I'll see you on the other side | Miyu

Le calme n’est pas son fort, surtout lorsque la colère monte, que l’incompréhension prend le pas sur la raison, sur tout ce qui pourrait le rendre raisonnable. Lui reviennent tous ces mots échangés, et ceux qui ne l’ont pas été, et cette pression qu’il sent toujours, près d’elle, qui l’oppresse et le pousse dans ses retranchements. Il la contemple, les yeux vides, comme morts, dépourvus de la moindre émotion sinon d’une détermination à toute épreuve. Il ne montre aucune compassion lorsqu’il la sent se débattre contre lui, résister comme elle peut à l’attrait de la gravité qu’il laisse peser sur elle. Si légère. Ce serait si facile de l’abandonner là, de la livrer au vide et d’oublier jusqu’à son existence.

Il paraît hors de lui, hors de cette scène qui se déroule tant dans la réalité que dans son esprit, qu’il observe maintenant plus qu’il ne la dirige. Pourtant, la manière dont il fuit son regard indique peut-être un reste d’humanité, de scrupules, alors qu’il considère la tête lovée contre sa poitrine, l’observant enfin alors qu’elle ne peut plus le voir. Il attrape les mots au vol, esquisse un sourire satisfait, qu’il lui masque de la même manière, avant de lâcher en la ramenant contre lui, les deux pieds sur le toit.

« J’en sais rien. S’il s’avère que c’est le cas, alors on avisera. Peut-être même que je te laisserais essayer de me tuer. Mais je n’ai aucune envie de côtoyer ce doute. » Il la relâche, la laisse à ses émotions, ses tremblements, pendant qu’une impassibilité cruelle remplace le masque de son visage et que ses mots jetés d’un ton placide griffent la paix instaurée entre eux.

« Je n’ai aucune confiance en toi. Tu devrais n’avoir aucune confiance en moi. Pourtant, tu te livres, tu t’exposes, tu n’apprends pas de tes erreurs. Miyu, ce qui vient de se produire peut se produire n’importe quand, pour des raisons qui paraîtraient sûrement bien faibles à ta raison. Ne me fais pas confiance. Jamais. Sous aucun prétexte. Parce que si je suis ton allié, je peux aussi bien être ton ennemi. Et tu n’as pas envie que ça arrive, je crois ? » Il termine sur un ricanement, s’éloigne de quelques pas, les yeux rivés vers l’échelle qui les a amenés jusque-là. Il n’a pas d’autre envie que de partir, mettre un terme à cette énième erreur qu’il se satisfait pourtant d’avoir commise.

« Au final, l’important c’est pas de savoir si j’ai tué ton frère. C’est que je peux te tuer toi. Vraiment. » Il sourit, un sourire dur, avant de reprendre le chemin de l’échelle, de s’y laisser glisser d’une souplesse fauve pour rejoindre le sol. Il ne cherche pas à savoir si elle le suit, se rend sourd aux paroles qu’elle pourrait lui jeter, pour le retenir, pour le chasser. Aucune importance. Il a fait ce qui lui semblait de mieux, lui a montré ce que l’instabilité qui le condamne à répéter toujours les mêmes comportements erratiques peut coûter. A lui. Aux autres.  Et tant pis si la liberté qu'il vient de s'octroyer lui paraît d'un coup fade et pesante. Il sait quel visage lui permettra de lui rendre ses attraits.