White Tiger | Pv. Livia Lombardi

Livia Lombardi n’était pas n’importe quelle femme. Née dans les affaires familiales, éduquée pour devenir la Marraine qu’elle était aujourd’hui, elle était une femme d’affaires prodigieuse. Elle avait toujours eu ce sens et, avec le temps, n’en était même devenue que meilleur à ce jeu. Sûrement avait-il surtout appris à négocier ses contrats grâce à elle ? Après tout, il se souvenait encore du temps où elle l’embauchait pour une bouchée de pain qu’il n’osait pas refuser. La donne avait depuis changé, prouvant plusieurs fois sa valeur et son Don. Les prix avaient changé, le jeu avait augmenté, le risque aussi. Sous son masque, il en souriait. Elle réussissait encore bien à l’amuser.

_ Je ne le crains pas. », lâchait encore le Mongol en parlant de Maurizio. « Je pourrais te le tuer à la sortie, avec tes petits chiens, sans même une seule égratignure. » Il était redevenu sérieux un instant. Il n’avait pas peur. Il n’avait jamais peur, même. Il détestait que les autres en doutent. Qu’on remette en question sa capacité à ne rien craindre. « Néanmoins, ton abruti de bras droit est capable de te suspecter de manigancer et comploter avec moi et me faire suivre. Si, comme tu dis, je peux être trop discret, tes hommes le sont … Beaucoup moins, voire pas du tout. » Aussi, lâchait-il sa dernière sentence, comme une phrase longtemps retenue. « Je ne veux pas me faire prendre, torturer ou tuer à cause de l’absence de discrétion de tes hommes. »

Il s’était assis et observait uniquement la jeune femme, éprouvant un véritable besoin de tirer dans la fenêtre où Maurizio aimait à se présenter, scrutant et observant la scène, cherchant à comprendre la situation. Il détestait définitivement ces fouines et préférait réellement travailler tout seul comme l’indépendant qu’il était. « Ta maison l’est peut-être. » Il se relâchait un peu, calant son dos dans le fond de la chaise. « Mais pour autant, c’est ton argent qui me paie de façon sporadique. Si tu devais me payer régulièrement cette même somme, tu serais rapidement ruinée. » Et sous son masque, avec un petit sourire. « Puis, cela te permet d’obtenir un petit traitement de faveur de temps en temps. »

Il n’avait jamais été attiré par les Lombardi et leur sens du commerce. Il avait été éduqué comme un tueur. Il était doté de cette capacité unique à tuer sans le moindre remord, seulement hanté par les visages de ceux qu’il tuait lorsque ses cauchemars le prenaient. Prenant une longue inspiration, il s’amusait toujours autant de découvrir le petit jeu de la Marraine. Elle n’arrêterait jamais d’essayer. Au moins, elle était tenace, on ne pouvait pas le lui retirer cela. « C’est relativement calme, on va dire. » Puis il hochait de la tête. « Tu sais bien que je ne dirai rien. » Il avait failli en dire plus, se retenant aux derniers moments de l’ouvrir. Bouche bée sous le masque, il poussait un soupir avant de se reprendre.

_ Je sais bien que tu aimerais savoir si je travaille contre ton Gang, mais c’est contraire à mes règles. Tu risquerais de vouloir en apprendre plus. Je ne travaille pas pour toi, excepté quand tu paies. » Jetant un coup d’œil de côté, puis sur le verre qu’elle buvait à son aise, il continuait de lui parler. « Et je ne compte pas boire, surtout en ta présence. Je connais tes stratagèmes. Tu tenterais de me saouler pour tirer chaque vérité de ma bouche. » Il haussait les épaules. Cela l’amusait finalement. Il la connaissait et prenait plaisir à revenir à nouveau sur les mêmes discussions. Encore et toujours, vainement, tentait-elle de le convaincre de rejoindre ses rangs, de boire juste un verre.

"Je n'aurai pas besoin de tes services pour ça, pas d'inquiétude." Un bref regard, comme pour contrôler la situation, en direction de la porte. Il lui faudrait vraiment s'occuper du cas de Maurizio, un de ces jours.

"Tu as toujours été trop gourmand. Enfin. Pas que tu ne puisses pas te le permettre, m'enfin." Livia avait effectivement vu ses taros augmenter avec les années, en même temps que l'expérience et la maîtrise du mercenaire. Elle aimait à croire que sa fidélité avait participé à faire de lui ce qu'il était à présent. Quelque part, ces discussions régulières qui finissaient toujours de la même façon étaient un moyen de lui rappeler son rôle dans ce qu'il était à l'heure actuelle, subtilement. Et lui pouvait exposer très clairement à la Lombardi son indépendance et son succès, la liberté avec laquelle il pourrait se détacher aisément de son pognon à elle. Pour toutes ces raisons, elle n'hésitait jamais à faire gonfler la facture lorsqu'il était question de lui, exception faite de ce contrat particulier. Avec un peu de chance, tout cela serait derrière elle très bientôt.

"Tu comprends bien que c'est tentant, tu es là, avec toutes ces informations, comprends moi !" Rit-elle. "Je sais bien qu'on ne peut pas tout avoir. Mais j'ai toujours ce petit espoir de te faire céder. Autant être honnête !" Une nouvelle gorgée de vin blanc. "Tu rates quelque chose. T'en trouveras pas de meilleur dans toute l'île." A bien y songer, Livia ne savait même pas s'il buvait seulement. En dehors de tout ça. Était-il du genre à s'accrocher à sa sobriété pour garantir son efficacité au travail ? Ses dehors relativement sérieux et sa conscience professionnelle - si on pouvait appeler ça ainsi - portaient à croire que c'était le cas. Une preuve de plus qu'au fond, elle le connaissait bien moins que leurs badinages ne le laissaient entendre.

" Tant pis !" Lança-t-elle d'un grand geste théâtral de la main. "Je trouverai mes réponses autrement ou, pauvre de moi, tu me retrouveras noyée dans l'océan avec des poids aux pieds." Une méthode qui avait fait ses preuves et que nombre de gangs utilisaient, créant ainsi un drôle de champ subaquatique.

Toujours le verre à la main, la Marraine se leva pour faire les cent pas à son tour. "Tu sais" Reprit-elle. "Peut-être que ce passage à Neo est une bonne occasion pour toi de faire du repérage. Farcis de pognon et corrompus comme ils sont par là-bas - et je suis bien placée pour t'en parler - tu trouverais sans doute de bons clients pour tes talents." Elle fit une pause et se retourna vers lui. "Enfin, moyennant de bien choisir tes cibles, quand même." Elle ne le payait pas pour qu'il passe à l'ennemi. Certains Miliciens en avaient probablement assez de faire affaire avec la Chienne de Napoli.  

Sous son masque, l’Assassin souriait. Tous les deux reconnaissaient souvent la valeur de chacun. Elle avait la fortune et l’influence. Elle avait aussi un corps de femme, agréable pour les regards. Plusieurs atouts jouaient en faveur de cette femme de pouvoir. Et elle ferait bel et bien tout pour le garder. Sûrement cela pouvait-il être reconnu, par certains, comme une véritable qualité. Pour de nombreuses raisons, il savait encore l’apprécier à la tête de la Mafia Italienne. Excepté sûrement quand elle forçait autant sur le vin au point de devenir, de temps en temps, pénible à supporter. Là-dessus, il plaignait ses hommes. D’autant que quelques bruits et rumeurs couraient sur son manque de retenue. Elle aimait à boire et ne tenait pas toujours aussi bien qu’elle aimait à le penser.

Contrairement à elle, il n’avait que son propre Code. Que ses capacités et son Don pour la mort. Tout cela servait uniquement sa réputation.

Il haussait les épaules. Il n’était jamais tenté par l’alcool et son effet terrible. Un instant, tout allait bien. L’instant suivant, la personne se trouvait entièrement différente. Sous l’emprise, les gens changeaient et cela l’effrayait de lui-même essayer. Et s’il ne se reconnaissait plus par la suite ? « Tu sais aussi bien que moi que ne céderai pas pour quelques liasses supplémentaires. » Puis, sur le ton presque de l’aveu, désactivant au passage le modulateur de voir, il reprenait encore. « Je ne suis pas un Indic. Je ne l’ai jamais été et je ne compte pas commencer à vendre tous les secrets de chacun. » Sous son masque, si elle était suffisamment perspicace, elle pouvait peut-être réaliser qu’il souriait.

Il avait finalement croisé les bras alors qu’elle continuait de parler. C’était la vie, avait-il envie de lui lâcher. Si elle devait mourir, il perdait un employeur. Peut-être même en trouverait-il deux autres le mois prochain. Que le contrat suivant serait d’exécuter la Marraine en la noyant, des poids aux pieds. La tête tombant légèrement sur sa gauche, continuant d’observer la jeune femme assise, il reprit sur le ton de l’humour noir. « Je ne risque pas de te retrouver, j’imagine. Excepté si on me donne le contrat qui pèserait alors sur ta cervelle. Peut-être que je serai alors celui qui te coule sous l’océan. », haussait-il des épaules en même temps.

Il lui avait toujours manqué de respect. Elle ne comptait pas le respecter davantage. Comme une entente mutuelle et silencieuse. Un accord tacite entre les deux partis. Il ne lui devait rien. Elle ne lui devait rien. Même si, sur ce coup, elle ne pourrait pas apprécier la réplique du Mongol. Elle restait une femme. Et l’idée même que quelqu’un puisse s’en prendre à elle ne devait pas être la meilleure idée. Qu’elle tente donc. Ils le savaient, au combat singulier, elle ne saurait pas le battre.

_ Par contre, ne compte pas vraiment sur moi pour trouver de nouveaux contrats de l’autre côté. C’est assez dangereux de passer un aller-retour, je ne compte pas m’éclater à passer chaque weekend là-bas pour quelques fins de mois. »

Puis, désireux d’embêter ce Maurizio qui revenait sans cesse à l’attaque, car il voyait trop bien l’ombre de ce dernier passer plusieurs fois devant la lumière en provenance de l’extérieur, il s’était levé. Posant la main sur la fausse bouche de son masque, il attrapa délicatement la Marraine par le bras, emportant sa bouteille de vin de l’autre main et l’emmena dans le seul coin de la pièce où le Bras Droit n’aurait jamais vue. « Qu’il panique un peu. Histoire de voir comment ton chien réagit quand il perd sa maîtresse de vue. »

"Tu es toujours beaucoup trop sérieux." Quelque chose qui n'aurait pas du surprendre Livia. Elle n'avait qu'à moitié plaisanté, comme pour tâter le terrain. Mais les réponses brutalement honnêtes du mercenaire ne la brossaient pas dans le sens du poil. Peut-être n'était-ce que son humour, mais Livia vivait dans le double standard. Si elle pouvait se permettre un peu ce qu'elle voulait, les autres n'obtenaient de sa part qu'une grimace désapprobatrice. "Tu fais bien ce que tu veux, tant que tu fais ton job correctement. Tu n'es peut-être pas si ambitieux que ça, après tout." Le genre de provocations qui lui avaient permis d'obtenir la Famille ne fonctionnaient pas avec les mercenaires, de toute évidence.

Surprise plus que scandalisée, Livia se laissa entraîner par l'assassin sans dire un mot, l'air contrit tout de même. "Je sais pas ce que tu espères, mais attends toi à voir débarquer une dizaine de gorilles, et j'ai pas l'intention de te laisser tuer mes hommes de main. C'est compliqué d'en trouver de pas trop idiots ces temps-ci, la Milice me les descend à tour de bras." Et ce, malgré les accords passés avec certains de leurs dirigeants. Malgré l'influence que Livia tissait depuis des années, les miliciens zélés se faisaient de plus en plus nombreux et elle, de par sa position géographique, encaissait les conséquences de ce recrutement de masse la première. Peut-être fallait-il songer à réclamer quelque chose aux autres gangs, en vertu du service qu'elle leur rendait en jouant les filtres à miliciens sanguinaires.

Livia porta la bouteille à ses lèvres. "T'es con, quand même." Jetant un oeil à la table, elle regretta un instant d'avoir laissé son arme là bas. Un bruit de coup de feu aurait alarmé tout le monde et mis un beau bordel, tout en sachant qu'ils n'avaient pas vraiment le droit de venir sans ordre explicite. Restait que certains étaient zélés, de son côté aussi. A commencer par Maurizio. De là où ils se tenaient, ils pouvaient tout de même entendre et voir les allées et venues du conseiller. Au bout de quelques secondes à s'amuser de sa panique manifeste, Livia attendit qu'il s'approche de nouveau de la porte pour y lancer son verre encore au tiers plein. Le récipient s'éclata contre la vitre épaisse et elle éclata de rire en voyant l'ombre se carapater sous le coup de la surprise. "Peut-être qu'il va nous foutre la paix, maintenant. Ce serait pas du luxe."

L'air sérieux, elle jeta un regard au masque du mercenaire. Il avait le don d'éveiller la curiosité de n'importe qui. Mais c'était drôle, aussi. Livia éclata de rire. "Qu'est-ce que je donnerai pas, parfois, pour les larguer derrière moi et vivre une liberté comme la tienne." Parfois. Pas si souvent. Si la Donna se nourrissait du pouvoir et de l'autorité qu'elle avait sur les gens, il fallait bien admettre que la liberté de son petit gang du Texas lui manquait parfois? Pouvoir agir comme bon lui semblait sans réfléchir trois coups à l'avance systématiquement. Sans être une cible privilégiée.

_ N’essaie pas de te mentir à toi-même, Liv’. Nous savons tous les deux que tu ne donnerais rien pour échanger ce que tu as avec ma soi-disant liberté. » Sous son masque, alors que le modificateur était coupé, il souriait. Ils savaient. Il ne désirait pas sa place. Elle ne désirait pas la sienne. Les rôles ne pouvaient s’inverser. Et, mieux que personne, elle le connaissait. Il n’était jamais vraiment libre. Sûrement l’était-elle-même davantage. Mieux protégée. Mieux servie. Sa fortune n’était plus à faire. Il était seul. Tellement. Trop.

Il l’observait alors qu’elle s’amusait du comportement de Maurizio. Il voulait sûrement trop bien faire. Trop en faire même. Le Mongol soupçonnait le Bras Droit d’éprouver des sentiments pour sa Patronne et que, dans ses fantaisies les plus folles, il se voyait déjà Parrain à la place de la Marraine. Mais ce n’était pas sa place, ni le lieu, ni même le moment. Il n’avait pas à discuter de ce débat avec l’Italienne. Elle gérait son équipe comme elle le désirait. Ce n’était pas pour rien qu’elle l’embauchait. Il ne travaillait pas comme eux.

_ Tu sais, si tes hommes entraient, mon flingue sous ta mâchoire ou ma lame à ta jugulaire, aucun n’aurait même osé s’approcher sans mes conditions. », lâchait-il en montrant qu’il portait bel et bien ses armes sur lui. « Et contrairement à eux, je ne fais preuve d’aucune hésitation. » Il tuait. Son job était l’exécution létale et sans aucune pitié de la moindre cible. Contrat ou non, son vice était la mort. Il prenait aucun goût. Ni même dégoût. Insensible à la destruction de la vie humaine, qu’il trouvait misérable au vu de son existence pitoyable, il tuait sans sourciller.

Il haussait les épaules, continuant de tourner autour de la table en observant le reste des lieux. « Quant à ton problème avec la Milice, peut-être qu’il est temps pour toi d’être plus … Radicale avec tes accords. » Bien sûr qu’il entendait une attaque directe sur une Caserne milicienne. Mais la Marraine n’était pas dans ce genre de coup. Elle préférait se rendre elle-même sur les lieux. Discuter. Trouver un accord tout en montrant quelques-uns de ses hommes. Une démonstration de force sans vraiment l’être. Plutôt des mots que des faits. Et aujourd’hui, dans la guerre qu’elle menait contre la Milice et, en tant que première ligne de front, elle perdait chaque bataille.

_ Puis ce serait quand même embêtant qu’en passant de l’autre côté, on m’offre le contrat sur ta tête … Et pour mieux que tu ne me paies. » Sous son masque, le Guerrier Mongol souriait pour lui-même. Et après tout ? Remettant en marche le modulateur de voix, il s’approchait de la porte, mettant sa main à la poignée de cette dernière. « J’attends ton premier virement pour commencer ma filature. », lâchait-il comme un salut avant de se tourner vers elle.

"Écoutes, je dirai pas non à une pause de temps en temps. Et ça a bien l'air de te convenir." Il avait raison, elle n'échangerait jamais définitivement. Mais tout le monde trouve l'herbe plus verte chez le voisin au moins une fois. A plus forte raison quand la tension est à son comble et que chacun peut se révéler être un traître.

"Je ne comprendrai décidément jamais ton humour. Ou tes menaces." Lança-t-elle. "Tu devrais te détendre un peu." Peut-être était-ce le vin qui parlait, et encore, elle le tenait mieux que ça. Tout en s'éloignant du recoin où ils s'étaient placés, elle jetait quelques coups d'oeils aux issues. Un bruit de verre brisé aurait tôt fait d'éveiller les soupçons et elle avait besoin d'un peu de tranquillité pour quelques temps.

"J'ignorais que tu étais un spécialiste de la corruption. Moi qui te croyais simplement versé dans les solutions plus physiques." Livia souriait. Elle se doutait bien de ce qu'il entendait par le terme "radical". Et elle se doutait également qu'il n'avait pas la moindre idée de la complexité de sa situation à la fois vis à vis de la milice et des autres gangs. A l'heure actuelle, le moindre écart de la part de qui que ce soit dans ce sens serait susceptible de subir les conséquences de tous les côtés. A moitié sérieuse, elle reprit. "Sois certain que quoi qu'ils te proposeront, je pourrai t'offrir bien plus pour inverser la tendance." Livia adorait l'argent. Elle l'amassait comme si elle vivait en plein disette et rechignait à le dépenser inconsidérément comme le faisaient les russes, par exemple. Mais sa tête n'avait pas de prix. Et au bout du compte, si un jour arrivait où elle devrait dépenser tout son argent pour survivre, elle le ferait probablement.

"Tu l'auras dans la journée." Répondit-elle alors simplement en voyant le mercenaire partir. "J'attends mes résultats avec impatience." Une précision qui n'était pas utile, il savait comment était Livia. Exigeante, avec tout le monde, extrêmement impatiente et pas regardante sur les méthodes. C'était certainement pour ça qu'elle l'employait si régulièrement, il parvenait à atteindre le niveau d'excellence qu'elle attendait sans qu'elle ne doive surveiller par dessus son épaule en permanence.

Le dos tourné et attendant le bruit de la porte fermée pour agir, Livia caressait le revolver sur la table du bout des doigts. Un objet à l'ancienne qu'elle gardait avec elle depuis le Texas. Elle possédait bien toutes sortes d'armes plus modernes, plus sophistiquées, plus discrètes et moins salissantes. Mais celui-ci avait quelque chose de rassurant. Au bout de quelques minutes à réfléchir, le regard perdu dans le vide, elle entendit des pas dans la pièce adjacente. Il était encore là, à surveiller à travers le verre fumé, espérant percer à jour les allées et venues de la Donna. Laquelle poussa un long soupir en saisissant l'arme de sa main droite. Lentement, nonchalamment, elle en vérifia le chargement. Quatre balles. C'était bien suffisant.

Tranquillement, elle approcha de la porte pour voir la silhouette de l'autre côté s'éclipser sur le côté. "Maurizio ?" Elle ouvrit la porte, et, la main armée cachée derrière sa hanche, fit un pas dans l'entrebaillement. "Maurizio." Sa voix était calme, pour une fois, elle ne hurlait pas. Un bruit de pas pressant se fit entendre avant qu'elle ne tende le bras.

Quatre coups, sans pause, sans hésitation. Et un poids, lourd, tombant sur le sol.

Sans un mot, elle retourna dans sa pièce et posa le revolver sur la table, saisit la bouteille et avala un grande lampée de vin blanc. Après un soupir, elle s'assit, et entreprit de terminer son assiette de pâtes.

Livia. Liv’. Marraine. Donna. La Lombardi n’était pas comme tout le monde. Elle ne pouvait même pas l’être. Son rapport à l’argent était sûrement sa survie depuis toutes ses années. Khan n’exigeait pas autant de sa propre vie. Il ne pouvait pas de toute façon. Il était payer à ce qu’il faisait de bien. D’excellent, même. Tuer était comme une seconde nature. Sauf que c’était sa véritable nature. Sans éprouver le moindre plaisir, il se fichait bien de la victime. Tant qu’elle restait humaine, il acceptait toujours le contrat. Il ne le craignait pas. Peut-être était-ce parce que, sur le marché du mercenariat, il aurait été difficile de l’engager lui-même pour s’abattre. Logique brutale. Il était le meilleur sur le marché. Et elle avait ses faveurs.

Il avait hoché de la tête à Maurizio. Comme toujours, ce dernier fulminait. Il ne semblait pas au courant, ce qui devait le rendre malade. Le Guerrier se demandait même si le Lombardi ne développait pas quelques ulcères d’angoisse, voire même des cloches à force d’en faire les cent pas. Sûrement connaissait-il chaque pavé par cœur.

Il n’avait même pas bronché alors que quatre coups de feu retentirent. Les hommes avaient sursauté, s’étaient tous relevés d’un bond et couraient déjà vers l’arrière-salle. Il savait déjà ce qui s’était passé. Elle avait finalement pris la bonne décision de l’abattre. Maurizio ne serait plus de ce monde. Sûrement qu’elle devrait répondre auprès de Naples. Il s’en fichait bien. Il ne lui devait aucun compte. Elle ne lui devait rien.

Au moins serait-il débarrassé du cafard qu’était l’Italien.