Erreurs de jugement [Ft. Wenli]

les embruns marins chatouillaient ses narines comme à chaque fois qu'il circulait en ses terres. les doux murmures des flots se répercutèrent contre la berge, envoyant des petites gouttelettes s'harponnant à sa tignasse châtain à mesure qu'il progressait plus loin, en direction du rong yuan. en tête du petit cortège, sa patrouille comportait un gros bras assurant leur sécurité et d'un acolyte l'aidant à accomplir dans sa tâche principale. blackbird tuait rarement de ses propres mains, bien souvent, un prédateur exécutait les proies avant qu'il se décide lui-même à opérer. cela dit, à l'organizatsiya, c'est marche ou crève, il n'y a pas de place pour les poltrons ou les geignards, c'est pas une putain de garderie. alors, ce n'était pas un problème pour lui, de passer les malheureux à tabac même si ses méthodes se révélaient prioritairement pacifistes dans un possible complexe du héros, selon ses différents cycles d'humeur.   

la triade, quant à elle, tient tout decay par les couilles d'une main chevronnée où les scrotums des plus fragiles grincent des dents. personne ne veut avoir affaire avec eux où leur devoir quelque chose, car ils sont comme des requins qui reniflent des filets métalliques de sang. ça les attirent et ils traquent, chassent comme des prédateurs. bien souvent, le paiement est une dette se solvant de la sueur du front. pour le reste, il ne fallait mieux pas savoir.

les instructions qu'il avait reçu en amont été claires, un convoi d'esclaves en provenance d'afrique centrale devaient s'amarrer à quai pour quatorze heures quinze et être acheminé jusqu'à un hangar des terres de moskva afin de procéder au trafic d'organes, domaine de prédilection des russes. simple traites négrières comme il était accoutumé à en faire, l'échange commercial de telles marchandises devaient néanmoins passer par la triade comme un contrôle de checkup.

solaire, bonne humeur extravagante emprunte aux artifices de l'organizatsiya, qui gagne du terrain sur un visage désireux de servir les siens, le brun écarte les bras minant presque une étreinte ne se renfermant pas.

- bien le bonjour, lung tau, comment allez-vous en cette merveilleuse journée ?

timbre volage mais regard fixe, la tête de dragon de l'est et lui entretenait de bonnes relations professionnelles. brillant par sa sympathie loin d'être candide, ses réactions demeuraient généralement imprévisibles. néanmoins, le faux chirurgien avait toujours mis à point d'honneur à respecter les barrières sociales, plaçant les titres honorifiques de ses interlocuteurs dans ses dialogues, presque en surdosage. son comportement pouvait s’associer à du léchage de bottes, simple mécanisme de survie chez certains individus, toutefois blackbird est bien trop intègre pour s'infliger un tel degré d'auto dégradation. anton, son père de substitution et mentor dans la faction, lui avait inculqué l'importance de la bienséance dans une conversation hiérarchique quand le brun était, jadis, totalement dépourvu de codes sociaux. admettre qu'on est malade dans cet amas de pourriture et comme se coller volontairement une pancarte dans le dos indiquant explicitement "frappez-moi." 

- est-ce que le convoi est arrivé ?

sommaire et concis, pas question pour lui et son escouade de se laisser tenter par une invitation à prendre le goûter. ce n'est pas tant qu'il ne voulait pas offrir à ses hommes une opportunité de se reposer après un long trajet, mais plutôt une conscience bien acquise que rien était gratuit decay, surtout pas la moindre petite tasse de thé, encore moins avec zhu wenli.

- j'arrive un peu en avance, mais vous me connaissez, lung tau, je mets toujours un point d'honneur à être ponctuel.

Devanture ornée de doré et de rouge, des lanternes chinoises se balançaient au gré du vent, dans une synchronisation presque parfaite avec le mouvement des vagues, non loin. Depuis le commencement de Decay, la Triade a su se frayer chemin et asseoir sa puissance. Si bien qu’aucun autre gang n’a jamais eu l’inconscience de les prendre pour cible. Déployant avec minutie leur expertise et l’esprit travailleur qui caractérise souvent le peuple asiatique, nul n’ignore qu’en Decay, toute importation passe inexorablement par l’organisation du Serpent. Véritable pilier de l’île, ils assurent en grande partie la survie de toute une nation, simplement en gérant les importations de denrées en quantité suffisante. Les sols de la ville ne rivalisent pas en fertilité et le banditisme étant plus courant que l’agriculture, personne ne voudrait de toute façon voir cette entité sombrer. Et avec elle, le savoir faire de la piraterie. Une activité intra-Triade, qui reste majoritairement méconnu du public, agissant dans l’ombre.

Le Soleil haut dans le ciel, Wenli avait prit la liberté d’apporter un peu de couleur au Rong Yuan, juste pour quelques jours. Etendue sur un banc un banc en béton non loin de l’entrée du restaurant, le dragon de métal tente d’apporter quelques couleurs à son teint blafard. L’insouciance apparente qui émane d’elle trahi en fait une telle confiance en son territoire, qu’elle se passe pour l’heure de toute protection. Wenli préfère parfois sa tranquillité pour contempler la nature. Pourtant, la verdure se fait rare par ici, elle s’était alors simplement contenté d’observer les nuages, une main en l’air pour se cacher des rayons du soleil. Dans l’imaginaire d’un tout un chacun, elle avait plus ou moins conscience de cette image froide et rigide qu’elle pouvait renvoyer. Elle-même parfois intégrais ce schéma inconsciemment. Pourtant, la chinoise possède une certaine sensibilité, qu’elle ne peut que rarement exprimer. On lui connaît surtout son caractère impitoyable.

« Le convoi est arrivé. » La voix de son second s’éleva au dessus d’elle, la sortant de sa contemplation.
« L’homme de l’Organizatsyia ne devrait plus tarder. » Un second homme apparu au dessus de la tête de la chinoise, un lieutenant chargé de la gestion des esclaves.

A vrai dire, Wenli n’appréciait pas particulièrement les russes, mais cette réserve relevait plus du préjugé bien ancré que du véritable désaccords. Le commerce d’êtres humains lui rapportait aussi beaucoup d’argent, et au-delà du fait de pouvoir les dresser à son image, les dresser pour en faire des travailleurs du sexe n’entrait plus dans son domaine de compétence. Le dragon de métal se releva, s’étira brièvement et suivi ses subalternes jusqu’au lieu de rendez-vous. Au bord des quais, Jin apperçu une personne qui lui était familière. Celui que l’on appelait Black Bird. Un sourire froid étira ses lèvres alors qu’elle s’avançait en sa direction. L’effort pour marquer le respect était appréciable. Le respect et la considération, c’était ce que Wenli appréciait le plus chez une personne. Venait ensuite, la perspicacité. Elle détestait avoir à faire à des personnes à qui il faudrait tout expliquer en long et en large, incapables de lire entre les lignes. La parlote, ça la fatiguait.

« Bonjour Black Bird. Vous avez vu ces nuages ? Sous le signe du singe du métal c’est plutôt bonne augure. »

Wenli faisait référence aux signes chinois. Qu’elle fasse référence à ses propres croyances lors d’une rencontre professionnelle était une bonne indication de la considération qu’elle avait pour l’homme en question. Elle s’inclina brièvement, ayant maintenant l’habitude des salutations occidentales, elle n’en paru pas offensé, ce qui aurait dû l’être normalement, une offense. Elle se tourna vers son lieutenant qui parla pour elle.

« Effectivement, le convoi est arrivé.. en bon état. Nous avons ranger les items dans un hangar à proximité, veuillez me suivre. » Ton solennel, posture droite, le lieutenant ouvrit la marche.

Wenli fit signe à Black Bird de les suivre et tandis qu’ils lui aboitait le pas, elle se tourna finalement en sa direction, posant ses iris cognac un court instant sur sa chevelure avant de venir détailler ses traits.

« C’est en effet une qualité que je ne peut nier apprécier chez vous. Vous et vos hommes avez fait bonne route ? »

C’était du Wenli dans toute sa splendeur. Un vocabulaire tantôt moderne, tantôt qui semblait venir tout droit d’une autre époque. C’est précisément ce mariage qui faisait, en partie, sa singularité. Ses yeux papillonnèrent en direction de l’escouade qui fermait la marche. L’air marin s’estompait légèrement pour laisser place à une odeur saisissante de sueur et de renfermé. Le lieutenant, suivi de près par le second, ouvrit la porte du hangar en question. Laissant découvrir une organisation ingénieuse de la marchandise destinée aux russes. Les deux sous fifres s’écartèrent pour les laisser entrer. L’habitacle ne faisait qu’une trentaine de mètres carrés, mais le haut plafond donnait une illusion de grandeur. Plusieurs hommes de la Triade étaient posté aux quatre coin de la pièce, arme en main. La marchandise était au milieu de la place, chacun séparé par une distance de sécurité. Un peu comme du bétail qui risquerait de se blesser entre eux.

« Et voilà, je vous laisse juger de qualité par vous même. »

D’un geste, Jin balaya la pièce, le sourire aux lèvres. Le lieutenant lui glissa discrètement le registre, dont elle s’empara immédiatement, laissant le loisir à ses clients d’apprécier la vue.

l'intéressé lève le nez en l'air. en effet, les nuages à l'aspect de fines plumes blanches ternissent l'éclat du soleil mais ne font pas barrière contre les rayons ardents qui pénètrent leur couche effilée. main en visière devant les yeux, ceux-ci se plissent légèrement en constatant la turbulence du passage récent d'un avion qui faitt s'évaporer les gouttelettes des nuages dans un distrail très net, scindant un fragment de la nappe nuageuse en deux.

le ciel forme un contraste assez intéressant, tout comme la compagnie de ce personnage est froid aux discours empreints d'une certaine chaleur. c'est un véritable échange de culture dont blackbird est particulièrement friand et qui s’émancipe encore aujourd'hui. mains désormais derrière le dos, sa hanche donne un coup élancé à sa jambe à mesure qu'il se tient le poignet gauche. dans la lecture du langage corporelle, ce geste est synonyme d'impulsivité.

- le singe de métal, c'est votre signe ?? ou alors simplement un fait ?? kentin sait à quel point les traditions sont aussi importantes que les croyances chez la triade. lui s'en tient qu'à celles de l'astrologie classique parce qu'elle a un lien avec les étoiles et les planètes. et c'est avec beaucoup de curiosité mais également une pointe de délicatesse qu'il s'enquit, curiosité éveillée. le treize juillet deux-milles dix-neuf ça donne quoi pour mon signe chinois ?

pour s'en tenir à ses mœurs, il incline légèrement la tête à sa suite, ses cheveux bruns ondulant doucettement avec l'axe de son mouvement. le grain de peau opaline de son interlocutrice le fascine. pour une femme de son âge, mûre et respectueuse, son physique concorde parfaitement avec sa personnalité. c'est une très belle femme, dignes de celles qui composent la triade chinoise. et ses cheveux respirent les fragrances marines que chaque particule de sel semble s'harponner entre les filiformes fibres ébène. aucun doute qu'elle occupe ses lieux et les garde comme le plus féroce des dragons.

emboîtant le pas au lieutenant qui ouvrit la marche, ses hommes se ramassèrent sur ses ailes, comme s'il le protégeait à l'instar d'un précieux petit prince. ce dernier nécessaire à la communication extérieure, ils étaient pourtant tous armés jusqu'aux dents pour des requins qui se défendaient comme des pacifistes convaincus. stratégie d'armement de vigueur, leur politique visait principalement à assurer leur défense, les récents événements de paranoïa faisant encore frissonner les chairs de chacun. cependant, au-delà de cette option, les russes aimaient déployer leurs extravagances, leur moyen onéreux ne s'arrêtant pas qu'à des palaces de fastueux. bouffer ou être bouffé, il faut bien qu'ils déploient aux yeux de tous l'emploi de leurs ressources humaines même pour de la simple réception de marchandise.  

l'arme qui claque contre ses omoplates à mesure qu'il progresse dans ce réseau de galeries, lui prodigue une incroyable sensation de puissance. ce ne sont que des artifices car personne ne compte s'en servir aujourd'hui, mais pour l'oiseau carnassier, ce simple objet lui permet d'augmenter sa confiance en lui.

tout en marchant à côté d'elle à l'instar de deux camarades de classe déambulant après les cours, blackbird a plutôt l'esprit tranquille, presque frivole. mesurant une tête de plus que son interlocutrice, il essaye pourtant de s'aligner à la hauteur de son lexique.

- oui fort bien, je vous remercie de vous faire du souci à notre égard.

mais ça reste tout de même un peu maladroit dans le champ grammatical, à l'antipode de sa voix, qui elle, est claire et limpide.

- la qualité, je n'en doute pas lung tau, vous ne vous avez jamais déçu.

il circule entre les esclaves, les toisant presque de bas en haut dans un sourire à la frontière entre la facette de l'archange et celle sardonique. ceux-là, ils étaient pour lui, leurs petits organes encore tout chaud ne sauront qu'un simple sachet à conserver et revendu ensuite au prix fort. ses chaussures hautes claque contre le métal du hangar à mesure qu'il progresse le long de la ligne qu'ils forment, puis soudainement, le chef de la patrouille s'arrête au milieu de la chaîne, demandant d'un simple geste de la main, dos de celle-ci qui se cambre, un ordonne significatif par pur caprice. docile, l'esclave obéit et y dépose le baiser royal. peut-être qu'il le laisserait en vie celui-ci, lui prélevant simplement un rein. en guise de récompense, il tapote brièvement sa joue.

dos à elle, sa voix résonne dans l'entrepôt. pivotant des cervicales à l'instar d'un oiseau en remettant ses mains en place, ses yeux balayent le transfert du document que transmet le lieutenant à sa patronne.

- cela dit, sans vouloir remettre en cause votre professionnalisme ni votre perfectionniste qui n'est plus à prouver, il devait y avoir six esclaves dans cette cargaison, hors, je n'en vois que cinq.

simple constatation des faits, blackbird accuse presque ces derniers d'un regard, comme s'il l'un d'entre eux s'était échappé ou pire encore, était responsable de l'évasion du prisonnier.

- alors, comment remédions-nous à ce problème ?? que dit le registre ??

oh, il ne soupçonnait pas du tout la triade, bien que ses paroles pussent laisser le sous-entendre. les hommes qui l'encadraient étaient tendus et ceux du côté du dragon de fer tout autant et pourtant, tout le monde arborait une facette calme. comme des chats, ils avaient senti venir l'orage, leurs poils se dressant presque à travers leur combinaison épaisse évoquant sans équivoque leur capacité militaire.

car au fond de lui, kentin n'est pas du tout tranquille.

sa mâchoire se crispe déjà.

une résistance se forme sur le document de bois qu'il veut saisir. lung tau n'est pas aussi flexible qu'il l'aurait imaginé et garde précieusement son registre comme un trésor des mers qu'elle n'est pas du tout prête à lui céder. c'est bien encore une des caractéristiques de la triade, ces serpents des abysses qui gardent toutes leurs richesses jusqu'à ce maudit morceau d'écorce buriner. le chef de patrouille a du mal à garder une expression impassible et force un peu en faisant mine de ne pas avoir compris qu'elle ne voulait pas lui remettre entre les mains avant d'abdiquer par défaut.

début de guerre froide qui s'amorce, la pression est palpable et chacun des deux camps semblent être prêts à sauter à la gorge de l'autre. légèrement stressé parce que rien ne se passe comme prévu, blackbird ne pouvait revenir bredouille et se contenter de donner des explications alambiquées au commanditaire de l'expédition. on lui faisait confiance pour ramener six esclaves au camp, pas seulement cinq. le brun ne pouvait se permettre de décevoir les siens par une simple erreur de registre. les explications de la dragonne semblant floue maintenant qu'il tentait de restituer tous les éléments à sa disposition.

cessant d'appuyant ses phalanges devenues blanches contre sa paume, le chef de patrouille retrouve peu à peu contenance et se brosse brièvement les cheveux d'une main, gagnant du temps sur ce qu'il commence à entreprendre. claquant des doigts devant son menton comme s'il espérait trouver la divine solution, c'était plus un tic gestuel nerveux qu'une véritable provocation dictant un ordre immédiat. détestant que l'harmonie soit perturbée, son interlocutrice ne faisait, en réalité, que de donner une information factuelle. kentin n'arrive pas à se montrer sans la moindre fissure avec une transparence totale, son illusion est bancale mais en réalité, il a surtout peur ne pas être à la hauteur de ce lung tau attend de lui. non pas qu'il se sente obligé de lui devoir quelque chose, mais quelque part, le faux russe tient à leurs échanges commerciaux cordiaux, pas simplement par pur intérêt.

- bien-sûr.

commença-t-il en faisant les quatre cents pas sans sortir de son couloir horizontal, soulevant des nuages de poussière dans son sillage. tessons de frustration, kentin ressemble vraiment à un type acharné et quelque peu névrosé. la dragonne lui donne comme l'impression d'être à l'ombre alors qu'il est certain d'être face au soleil, certain d'avoir raison. pour autant blackbird ne veut pas ruiner ses relations avec la triade en osant s'enquiert sur davantage de renseignements, mais à l'antipode, le brun ne peut laisser un problème inachevé.

respirer. inspirer. se répéter qu'il se suffit, qu'il est doué par la négociation, qu'on la choisit parce qu'il a suffisamment fait ses preuves, qu'il est accepter et bien vu. ok bien. encaissant la déception, son regard dévie du sien tandis que son corps se relaxe de son état de tension.

- cependant, j'aimerais quelques éclaircissements sur cette perte.

les mots remontent comme la bile dans sa gorge.

- comprenez que je vais pas vous régler pour quelque chose que je n'ai pas.

rester professionnel était sa mission, la principale ligne directrice à respecter. les gros bras russes sont derrière lui c'est certain mais ce n'est pas un motif valable pour se reposer sur son réseau.

- mais je ne peux pas non plus vous demandez de faire réapparaître quelque chose qui n'est plus là.

il donne l'impression de tourner autour du pot mais kentin pose simplement les bases, l'introduction avant la conclusion. se montrer efficace se résume à faire un brief de la situation avant de réclamer ce qu'il veut. le brun n'est encore qu'un gamin jeté au milieu d'adultes chevronnés et ceux qui sont déjà de son côté ont l'impression de couvrir un petit prince pourri gâté. mais ce roi sans couronne est pétrifié, pas réellement certain de ce qu'il demande. pourtant sa voix ainsi que la courbure de son regard annoncent une couleur bien différente.

- je veux des réponses précises sur ce qui a pu se passer. en plus du listing vous avez bien un traçage de la marchandise ?? des données transmises par des objets connectés ?? quelque chose ???

laissant le temps à son interlocutrice d'assimiler ce qu'il revendique, blackbird ajoute ensuite.

- je veux aussi une ristourne ou un geste commercial sur la prochaine livraison pour nous dédommager de ce regrettable incident.

l'intelligence émotionnelle dont la dragonne fait preuve désarçonne complètement kentin. comment pouvait-elle encore garder la face tout en étant parfaitement certaine d'être en tort ? son attitude, ses manières et son regard d'acier lui laissent croire que tout est en ordre, que la situation est bien gérée et c'est principalement à cause de ce facteur que le brun a tendance à croire en du sabotage. étant principalement régi par son instinct que par la logique, le garçon essaye néanmoins d'élargir son éventail d'observation. il ne pouvait accuser une tête de clan sans preuves et encore moins pour une raison aussi triviale et erronée qu'une intuition.

l'oiseau bavard reste silencieux un moment, ce qui est bien souvent synonyme d'un mauvais augure. cette impasse le gonfle, il doit régler le problème avant que les choses se détériorent et alors qu'il pensait contre-attaquer, wenli abat sournoisement une carte qu'il n'avait pas vue venir. un atout dans sa manche qui lui fait perdre tous ses jetons.

- ?????

décontenancé pour commencer, un ricanement à peine audible secoue ses épaules pendant qu'il penche légèrement la tête en direction de la misérable chose à ses pieds. le dévouement total de cet homme l'impressionne et le fait frémir d'excitation. sourire dément flottant sur son visage, c'est une expression plus enfantine qu'il arbore. celle d'un gamin capricieux qui a enfin obtenu ce qu'il convoitait après avoir fait sa grosse crise de larmes. respect absolu qu'on lui octroie, c'est comme si on lui proposer de s'amuser avec un jouet incassable.

c'est tentant.
terriblement tentant.

ressentir ce pouvoir gronder au bout de ses ongles, ce frisson galoper dans ses veines. c'est irrésistible.

son rythme cardiaque s'accélère quand il voit le lieutenant s'agiter à ses pieds. ce dernier n'est pas prêt de se relever sans son accord et rien que sa dévotion devrait suffire de pardon. cela dit, blackbird ne peut laisser une opportunité pareil lui filer entre les plumes. il a fait une erreur non ? il assume la responsabilité entière, c'est bien ce que l'homme a suggéré. kentin n'est pas obligé d'accepter les excuses faites et sa sentence risquera d'être pire auprès de la dragonne.

alors pourquoi ne pas s'en amuser juste un peu ? rien qu'une fois.
pour tester la limite.

en général, en technique de négociation, il est monnaie courante de montrer deux options à son interlocuteur en soulignant bien que l'une serait plus contraignante que l'autre, plutôt que de louer uniquement le bon choix à faire. si le lieutenant semble avoir peur d'échouer auprès de lung tau, de perdre son statut et sa reconnaissance, alors ce tout petit ordre qui allait suivre devrait être accepté sans préavis.

- j'accepte vos excuses lieutenant. mais à une seule condition.

il laisse le silence s'installer, contrôle sa voix pour ne pas se laisser palpiter dans ce cercle intense de suprématie sur lequel il flotte déjà et abat un index impératif qui pointe ses chaussures.

- embrassez-moi les pieds en guise de pardon.

les témoins oculaires ne le gênent pas, ni les souffles de surprise qui se condensent brièvement autour de lui. l'organizatsiya aime les grandes choses, les fastes palaces, les artifices en tous genres alors en soit, sa requête n'a pas l'air aussi extravagante qu'elle n'y paraît, ni aux yeux de son escouade, ni auprès des serpents des mers. après tout, chaque faction a sa réputation et se querelle pour la garder en l'état. la triade devait payer son dû, telle était la loi qui régissait tout decay.

coulissant son regard vers wenli lorsque cette dernière l'interpelle, il adopte une tenue un peu plus professionnelle et s'adapte à ses mœurs en inclinant légèrement la nuque pour conclure leur échange. blackbird ne peut pas affronter la matriarche, surtout lorsqu'elle débite une affirmation aussi neutre et lente que possible. ses propres supérieurs attendaient de lui qu'il récupère une cargaison d'esclaves et c'est ce qu'il a fait. chef de patrouille pour les petites négociations, il lui a fallu trois ans pour accéder à ce poste. arrivé au sein du clan à à peine dix-huit ans, il est aujourd'hui, l'une des plus jeunes recrues haut placé. aujourd'hui, même s'il continue le prélèvement d'organes, le brun est aussi choisi pour mener des petites mises de pression sur ceux qui ne payent pas leurs dettes.
mais rien de tout ça prévu avec la triade. son approche devait être différente et c'est encore une fois ce qu'il a fait.

la seule garantie que le brun pouvait réellement apporter aux siens était la parole de la dragonne. pas de besoin de contrat ou d'un quelconque registre cette fois-ci. lui en demander un serait preuve de paranoïa et de manque de confiance envers leur principal fournisseur. de toute évidence, même le plus haut placé chez les russes savait que la triade, attaché à ses traditions et au respect, n'a qu'une seule parole.

un point qui les liait tous les deux. génération ancienne et génération juvénile.

rien que des promesses tenues.