, au cours du mois de Janvier, sur les Docks. Certains évoquent un règlement de comptes. Un tout nouveau malware parcourrait la toile, déguisé sous la forme d'un logiciel à première vue inoffensif. Il installerait une backdoor sur les machines infectées. Pour quelle raison ? Cela reste un mystère. Une femme vagabonde à la chevelure d'un noir profond et aux yeux écarlates prendrait en charge des malades et blessés au travers de Decay pour une misère, offrant une alternative médicale à celle dispensée par l'Église. Fin Janvier/Début Février, une course de rue, en pleine nuit, aurait conduit certains hommes hors des pistes. Plusieurs voitures seraient sorties de la route suite à un « conducteur fantôme ».
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D'une certaine façon, Alessa vit en son interlocuteur un homme tourmenté par son passé, puisque lui même disait ne pas avoir abandonné cette histoire alors qu'il aurait dû. Elle ne pouvait comprendre que trop bien cela, mais avait fini par accepter ce fait comme une nécessité pour avancer. Pourquoi laisser son passé derrière soi quand on pouvait s'en servir de marche pour son ascension, de pierre fondatrice pour une meilleure version de soi ? Elle décida ainsi de ne pas le reprendre sur ce point, respectant ce choix puisqu'elle l'avait elle-même fait par le passé, se contentant d'un simple hochement de la tête pour souligner les propos de Jake.

Vint alors l'instant où il souleva un point intéressant, celui sur le serment prêté par le doctoresse. Cette dernière grimaça un court instant, cette fois-ci en secouant la tête de gauche à droite. Même si le suicide assisté était, en soi, une forme de sauvetage aux yeux de certains, Alessa avait un différent point de vue concernant le sujet. Une vie, aussi misérable puisse être son état au moment du diagnostic, restait une vie à chérir et protéger autant que toutes les autres – exception faite pour certaines pourritures de ce monde qui ne méritaient que les morts plus tragiques et douloureuses. Cependant, le vieux collègue de l'italienne n'appartenait pas à cette seconde catégorie de personnes à éliminer par tous les moyens possibles, loin de là.

« Seulement si je suis sûre et certaine de ne rien pouvoir faire de plus pour t'aider, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je ne tue pas sur demande, sinon j'aurais déjà bien trop de sang sur les mains. Si tu savais à quel point beaucoup ne jurent que par la mort juste à cause d'un petit bobo... »

Machinalement, elle chercha à tirer une nouvelle taffe, ayant oublié qu'elle venait de mettre fin à l'existence de sa cigarette. Les vestiges d'une addiction passée qui ont aujourd'hui du mal à se résorber. Elle finit par dissiper ce geste d'un second, plus maladroit, qui lui permit au moins de remettre l'une de ses mèches d'ébène en place afin de dégager son sourire narquois suite à la dernière remarque de l'ex-milicien.

« Ce serait tout aussi plaisant pour moi de t'attacher, je te le garantis. Mais non, pas maintenant. Je n'ai pas envie que tu te blesses davantage dans une vaine tentative de défense. »

Malgré l'envoi de cette pique, la conversation ne tarda pas à reprendre un tournant plus sérieux. Il se mit à énoncer ses besoins après qu'Alessa ait exprimé son désir de l'aider dans cette histoire, non pas sans émettre des doutes. Elle ne lui en voulut pas ; à sa place, elle aurait tout autant douté, peut-être même plus. Mais l'italienne avait ses raisons, et elle ne comptait pas vraiment les lui cacher. Ainsi lui laissa-t-elle le loisir de s'exprimer en long, en large et en travers, attendant patiemment la fin de son propos pour pouvoir lui répondre et, dans l'idéal, dissiper ses doutes.

« C'est noté. Tu auras tout ça. Et sache que j'ai deux raisons me poussant à t'aider ; la première est plutôt pragmatique quoiqu'un peu égoïste les bords. Il ne s'agit que d'un échange de bons procédés, pour que je puisse quérir ton assistance en cas de besoin. Rien de bien fameux. La deuxième raison est, quant à elle, bien plus personnelle et très certainement irrationnelle aux yeux de certains. Tu as parlé de ta femme et de ta fille, c'est ça ? Mes condoléances. Je connais ta peine, on est dans le même bateau sur ce point là. Elle prit une pause, remonta légèrement la manche recouvrant son tatouage au poignet et passa quelques secondes à l'observer en silence avant de reprendre où elle en était. Mon mari, mort dans une fusillade. Et mon fils, une fausse couche. Ca me tuerait de ne pas pouvoir aller me recueillir. Si je peux permettre à quelqu'un dans la même situation d'aller faire sans deuil en paix, je ne vais m'en priver. Ce ne sont pas un ou deux connards qui vont changer quelque chose à ça. Ils tomberont, tu pourras aller te rendre sur les tombes de tes proches, point. »

Respiration lourde. Qu'est-ce qu'un bon verre de cognac lui aurait fait du bien, juste pour ne pas avoir à supporter la résurgence d'autant de souvenirs ; certains joyeux et apaisants, d'autres tristes et douloureux. Malheureusement, elle se considérait comme encore en service. Alessa ne se pardonnerait jamais si son patient faisait une rechute ou traversait une complication pendant que l'alcool lui empêche de réagir efficacement à cela. Ce serait l'erreur de trop. Alors elle se tut soudainement, tâchant de ne pas s'étendre davantage sur le sujet, pour ne pas avoir à refaire un deuil qu'elle croyait déjà avoir traversé.

« À défaut de m'impliquer directement dans tout ça, je pourrais au moins te faire revenir à Neo sans que tu n'aies à commettre un bain de sang d'entrée de jeu. Comme tu le sais, je ne suis pas pour les dommages collatéraux. Que tu te venges, très bien. Mais fais en sorte de ne pas mêler des innocents à ça, laisse-moi te faire passer le checkpoint sans que tu n'aies à lever la main sur qui que ce soit. Enfin... Je t'en fais la demande comme si tu avais le choix, mais non. Tu ne tueras pas plus que nécessaire, Jake. »
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Il remarque le changement d’attitude d’Alessa lorsqu’elle évoque ses propres pertes mais s’interdit de réagir. Les peines sont parfois trop personnelles pour être partagées sans filtre. La sienne a mis des années à être apprivoisée. A ne plus lui retirer gout de vivre et sommeil. L’être humain se fait à tout. A un point tel que certaines formes de résilience tiennent du miracle.

« Peut-être que je n’ai plus envie de me défendre. » souffle-t-il après un moment de silence. Il préfère ne pas relever le reste, ne pas rouvrir les plaies rappelées dans un présent encore fragile. Tout pourrait basculer si vite, songe-t-il en caressant Alessa d’un regard grave. « Si je comprends tes raisons et que je peux les accepter, je ne suis pas sûr pour autant de pouvoir accepter tes conditions. »

Le sourire que ses lèvres dessinent est redevenu froid, distant, lorsqu’il ajoute avec un léger coup d’œil vers la porte d’entrée.

« Comment comptes-tu m’empêcher de tuer lorsque c’est le seul moyen que je possède encore pour vivre ? Tu ne peux pas refuser de m’abattre, t’imposer dans mes plans, et m’interdire par la même occasion de poursuivre mes démons à ma manière, la seule que je connaisse. Non, vraiment, je ne vois pas ce que tu pourrais faire pour m’en détourner. Je ne suis plus un milicien. Je ne suis plus un homme d’honneur. Je suis à peine un homme encore, et si je dois pour parvenir à mes fins transformer ce repaire de pourris en rivière de sang, je le ferai. Quels que soient tes arguments. C’en est fini de ma docilité. De ma compassion. De tout ce qui me faisait obéir sans réfléchir plus loin que les ordres et la meilleure façon de les exécuter. Si tu me fais revenir là-bas, ne t’attends pas à ce que je reste raisonnable. Et si tu ne m’y fais pas revenir, je trouverai un autre moyen. Des rumeurs courent sur les égouts, sur un passage qui existerait. Il est aussi fait mention d’un paiement, mais je n’en sais pas plus pour l’heure. Je pourrais creuser cette voie.»

Il hausse les épaules, sans pouvoir retenir le rictus légèrement satisfait qui lui vient. Peut-être n’est-il pas en état de la confronter physiquement, mais il se sent suffisamment remis pour discuter des clauses d’une entente qu’il aimerait pourtant voir aboutir. Marcher seul. Seul battre seul. Avancer seul, toujours. Pour ce que ça lui a servi jusque-là, peut-être le temps est-il venu de nouer des alliances.

« Je n’ai pas l’habitude de fonctionner en prenant en compte les avis extérieurs. Ni de me fier aux avis des autres, d’ailleurs. Si tu me parais sensée, rien ne me dit que ce n’est pas juste mon cerveau qui me joue des tours, leurré par la faiblesse présente de mon organisme. J’ai du mal à savoir quoi penser, et je me sens incapable de prendre une décision dans l’immédiat en ce qui te concerne.  Rien de bon n’en sortirait. Et puis, comme tu l’as dit, pour l’heure, tu peux me battre à plate couture. »

Le sourire redevient agréable sur son visage, dénué de sous-entendus alors qu’il la regarde, l’admire, même, les yeux légèrement plissés. « La vérité, c’est que je n’ai pas envie d’avoir besoin de ton aide. Je n’ai pas envie de dépendre de quelqu’un d’autre, pour quoi que ce soit. Parce que la dépendance me rend dangereux, toujours. Paranoïaque, plus que je  ne le suis déjà. Tu as toi aussi tes propres choix à assumer, tes propres choses à accomplir, sans devoir t’encombrer de problèmes qui nous dépassent sûrement tous les deux. Nous ne pouvons rien contre la corruption. Nous ne pouvons rien contre la gangrène qui ronge cette ville. Et je ne suis pas utopiste au point de penser que chaque petite action compte à son échelle, je me moque de ces fameuses petites actions. Je ne prétends même pas faire évoluer les choses. Seulement récupérer mon dû. »

Il change de sujet, revient sur certains éléments de la conversation, préférant toujours prendre le temps d’en analyser les détails pour les imprimer correctement plutôt que de réagir à chaud. Même assommé par la douleur, par la fatigué, par le poids de la rencontre, il conserve certains réflexes, certaines habitudes.

« Les petits bobos sont les plus douloureux paraît-il, je peux comprendre cette tendance. Il m’est même déjà arrivé de la faire mienne. Je crois que j’ai besoin d’un verre. Ou de quelque chose de plus fort que ce que tu m’as déjà donné. Les élancements ne se sont calmés que pour mieux reprendre. Je n’ai aucune idée de ce que j’ai réellement ramassé, mais c’est peut-être plus moche que ça en a l’air. »

Il pince les lèvres, se penche légèrement pour examiner sa plaie refermée mais toujours moite, et fronce les sourcils en la survolant d’un doigt indécis. « La douleur est trop globale pour que je parvienne à lui trouver un point de départ. » Il hausse doucement les épaules, revient guetter Alessa du regard. « Et maintenant ? Quels sont tes projets pour les prochaines heures ? » demande-t-il dans un murmure fatigué, sans la lâcher des yeux pour autant.  
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Comme il aurait été possible de le supposer, négocier – si l'on pouvait appeler ça ainsi – de la sorte ne fut pas acceptable sur tous les points. Alors, en silence, Alessa l'écouta émettre des doutes éventuels ainsi qu'un refus catégorique en ce qui concerne la condition imposée. Un soupir quelque peu agacé passa la petite ouverture laissée par les lèvres de l'italienne. Son ancien supérieur souhait-il vraiment avoir recours à des massacres injustifiés pour parvenir à ses fins ? Était-ce vraiment la voie qu'il avait décidé d'emprunter après avoir passé tout ce temps dans la fange de Decay ? Elle ne pouvait s'y résoudre, ne voulait pas l'accepter. Elle allait continuer de s'opposer, par principe et par conviction. Si elle pouvait sauver davantage de vies rien qu'avec des mots, elle le ferait autant de fois que nécessaire.

« Je ne te demande pas d'épargner ceux sur ton chemin. S'ils persistent à vouloir t'arrêter, eh bien... Advienne que pourra. Ce sont les risques du métier, pour eux. Mais ne me dis pas que tu irais massacrer quelqu'un n'ayant rien à avoir dans tout ça et ne cherchant même pas à t'arrêter ? S'ils capitulent et te donnent ce que tu cherches, laisse-les vivre tant qu'ils ne sont pas mêlés à l'incident. À moins que ton objectif soit d'arracher inutilement la vie d'une personne ayant elle aussi une famille ? Tu pourrais au moins te modérer, Jake, tu pourrais n'éliminer que ceux qui font réellement obstacle à ton affaire. »

Nouveau soupir, cette fois-ci plus calme et modéré. Elle savait qu'il n'était plus le même depuis, qu'il avait forcément changé. Pourtant, elle continuait de se raccrocher aux quelques souvenirs qu'elle avait de lui, peut-être dans l'espoir qu'un jour, il redevienne ce qu'il était. Le deuil devait d'ailleurs contribuer à cela. Incapable de se recueillir sur les tombes de celles qu'il chérissait le plus, il a dû être en proie à de terribles démons avec l'impossibilité de les repousser. Ou du moins, c'était comme ça que l'italienne voyait les choses, par propre comparaison avec sa situation d'antan, aors qu'elle n'avait toujours pas accepté la réalité.

« Je ne vais pas t'en empêcher, je ne peux pas. J'aimerais bien que ce soit le cas, pour que tu ne massacres pas vainement, mais ce sont tes affaires, comme tu le dis. Je veux simplement t'en dissuader. Par pitié, ne t'acharne pas sur des innocents lorsque tu n'en as pas besoin. Tout ce que tu feras, dans le meilleur des cas, c'est créer plus de peine. Dans le pire, tu donneras naissance à d'autres monstres qui propageront toute cette amertume à leur tour. »

Alessa fit claquer sa langue contre son palais dès l'instant om elle réalisa que sa main s'était une nouvelle fois mise en mouvement pour cueillir une cigarette n'étant pas là. Cette situation faisait ressortir ce problème d'addiction, bien plus qu'à l'accoutumée. Peut-être aurait-elle dû prévoir de paquet de plus, juste pour être sûre. Alors elle nota cette information dans un coin de sa tête, comme quoi sa consommation allait très certainement s'en voit doublée d'ici les prochains jours, juste pour faire passer la migraine que tous ces problèmes lui causaient.

« Je vais te faire passer, ne t'inquiète pas. Si ça peut t'éviter d'avoir à dégainer ou de te retrouver avec je ne sais quoi en moins pour un misérable aller pour Neo, je le ferai. »

Elle l'écouta ensuite discourir dans le plus grand des calmes, s'amusant presque des propos qu'il lui envoyait, se décrivant comme un genre de loup solitaire ne voulant dépendre de personne, pas même d'une alliée potentielle. Doutait-il encore de la bonne foi d'Alessa, ou souhaitait-il simplement opérer seul ? Dans tous les cas, la femme ne comptait plus le laisser s'offrir à tout cela seul, sans assistance. Et, en mettant de côté tout sentiment d'empathie envers lui, elle se disait que cela contribuerait à traiter la peste contaminant Neo Atlantis, bien qu'elle en faisait probablement partie du point de vue de certains. Cependant, elle tâcha de ne pas dériver à nouveau sur un sujet qui lui sapperait de nouveau le moral. C'était pour son bien mais également pour celui de l'homme qui devait se relaxer et se concentrer sur son rétablissement plutôt que sur des problèmes superflus, en plus de ceux qu'il avait déjà. Alors elle attendit d'en avoir l'opportunité pour lui répondre sur un ton joueur.

« Parce que ça te dérange, en fin de compte ? À en juger par ton entêtement d'il y a quelques minutes, je m'étais mise à penser que tu aimais te faire battre. Tu n'hériteras pas de petits bobos, à ce moment, mais d'autres blessures peut-être plus psychologiques. »

Elle n'en dit pas plus, laissant la chose en suspens pour qu'il puisse se faire sa propre idée. C'était plus amusant ainsi. Et, de toute manière, il fallait bien tuer le temps. Comme sa demande l'avait souligné, il restait au moins plusieurs heures à faire passer.

« Je pourrais très bien nous demander de l'alcool, mais je ne bois pas en service. Et me fais-tu assez confiance pour me laisser te veiller pendant que tu te mets une mine ? Dans tous les cas, tant que tu ne t'agites pas une fois ivre, je pourrais songer à te laisser boire, histoire que tu oublies la douleur au moins pour la nuit. »

Après avoir lancé cette proposition, elle se leva de sa chaise pour s'avancer vers la porte de la chambre et s'y adosser, le temps qu'il prenne sa décision.Elle capta ensuite son regard, demeurant pensive l'espace d'un instant avant de reprendre la parole.

« À vrai dire, ta condition actuelle ne nous permet pas grand chose niveau activités, en dehors de la conversation. Je serais d'avis que tu te reposes au moins pour cette nuit. J'aviserai le lendemain en fonction de ton état. »
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Il s’étrangle à moitié en l’écoutant parler, avalant sa salive de travers lorsqu’elle lui parle de se faire battre. Soit il est nul en communication, soit il ne sait vraiment pas ce qu’il dit, parce qu’à aucun moment une telle idée ne lui a traversé l’esprit. Il la contemple la bouche entrouverte, cherche à savoir si elle est sérieuse, avant de décider qu’elle se moque simplement de lui.

« Parce que là tu es en service ? Drôle d’endroit pour exercer. Une piaule perdue dans l’antre de Decay. » Il marque une pause, la dévisage un instant, et esquisse un sourire fin en occultant superbement tout ce qu’elle lui a dit auparavant. Il n’a pas envie de se fâcher, de devoir batailler, la contredire, la convaincre, même. Il fera ce qu’il aura à faire, sans l’en informer au préalable. La détente lui est nécessaire, vitale, et il la préfère de loin à un nouvel échange stérile qu’aucun d’entre eux ne remportera.

« Qu’est-ce que tu entends par blessures psychologiques ? Je suis dans un tel état mental que j’aimerais aimer éviter de lacérer un peu plus ma psyché. Mais ta façon de le dire laisse presque sous-entendre quelque chose d’agréable. Je bois très peu, je ne peux pas me le permettre. Le moindre faux pas. Le moindre défaut de vigilance. Et je suis mort. Aucun gang ne viendra me sauver la peau, encore moins me pleurer. Alors, en bonne compagnie, ma sécurité, j’admets que la chose est tentante, mais je ne me sens pas encore suffisamment en confiance pour oublier à ces points les règles élémentaires de la survie. »

Il lui adresse un sourire malicieux en la suivant du regard quand elle se lève, et exécute quelques mouvements prudents afin de cerner un peu mieux d’où proviennent les ondes de douleur qui lui électrisent les nerfs. « Tu as d’autres médicaments ? Je peine à tenir une conversation, mais je doute pour autant de pouvoir dormir comme ça. C’est une étrange sensation que de se savoir atteint sans pouvoir précisément dire où et dans quelle mesure. Je n’en menais pas large lorsque j’ai été ramené ici, et je me sens mieux, tout en sachant pertinemment que si je tente quelque chose, je m’effondrerais aussi sec. On a vu plus efficace. »

Il reporte son attention sur ses côtes, remue lentement les jambes, les bras, la nuque, aussi, le temps d’entendre un craquement satisfaisant. Il a besoin de toute sa tête pour réfléchir, de sa lucidité habituelle, tranchante, et pas de cet amas de pensées qui s’invite sans cesse dans son esprit, le force à se pencher sur des détails sans réelle importance. Il tapote légèrement le lit tout en portant vers la médecin un regard presque implorant.

« Reviens avec moi, s’il te plait. Je passe d’une émotion à l’autre, sans aucune logique, j’ai l’impression de délirer, certains de tes mots sont gravés dans ma mémoire quand d’autres m’échappent, à peine échangés. Est-ce que c’est un symptôme de choc ou quelque chose d’approchant ? Est-ce qu’il y’a quoi que ce soit à faire pour y échapper ? Alessa, je suis complètement perdu, je crois. »

Il se fatigue tout seul, respire fort, mal, alors qu’un poids lui compresse le torse, son corps envoyant à son cerveau des signaux que ce dernier retransmet mal. Une vague crise d’angoisse, se rassure-t-il en bloquant ses inspirations, le temps d’en faire mentalement le compte pour les apaiser.  

« On pourrait, je ne sais pas, jouer aux devinettes ? Ou tu peux aussi me raconter ta vie, ce par quoi tu es passée pour arriver aujourd’hui ? Me donner des détails, ou juste, me parler de ce que tu aimes ? De la personne que tu es ? C’est drôle, nous n’avons jamais réellement pris le temps de parler quand nous en avions l’occasion, et maintenant, des années plus tard, alors que rien ne le présageait, cette occasion nous est de nouveau offerte. Peut-être que nous pouvons en retirer quelque chose. Peut-être que c’est une chance. Je ne crois pas au destin, au karma, aux grandes lois de l’univers, pour autant, certaines retrouvailles sont plus frappantes que d’autres. Je suis content que tu sois là. »

Il soupire, la regarde un instant en silence, puis ajoute avec une pointe de rire au fond de la voix « Du repos alors. Si je continue comme ça, je risque de m’endormir rapidement, mais puisque c’est tout ce que vous pouvez me proposer madame la médecin, je m’incline volontiers. » 
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Un petit rire s'échappa des lèvres d'Alessa lorsque Jake la questionna sur son service. Il est vrai que cet endroit semblait peu orthodoxe pour exercer. Plus encore, la Milice n'était au courant de rien ; ce n'était donc pas un service officiel mais plutôt personnel et secret. Ca n'en restait pourtant pas moins un service. Des patients dépendaient d'elle. À ce titre, l'italienne ne s'estimait pas en droit de boire, pas quand quelqu'un nécessitant des soins en urgence pouvait débarquer à tout moment, comme lui l'avait fait.

« N'est-ce pas ? Mais je suis là sur une initiative personnelle, d'où les conditions étranges dans lesquelles je reçois. »

Même si ça s'apprenait, elle ne risquait pas grand chose tant que quelqu'un de sa pointure ne s'en mêlait pas, alors autant en profiter. N'était-ce d'ailleus pas le but caché de cette nouvelle conversation ? Puisque la plupart des sujets sensibles furent à présent évités par l'homme, au profit de toutes les annexes qui avaient pu être abordées au cours des dernières minutes. S'était-il résigné à recevoir de l'aide ? Alessa en doutait fortement. Pourtant, elle n'avait pas envie d'étirer davantage cette conversation, pas alors que son patient manquait très probablement d'énergie et risquait de s'endormir à tout moment. Tout ce qu'elle avait envie de faire, actuellement, c'était de lui tenir compagnie, de rattraper le temps perdu en attendant qu'il sombre dans un sommeil imposé par son corps meurtri.

« Sinon, je parlais de blessures mentales mais pas forcément désagréable, quoique... Des atteintes à ton ego d'homme, entre autre, à moins que te faire battre par une femme ne te cause aucun problème. Elle afficha une mine amusée tout en l'observant à ce moment, ne reprenant son propos qu'après un court instant de battement. Ou à moins que ta fasse plaisir. Certains s'en régalent plus qu'avec de l'alcool. Mais je ne peux malheureusement pas te proposer ça non plus. Ton état m'inquiète, si bien que je ne lèverai pas une main sur toi à moins d'y être forcée. »

Une question s'en suivit. Après celle-ci, Alessa se releva doucement pour aller fouiller dans sa malle à la recherche de quelque chose qui serait en mesure de résoudre le problème de Jake. Rien qui l'aiderait à réellement faire passer la douleur, rien qui pouvait lui être prescrit, en tout cas. Une overdose d'anti-douleurs n'était évidemment pas désirée. Pourtant, elle lui rapporta quelques cachets peu après, se saisissant d'une de ses mains pour les placer en son creux.

« Des somnifères. C'est tout ce que je peux te donner pour résoudre ce problème à court terme. Le reste n'est pas adapté ou recommandé dans ton état. »

Puis, à sa demande, la doctoresse vint s'asseoir à ses côtés, sur le lit, tout en l'écoutant discourir sur son état. Il semblait perdu, surmené, déboussolé. Tout cela n'était pas inconnue à la spécialiste qui, après une simple observation, put conclure de quoi il s'agissait. Heureusement, ce n'était rien de bien alarmant. Alors, comme pour rassurer son interlocuteur, elle porta l'une de ses mains à une joue, la caressant doucement du revers de ses doigts tout en le dévorant de ses yeux plissés et contemplatifs.

« Détends-toi, ce n'est rien. Ton corps a simplement du mal à appréhender la situation, il était encore en danger il y a de cela quelques minutes. Plus encore, toutes tes forces sont mobilisées par la cicatrisation de tes tissus. Tu risques même d'être pris de quelques vertiges, mais rien de bien grave tant que tu ne forces pas. Tu ne peux que l'endurer en attendant que ça passe, mais c'est une bonne nouvelle, ça signifie que tu récupères. »

Il y eut au moins un bon point à toute cette situation ; il devenait coopératif, acceptant de ne pas se surmener et demeurant prêt à se reposer, non pas sans faire la conversation à la doctoresse avant ça. Celle-ci hocha d'ailleurs la tête, soulignant le fait qu'ils n'avaient pas tant parlé d'eux jusqu'à présent. Peut-être était-ce effectivement l'occasion de le faire, de rattraper tout ce temps perdu et d'apprendre un peu plus à se connaître. Alessa sourit, déjà consciente du fait qu'ils avaient peut-être quelques points communs à se découvrir en tant que victimes de tragédies, peut-être même en tant que personnes. Avant de lui répondre, elle remonta toutefois sa main au niveau du front du blessé pour lui remonter quelques mèches et prendre sa température, par simple précaution. Elle ne remarqua rien d'anomal à ce niveau, fort heureusement.

« Prends les somnifères et laisse-moi te faire la conversation jusqu'à ce que tu sombres, dans ce cas. Elle retira ensuite sa main pour le laisser faire et commença aussitôt à raconter à peu près tout ce qui lui passait par la tête, sans filtre. Comme tu le sais, j'ai toujours voulu créer un département axé sur la médecine et la recherche. C'est aujourd'hui chose faite, mais ce n'était pas de tout repos. Va expliquer à des supérieurs véreux et corrompus qu'une la création d'une telle branche leur serait également bénéfique. J'ai dû sublimer les choses, leur fournir des résultats, des chiffres, leur présenter des avantages économiques incontestables. Ils se contrefichent du bien-être des agents de terrain, ils sont simplement là pour encaisser les chèques de lobbys. Alors j'ai dû me battre, pendant très longtemps, pour obtenir gain de cause. J'ai remué ciel et terre à la recherche de partenaires économiques, j'ai littéralement donné de ma personne pour obtenir certaines faveurs et ai joué de quelques relations pour gravelir les échelons et gagner en crédibilité. Tout n'était pas rose, sur mon chemin. J'ai probablement dû écraser les ambitions d'autrui pour me hisser jusque-là, tout ça pour convaincre des pourris et leur vendre la rentabilité d'un projet qui se voulait altruiste. Je ne suis pas fière du chemin emprunté, Jake, mais c'était nécessaire. »

Elle poussa un long soupir, déglutit et prit le temps de reprendre son souffle, de se remettre de ses émotions afin de poursuivre sur une note plus positive.

« Aujourd'hui, j'ai le pouvoir de sauver des vies, de protéger ceux à qui je tiens. C'est le principal, c'est ce que j'ai cherché pendant toute ma vie, cela même avant d'avoir à vivre ma plus grande perte. Ca m'a aidé à tourner la page, même s'il y avait aussi autre chose. Le sexe, le tabac, l'alcool... Tout était bon pour me faire oublier ça, à l'époque. Tu m'aurais vue avant que je ne rentre dans la Milice, j'étais une véritable épave. Je pense que j'aurais même fait peur au plus lubrique des veillards esseulés. »

Ell s'arrêta brièvement pour l'observer et reprit quelques instants plus tard, tâchant de lui raconter un peu de tout jusqu'à ce qu'il sombre...
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