La balade des gens heureux. [Pv : Choupette]

Entre ta pute de mère et mon enfoiré de père, imagine ce que donnerait les repas de famille le dimanche ! Shi-hi-hi-hi-hi !

Cela valait largement le coup de prendre trente secondes pour y réfléchir, un vrai carnage sans aucun doute. Ils n'atteindraient pas le dessert que l'entièreté de la table volerait à travers la pièce, sous les hurlements et insultes proférés par son géniteur, qui aurait dégoupillé comme à son habitude après avoir picolé tout du long du repas. Il n'avait évidemment que des souvenirs erronés de son père, des bribes d'images et de moments que sa folie voulait bien lui faire voir, et croire. Mais il croyait dur comme fer et ne se préoccupait jamais que ses souvenirs soient différents du jour au lendemain. Il ne s'en rendait même pas compte. Cette fois, l'image du père alcoolique et autoritaire brillait de mille feux, un trou du cul de vieux cinquantenaire, le visage dur et le passif lourd, buvant pour oublier comme on dit. Frappant sur sa femme le soir, hurlant sur son fils le jour et désagréable au possible avec les invités. Il aurait été contre ce repas mélangeant les deux familles et aurait tout fait pour le faire foirer, avec succès.

Des fois ma petite, il vaut mieux faire sans qu'avec des cassos pareils ! T'as pas eu de père ? Tant pis, t'es sans doute mieux sans lui !

Il était sincère, grandir avec un cadre familial complet ne suffisait pas nécessairement à s'épanouir correctement. La preuve, des deux, elle semblait bien plus saine d'esprit que lui dont la folie s'échappait du moindre de pore de sa peau recousue. Il entra son numéro de téléphone dans le répertoire de Choupette, s'inscrivant sous le nom de Taxi CriCri, pour le souvenir. Ce jour merveilleux où il avait fait la rencontre de la plus resplendissante des choses dans cette ville noyée par les ombres. Ils regagnèrent ensuite la voiture, véhicule qu'il comptait bien rendre à son propriétaire à la fin de cette course. Qu'il soit en train de pourrir dans son appartement importait guère, cet homme méritait qu'on lui rende son bien. Après tout, s'il n'avait pas eu à faire le déplacement jusqu'à chez lui pour le tuer, jamais il ne serait tombé sur cette fille. Jamais sa vie n'aurait pris un aussi bon tournant. Aussi, feu Roberto avait gagné le droit de récupérer sa caisse, ainsi l'avait-il décidé pendant qu'il conduisait en direction de chez Choupette.

Il commence à faire jour ici dis donc, ils vont être colère tes petits copains quand ils vont te voir débouler au petit matin héhéhé...

Il s'amusait de la situation, loin de prendre au sérieux la menace que représentait ces types mentionnait par la gameuse. « Tu crois ils vont me laisser monter chez toi pour qu'on se fasse une omelette ? L'omelette d'après soirée, la meilleure idée de l'humanité !! » Il en rêvait déjà, en baverait presque tellement le plat lui faisait envie. Il s'imaginait déjà y mettre du ketchup pour rendre le tout plus appétissant encore. « Au fait, tu sais cuisiner ? Non parce que moi j'ai regardé au moins une centaine d'épisodes de Hell's Kitchen alors je peux te dire que je suis calé ! » Il était lancé dans son monologue, ne prêtant pas attention à ce qui se passait à ses côtés, ne remarquant pas les larmes couler le long des joues de sa copine. « Oh ce moment où il hurle dans toute la cuisine, WHERE IS THE LAMB SAUCE ?! C'est juste épique ! SHI-HI-HI- euh ça va pas ? » Il avait compris que quelque chose n'allait pas au moment de se tourner vers elle, qu'elle lui demande de s'arrêter confirma ses craintes.

Il l'observa descendre en trombe de la voiture pour vomir ses tripes et bien plus encore sur le trottoir, un air compatissant sur le visage. Quand elle remonta s’asseoir à ses côtés, il lui passa une main dans les cheveux avant d'ajouter d'un air désolé. « Excuse-moi, je savais pas que la cuisine te faisais cet effet... Je suppose que ce sera à moi de me coller aux fourneaux du coup. Cuistot CriCri, héhé. » Complètement à côté de la plaque, pour ne pas changer, il remit le contact en marche et reprit la route « Évidemment que l'idée est pas conne ! Ma belle, quand on te propose d'échanger de l'argent contre de l'or, fonce hein ! » Oui, il était encore une fois hors sujet, mais il y mettait tout son cœur. La dernière déclaration de la brunette en revanche manqua de le faire s’étouffer. « Attends, mais tu connais ton père finalement ?! Je croyais que tu l'avais jamais connu ! T'as fais un test pour savoir si c'est vraiment lui c'est ça ?! » Il s'était mis à accélérer sans trop faire gaffe, heureusement pour eux la route était déserte à cette heure.

Au bout d'une quinzaine de minutes supplémentaires, sa partenaire lui signala qu'ils étaient arrivés. Il se déporta comme un sagouin sur la côté de la route, et grimpa sur le trottoir comme s'il lui appartenait. Là, il coupa le moteur et se tourna vers la jeune femme. « Taxi CriCri, terminus ! Nous sommes ravis de vous annoncer que la virée spéciale s'achève ici ! Nous espérons que vous aurez apprécié cette nuit et que vous saurez nous contacter pour bénéficier une nouvelle fois de nos services ! » Il agrémenta le tout d'un large sourire, langue tirée vers l'avant.