This ride is a journey [Ellone]

Déjà vu, encore et encore cette scène. La patience de la fille s'effritait, d’autant plus qu’elle n'avait pas l’habitude de consommer de la drogue. À juste titre… elle savait l’effet que faisait cette merde à l’organisme, elle connaissait mieux que personne pour l’avoir subie l’horreur qui finissait toujours, oui toujours par en ressortir. Doucement, mais sûrement, la douleur la quittait, avec elle toute la violence qu’elle se faisait à chaque instant pour être “une gentille fille”. Enfin, tout du moins, pas une psychopathe sans âme. C’était que pour elle, toutes ses frontières étaient floues et à Decay, les exemples équilibrés n'étaient pas légions.

Le mousquetaire braillait et elle se délectait de l’idée de tout le sang qui allait se répandre. Pour cela il lui suffisait juste d’un plus de pression ou d’un geste net. La fille hésitait longuement, méditait son envie, au point  qu’elle n’en entendait même plus les jérémiades du gamin, les revendications de son partenaire de crime. Pourtant, ses yeux se levaient quand son ombre passait en titubant devant elle, elle voyait un des gosses s’écroulait. La lame tremblait entre ses mains, le filet de sang tiède faisait toujours son chemin sur sa cuisse, alors elle se disait qu’elle pouvait aussi reculer, pour mieux avancer.

“ Je vais revenir. “

Qu’elle promettait dans un susurre donné au creux de l’oreille à sa prise. Qu’il s’était chié dessus ou pas lui faisait une belle jambe, cette petite merde lui avait tiré dessus. mais quelque part c’était aussi sa faute à elle pour s’être mêlée de autre chose que son cul.  En grimaçant par la gêne de sa blessure, la fille se relevait donc, fixait mauvaise la bande d’amateurs, mais était trop défoncée pour se dire qu’ils n’étaient que le genre de gamins paumés qu’elle plaignait d’ordinaire… plus qu’elle ne voulait les buter.  Perplexe, elle offrait un regard au super héros remonté à bloc.  Puis nonchalante, elle capturait son bras pour l’entraîner avec elle, tandis que d’une main libre, la fille récupérait son téléphone pour passer un coup de fils.

Sur ce coup-là, elle aura besoin de soutien… mais du quel ?

Son regard orageux parcourait sa liste de contact, finalement, elle en avait beaucoup, mais combien de réellement utilies ? C’était triste de se dire qu’elle ne considérait les gens qu’ainsi… Un choix visiblement. Tandis qu’elle marchait parfois sa plaie lui tirait, lui rappelant des souvenirs, elle pensait alors au médecin… Elle savait où trouver Bazil, son efficacité n’était plus à prouver, mais le rejoindre lui posait problème. C’était ainsi qu’elle faisait s’asseoir le canard boiteux à la première occasion avant de se caler à ses côtés. Elle pourrait joindre Magno… mais elle ne voulait pas lui montrer à quel point son quotidien était chaotique. Il y aurait bien Lucky, mais Ellone ne lui faisait définitivement pas confi ance, sa gentillesse, sa bienveillance, tôt ou tard, elle se pointera avec une facture pour lui mettre tarif. Elle se demandait alors si Suzi serait capable d’emprunter une caisse au patron et soigner une plaie par balle. Elle pourrait expliquer ça à Cait’, mais elle allait se foutre de sa gueule pour six mois. Tout le reste n’était composé de ses clients et diverses rencontres diverses dont elle avait gardé la trace sans savoir pourquoi. Et le constat la lassait déjà alors qu’elle tendait le téléphone à Aramis.

“ Choisis n’importe qui dans le répertoire et appelle le pour lui dire de venir nous chercher. ”

Elle avait la flemme de sélectionner, sa tête commençait à exploser...

Comment dire ? Il aurait eu vite fait de la faire passer par plusieurs état. À ses côtés, quand la pizzeria lui répondait, la fille avait eu du mal à réfréner son rire. Mais qu’est-ce que ce garçon a dans la tête franchement ? Elle s’imaginait que contrairement à elle, il avait bien aimé l’Italienne qu’elle lui avait filée. Peut-être qu’elle devrait lui en offrir une autre ?

Et c’était sûrement ce qu’elle aurait fait s’il n’avait pas raccroché pour tenter sa chance… et tirer sur celle de la fille aussi en passant. Et quand il lui passait le téléphone, son doute concernant la personne se confirmait. C’était définitif, le mousquetaire lui portait la poisse. DE TOUS les contacts possibles, il avait fallu que cela soit encore elle. La brune grognait plus qu’autre chose en approchant le cellulaire de sa petite tête de linotte…

“ Non c’est une blague, laisse. Mon pote est bourré. “

Puis elle lui raccrochait au nez sans sommation, ni attendre un retour de sa part, comme la petite connasse qu’elle était, mais aussi la meuf trop défoncée avec la merde qu’elle venait de prendre pour se rappeler que son tél appartenait au Cartel et qu’il avait un traceur GPS. Pour sa propre sécurité, il paraît. Ouais ouais. Encore que, ça lui avait déjà sauvé la vie une fois.

“ T’es un putain de chat noir tu sais. “

Douceur offerte au brun qui s’était lové contre son épaule, la laissant sans voix devant la scène. À quel moment pouvait-il penser que c’était une bonne idée de faire ça auprès d’une créature aussi instable ? Est-ce qu’elle avait l’air d’une gentille fille ? La pensée la troublait autant que son manque de volonté de le virer. Il avait plus l’air d’un petit chaton égaré qu’autre chose ce grand dadais.

“ Mais qu’est-ce que je vais faire de toi…” Question qui n’en était pas une… Alors que plusieurs fois son téléphone s’était mis à vibrer… Lucky allait la défoncer quand elles se croiseraient. Voilà ce qui justifiait son choix. “ Tiens répond lui et dis-lui que c’était une blague. Tu ne peux pas imaginer comme elle est casse-couille Blondie, pas question que ce soit elle qui se ramène… je vais réfléchir à autre chose. “

De préférence avant qu’ils ne tombent dans les vapes les deux après s’être vidés de leur sang. Encore qu’avec les bandages, ils avaient de la marge… le vrai problème allait pointer son nez quand la drogue n’allait plus faire éluder la douleur à leur cerveau...

Enfin, c'était mal connaître Lucky que de penser s'en débarrasser aussi facilement maintenant pas vrai ?

Il lui faisait le chat, elle levait la main comme pour lui en coller une en sachant qu’elle ne le ferait pertinemment pas. Putain, encore un gars qui avait sa kryptonite avec ce côté trop innocent pour être une cible viable pour ce genre de créature pourtant impitoyable avec “presque” tout le monde.

“ Fous-toi de ma gueule ouais. “

Elle râle, mais pourtant demi-maîtresse de ses actions avec la drogue dans son sang, elle s’est collée à lui pour le réchauffer. En plus de le laisser dormir sur son épaule.  Tu parles d’une bad-girl ! Quelqu’un aurait dû être là pour prendre la photo et la lui remontrer à chaque fois qu’elle jurait n’en avoir rien à cirer de l'humanité… la sienne, et les gens aussi en y repensant. Puis comme si elle méritait après avoir été aussi coulante, il les balançait sous son nez et son regard se faisait accusateur.

“ Je te défonce  maintenant où ? “

Elle le fixait du coin de l’oeil en disant ça, elle l’avait toujours presque dans ses bras pour le garder au chaud, quel genre de crédibilité cela lui donnait ? Aucune hein. Alors finalement elle abandonnait dans un soupire désespéré, jetait sa tête en arrière pour observer le ciel et se demandait ce qu’elle avait bien pu faire pour offenser les puissances divines qui s’acharnaient autant à lui pourrir la vie, qu’à lui sauver les miches…

Il ne faisait pas si froid que pourtant, songeait-elle en compressant sa plaie douloureuse. Preuve que l’effet commençait à s’estomper, peut-être n’en avait pas t-elle pas prise assez de peur de trop perdre ses facultés. Oh oui c'était bien ce qu'elle détestait le plus ça, perdre le contrôle. Déjà qu’elle n’en avait quasiment aucun sur sa vie.

“ ça va être salé ta note je te préviens. “

Tu parles, elle allait sûrement oublier dans quelques jours son dû. Parce que si elle était rancunière par nature, c’était seulement avec ceux qui le méritaient et au final, ce n’était pas le cas de son chat noir pas vrai. Puis le calme qui en suivait l’échange n’était là que pour préparer la tempête à venir. La fille entendait un crissement de pneus et elle était déjà en train de soupirer lourdement…

Presque elle regrettait de ne pas avoir foutu le camp quand elle en avait encore l’occasion, mais puisqu’il était trop tard, elle se contentait de pousser le grand gaillard accolé contre elle.

“ C’est plus le moment de dormir Blanche-Neige, ton prince est venu nous sauver. “

C’était plutôt une princesse du coup… encore que… ça dépendait des moments. Ouais non en fait, hormis la bonté d’âme tout au plus, Lucky était au moins aussi racaille qu’elle. Voire pire. La pensée la faisait rire dans sa barbe et elle préférait même pas regarder si elle avait raison ou non…