This ride is a journey [Ellone]

Mais qu’est-ce qu’il était en train de faire celui-là ? Tout en croquant dans sa pizza, la brune restait perplexe en le voyant faire. À la base elle était venue dans le quartier italien en vrai touriste, juste pour goûter leurs fameuses pizzas. C’était qu’elle avait un peu de blé pour bien manger en ce moment, au final, ses papilles habituées qu’au riz ou l’alcool lui faisaient rapidement monter une sensation de dégoût dès la première bouchée de cette explosion de mélange d’ingrédients. Déçue, elle reposait sa part dans la boîte caractéristique de ces choses à emporter. Depuis le muret où elle s’était posée pour grignoter en solitaire, son attention avait été captée depuis plusieurs minutes par cet étrange personnage au comportement aussi louche que loufoque. Finalement, sa sortie jusqu’ici allait se résumer à une bière de mauvaise qualité et ce spectacle…

C’était mieux que rien. Tout en avalant sa gorgée mousseuse, la fille repérait aussi en amont de sa tête des vieilles dames qui se planquaient maladroitement derrière leurs volets. Elles n’étaient pas vraiment discrètes, mais la distance les camoufler, comme des circonstances hasardeuses avaient fait qu’elle était penchée en avant sur son banc quand il l’avait checké les alentours et ainsi raté sa présence. Lui là, ce gaillard culotté qui se baignait dans la fontaine des Italiens. Sale fou. Il lui décrochait un rire à faible tonalité pour ne pas le perturber, mais son amusement était réel. Même si elle cumulait les conneries, ça elle n’aurait jamais osé. Sa boisson se finirait bientôt, comme sa visite ici, le détail bien que distrayant aurait dû en rester là s’il n’y avait pas eu ces petits perturbateurs dans la partie. Un groupe de petits vauriens se faisaient la courte échelle pour  récupérer ses fringues sur la statue avant qu’un énième n'entame sa course pour agripper le sac du gars et se barrer en courant. Coup dur pour le gars en pleine toilette, scène particulièrement hilarante pour la fille.

Comme quoi, le monde était plein de surprise. D’un lancé sa canette finissait dans la poubelle la plus proche, puis sans oublié sa pizza, Ellone avait en horreur le gaspillage, elle décidait de se rapprocher pour entendre de plus près ses jurons s’il s’en était rendu compte. Elle n’allait pas se gêner pour se rincer l’oeil non plus, quelle idée de se baigner en place publique… même si honnêtement, elle s’en foutait un peu de ce genre de trucs.

“ T’as perdu quelque chose ? “ Lui glissait-elle mutine, cette garce n’avait rien raté de tout ce qui venait de se passer. “ C’est fâcheux, je crois qu'il y a des amis qui te rendent visite. “ Amis étant une désignation ironique en fait.
“ EH VOUS DEUX ! “ Des jurons italiens retentissaient.

Comment ça “vous deux” ?! La fille exprimait alors son incompréhension, avant de comprendre assez vite, question d’habitude; qu’ils ne seraient pas ouverts à la discussion.

“ Putain j’hallucine. ”

Elle jetait alors un regard noir à l'exhibitionniste avant de lui jeter presque dans les bras sa boîte à pizza encore tiède et de se barrer la première avant l’arrivée des pitbulls de la zone. Elle était en convalescence après tout, alors une confrontation n’était pas plus dans les plans de cette cherche merde première.

“ Magne-toi putain ! “ Quand même au cas où il n’aurait pas compris que la patience des Italiens était un mythe. “ Je n’arrive pas à croire qu’ils m’associent à… ça. “ Un gars détrempé qu’elle voyait pour la première fois de sa vie. Mais vu la dégaine, leur erreur était compréhensible en fait...

Un long soupir lui avait échappé alors que le duo improvisé c’était planqué dans un coin de ruelle. Perplexe, la brune l’écoutait plus qu’elle ne le regardait, non pas que la vue d’un homme la gênerait, plus qu’elle n’aimerait pas qu’on la mate contre sa volonté… ni être dans son cas à lui. Au moins, sa pizza ne serait pas perdue pensait-elle en constatant qu’il s’empifrait avec.  

“ Oh moins tu sais profiter… “ Ou un truc du genre.

Sa tête se secouait doucement, elle devrait juste se barrer et l’envoyer chier. Pourtant, un instinct lui dictait de ne pas agir ainsi, pas par bonté, mais plus qu’il allait la suivre comme un poussin derrière une mère maintenant qu’elle l’avait nourri ! Cette fille était exécrable et pourtant elle abandonnait sa veste trois fois trop grande pour elle, c’était qu’elle ne portait que des fringues de gars; pour la lui jeter histoire qu’il ait de quoi se réchauffer un peu le temps qu’elle parte s'occuper d’améliorer la situation.

“ Euh. Comment te dire. On est d’accord que tu peux pas te promener à poil dans ce quartier pour chercher tes affaires. Même à Decay c’est pas raisonnable. “ Pourtant elle avait du mal à réfréner un sourire en pensant au côté risible de la situation. “ Couvre toi un peu avec ça, y à mon portefeuille et ma tune dedans, vérifie si tu me crois pas. Je vais aller te chercher des fringues. Attend moi là ou barre toi avec ma tune. C’est toi qui vois. “

Elle s’était abstenue de lui expliquer ce qu’elle lui ferait s’il la volait bien sûr, et sans lui laisser le choix de toute façon, la fille s’était éloignée en quête d’une victime à braquer pour habiller son nouvel acolyte dénudé. Dans ce quartier pourri la tâche lui avait plus ardue qu’à son Medellin ou Chicago natal, ainsi, une bonne demi-heure voire plus avait dû passer entre le moment où l’avait laissé sans plus s’en occuper et celui où elle avait déniché sa victime, braqué, puis dépouiller cette dernière avant de revenir là où elle l’avait laissé les bras chargés.  Et croyait bien que même pour quelqu’un comme elle d’habituer, cela n’avait pas été une mince affaire vu le gabarit de celui qu’elle devait revêtir. Avant même que son regard ne puisse le capter, lui ou sa présence, la fille déjà agacée par cette aventure loufoque s’était mise à lui parler… Si elle était seule, elle aurait l’air d’une folle. Enfin, était-ce qu’un air après tout ?

“ Bon pour le style on repassera, mais au moins tu vas pouvoir m’aider à traquer ces gamins qui t’ont volés. Ça te parle une petite bande de trois crétins ? “

Mais là encore, pourquoi cette idiote c’était ancré dans le crâne qu’elle devait l’aider, elle ne devait rien à ce gars-là et Ellone n’était pas le genre à s'apitoyer ou éprouver de la pitié… De la scène qu’elle avait pu percevoir, il lui avait semblé que le vol avait quelque chose d’une revanche personnelle, plus que d’un réel intérêt frauduleux.

Plus il glissait des remerciements et plus il faisait fondre sa carapace de vilaine fille. Si Ellone était une connasse égoïste et infecte, elle avait toujours eu du mal à mal se conduire avec les gens qui la traitaient bien ou avec respect. Peut-être parce que ça lui rappelait une vie plus civilisée qu’elle aurait voulu ne pas quitter. Et tandis que sans cérémonie il revêtait, la fille regardait ailleurs jusqu’à ce qu’il soit prêt. Comme quoi, sans le savoir, elle était capable de se montrer respectueuse. Puis il lui donnait son nom… Aramis hein ?

“ Comme le mousquetaire…”

La référence d’un de ses contes d’enfant avait glissé hors de ses lèvres plus vite qu’elle ne l’avait pensé. Qu’importe, ce n’était pas bien grave alors qu’elle renfilait son manteau en l’écoutant. Même pas il ne prit la peine de fouiller ses poches, au-delà de l’argent, il n’y avait jamais rien de personnel dans ses affaires. C’était comme si la fille s’était préparée à disparaître à tout moment, comme si elle ne voulait que rien ne puisse l’identifier si elle mourrait dans un coin de rue. Cela avait un rapport avec son job au Cartel en partie… mais pas que. Au final, peut-être même qu’elle foutait de son fric aussi quoi qu’elle en dise, elle qui s’était battue bec et ongle toute sa vie pour l’obtenir ne savait pas en apprécier la saveur.

“ Moi c’est Ellone. “ Elle soupira en constatant qu’ils en étaient aux présentations. “ Tu peux raccourcie à Ello’. ” Son côté chat sauvage. “ La bande à Nico ? Dis-moi en plus, de toute façon, je n’ai rien d’autre à foutre. Et je m’ennuie à mourir dans ce quartier de merde, mais ça sera à charge de revanche. “

Bah ouais, elle n’allait quand même pas être juste gentille pour être gentille, fallait bien faire genre qu’il y aurait un prix à payer. C’était plus pour elle, que pour lui qu’elle avait besoin de cette excuse-là pour le suivre. Et sa curiosité fut frappée quand elle ne voyait plus sa pizza.

“ Elle était bonne au moins ? “ Un petit ricanement laissait dire que ce n’était pas un reproche.” Tu t’y connais toi en pizza? Faut dire que la première que je goutais de ma vie m'a pas trop hype… contrairement à toi. “  Même si elle n’était pas frileuse, retrouver sa veste qu’il avait gardée chaude était agréable. “ Dis… pourquoi tu prenais ton bain dans cette fontaine. T’es un exhibitionniste ou un truc tordu du genre c’est ça ? “

C’était la première pensée qu’elle avait eue de “ça” en le voyant faire dans la fontaine public sous le regard vicieux des vieilles Italiennes du coin. Ou alors c’était un gigolo qui se servait de ça pour faire la pub de son corps ? Elle l’observait alors longuement, il avait l’air pourtant “simple” comme personne, quelqu’un d’aussi paumé qu’elle en vérité… Le ventre de la fille grognait sous cette pensée. C’était qu’elle n’avait rien bouffé du coup et que les pizzas n’avaient pas l’air d’être son truc. Autant dire que l’affaire “sac disparu” allait devoir être vite expédié, elle n’avait pas peur de secouer des sales gosses pour se fait…

“ Du coup, c’est quoi le plan le mousquetaire ? “

Elle riait dans sa barbe moqueuse. Cette fille était lunatique, ça allait s’en dire.

C'était surréaliste alors que la fille déchirait son t-shirt pour faire un bandage à la plaie par balle de son mousquetaire. Juste à demander ses affaires hein ? Puis les voilà en train d’essuyer des tirs comme s’ils étaient des lapins à abattre. Elle bouillonnait au fur et à mesure que son top rétrécissait par les bandelettes qu’elle en faisait pour canaliser l'effusion de sang, sans pour autant lui couper la circulation du flux sanguin dans cette jambe. Étrangement, on aurait dit qu’elle savait ce qu’elle faisait, en même temps, ayant grandi dans le Cartel, dealant toute la journée et traînant dans des affaires louches, c’était un peu comme obligé que ce cas de figure lui était un jour présenté…

“ Mais non crétin, on ne meurt pas d’une balle dans une jambe, au pire on te la coupe et voilà. “ Très rassurant Ellone, bien joué, très délicat aussi. “ Sympa tes potes, vraiment. Tu ne m’en voudras pas quand je vais exploser chacun de leurs crânes contre le mur hein ? “

Elle était d’autant plus sérieuse qu’au fur et à mesure qu’elle se découvrait, elle dévoilait elle-même une balle l’ayant traversée sur un flanc, décidément. Qu’à cela ne tienne, elle avait serré les dents et quand son “devoir “ d’infirmière s’était achevé, elle plongeait sa main ensanglantée dans la poche de sa veste pour en sortir la drogue qu’elle dealait…

“ Ouvre la bouche. “ Lui ordonnait-elle en appuyant sur ses joues pour l’obliger un peu à le faire aussi. Sur cette note, elle lui glissait de quoi planer très haut, une came dure, encore plus quand on n’était pas habitué… “ Laisse faire effet et ça va allait mieux tu vas voir, tu vas te sentir comme superman, allez avale.”

Sur cette affirmation, la fille s’offrait le même forfait, un comble quand on savait qu’elle s’était tant évertuée à ne pas goûter la merde qu’elle vendait… Mais qu’importe, c’était ça ou crever sur place, ses petits cons étaient armés contre toutes attentes et devaient bien se douter qu’ils les avaient touchés vu leurs fanfaronnades. Elle espérait alors que sa drogue fasse rapidement effet alors que dans un grognement de douleur elle enfonçait des petits bouts de tissus dans ses plaies pour retenir le sang. C’était qu’ils étaient plus en position de fuir avec le canard boiteux ni de se soigner correctement. Heureusement que ce n’était pas son coup d’essai à elle les blessures… Un petit tour chez Bazil allait s’imposer pensait-elle un instant, puis celui d’après à comment elle allait se sortir de ce merdier.

“Fais diversion, montre ta tête de ce côté, parle leur, fais ce que tu veux, mais quelque chose pour que je puisse rentrer là dedans. “

Il était évident qu’elle ne lâcherait plus l’affaire maintenant… quitte à prendre une autre balle. Mais elle doutait sincèrement que des gamins de rue comme ça eu un budget pour avoir une caisse de munitions, ils avaient dû les voler ou les récupérer quelques part. D’ailleurs dans ses souvenirs, les coups s’étaient enchainés et il ne lui avait semblé avoir entendu qu’une seule arme. Il fallait vider le chargeur de ce petit bâtard pour qu’elle lui explose la face.

“ Je plaisante, détends-toi. Tu resteras entier.”

Comme si c’était le moment… de plaisanter. Avec cette fille-là ça l’était toujours de toute façon ! C’était une habitude à prendre quand on la côtoyait. Quand elle ne voulait pas exploser la face ou faire cramer tout le monde, elle riait à la face des gens et du monde… toutefois, ses sourcils étaient plutôt froissés quand il lui avouait ne pas lui avoir peut-être tout dit. Voilà qui expliquait l’attitude en face, ce tabasse. Bien sûr, elle n’avait pas les détails, mais à vrai dire, Ellone s’en serait battu les reins. Pour le moment, elle voulait juste passer ses nerfs…

À l’opposé du côté de la voiture où son complice se tenait, la fille l’écoutait faire sa diversion, quelques fois elle tentait avec la lame de son poignard d’obtenir un peu de visuels par un effet miroir.  Sa plaie lui faisait un mal de chien. Et quand il parlait de pognon et de came, elle trouvait l’idée assez bonne pour fouiller dans ses poches à elle et lui en jeter le contenu. Sa poche de came et ses bénéfices. Elle n’était pas inquiétée quant au fait qu’il les utilise pour attirer l’attention, dans tous les cas elle réduire les membres de ses petites en bouillis. Ainsi donc, récupérer ses biens…

“ Utilise-les, c’est bon. “ Murmurait-elle en les jetant dans les mains.

Après un râle de douleur étouffé, la fille se traînait en longeant la carrosserie de l’épave. Elle était bien consciente qu’il faudrait un petit moment à sa drogue pour faire effet et lui faire oublier la douleur qui la gênait. Le temps adéquat pour que le mousquetaire se rende utile. Surprenant, il se révélait efficace, lui permettant de traverser la distance les séparant en douce. Comme un chat, elle longeait alors silencieusement les parois de bois composant la clôture, bien consciente du risque d’être gravement blessée si un de ces petits cons tirait à travers. Elle avait plus ou moins essayé de compter le nombre de coups de feu et n’était pas experte dans la matière. Pourtant, par triste habitude, elle avait aussi cette intuition qu’il leur restait encore de quoi la descendre. Elle allait vraiment devoir compter sur Aramis sur ce coup-là, sa réussite à elle, dépendait de sa performance à lui.

En chemin, la fille s’était saisi d’une arme de fortune un vieil élément en acier des restes d’une voiture, un support long et assez solide pour tabasser quelqu’un. C’était qu’elle craignait que son poignard n’aurait pas assez de portée… mais seulement parce qu’elle avait eu la bêtise de douter des compétences d’Aramis. Le ptit trou de cul qui les avait plombés avait alors l'imprudence de tendre le bras pour saisir l’offrande du mousquetaire et d’un geste vif et violent Ellone lui plantait sa lame dans le dos de la main en prenant soin d’un allez-retour avant et arrière dans son remous pour bien le faire douiller. Le gamin hurlait sa douleur, elle le saisissait de son autre membre pour le trainer vers l’extérieur et plaçait le couteau sanglant sous sa gorge. La fille menaçait aussitôt…

“ Jetez vos flingues ici ou tu t'allèges de plus que ta main petit bâtard. “

À ses pieds, alors qu’elle était accroupie, la barre en fer attendait sagement de savoir si elle voudrait l’utiliser ou non… À savoir si ces gamins étaient raisonnables ou non, car elle avait pali durant l’effort et son sang tiède glissait déjà sur ses cuisses malgré la barrière du jean.