En apesanteur (Oui la musique) - Dimka

Journée de merde. Comme chaque fois qu’elle commence avant dix heures du matin, sans deux litres de vodka pour le faire tenir debout. Il a une tête de déterré, que le miroir de l’ascenseur lui renvoie, sans concession aucune. Triste vie, songe-t-il alors que les portes s’ouvrent, livrant passage à une nana dont il ne se préoccupe pas vraiment pour l’heure. « Cinquième. » marmonne-t-il sans la regarder, les mains au fond des poches, les traits creusés par les cernes, la fatigue et l’ennuie.

Les mèches blanches tombent sur son front, maquent en partie son regard éteint, qu’il ne porte sur la fille que lorsque l’ascenseur se bloque, le faisant vaciller sur ses jambes. Il se redresse, abandonne sa posture confortable et relaxée pour s’avancer vers les portes, dans lesquelles il balance un coup de poing retenu. « Saloperie. » gronde-t-il avant de porter son attention sur la nana, la détaillant de haut en bas sans se gêner.

« Ça va, j’aurais pu tomber plus mal. T’as un rendez-vous, une connerie du genre ? » demande-t-il, le timbre aussi rêche que la voix, encore alourdie par l’accent russe qu’il n’essaye jamais d’amoindrir. Il s’adosse aux portes closes, sort un paquet de clopes de sa poche et en tend une à l’inconnue, avant d’allumer la sienne d’un geste vif. Si son apparence ne joue pas en sa faveur, ses réflexes, eux, sont bien présents.

Le manque d’alcool lui fait trembler les doigts par intermittence, et c’est avec un intérêt nouveau qu’il contemple la fille, la femme, plutôt, en lui crachant sa fumée en plein visage sans même s’en rendre compte. « C’quartier est un vrai trou à merde, y’a jamais rien qui marche. » remarque-t-il avant d’observer les boutons qui semblent les narguer dans la pénombre artificielle. « Puisqu’on a l’air plantés ici comme deux connards, autant faire connaissance. Paraît qu’c’qui s’dit dans un ascenseur reste dans l’ascenseur, t’imagines la gueule des trucs qu’les gens doivent s’confier ? » Il sourit, l’air amusé, et semble presque plus aimable ainsi.

« T’es qui et tu sors d’où ? Tu viens souvent ici ? S’cuze mon manque d’conversation ça m’les brise d’être coincé dans c’truc de merde. T’es pas claustro au moins ? J’suis pas en état d’gréer une crise d’angoisse ou c’genre de saloperie. » Il vire les mèches qui lui tombent devant les yeux, étouffe un soupir, et tapote machinalement sa clope pour en faire tomber la cendre. Rien à foutre de dégueulasser le lieu, il ne compte pas s’y attarder.

Il se tourne légèrement, glisse les doigts de sa main libre dans la fente séparant les deux portes, et s’impatiente quelque peu en constatant que ça n’a aucun effet.« Putain fallait qu’ça arrive maintenant. L’seul putain d’jour où j’ai un horaire à tenir. Conneries. » crache-t-il en forçant un peu plus, toujours sans le moindre résultat. Finalement, il se laisse glisser par terre, cigarette au bec et expression peu amène collée au visage, les coudes sur les genoux et l’air complètement éclaté. Autant piquer un somme, peut-être que les minutes passeraient plus vite. Mais si l’inconnue lui faisait un plan de merde ? Se demande-t-il brusquement en relevant les yeux vers elle. « Si j’m’endors, prière d’pas m’buter merci, j’ai pas envie d’crever ici, ça pue et c’est moche. » lance-t-il dans un soupir avant de rejeter la tête en arrière et de fermer les yeux en expirant lentement sa fumée.

Il n’avait pas l’air de prendre mal la touche d’humour, un bon point, le mauvais était irrémédiablement cet accent qui le qualifiait instantanément de russe, eux et moi, on avait un contentieux. En même temps ma fille, t’étais dans leur quartier hein normal d’en croiser. S’il fut un temps où j’aurais trouvé ça très sexy, aujourd’hui ça me hérissait un peu les poils.  Qu’à cela ne tienne, dans l’obscurité difficile de dire s’il payait réellement aussi peu de mine que ça, la lumière verte n’était bonne pour le teint de personne. Pour le reste, on était à Decay, rien de surprenant de se faire reluquer comme une vulgaire poupée. C’était presque limite la façon de dire bonjour des mecs par ici.  Puis je lui rendais bien du coup en l’imitant. Un autre monde je vous le dis, mais dès qu’on s’y était fait, c’était presque rassurant.  Au moins le bonhomme était transparent. Les bons chics bons genres étaient les pires, surtout dans ce quartier.

“ Avec plaisir, merci. “

Bien que je n’étais pas certaine que cela soit une bonne idée de fumer dans un endroit aussi confiné, je restais faible devant l’offre d’une clope, après tout j'allais en avoir besoin peut-être bien, les miennes étaient restées dans la voiture. Après sans feu je n’allais pas aller loin avec, mais vu qu’il avait allumé la sienne, il ferait tourner à un moment ou l’autre. Maladroit pour tout, sauf pour dégainer sa flamme. Voilà qui était conceptuel. En attendant, j’avais calé la cigarette sur un coin de lèvres, une vieille habitude; mauvaise peut-être; faisait que j’en avais souvent une dans le bec… ça ne me gênait pas pour parler.

“ Un rendez-vous ? Quel genre de rendez-vous on pourrait avoir par ici ? En voilà une idée saugrenue. “

Mais drôle, peut-être pour ça que ma tête se secouait pour contenir mon sérieux malgré ma face amusée. Si seulement. Puis, étrange question, sur le coup je m’étais demandé si je devais l'interpréter d’une façon quelconque ou si c’était une entrée en matière pour en venir vers autre chose ? Genre comme un peu la suite de ses questions qui allaient suivre. Bavard et direct, en manque de quelque chose aussi, ces mains tremblantes me harcelaient souvent le matin, encore les traces d’un vieux sevrage. Forcément, ça avait piqué mon attention sur ce détail à la con. C’était peut-être de là que lui venait cet air las, malgré les efforts de convivialité qu’il offrait.  Sa fumée m’avait obligé à plisser mes paupières et tourner la tête, j’avais oublié comme elle pouvait être agressive à force de la souffler devant moi.

“ Si j’avais su ça avant, j’aurais pris des allers simples pour les ascenseurs plutôt que Vegas. “ Un russe avec le sens de l’humour ? J’aurais tout vu dans cette vie ma parole. Dans tous les cas, son sourire et sa connerie sont contagieux. “ Je ne sais pas trop, en général on y passe que quelques minutes, ça ne laisse pas le temps pour grand-chose. “ Sauf quand on est un chat noir comme moi. “ Mais j’imagine que c’le bon endroit pour avouer ses conneries. T’imagines : “ Salut j’ai baisé ta femme, mais tout ce qui se dit dans l'ascenseur… “ Pour le coup j’étais peut-être seule à rire de ma connerie, mais l’espace d’un instant ça m’avait fait oublier mon agacement quant à être enfermée. Enfin, jusqu’à en revenir aux choses plus sérieuses, quelle curiosité, voilà qui me rappelait quelque chose de malaisant, mais je préférais me dire que c’était pour faire passer le temps. “ Hana enchantée. “ Vieille habitude de petite fille bien élevée que voulez-vous, je lui avais même tendu une poigne à serrer si jamais. Depuis Decay je ne formalisais plus de prendre des vents là-dessus, ce n’était pas dans les coutumes de la zone. “ C’est mon accent sifflant qui te laisse penser que je suis une touriste ? “ Là-dessus, je pouvais en dire autant sur lui, bien qu’on devinait très vite son origine… Surtout ici. “ Je viens récupérer les affaires d’un ami chez son ex rancunière pour lui éviter de mourir en se présentant devant elle. Ça fait chier de devoir un service à quelqu’un, mais que veux-tu…” On était réglo, ou on ne l’était pas. “ Un vrai reptile de sang-froid, t’en fais pas pour les crises d’angoisses. “ Valait mieux pas pour moi en même temps. “ Rassuré ? “ Lui dire l’objet de ma venue n’était pas un problème, tant que je ne précisais pas que j’avais l’intention de fracturer une fenêtre ou autre pour me servir.

Là-dessus, je m’accroupissais contre la paroi en face de lui, de toute façon, après son flot d’interrogatoires et une énième brutalité inutile sur les portes, il s’affalait aussi. Difficile de dire ce qui avait alors le don de me faire rire entre la scène, notre échange ou sa demande.

“ J’ai la tête d’une tueuse ou un truc du genre ? Super flatteur pour moi merci ! Je vais me reconvertir en fait ! Hana les gros bras. J’ai déjà mon slogan !  “ J’avais dit ça faussement outrée avant de lui faire du pied; façon de parler,  en l'interpellant de la pointe dudit pied en poussant le sien. Jouer les équilibristes c’était un peu mon métier.

“ Eh la belle au bois dormant, t’es sûr que tu veux te faire réveiller par le prince venu te sauver ? Généralement ils sont laids et puent encore plus que cet endroit. “ Référence aux réparateurs bien sûr, sérieusement il pensait pouvoir me laisser en plan comme ça ? Il rêvait. “ Si tu me confiais quelques détails aussi pour faire “connaissance”. Peut-être bien que je pourrais avoir une idée pour quitter cet endroit et que t’arrives à l’heure. Je crois comprendre que t’es attendu. Un rendez-vous ? “.  Retour à l’envoyeur, c’était de bonne guerre.  Quitte à jouer le jeu d’une mauvaise comédie, autant le faire jusqu’au bout. “ Mais ça demanderait que je te monte dessus… “ C’était avoué avec tout le sérieux du monde en acquiesçant de la tête, lui laissant ainsi un petit moment de silencieux pour méditer là-dessus avant de lui montrer la trappe de l'entretien d’un mouvement de menton. Elle au-dessus de nos têtes. J’étais trop petite pour l’atteindre. “ Si tu sais bien sauter au pire, ça sera juste l’affaire de virer tout ça. “ Les vices et la trappe quoi. “ Chose dont je peux charger si tu m’aides à défier l'apesanteur..

Un rire bref lui échappe, presque surpris alors qu’elle parle. Il a un peu de mal à la suivre, à focaliser son attention, et son regard saute d’un point à un autre sans vraiment se fixer. Curieuse nana. « T’as baisé ma femme ? J’en étais sûr. » lâche-t-il dans un murmure amusé, les épaules parcourues d’un soubresaut d’hilarité discret. Il lui rend sa poignée de main sans se donner la peine de se redresser, et lui offre son nom en échange du sien, un nouveau sourire lui relevant les commissures.

« Dimka. Il vient d’où, ton accent ? Ça m’fait penser à la Corse. » note-t-il avant d’aspirer une nouvelle bouffée de cigarette, le sourire, toujours sur ses lèvres, prenant une courbure canaille. Il n’a pas la moindre idée de ce à quoi peut bien ressembler un accent corse, mais c’est le premier pays qui lui est venu lorsqu’il a tenté de discerner les origines de la fille. D’ici ou d’ailleurs, quelle importance de toute façon.

L’explication qu’elle lui donne lui fait hausser les sourcils. Elle parle vite, et beaucoup, enchaîne les mots et il peine à tout saisir, à tout comprendre. Pourtant, il semble avoir capté l’essentiel, bien que ça ne fasse pas grand sens pour lui. « Pourquoi tu fais ça, si ça t’emmerde ? Sans qu’il soit question d’être réglo ou pas j’veux dire, ça t’fait chier, tu l’fais pas, elle est du genre cintrée la meuf ? » Il aspire la fumée, la recrache lentement avant d’écraser son mégot contre le sol de l’ascenseur, et reporte son attention sur la fille qui semble décidée à l’empêcher de pioncer. Parfait.

« T’es chiante ptain, et les princes c’pas mon trip, ni les princesses, d’ailleurs, j’ai pas qu’ça à branler d’gérer les précieuses de la ville. J’les préfère plus autonomes, s’tu vois c’que j’veux dire. » Haussement d’épaules, et l’une de ses mains part à la recherche d’une nouvelle clopes à tâtons alors que les iris dépareillés restent fixés sur la nana avec un fond d’interrogation. « Laisse tomber l’rendez-vous, d’ici à c’que j’sorte d’ici, j’aurais plus envie d’me pointer t’façon, aucune importance. » répond-t-il avant de s’interrompre, l’idée qu’elle lui expose lui tirant un nouvel éclat de rire.

« Mais putain qu’est-ce qui m’a ramené une meuf pareil, sérieux ?! Tu penses que ça peut marcher ? » Il relève la tête, observe à son tour la trappe qu’elle lui montre, et un pli réfléchi barre son front l’espace de quelques secondes. « T’sais Hana, j’crois j’préfère l’idée du somme. Ou l’scénario qui t’pousse à m’grimper dessus, sans qu’il soit spécialement question de trappe. J’ai la flemme bordel, j’suis calé là. » Et il se désigne d’un doigt, avant de se relever en marmonnant. Parce que le confort de l’ascenseur reste relatif, et que s’il n’a plus la moindre intention de se rendre à un quelconque rendez-vous, il n’a pour autant pas la moindre envie de gâcher la moitié de sa journée ici, même avec Hana pour compagnie.

Il écrase sa cigarette non loin de la précédente, puis il s’approche d’Hana, l’observe un instant, et l’attrape par la taille sans prévenir, histoire de la soulever et de l’amener juste sous l’ouverture indiquée. « Allez princesse en mousse, montre-moi c’que tu sais faire un peu. » souffle-t-il en la hissant sans trop de mal, la rudesse des entraînements réguliers qu’il s’impose lui permettant d’encaisser l’effort. « Alors ? T’y arrives ? Tu trouves ? T’sais que ta putain de trappe, j’vais jamais passer au travers, alors quoi, tu vas aller chercher du secours et revenir me chercher ? J’ai moyennement confiance quand même. » balance-t-il encore sans la lâcher, les muscles bandés pour la maintenir à la bonne hauteur. Quel plan de merde, songe-t-il en essayant d’y voir quelque chose, sans grand succès.

Le décor était foireux, mais la discussion plutôt bien partie, enfin si on omettait ce moment où il avait essayé de deviner l'origine d’un accent. Putain, Corse quoi. J’aurais payé cher pour voir mon expression à ce moment-là. J’aurais été curieuse qu’il m'explique d’où lui venait cette idée, mais finalement, l’ambiance mutine était trop plaisante pour parler sérieusement.

“ Bah bien vu… Pour ça que je n’ai pas pu résister pour ta femme.  Les corses et les bombes tu sais bien, c’est une puissante addiction entre nous. “

S’il faisait référence à eux, c’était qu’ils les connaissaient non ? Ou peut-être au moins un. Les Corses étaient aussi fous que les Bretons de toute, on les retenait facilement avec leur caractère à la con. Quant aux questions, ma difficulté pour y répondre était d’autant plus palpable quand il utilisait une expression que je ne comprenais pas. Même si ça faisait des années que j’étais ici, plus encore que je pratiquais l’anglais, parfois comme là, il y avait des mots, des expressions me laissant dans le flou…

“ Cintrée ?... L’anglais n’est pas ma langue maternelle. Je n’en comprends pas toujours toutes ses subtilités, désolée. “ Je ne pouvais pas donc pas répondre à quelque chose que je ne comprenais pas… j’avais l’air fine maintenant. “ Et… disons que je le fais parce qu’il vaut avoir des amis pour surveiller ses arrières à Decay non ? “

Quant à ma proposition, à moins qu’il avait autre chose à proposer, ce qu’il n’allait pas tarder à faire dans un sens…

“ Pourquoi pas ? “ Puis il ne restait qu’à l’observer et surtout patienter jusqu’à ce qu’il se décidait, autant qu’il ne contrariait. Au final il n’avait pas tant l’air que ça de vouloir dormir ici, même si ses traits fatigués auraient su l'y convaincre. “ On peut couper la poire en deux, tu sais… “  

Détail que je mettais en suspens alors qu’il se décidait enfin à se relever et me faire prendre de la hauteur. Sans prévenir, mais ce n’était pas comme si je ne l’avais pas vu venir ou lui avait demandé non plus. Il avait l'air vif le garçon, plaisant pour une fois.

. “ Oh merde princesse… “ En mousse ? D’où c’était flasque par ici ? Connard. Ceci dit, la pensée, loin de me miner, me faisait plutôt rire. “ Donc je suis pas genre… c'est dommage avec une si belle occaz dans ce genre d'endroit, c'pas comme si j'avais déjà eu l'occaz' ! “

Puis c’était qu’il me pressait alors que j’avais à peine eu le temps d’accéder à la trappe sans galérer. “ Du calme grincheux, je veux juste voir à quel niveau on est coincé, si c’est utile ou non de s’acharner sur les portes. Je n’ai pas tellement envie de crever sur le toit d’un ascenseur défectueux, tu sais.  “

Heureusement quand même qu'à Decay personne ne se promènerait sans un simili de couteau… j’avais de quoi défaire la trappe.

“ Puis c’un plan honorable vu les résultats si on prend en compte la facilité avec laquelle je n’aurais qu’à pivoter pour te monter dessus. “

Aveux qui étaient faits en forçant les vices avec la lame pour les faire sauter. Qui était le con qui avait condamné ça ? Encore que, dans cette ville, c’était presque rassurant de se dire que personne n’aurait pu surgir de la trappe du coup.

“ Je te propose que selon la situation on contacte quelqu’un pour forcer les portes de l’extérieur si c’utile parce qu’on aurait l’espace pour passer… “  Mon regard quittait les œuvres en cours pour reporter mon attention sur mon escabeau de chair. “ Sinon, si tu te sens de maintenir la position à quelque chose près, j’ai peut-être bien un autre plan moins ludique en tête pour patienter. Le stress est mauvais pour mon teint.“

Puis le moment fatidique qui venait, je me hissais assez facilement, bien qu’assister vers le haut pour éclairer avec mon portable les entrailles de cet ascenseur. La situation me laissait perplexe alors que j’en profitais pour pivoter sur moi-même grâce à la hauteur afin de rouler mes jambes sur lui en redescendant. Bémol qu’il était si large que ma prise était relative. Ce n’était pas le plus important, il devait vouloir savoir ce que j’avais constaté là haut maintenant que je le faisais patienter jusqu’à être nez à nez.

“ On est entre les deux. Une partie de la sortie est là.” Je lui pointais le haut des portes de notre cage qui se situait au bas des portes de la sortie. “ On devrait pouvoir se faufiler si on a une aide extérieure. “ Mon regard glissait dans le sien. “ La question, est-ce qu’on veut faire des acrobaties ou pas dans cet ascenseur. “

À la base, il n’y avait pas de double sens dans ma tête quand j’avais posé ma question, mais après l’avoir entendu, mon lapsus ne put que me donnait envie de rire de ma connerie. Comme si c’était le moment pour faire des conneries ou trouver des excuses pour ne pas exécuter ses besognes.

Il fatigue dans cette position, sent ses bras trembler sous la charge. Non pas que la fille soit vraiment lourde, mais il manque de stabilité sur ses pieds alors qu’elle lui gigote entre les bras.

« Reste tranquille un peu » marmonne-t-il en lui calant une main sur le cul, sans autre idée que celle de la maintenir correctement. Pour une fois, il ne pense pas avec sa queue, se contente de jouer son rôle, quitte à trouver l’idée de sortir d’ici de plus en plus ridicule à mesure que les minutes passent. « On va pas crever. » lâche-t-il dans un ricanement assourdi, attrapant la remarque au vol. Quitte à choisir, il préfère s’esquinter les doigts sur les portes, mais elle a l’air de persister dans son besoin d’évasion immédiat. Il ne voit toujours rien, ne cherche même plus finalement à apercevoir quoi que ce soit.

« Allez descends d’là. » décide-t-il en la reposant brusquement au sol. Il se retrouve face à elle, jette une paume à côté de son visage, contre la porte, la surplombe, silencieux et scrutateur. « Des galipettes ? Qui dit ça sérieusement ? » Il soupire, esquisse un sourire, et envoie sa main libre lui cueillir la hanche avant de se plaquer un peu plus fermement contre elle, prunelles verrouillées aux siennes.

« Alors ? Tu préfères meubler le temps comment ? On s’envoie en l’air ? Ou on attend sagement chacun d’notre côté qu’ta fameuse aide extérieure arrive. J’suis pas sûr d’préférer une solution à une autre, alors j’te laisse choisir. » Il recule légèrement, lui rend l’espace qu’il vient de lui voler et l’observe de nouveau en silence, de haut en bas, dans l’expectative. Il n’a pas pour habitude de se jeter sur les inconnues, ni à leurs pieds d’ailleurs, mais cette nana lui plait bien, ne serait-ce que pour l’aisance qu’elle affiche, qui lui rappelle quelque peu sa nonchalance habituelle.

Il sourit, un sourire neutre qui dévoile légèrement ses crocs. La pénombre les enveloppe, appelle les confidences, invite à une intimité qui pourrait finalement s’avérer plus confortable que leur tête à tête actuel. Parce que le langage des corps se passe de mots, le plus souvent, et simplifie les rapports en les réduisant à leur plus simple forme. Le sourire s’étire sur ses lèvres, lui mange le visage alors que ces pensées le traversent, lui donnent presque envie de pousser le vice réellement, d’entrainer cette femme qu’il ne connait pas dans une étreinte sans lendemain, sans autre conséquence qu’un plaisir partagé, un moment d’immédiat volé. D’un doigt léger, il vient lui effleurer les lèvres, en dessine les contours sans trop s’attarder, alors que son expression redevient sérieuse.

« J’suis pas du genre à insister, Hana, alors si t’as envie de quelque chose, te prive pas, sers-toi, mais t’attends pas à c’que j’te pousse pour obtenir quoi que ce soit. C’pas mon genre, et on a mieux à faire, t’façon. » Il se retourne, jette un coup d’œil à l’espace exigu qui les accueille, avant de reporter son attention sur elle. « Mate déjà si tu captes quelque chose d’ici, si ça s’trouve y’aura rien et ça nous baisera déjà une solution. J’suis pas faiseur de miracles, j’espère qu’on passera pas trois heures dans c’trou merdique, mais j’suis au moins content d’le passer avec quelqu’un d’fréquentable. »

Nouveau sourire. L’aveu l’amuse, lui tire presque un rire qui meurt dans sa gorge. Ouais, elle est plutôt sympa cette meuf, plus que celles qu’il fréquente, toujours lisses et protocolaires. Il étouffe un bâillement, replonge une main dans sa poche et en extirpe une nouvelle fois son paquet de clopes dans l’intention de s’en griller une autre.

“Reste tranquille”, facile à dire, puis non en fait, pas envie. Ma position dans les airs s’était stabilisée et j’avais mis quelques secondes pour calculer que c’était cette main sur ma fesse qui en était la cause. Il avait  osé, aussi efficace que pouvait être la méthode de stabilisation, ça me fit quand même légèrement rire, ça confirmait ma première impression, ce je-m’en-foutisme qui émanait de lui. Ce n’était pas une main au cul qui allait m'effaroucher de toute dans les airs ou les pieds sur terre, les beaux gosses avaient un laissez-passer pour ces choses-là. Et… il en faisait partie en quelques coups d’oeil. Dans le genre pas fréquentable, probablement mauvais garçon, si je creusais je découvrirais un connard fini sans nul doute et je m’étais faite à l’évidence depuis longtemps que c’était mes préférés. Logique où te planquais-tu quand il s’agissait de mes affaires de cul ?

Puis la descente était sans appel. Avant même que je ne pipe mot, il était en face de moi, à quelques centimètres me guettant de toute sa hauteur, comme un gros matou ayant coincé dans un angle, la souris qui l’avait nargué en passant sous son nez. Mon regard avait suivi le geste de sa main barrant la route dans cet espace restreint, accentuant encore plus le côté exigu de cet ascenseur. Dis donc, mes avances n’étaient pas tombées dans l’oreille d’un sourd, pourtant il n’y avait pas tout le monde qui les aurait prises au sérieux. Docile un premier temps, je prenais note de ce qu’il avait à dire, m’amusant du synonyme du mot employé concernant mes acrobaties.

“ Toi ? Moi ? Nous deux du coup ? “

La question m’avait parue rhétorique, mais y répondre d’un ton taquin s’était fait naturellement. Son sourire était rendu, mon expression plus canaille qu’amicale.  Ainsi, il me ramenait d’une main, j’en concluais qu’il s’agissait là d’une invitation se passant de mots en glissant mes mains sur ses flancs, mais il s’était obligé ou avait-il la délicatesse-surprenant, de mettre au clair la situation autant que les attentes. Les yeux dans les yeux, les regards eux ne mentent jamais. Quel étrange personnage alors, la pensé me traversait l’esprit  alors qu’il me rendait de l’espace, au prix d’une vilaine frustration de l’attente se traduisant sur ma moue..

“ Bof. Trois heures bien occupées ça m’irait, je suis une fille gourmande, tu sais.”  Aveu réel, mais l’attente irréaliste était plus taquine qu’autre chose. “  On n’aurait jamais atterri à Decay si on était du genre sage. Et je suis super douée pour maintenir une conversation. “ Je retirais ma veste pour la jeter au sol, pauvre diable, il n’avait pas idée à quel spécimen il avait affaire. “ T’as de quoi assumer la proposition ? “ Question posée en attrapant le tissu de son haut du bout des doigts d’une main pour me hisser vers lui. Pas grande distance cela dit. Je n’avais qu’à tirer plus sur son haut pour l’inviter à se courber et m’étirer sur mes pointes pour arriver à laisser un murmure au creux de son oreille.  “ Au pire j’ai ce qu’il faut dans la poche de mon jean. ” Mon choix était évident : s’envoyer en l’air. À voir s’il jouerait ou pas, après tout “sers-toi” voulait dire ce que ça voulait dire.

Bah ouais, ça serait dommage de rater une occasion… Puis ça faisait longtemps qu’avoir simplement envie était une raison suffisante pour m’envoyer en l’air avec un parfait inconnu. Ça ne m’avait pas réussi par le passé de faire les choses comme il faut. Il était donc à comprendre avec cette information donnée d’aller chercher lui-même dans cette poche au besoin, je n’avais pas précisé laquelle exprès, un côté joueur surement alors que je le dérangerais forcément dans sa quête en tirant sa veste en arrière pour l’en débarrasser. Je n’étais pas contre un peu de visuel même si la luminosité n’était pas top, l’éclairage avait été après tout suffisant tour exposé les crocs du loup. D’ailleurs…

“ Tu les as fait limer pour mieux mordre ou ?... “ Ses dents bien sûr. Question conne pour meubler le temps où j’aurais accès aux parcelles de peau. Alors qu’en glissant une main dans ses cheveux je voulais inciter la proximité entre nos faciès pour épouser ses lèvres en attendant d’avoir l’accès libre pour les “galipettes”.