J'ai connu mieux comme deuxième rencard [ Hana ]

Spoiler:

J’avais la séquère, je puais et j’avais faim. Ils se faisaient un malin plaisir à faire tomber le plat au sol et moi une toute aussi grande fierté à ne pas manger cette merde. Pour me faire chier, ils limitaient mon eau.  Pour leur rendre la gentillesse, je fermais ma grande bouche devant leurs interrogations. Tout court en fait. ils avaient bien essayé de mêler Vera à ça, mais ça n’avait pas pris des masses on dira. Et aujourd’hui encore, on m’avait traîné là, pour me présenter sûrement un autre membre de la “famille”.  J'avais hâte de mettre un profil sur celui ou celle-là... mais à la surprise générale, je connaissais déjà cette tête-là. C'était censé me punir ça ?

J’avais eu du mal à réfréner mon sourire soulagé en le voyant sur ses pieds. Enfin, façon de parler. Milicien ou pas, ça me faisait chier l’idée de l’avoir buté. Sans le connaitre, je l'aimais bien... peut-être ce jour de merde qu'on avait partagé, parce que mine de rien, ce connard m'avait coffré.  Et finalement, tous les dieux de ce putain d’univers ne m’avaient peut-être pas abandonné.

“ Salut Sam. “

Qu’est-ce que j’étais censé lui dire de plus ? Contente de te revoir ? Ouais, ce n’était pas faux, même si du milicien, j’en avais tellement bouffé ces derniers jours que je n’étais plus vraiment capable de m’asseoir ou me lever toute seule.  Je n’avais pas eu l’occasion de croiser un miroir, mais je me doutais que j’avais sale gueule. Entre les passages à tabac et ces connards qui se faisaient une joie de m’empêcher de dormir, je croyais bien que mon cerveau ne tarderait pas à dérailler. M’enfin, ce n’était pas la première fois ce genre de traitement…

Je savais maintenant pourquoi la pègre gagnait toujours. Les “gentils” n’avaient même pas un quart de leur talent en matière de batarderie. Match inégal.

“ Sympa ton look momie. C’est super sexy. “

C’était dit avec tout le sérieux du monde bien sûr, alors que le contenu de cette conversation promettait d’être encore, n’importe quoi. Il me semblait étrange qu’il soit déjà de retour au travail, surtout qu’il n’avait pas l’air super en forme. Mais loin de moi l’idée de poser la question, c’était son rôle à lui ça non ?

“ Je ne sais pas ce que tu leur as fait… mais je commence à penser que t’es pas très aimé ici. “

Il n’avait pas vraiment l’air du gars tordu venant me faire passer un sale quart d’heure, comme tous les autres. Coups, menaces, chantages… j’en avais subi des vertes et des pas mûres.  Ils ne valaient pas mieux que les gangs qu’ils traquaient à ce niveau. La preuve, il envoyait le mec que j’avais pris en otage et égorgé pour m’interroger. Le post-traumatique tout ça ?

“ Tes beaux yeux bb me rendront pas plus bavarde que les tronches de cul de tes copinous t’sais. Puis tu sais... attaché la fille dès le second rendez-vous ça se fait pas des masses...“

Je lui décrochais un sourire, même si c'était pas vraiment le moment pour rire. Ma langue, c’était la seule chose que pour le moment on me laissait bouger librement. Il y avait tellement de chaines sur mon corps et cette chaise, qu’on aurait pu croire qu’on allait préparer un tour de magie. C’était ridicule.

J’avais plus soufflé du nez que rit devant sa réponse sur son style. Je n’avais jamais voulu réellement l’amocher en vérité. Alors ouais, ce n’était pas très plaisant de constater le résultat de mes conneries pour rien au final. Je n’avais même pu sauver les fesses de Vera.  J’étais plus inquiète pour elle que le reste de ma bande ou mon fils. Nik’ avait déjà dû gérer ça à merveille, puisque la vérité était qu’il était le véritable boss de notre gang. Je n’étais qu’une façade destinée à protéger son petit cul de la milice et autre attentat interne et externe. C’était le moins que je lui devais après tout ce qu’il avait fait pour moi à mon arrivée à Decay.  Quant à nous deux là ? Je lui répondais avec un sourire le plus charmant que ma gueule actuelle puisse lui donner.

“ Y a une première pour tout. C’était que t’avais pas encore rencardé la bonne bombe. Ni encore mis tes doigts au bon endroit. ‘“

Ma connerie me faisait rire toute seule. cette conversation n’avait aucun sens. Elle aurait terriblement plu à Lola.

“ Oh ? Ne pas bouger ? Même pas les cils ? “  Je lui avais offert mon regard de papillon dans un clignement aussi intempestif que ringard. Comme une pin’up d’un autre temps.  “ Je vais attendre sagement ! “

Avais-je glissé le ton haussé. En même temps, pouvais-je réellement faire autrement. Mon regard glissait sur le dossier qu’il avait consulté et il était légitime que je me demande ce qu’il y avait dedans. Visiblement, la Milice ne connaissait pas le terme “avocat”. On m’avait gentiment dit de fermer ma gueule et réserver ça pour une cour… si tentait que j’arrive jusque là. Devais-je prendre ça pour une menace ? C’était qu’entre eux  et mon ancien amant mafieux mon épée de Damoclès était de plus en plus instable. Méditez là dessus durant son absence m’avait un peu coupé l’envie de jouer avec le brun. Mais c’était encore une fois pour mieux découvrir à quel point il pouvait être plein de surprise. Parlant de ça.

Même si l’envie d’attraper le jeunot et l’étrangler me traversait, je m’étais tenue sage tandis qu’il me donnait un peu de leste pour visiblement fêter mon année supplémentaire. Je crevais la dalle et dire que je n’avais pas salivé devant la merde qui me présentait ne serait qu’un odieux mensonge.  Mais je n’avais aucune confiance dans les merdes qu’ils auraient pu mettre là dedans… surtout après la façon  dont ils m’avaient traité. Ils semblaient vouloir me faire parler à tout prix. Mais à quel sujet ? Je n’étais même pas certaine qu’ils posaient tant les bonnes questions qu’ils ne cherchaient les bonnes occasions de m’en coller une. Il décrochait encore une phrase, comme on aurait pu avant lui me décrocher une droite et mouche, devant la situation, je ne pouvais qu’en sourire avant de riposter.

“ C’est le violet des cocards autour de mes yeux qui fait ressortir mon vert… nuance. “

Tac au tac. Ça semblait être une petite tradition bien ancrée entre nous et lui poussant ma bouteille d’eau vers lui, je lui faisais signe d’un geste de la main de plutôt me filer la sienne où je l’avais déjà vu boire.

“ Laisse donc un baiser volé via le goulot de ta bouteille BG. “ Clin d’oeil.

D’une certaine façon, je lui rappelais que je n’avais pas oublié la situation dans laquelle j’étais.

Il était malin le bougre, en même temps, je l’avais compris depuis longtemps ce détail-là. Son calme plat était aussi énervant qu’admirable. Si je ne l’avais pas déjà égorgé, j’aurais pu finir par l’étrangler, pas forcément dans une prise d’otage ceci dit. Pour l’heure, je ne faisais plus prier pour boire, j’étais assoiffée. Et après avoir sacrément descendu le liquide, je lorgnais bien évidemment sur la nourriture. Croquer dedans devait suffire à me faire baisser la garde ?

Oui et non. Je tirais les deux vers moi pour prendre la même bouchée que lui sur chacun d’eux avant de les lui faire glisser à nouveau. ce n’avait jamais été mon genre de ne prendre qu’une seule option. En général je prenais seulement ce que je préférais de tout et me débrouiller pour me débarrasser ou esquiver le désagréable.

“ Ce n’est pas la première fois qu’on me dit ça. “

Glissais-je vantarde après avoir avalé les bouchées que j’avais longuement et doucement mâché pour aider ma faim à s’apaiser plus facilement en trompant mon cerveau sur la quantité. Voilà encore une pratique qui ne me ramenait pas aux souvenirs de la meilleure époque de ma vie.

“ On dirait que tu m’as dans la peau, balot ! “

Ok, je me moquais un peu-beaucoup, en me doutant bien qu’il garderait une sacrée cicatrice bien visible pour se souvenir de moi. Maigre consolation tandis que j’allais pourrir derrière les barreaux ou  six pieds sous terre quand il se raserait tranquillement le matin. Puis enfin la dérision prenait fin pour les choses sérieuses. C’était des préliminaires plus plaisants que les coups de ses collègues, toujours ça de prit.

“ Hana c’bien. En fait je m’en fou. “ Je bâillais plus pour le show que par fatigue en réalité. “ Je n’ai rien à dire de plus à toi qu’aux autres. Tout ceci n’est qu’un malentendu… “ Sourire de connasse oblige, je me foutais autant de sa gueule que je lui disais la vérité après tout. “ je ne parlerais qu’en la présence de mon avocat. “ Cette fois le ton était plus sérieux, je savais bien qu’ici, je n’avais plus aucun droit, on me l’avait bien fait comprendre. “ Sinon, parlons de choses qui m'intéressent. Comment va Vera ? Tu sais la brune que ton copain a bousillé devant moi dans notre face à face. Elle à eu le même traitement cinq étoiles que moi ? “ Mon rire était plus cynique qu’autre chose maintenant.  

J’imaginais qu’ils auraient autant de misère, voire plus à la faire parler qu’avec moi. En considérant qu’elle était toujours en vie. Rien n’était plus très sûr maintenant.

“ Je n’ai rien à te dire à ce sujet. Tu perds ton temps. Vous le perdez tous. “

Et pendant celui-ci, mon gang en avait pour s’organiser… sans moi. Ce qui n’était en soi pas une si grande perte que ça en réalité. Tout ça sur un malentendu, sur une info foireuse de Lola. Je lui mettrais une baffe une fois que je la retrouverais en enfer...

* français

Pusqu’il le proposait si gentiment, je n’avais aucune raison de douter de lui, jusque là, Sam avait toujours été réglo après tout. Il me fallait une inspiration quand le choix se déposait devant moi. Le numéro de mon avocat hein ? Je n’en connaissais qu’un par coeur et je ne l’avais plus utilisé depuis des années. Je ne savais même pas s’il était encore d’actualité. Pourtant, je le lui citais et l’indicatif du changement de pays aurait pu lui mettre la puce à l’oreille sur ce qui allait suivre.

“ J’espère que t’es bien payé à la milice ou qu’il rembourse tes factures de tél… parce que ça va te coûter un bras. “

Et moi dans tout ça qu’est-ce que je foutais ? C’était mon dernier recours, ils ne me donneraient pas une autre chance avec Sam et mes ennemis étaient si nombreux, qu’en étant coincé ici, me cacher ne servait plus à rien, bien au contraire. La tonalité résonait longtemps, normal en même temps avec le décalage horaire et finalement une voix rauque d’un homme retentissait. À cet instant j’avais eu l’impression que mon coeur s’était arrêté de battre en l’entendant. Ou en croyant la reconnaître. Il prononçait quelques mots en français d’abord…

“ *Oui ? Allô ?... Qui est-ce ?...”

Puis sûrement se rendait-il compte de l’indicatif américain, car il enchaînait rapidement dans la langue de Shakespeare.

“ C’est à quel sujet, qui êtes-vous ? “

Quelques minutes s’étaient écoulées alors que ma bouche s’était ouverte et que pourtant aucun son n’avait voulu en sortir. Puis finalement, l’émotion folle en moi se canalisait, ce n’était pas le moment de flancher.

“ *Bonsoir papa. “ Douceur française pour lui dire que j’existais toujours et sa réaction était à la hauteur de celle d’un père ayant perdu son enfant depuis une vingtaine d’années…

“ *Anna ?... Annabelle c’est toi ? C’est vraiment toi ? Où es-tu ? Anna ?!! “

La salive inondait ma gorge et même en déglutinant plusieurs fois, la tête baissait, il m’avait fallu bien plus de forces que je ne le pensais pour lui reparler après tout ce temps et surtout lui avouer…

“ *Aide-moi papa. S’il te plait. Il me faut un avocat. “

Il grognait alors plus qu’il ne parlait, mais son ton transpirait plus la peur paternelle que la véritable colère, ainsi mon regard se relevait vers mon interrogateur avec grâce à lui le contact avec la meilleure défense qu’il soit. Un père. Il demandait où j’étais et cette fois je lui répondais en anglais pour que Sam puisse aussi profiter de l’échange et signifier un élément de mon emplacement à mon paternel.

“ Je suis retenu par la Milice à Néo-Atlantis. “
“ *PAR TOUS LES SAINTS ANNABELLE MARIE DE LA CROIX  !! “ Sa dernière phrase française, puis il enchaînait sur un anglais parfait. Aucun homme d’affaires ne pouvait négliger cette langue, plus ils étaient influents, plus c’était vrai. “ Passe-moi le responsable de cette affaire, je vais prendre les dispositions qu’il faut et venir le plus vite possible. “  Il basculait sur un français m’étant destiné évidemment. “ *Sois forte ma chérie. Papa et maman vont venir te chercher. “

Parfaite petite famille pas vrai. Un certain dégoût m’avait envahie plus que de la joie à vrai dire. Si tout était si parfait, peut-être n’aurais-je jamais atterri ici, mais au grands maux, les grands moyens.

“ Ton boss va adorer cette partie-là du compte rendu de notre interrogatoire *mon amour. “ Les deux derniers mots étaient français évidemment. “ On dirait bien qu’il ne nous restera plus qu’à attendre. “

Je doutais que ça soit si simple que ça. Mais je venais de leur mettre une sacrée épine dans le pieds grâce à Sam.

“ Et troisième rencard… je vais te présenter mon père on dirait bien. “

Mon rire résonnait dans la salle, mais c’était plus la fatigue qui le motivait qu’autre chose. Cette histoire était triste à en pleurer.

Le ton de mon interlocuteur avait changé aussitôt. Et j’avais eu beaucoup de mal à retenir un rire en le voyant relayer le bébé à l’autre fou furieux qui m’en voulait à mort depuis mon arrivée. De façon justifiée on s’entend, mais tout de même. Les négociations allaient être compliquées, mais de toute évidence, ce n’était plus le problème  du brigadier Rockwell dont je venais d’apprendre le nom complet.

“ Qui sait, après tout, entre nous, ça déjà fait de sacrées étincelles non ? Encore merci, Sam, à la prochaine ! “

Et c’était sur cette note que se finissait notre second rencard. C’était amusant de voir les choses ainsi, cela dédramatisait pas mal la situation actuelle qui était pas mal tirée par les cheveux. Parlant d’eux, ils n’avaient pas fini de blanchir avec ce qui m’attendait, d’autant plus que mon géniteur n’allait pas tarder à débarquer. Le connaissant ça ne prendrait pas plus que soixante-douze heures avant qu’il n’ait remué toutes les merdes possibles et imaginables pour tenter de les faire craquer..  

Le tout serait que moi je ne craque pas d’ici là ou pire encore quand il serait là. Car en définitive, il était bien plus redoutable que toute la milice réunie à choisir entre les deux… Pourtant, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi maintenant que je l’avais appelé, mais c’était ça ou croupir en taule pour les vingt prochaines années. Puis au-delà de sauver mes propres petites fesses, je devais aussi essayer de le convaincre de sortir Vera de là, puis assurer les arrières de mon fils…

Tant de paramètres qui compliquaient tellement tout alors que mon esprit était déjà largement trop épuisé par tout ceci. Sans ménagement et avec toujours un traitement de choix, on m’avait ainsi reconduite dans ma cellule, j’aurais donné tout l’or du monde pour être là à l’instant où le chargé de l’affaire avait compris à quel point ça avait été une mauvaise idée de m’envoyer Sam dans cette salle d’interrogatoire. Dans tous les cas, on pouvait dire que le même gars qui m’avait passé les menottes était aussi au final mon ange gardien…

Quelle ironie.