[T2 : Speed-Dating] Think you're funny, think you're smart.

Syndel avait traversé la pièce sans vraiment perdre de temps pour prendre place à la table qu'on lui avait assigné, la numéro un. Premier du groupe, un truc du goût ? Elle balaya la pièce d'un regard incertain, s'arrêtant sur le groupe du buffet qui avait l'air de bien s'amuser. Se connaissaient-ils déjà ? Elle s'assit sans rien dire, calculant mentalement pour combien de temps elle se sentirait bien et cohérente. La lumière du plafond lui agressait les yeux et elle plissa des paupières, se sentant bien malgré tout. Sa jambe droite battait toute seule une mesure imaginaire - elle pensait à Supernature de Cerrone - en attendant avec angoisse la personne qu'on lui avait assigné pour ce premier tour. L'idée d'aller au Speed Dating sans prévenir Amber l'avait angoissée mais elle l'avait fait en son âme et conscience : elle avait besoin de trouver quelqu'un, autrement elle virerait complètement marteau. Ou tout du moins de rencontrer des femmes.

La blonde n'avait pas fait d'effort particulier : un simple sweat à capuche vert, un pantalon cargo noir et sa fidèle paires de bottes paramilitaires. Rien qui attirait le regard, rien de vraiment pour la mettre en valeur. Pas besoin, elle n'avait pas grand'chose à montrer. Elle souriait pourtant, faiblement : l'amphétamine parcourait ses veines et lui donnait le courage de rester là sans fuir sans se retourner. Contrairement à l'idée reçue, elle était très calme et se sentait hyper concentrée sur l'instant présent. Plus de fatigue ou de crainte, elle était simplement détendue sans pensée parasite. Et même lorsqu'elle uppercut un homme s'approcher de la table - coup dur pour une lesbienne - la jeune femme n'eut aucun mouvement de recul ; c'était le jeu, et basta. Elle se redressa sur sa chaise puis se leva lentement, l'air sobre, normale, détendue. Elle avait la trouille des mecs en général mais ce soir, Syndel ne ressentait rien du tout. Elle avait même l'air amicale, quant bien même ce tour ne lui proposait pas sa préférence.

"Hé, salut. Assied-toi, j't'en prie", elle se rassit dans le même mouvement, calant ses mains dans ses poches en regardant la canne de l'homme, "J'm'apelle Syndel, j'ai vingt-trois ans."

La blonde considéra l'illustre inconnu en silence, lui trouvant les traits plutôt durs mais ne s'offusquant de rien. Elle l'avait l'air à l'aise, et très décontractée. Par habitude, elle se définissait comme trop éloignée des standards pour plaire aux hommes et s'imaginait ne pas faire long feu avec son interlocuteur. Les gens jugent souvent sur les apparences et les siennes n'étaient pas forcément les plus féminins qui soient. Elle lui aurait bien posé quelques questions mais autant voir directement comment il réagirait en la voyant. Ça ne rimait peut-être à rien, mais ce soir ça ne la dérangeait pas de discuter.

"Tu veux boire un truc ?", demanda la jeune femme tout simplement, "J'pense que j'suis pas ton genre de meuf, non ?", elle haussa des épaules comme si ce n'était pas grave, "J'veux pas te mettre mal à l'aise, mec."

Le temps était passé vite avec la musique dans ses oreilles et il avait pu voir que les autres personnes qui étaient sorties pour fumer ou pour simplement prendre l'air étaient rentrées à nouveau. Sam de tata à rentrer chez lui, puis, soupirant, se dit qu'il pourrait bien retenter sa chance pour mieux finir la soirée, car quitte à marcher des heures pour rentrer, autant le faire avec de bons souvenirs en tête. Se relevant du rebord du restaurant, il rentra donc à l'intérieur, suivant le monde pour continuer l'aventure, arrivant sur les paroles de l'animateur en ce qui lui semblait être de l'Hispanique ou quelque chose du genre.

Là ils eurent droit à un nouveau numéro et cette fois-ci, ce fut l'un qui lui était attribué et il se dirigea donc vers cette table sans réfléchir. Une fois devant la table en question, il put voir que son binôme était déjà en place. Tenue décontracté sur cette jeune femme, c'était un point neutre, car cela pouvait aussi bien dire qu'elle était quelqu'un de simple, ou une jemenfoutiste.

Sous ses salutations et sa présentation, il s’assied lui aussi sur sa chaise, posant de nouveau sa canne sur ses jambes. vingt-trois ans. Un peu jeune à son gout, mais il avait vu des écarts bien pires entre couples, donc bon, pourquoi pas.

" Enchanté Syndel. Moi c'est Sam, trente-cinq ans."

Il rapprocha un peu sa chaise qui était assez éloigné de la table comme il le pouvait, puis l'entendit lui proposer un verre avant d’enchaîner en lui posant de nouvelle question, lui demandant si elle était son type avant de lui expliquer pourquoi elle lui demandait ça. Sam sourit à cet instant, laissant même un petit rire se faire entendre avant qu'il ne prenne la parole.

" Je veux bien merci. Mais je dois t'avouer que ... je n'ai pas vraiment de style de femme."

Pour être franc avec lui-même, il n'y avait jamais réfléchi, n'ayant jamais réellement cherché à avoir de relation ou autres par lui-même, ce moment étant plus une nouveauté qu'autre chose. Mais son travail de policier reprenait quelque peu le dessus, car sa façon de formuler sa phrase, lui donnait l'impression que c'était une façon de faire comprendre le contraire.

" Je peux vous retourner la question ? "

Syndel était à l'aise, et il était assez rare pour que cela soit souligné. Même la présence d'Amber à une table toute proche n'avait su la faire basculer dans l'angoisse et elle continuait de nager entre eux eaux, le regard lointain posé sur cet homme qui se dit appeler Sam. Un prénom commun, court, facile à retenir mais qu'elle aura peut-être oublier dans deux heures, ou trois. Ou pas. Le laissant prendre place sans considérer sa canne, sans lui trouver de faiblesse, sans lui faire la moindre réflexion, la blonde ferma un instant les yeux pour goûter à cette concentration et cette vigilance dont elle parvenait à jouir pour le moment ; tout était plus clair et plus limpide. Autant en profiter.

"'... 'soir, Sam", lui dit-elle comme on se saluerait dans un meeting ou avec un groupe de collègues.

Elle ne fit aucun commentaire sur leur écart d'âge, car ce n'était pas un problème pour elle. Il n'y avait pas vraiment de problème quand on y regardait de plus près, même pas qu'elle se retrouve en face d'un homme. Ce n'était pas très grave. La blonde lui sourit un instant, d'un air posé, mais un peu triste qui était son attitude naturelle ; le sourire de ceux qui oublient petit à petit ce qui mène à sourire. Qu'il rit ne lui procura pas grand chose : elle ne se sentit ni raillée, ni entraînée, ni même sollicitée.

"J'irai chercher ça", répondit la blonde sans se lever - elle le ferait après le premier échange car elle n'était pas impolie, "Bon, alors ça va. Je colle difficilement aux stéréotypes."

Elle n'expliqua pas vraiment ce qu'elle entendait par là mains Syndel avait une forte tendance à l'auto-dépréciation, et malgré son timbre calme et ses manières posées elle manquait cruellement de confiance en elle. Comme pour essayer de faire fuir son vis-à-vis (elle ne cependant pas qui il était et quelle était son histoire et sa vie), la jeune femme remonta les manches de son sweat et croisa les bras sur la table, dévoilant des bras beaucoup plus musclés qu'elle ne le laissait entendre, l'un parcourut d'une coupure partant du poignet pour remonter bien au delà de la manche retroussée. Sur l'autre, quelques traces vieillies de brûlures.

"J'ai pas de "type", parce que je décide pas trop qui me plait et qui me plait pas. C'est le feeling. Je suis lesbienne à la base, j'ai de mauvaises expériences avec les hommes je vais pas te le cacher mais y'a qu'les cons qui changent pas d'avis", elle haussa des épaules, "je cherche quelqu'un pour avancer dans la vie, si j'y arrive. Autrement, c'est pas si grave. On fait c'qu'on peut."

Syndel demeura silencieuse quelques précieux instants, se rendant compte que les amphétamines lui donnait une verve et une honnêteté qu'elle n'avait pas en général ; ce sentiment de confiance en soi était grisant, comme si rien n'était grave au final. Pas besoin d'être sur la défensive, de cacher ses préférences, de faire des mystères. Si son attitude ne semblait pas amicale, elle n'était pas fermée non plus. Elle se releva lentement de sa chaise, grande pour une femme, un peu ramassée sur elle-même.

"Je vais te chercher à boire, bouge pas", poursuit la jeune femme en allant au buffet pour chercher quelque chose, ayant omit de demander à Sam ce qu'il voulait. Elle revint rapidement avec deux verres de whisky sec, sans rien, le déposant devant l'homme, "tiens, au pire dit-moi si tu veux autre chose, mec."

Reprenant sa place en face de Sam, elle ne toucha cependant pas son verre et remit les mains dans ses poches, jouant avec ses clefs, son flacon de médicaments et deux trois autres bricoles qu'elle y avait fourré.

"Du coup, tu fais quoi dans la vie ? Tu m'parles un peu de toi ? J'imagine que faut demander ça... je suis caissière dans un supermarché, rien de fou. J'ai pas trop de loisirs, mais j'fais de la boxe et j'aime la musique et les vieux films. C'est drôle, tu ressembles un peu un acteur...", elle eut un bref sourire, c'était une remarque un peu nulle selon elle, "... à Keanu Reaves quand il était jeune."

Les stéréotypes, Il y en avait tellement d'existant, que, dans un sens, tout le monde pouvait en être un car même ne pas vouloir être un stéréotype faisait de vous un stéréotype.

Sam ayant retourné la question, il put l'écouter tout en la regardant plus attentivement, voyant ses bras qu'elle lui dévoilait en remontant ses manches larges, lui laissant voir quelques expériences de sa vie. Son regard remonta ensuite sur son visage, ou plutôt ses yeux, qui lui paraissaient bien dilatés, mais passa outre, se disant peut-être qu'elle avait des yeux sensibles.

Elle lui avait répondu qu'elle n'avait pas vraiment de type, lui avouant surtout la raison, qui était qu'elle était surtout lesbienne, laissant apparaitre un sourire au visage de Sam, qui se disait que, au moins il n'aurait pas à se prendre la tête à tenter quoi que ce soit, mais juste à parler tranquillement.

Elle lui raconta qu'elle avait eu de très mauvaise expérience avec les hommes, mais qu'elle essayait tout de même de laisser une chance à cette partie de l'humanité. Puis, après un haussement d'épaules, lui dévoila ce qu'elle cherchait surtout, quelqu'un pour avancer, disant qu'au pire elle ferait sans.

Cette philosophie lui plaisait bien, mais, bizarrement Sam se demandait quelque chose à son sujet, mais avait encore des doutes, ou surement beaucoup trop de déformation professionnelle.

" C'est une recherche intéressante et j’espère que tu trouveras ça, que ce soi ce soir ou un autre jour."

Sur sa réponse, il la vit partir chercher leur boisson, puis revenir avec de Whisky, sec en plus, ce que préférait Sam.

" C'est parfait, merci beaucoup."

Il prit ensuite une gorgée de cette boisson histoire de se désaltérer un peu, laissant l'alcool bruler quelque peu sa gorge avant de reposer le verre sur la table. Pendant cela, il pouvait l'entendre s'amuser avec ses poches, enfin les objets se trouvant dedans. Nerveuse ? Il ne trouvait pas qu'elle en avait l'air, ou peut-être qu'elle cachait bien son jeu ou peut-être la troisième option qui se profilait de plus en plus.

Elle finit par reprendre la parole en première, commençant par les questions classique, mais obligatoire de toute rencontre, répondant elle-même de suite sans qu'il ne puisse le lui demander. Elle finit alors sa phrase en lui disant qu'il ressemblait à un acteur de vieux film, qui oui, lui ressemblait beaucoup et sourit à cet instant.

" Oui on me le dit de temps en temps, mais non, je n'ai aucun lien avec lui, enfin pas que je sache."

Il se replaça ensuite sur sa chaise, puis répondit à ses questions

" Je suis détective privé, je viens des États unis, je fais des arts martiaux aussi, surtout du kung-Fu que je fait depuis tout petit, même si en ce moment je suis un peu en pause de se coter là ." Dit-il en riant très légèrement." j'aime la musique aussi et les vieux films, mais je me suis surtout trouvé un gout pour les vieilles séries policières. Boxe anglaise ou française ? "

L'homme en face d'elle avait l'air calme et avait du répondant sans chercher à l'agresser. Elle en avait croisé d'autres des comme lui, et savait bien qu'il n'étaient pas tous pareil. Les craintes demeurent pourtant dans le sang, et prennent des années à disparaître. On le les oublie cependant jamais, mais la chimie avait des secrets qui rendaient les choses plus accessibles.

"C'est sympa de ta part, mec. On verra bien", dit-elle en se passant une main sur la nuque, rendue timide qu'on lui souhaite ce genre de choses, "... 'te souhaite la même chose."

La jeune femme s'était machinalement levée pour chercher à boire, ne faisant pas grand'cas de la canne de Sam mais se disant qu'elle serait juste plus rapide. Pas la peine qu'il se fasse chier pour ça. Elle revint fissa avec leurs deux verres et hocha de la tête aux remerciements, sans rien dire de plus. Elle n'était pas très à l'aise quand les choses se passaient bien, aussi étrange que cela puisse paraître. La blonde ne but pas, préférant flâner en pensées parfaitement cohérentes plutôt que de commencer à partir dans tous les sens. Sam sourit à la mention de Keanu Reeves ; force était d'avouer qu'il qui ressemblait beaucoup.

"C'est marrant", continua Syndel, "je l'aimais bien dans John Wick et A scanner darkly.

Ils en vinrent naturellement au corps des questions et Syndel écouta attentivement l'homme lui expliquer ce qu'il faisait et ce qu'il aimait dans la vie. Un américain ? C'était plutôt inattendu et son métier aussi bien qu'à Decay, on tombait sur plein de gens avec des boulots qui sortaient de l’ordinaire parce que la ville... n'avait rien d'ordinaire, justement.

"C'est un sacré métier, détective privé... t'es depuis longtemps à Decay ? Pas obligé de me répondre si tu veux pas", elle rebondit ensuite sur un de leurs oints communs, "Du kung-fu ? J'y connais pas grand'chose j'avoue... quel genre ? Je connais que le jeet kune do et le kempo, des trucs mixtes quoi."

Ils avaient quelques points communs : les sports de combat, la musique, les vieux films. Elle nota dans un coin de sa tête les détails qu'elle voudrait reprendre avec lui, mais commença par répondre à sa question sur sa propre pratique :

"Shoot-boxing. Poings-pieds-genoux et prises de soumission, je trouve ça plus complet. J'en fais depuis quatre ans et j'essaye d'apprendre le CQC à côté. Seule c'est un peu dur, mais j'apprend quand même des trucs. J'adore tout ce qui est techniques militaires. Y'a des trucs que je trouve vraiment intéressant, comme la Systema et son ancêtre, le Sambo. Mais on peut pas tout faire."

Se trouvant un peu trop prolixe à son goût, la blonde se tut, bouche sèche. N'ayant pas l'habitude de se montrer si sociable, elle se frotta l'arrière du crâne de gêne.

"Je parle un peu trop... t'es détective privé, donc... c'es comment comme taff ? Tu dois avoir un bon sens de l'analyse comportementale."

Ca lui semblait la base, et elle s'étonna d'avoir pu formuler aussi clairement cette phrase sans esquiver le regard de Sam, toujours aussi décontractée. Elle n'aimait pas qu'on puisse lire en elle, mais l'idée la dépassait ce soir. Elle appréciait simplement la conversation.

Il sourit simplement pour la remercier du retour du souhait, continuant de l'écouter simplement, passant sur sa ressemblance à un très bon acteur.

" Oui je l'ai trouvé très bien dans John Wick, ça m'a même pas mal inspiré dans la vie, mais j'ai surtout beaucoup aimé Constantine et l'avocat du diable."

Il n'est vrai que, en plus de l'entraînement qu'il avait eu à l'armée, il s'était entrainé au tir par des méthodes moins conventionnelles, comme la méthode car ou le tir intuitif, qui l'aide beaucoup dans son travail.

Il avait donc raconté sa vie, même si le début était un mensonge, mais un mensonge obligatoire pour sa survie ici. S'il disait à voix haute qu'il était Milicien dans cette salle, il ne donnerait pas cher de sa peau, que ce soit en allant aux toilettes ou en sortant du restaurant.

" Oh ça fait déjà quelques années oui que je suis à Decay."

Elle lui demanda ensuite son style de Kung-Fu, tout en lui répondant sur ce qu'elle connaissait des arts martiaux, surtout celui-là.

" J'ai pas mal fait d'Hung gar, qui collait pas mal avec mon ancien boulot et les entraînements qui allait avec, mais comme beaucoup j'avais surtout commencé avec le Wu CHU tout petit."

Elle répondit ensuite à sa question sur son style de boxe et c'était un style moins ancien qu'elle avait choisi, mais assez intéressant et utile, lui dévoilant qu'elle en faisant depuis quatre, mais souhaitant voir autre chose à côté. Elle parla ensuite de son intérêt pour les techniques militaires, ce qui le fit quelque peu sourire, parlant au passage de technique russe qu'il avait déjà vu lui aussi.

Il ne put tout de suite répondre à sa question, car elle enchaina en s'excusant à moitié, elle demandant comment se passait son métier. Encore une fois il sourit, puis leva sa canne un cours instant pour appuyer ses mots.

" C'est ... risqué et prenant, mais c'est un travail assez complet et enrichissant. Eh oui, il faut savoir analyser le comportement des gens, mais ce n'est pas non plus le gros du travail. La majorité des gens qui demandent les services d'un détective sont souvent pour des disparitions ou des soupçons pour des affaires de couple. Donc de la filature."

Merci la grosse collection de films policiers et les vieux amis de l'armée qui s'était reconverti le dedans pour consolider son alibi.

" J'ai déjà fait du cqt aussi, par énormément au vu du manque de temps et de ce que mon ancien patron pensait inutile, mais c'était intéressant, et ça évite pas mal de problèmes. J'ai déjà vu de la systema aussi et ça peut être très déroutant au premier abord pour les gens." Finit-il en riant.

" Et toi ? Tu as toujours vécu ici ou tu y es arrivé par la force des choses aussi ? "

La conversation était intéressante et elle ne s'y était pas attendue, preuve qu'on pouvait se faire rapidement une idée fausse des gens. Toujours assise un peu voûtée sur sa chaise, les mains dans les poches, Syndel était en train de se dire qu'elle était finalement bien conne de ne pas arriver à dépasser son début de misandrie. On évitait ce qui nous avait jadis nuit, on esquivait ce qui nous faisait peur. Elle avait l'impression de comprendre très nettement tout ce qu'il disait, et tout ce qu'il ne disait pas et se remit un peu plus droite sur sa chaise, par réflexe.

"Constantine... ça me dit un truc. L’Avocat du Diable avec Reeves et Al Pacino, excellent film c'est clair. Ca m'a fait penser à Faust de Goethe... T'as bon goût, mec."

Il lui signifia sans s'appesantir que cela faisait déjà quelques années qu'il se trouvait à Decay et la jeune femme plissa un peu des yeux. S'il ne précisait pas naturellement, c'était volontaire. Chacun avait ses secrets et la blonde n'insista pas car ce n'était pas son genre. Elle préféra l'entendre parler des arts martiaux qu'il avait appris, et rebondir dessus directement : "Ton ancien boulot ? Tu faisais quoi ?" Ça n'avait rien de suspicieux, c'était une simple question posée avec curiosité.

"Ha oui, le hun-gar si j'dis pas de connerie, c'est un style particulier de wushu, non ?"

Apprendre depuis petit était selon elle une grande force, et elle regretta de n'avoir pu s'y mettre plus tôt. La conversation l'intéressait quand bien même elle ne débouchait sur rien de précis mais rencontrer quelqu'un avec quelques centres d'intérêts qui croisaient les siens lui faisait un bien fou. Et cela se voyait un peu malgré son air un peu atone. Elle sourit fugacement, timide et clairement d'une nature introvertie. Sam lui montra sa canne comme exemple des dangers de sa profession.

"Le danger rend souvent les choses intéressantes", admit Syndel avec un demi-sourire un peu réservé, soudain un peu songeuse, "Ça doit être dur de filer des gens."

Elle mentait, mais passa si vite à autre chose dans sa tête qu'il fut difficile de le voir. Combien de fois avait-elle pris un certain plaisir à suivre des illustres inconnus dans les rues, le plus souvent sans qu'il ne se passe rien, pour affiner sa discrétion et s’entraîner à traquer, toujours plus finement, toujours plus efficacement ? Filer, c'était la meilleure partie de... de quoi au fait ? Elle releva le nez, se rendant compte qu'elle était en train de rêvasser, retourna à la conversation avec une précision certaine : même perdue en rêverie, elle avait parfaitement suivi ce que li avait dit Sam ; ça lui semblait assez fou. Merci les amphets.

"C'est jamais inutile, tout est bon à prendre. Tu trouves la systema déroutante ? Je comprend. Je trouve ça diablement efficace perso. Genre y'a rien de superflu, j'aime l'idée de l'économie des mouvements", elle ajouta sans tarder, "j'essaye d'incorporer cette notion quand je boxe, et que mon corps soit le plus décontracté possible. Ça dissuade souvent les petites frappes de s'en prendre à moi."

Sam en vint finalement à une question plus personnelle et Syndel ne put pas lui en vouloir. Elle inspira lourdement - le sujet la mettait en général mal à l'aise mais ce soir elle s'en fichait - et fut le plus sincère qu'il lui était possible sur son histoire.

"Pur produit de Decay, j'y suis née et j'ai essayé d'y grandir", elle eut un rire un peu gêné, les yeux fermés - la tension aurait du monter, mais elle ne sentit rien du tout et c'était assez reposant, "j'ai grandi dans la rue mais j'vais pas développer, c'est pas c'qui faut faire dans un speed dating. On va dire que j'm'en suis sortie, j'ai un métier tranquille, un chien et un coin à moi", elle chercha quelque chose à dire de plus, mais ne trouva rien d'intéressant, "j'essaye d'avoir un semblant de normalité dans cette ville de fous."

Elle culpabilisait un peu, mais à vrai dire ce n'était pas un mensonge : Syndel ne chercha qu'à vivre une existence normale mais ses problèmes de santé lui bouffaient l'âme au point qu'elle se sentait au delà de toute rédemption. Mais ainsi allait la vie à Decay pour les gens comme elle, dépendant de l'Eglise, des médicaments et dans une moindre mesure, des autres là où elle essayait de vivre seule.

"Et toi ? Des frères et sœurs, des anecdotes sur ton passé ? Tu comptes retourner aux USA un jour ?"

Sam souris sous les paroles de son interlocutrice, mais regrettait un peu qu'elle ne se souvienne pas de Constantine.

" Toi aussi."

Lui renvoya-t-il donc simplement avant que la conversation ne continue. Là elle finit par lui demander qu'elle fût son ancien métier et il répondit simplement, sans trop en étaler non plus, mais eut droit à une autre question sur le kung-fu en même temps, pouvant alors enchaîner deux réponses assez tranquillement

" oui c'est une méthode plus ... stable, ou les bras travaillent plus que le reste est surtout fait pour neutraliser rapidement son opposant, favoriser un coups puissant plutôt que plusieurs petit coups. Et j'étais militaire."

Là il reprit son verre pour en boire une nouvelle gorgée avant de le laisser à nouveau se reposer sur la table, parlant de son " travail" et le décrivant. Lorsqu'il eut fini elle lui dit que le danger rendait les choses intéressantes et, dans un sens, ne pouvait lui dire le contraire, même s'il s'abstiendrait bien de certains. Elle lui demanda aussi si cela était difficile de suivre des gens sans se faire repérer, ceux à quoi il laissa un rire s'échapper.

" Les gens sont un peu plus sur leur garde à Decay, mais tu serais surpris au nombre de personne qui ne fait pas attention à leur environnement."

Il disait ça, mais principalement, quand il devait retrouver quelqu'un c'était souvent grâce à des informateurs ou des taupes.

La question repassa ensuite aux arts martiaux, parlant de systema, mais apparemment il avait mal exprimé ses dires, l'entendant croire qu'il avait dit que la systema était déroutante et resta à l'écouter pour ensuite l'entendre parler de ce qu'elle essayait de placer dans son style de combat.

" C'est ça que je voulais dire, pas que je trouve ça déroutant, mais le fait d'absorber ou de se mouvoir avec souplesse sous le coup cela en étonne plus d'un et c'est toujours cette petite surprise qui permet de reprendre l'avantage ou l'ascendant. Ca colle avec une autre philosophie de combat du Kung fu d'ailleurs." Il laissa un leger blanc, puis ajouta " Et c'est une très bonne idée de diversifier ses méthodes, surtout pour palier au manque de chacune."

Tous ces paroles sur le sujet lui donnaient hâte de retrouver ses pleines facultés pour reprendre le sport. Il lui demanda par la suite, après lui avoir répondu depuis combien de temps il était sur Decay, sa réponse à elle et put, comme il s'en doutait un peu, l'entendre lui dire qu'elle était originaire d'ici. Il se demandait tout de même ce que cela faisait d'avoir toujours vécu dans une ile pareil.

Il pouvait entendre que le sujet avait l'air difficile pour elle, ne voulant pas trop s'étaler sur le sujet, mais sa voix paraissait très détendu tout de même, contrastant avec ses paroles, comme si elle en était détachée d'une façon ou d'une autre et fut piquée de curiosité quand elle lui avoua avoir un chien, relevant un peu la tete. De nouveau à son tour d'avoir des questions, elle lui demanda s'il avait des frères ou soeur, s'il avait des histoires drôles à raconter sur sa vie et s'il souhaitait un jour retourner dans son pays.

Sur cette dernière demandée, Sam ne put s’empêcher d'avoir un léger rire gêné, car oui, il aimerait bien, mais il savait très bien que ce serait impossible.

" Alors j'ai une sœur plus jeune que moi, ont à souvent fait les quatre cent coups ensemble. Un jour pour se venger d'un groupe de motards qui avait détruit ma moto ont à ... quelque peu rendu inopérant le moteur d'une dizaine de leurs motos."

Ne jamais s'en prendre au Rockwell, cela fini toujours mal, même pour eux. C'était déjà assez illégal pour lui, même s'il l'avait bien cherché, alors il n'allait pas dire qu'il avait réquisitionné une de leurs motos pendant une durée indéterminée non plus. Oui Sam pouvait être très revanchard, surtout quand la voix de sa conscience se concertait avec Bobbie.

" Et pour ce qui est de rentrer chez moi ... ça ne risque pas d'arriver malheureusement."

Sa voix c'était un peu abaissé dans sa joie à ce moment-là, le pays lui manquant pas mal, et surtout la liberté qu'il y avait, contrairement à Decay ou il était enchainé à son boulot. Mais il avait envie de passer à autre chose pour se changer de ça

" Oh et j'ai du sang de natif américain aussi. Et tu m'as dit que tu avais un chien c'est bien ça . Il s'appelle comment et il ressemble à quoi ?"

Oui Sam aimait beaucoup les chiens.

Le confort artificiel de Syndel lui permettait de suivre efficacement la conversation sans perdre le fil ou se noyer dans l'angoisse. Sam était plutôt agréable : pas trop prolixe, mais assez ouvert dans la conversation. Il posait des questions autant qu'il y répondait sans trop de pauses ou même d'esquives et elle-même se sentit plus détendue de cette manière de faire. Parce qu'elle était plutôt introvertie, la blonde se contenta de hocher du chef quand il la complimenta en retour sur ses goûts, pas vraiment à l'aise avec l'idée qu'on lui trouve de l’intérêt. Elle préféra renchérir sur le sujet des arts martiaux et des techniques militaires.

"Je vois...", elle se frotta la mâchoire, pensive, "j'aime bien l'idée de travailler à la neutralisation rapide, c'est impressionnant. J'ai plus de force dans les bras que dans les jambes perso. Ha, tu étais militaire ? Qu'est-ce qui t'a fait changer de taff ? T'es pas obligé de me répondre si tu veux pas."

Syndel n'aimait pas insister, et n'était pas d'une nature très curieuse en général. La question était un peu venue comme ça, simplement pour discuter. Elle-même aurait bien voulu intégrer le corps militaire, mais rien de cela n'existait à Decay. La Milice? Non merci, rien à voir. Se souvenant soudain de son dégoût profond pour les armes à feu, elle fit directement une croix sur l'idée. La jeune femme ne répondit rien aux dires de Sam sur le nombre de gens qui ne faisaient pas attention à leur environnement, se contentant d'un sourire un peu timide. Elle savait, malheureusement. Elle savait ce qu'il en coûtait à ceux qui oublient les ombres qui courent le long des ruelles de Decay.

"J'imagine pas trop", mentit la blonde en prenant un air penaud, "je pensais que les gens faisaient gaffe à Decay, vu la parano globale."

Syndel n'eut pas l'impression de s’enfoncer dans quoi que ce soit. Elle sauta d'une idée à l'autre et comprenant qu'elle avait mal saisi ce que lui avait expliqué Sam, elle eut un soupir presque amusé, avant de lui dire :

"J'avais mal compris, en effet. Désolée je suis parfois longue à la détente", elle se craqua les doigts en un bruit sinistre, "je suis pas très souple, mais j'encaisse plutôt bien alors je me concentre là dessus. J'ai appris à accepté les coups et suivre leurs mouvements depuis...", elle parut songeuse, "longtemps. Mais merci, et ouais, il faut additionner les techniques petit petit pour se composer son propre panel. Je suppose que tu connais le grappling ? C'est mon objectif."

Changeant de sujet pour en venir aux anecdotes de jeunesse ou aux petits détails que Sam aurait à lui donner, Syndel l'écouta poliment, sortant finalement les mains de ses poches pour les poser sur la table. Elle avait de grandes mains pour une femme, parcourues de coupures et de durillons qui prouvaient qu'elle ne mentait pas sur sa pratique martiale. La jeune femme sourit à l'évocation d'une petite sœur - Dieu savait ce qu'était devenue sa sœur à elle - et elle se permit un léger rire en entendant la fin de l'histoire avec les motards.

"Ils l'ont bien cherché, et vous avez du bien vous marrer. J'ai une grande sœur et cinq frères aînés de mon côté, mais on ne s'est jamais entendu", dit-elle tout de go avant de reprendre sur le sujet de son retour aux USA, "c'est con pour toi. Decay quand t'as connu que ça c'est comme ça, tu dois t'y faire mais quand t'as vécu ailleurs avant, ça doit être relou."

Pas d'apitoiement, car elle ne le connaissait pas et d'un autre côté sentait que Sam n'tait pas un mec qui aimait être plaint. Elle demeura silencieuse un moment, observant les traits de son interlocuteur pour y chercher quelque chose sans vraiment savoir quoi. Une émotion ? Elle n'était pas vraiment sûre d'elle. La blonde imaginait sans mal qu'il puisse avoir le mal du pays. Elle fut surprise - à moitié, parce qu'elle-même avait des origines qui ne se voyaient pas - qu'il ait du sens natif américain mais en le détaillant un peu quelques détails lui parvinrent, et elle le regarda un long moment sans lui répondre, perdue dans l'observation du visage de l'homme.

"Oh, hm", elle revint à la conversation, se redressant un peu sur sa chaise, "Du côté paternel ou maternel, du sang natif ? C'est drôle, on dirait pas à première vue", elle eut à nouveau un sourire réservé, "les origines, ça se voit pas direct. Ma grand-mère est iranienne, et moi j'suis blonde. J'suis la seule de la famille, alors mon père pensait que ma mère avait baisé avec un autre mec", elle changea rapidement de sujet, prenant enfin une gorgée de whisky sans conviction, "j'parle aussi bien anglais que farsi", elle leva son verre, "salamati, Sam joon."

Elle prit une grande gorgée d'alcool - signe qu'elle n'aimait pas ça - et rebondit sur un sujet qui l'intéressait beaucoup.

"Yep, y s’appelle Frank. C'est un Pitbull que j'ai récupéré presque crevé dans la rue... j'pense qu'on le faisait s'battre dans des combats de chiens, vu ses blessures. C'est mon meilleur pote, je l'ai depuis quelques années seulement mais il contribue à me donner une vie normale. Et toi, t'aimes les chiens ? T'en as ?", elle eut un air plus tendre, "ma mère dit que quand un mec aime les chiens, y peut pas être foncièrement mauvais."

Elle se trompait, sa daronne, la preuve en étant ce qu'il était advenu de tous dans les griffes de leur père. Elle-même malgré son chien demeurait un monstre de son propre point de vue. Mais Syndel aimait cette idée que les animaux rendaient les gens meilleurs même su elle était fausse. On avait le droit de rêver, même à Decay.

Syndel lui demanda quelque détail sur son passé, sur son ancien travail, sur la raison pour laquel il n'y était plus, se redressant un peu sur sa chaise à cet instant.

" J'étais rentré dans l'armée pour pouvoir rembourser mes études à la base, mais j'y suis resté un peu plus longtemps, histoire de me faire quelque soux de coté. Et j'ai arrêté par non-renouvellement de contrat."

C'était un bout de la vérité, mais ce qu'il ne disait pas, c'était surtout qu'il ne s'était pas senti de reprendre, d'avoir les fantômes de ses amies qui le hantent au boulot, bien que ce soit toujours un peu le cas. la conversation passa ensuite de son métier passé à son " métier " actuel, la jeune femme s'étonnant que les gens ne sont pas plus sur leur garde dans le coin par rapport au reste du monde.

" De base oui, mais un relâchement, un coup de fatigue, de drogue ou d'alcool ou encore le sentiment d’être intouchable baissent pas mal les gardes."

C'était une constante qui ne bougeait pas vraiment, quel que soit l'endroit où l'on se trouvait.
Sam connaissait quelques arts martiaux de par ses activités depuis son plus jeune âge et de par son ancien travail, mais il ne connaissait pas tout non plus, et puis, s'il y a bien une chose qui ne cessent d'apparaitre, ce sont les noms de nouveaux techniques.

" Mmmmnh non, je ne connais pas, mais j'imagine de par le nom que c'est un style basé sur des prises . "

C'est après la discussion sur les arts martiaux qu'elle lui demanda s'il avait des frères et soeurs, ainsi que des anecdotes et, lui raconta donc une péripétie avec sa sœur, ainsi qu'un petit détail sur ses origines et put voir que, cette anecdote l'avait fait rire. Elle était d'accord avec ce qu'ils avaient fait au motard, puis, donna une opinion compréhensive sur la situation de Sam, ce qui le fit sourire légèrement avant de lui répondre

" Nous avons tous notre fardeau à porter."

Lui en avait plusieurs, certain qu'il avait choisi, d'autres que l'on lui avait imposé et encore d'autre qui étaient apparu tout seul, mais il n'avait pas que cela a faire de se lamenter sur son sort, encore moins en ce moment même .

Elle tiqua ensuite sur son anecdote sur ses origines, la voyant presque le dévisager ce qui ne manqua pas de lui donner envie de rire, mais se retint tout de même. Elle lui demanda ensuite de quel côté elle prenait ces genes avant de lui avouer ses origines, qui ne manquèrent pas de le surprendre lui aussi, lui expliquant les raisons avant de lui parler en farsi, levant son verre, ce qu'il comprit comme un " santé".

Il leva donc son verre pour trinquer, puis prit une gorgée avant de le poser

" du coté de ma mère. Ça a causé quelques problèmes avec le reste de la famille, mais bon, c'est une autre histoire. Et j'ai surtout pris les gênes de mon pere, les seuls choses qui me viennent de ma mere son ma difficulté à avoir des coups de soleil et mes cheveux, très noir et ... très doux."

Sam n'avait pu voir et connaitre sa famille du coté de sa mère que très tardivement dans sa vie et donc, n'avait pu découvrir un penchant de sa culture que tard, n'ayant passé qu'un rite chez eux avant de se retrouver à Decay.

Mais la curiosité de Sam avait gagné, demandant plus d'informations sur la boule de poils qui partageait la vie de son interlocutrice. La réponse fut intéressante pour lui et il ne put s'empêcher d'avoir un large sourire sous ce qu'elle disait. C'était un très beau geste qu'elle avait fait

" Les animaux sont de très bon guide de vie oui et ton geste a été très noble."

Il se replaça un peu sur sa chaise un instant, sa jambe blessée s'engourdissant quelque peu, pui reprit la parole.

" J'adore les chiens, mais non malheureusement, mon métier me prend parfois beaucoup trop de temps pour pouvoir m'occuper et rendre pleinement heureux l'un d'eux."

Toujours souriant et avec une voix amicale, il la regarda en posant ses mains sur la table

" Et toi sinon ? Des anecdotes ? "