Hypnodancer ft. Stephan.

L'odeur de cigarette que charriait l’haleine du type à coté d'elle lui fit froncer le nez de manière désagréable. Le regard posé sur son portable, Tolstoï attendait devant un bar quelconque dans une foule bigarrée d'illustres inconnus. La jeune femme commençait à avoir froid, ayant mit une simple petit robe sans recherche - elle n'était ni tapageuse, ni du genre se fouler pour ce qu'elle pensait être un rendez-vous coquin - et son trench. Le cuir de ses bottes étaient cependant si ciré qu'elle pouvait s'y voir dedans ; une habitude.

Le groupe se densifia et elle prit soin de s'écarter un peu pour ne frôler personne, ne supportant pas vraiment les contacts qu'elle n'initiait pas en première. La musique était si forte à l'intérieur qu'on l'entendait depuis le trottoir noyé par les couleurs criardes des néons de l'enseigne du bar.

Elle se trouvait là un peu à cause de son collègue Dostoïevski qui lui avait conseillé une application de rencontre en ligne pour économiser du temps, puisqu'elle ne cherchait qu'à tirer sa crampe. Était-ce une bonne idée ? Un type avait matché avec elle par l'opération du Saint-Esprit - elle n'avait pas écrit grand chose sur elle, et les trois quarts étaient de fausses informations - et après une discussion un peu sommaire il fut convenu d'un endroit et d'un date de rencontre.

Quelques détails, ça et là, pour s'aider à se retrouver : lui avait les cheveux gris en mulet et portait des lunettes, était plutôt grand ; elle était petite, portait ses cheveux blonds en couettes, avec un trench noir. Elle lui avait dit s'appeler Danica, mais avait oublié le prénom du garçon. C'était un peu idiot, mais elle n'avait jamais vraiment eu la mémoire des noms. C'était quoi déjà ?

Tolstoï avait de l'avance et le bar n'était pas encore ouvert, aussi se contenta-t-elle d'attendre sagement en regardant ses messages, un peu désolidarisée du groupe qui attendait l'ouverture. Elle espérait que ce type vaille le coup qu'on l'attende....

Ça faisait une éternité qu’il n’avait utilisé cette application pour se trouver partenaire. C’était la première fois depuis ses 20 ans sans utilisation concrète, et le voilà, 4 ans plus tard, en train de marcher tranquillement vers l’endroit qu’ils avaient convenus ensemble pour un premier rendez-vous, bottes à la Doc Martens rouge cerise aux pieds. 418 avait un peu honte d’avoir flanché sur ses propres désirs, mais il était un peu tard pour reculer. Il pouvait toujours poser un lapin à cette fille, mais ce n’était pas son genre de briser une promesse, même s’il agissait d’une inconnue. Comment elle s’appelait déjà? Ah oui, son prénom était Danica.

Il se regarda dans le miroir noir de son portable pour voir si ses cheveux n’était pas trop ébouriffé par le petit vent du nord qui passait par la. Ils étaient nickels. 418 soupira de plus belle, il était inquiet de faire bonne impression, étrangement. Autrefois, il enchaînait les rendez-vous express juste pour pouvoir baiser comme un lapin, mais il faut croire que les temps changent. Il avait pris de temps de se changer après son quart de travail au pawn shop: Pantalon cigarette en jeans, Chemise à manche courte bleue marine avec son fameux perfecto en cuir noir qu’il aimait tant au dessus de tout ça, laissé ouvert pour avoir l’air décontracté. Avec ses lunettes et ses longs cheveux gris détaché, il avait bien l’air d’un hipster, mais c’était le style qui lui convenait le mieux.

Il arriva bientôt à l’adresse du bar. C’était la première fois qu’il s’y rendait, il ne voulait pas se tromper et chercher cette fille pendant des heures et être en retard. Heureusement pour lui, le bar n’était pas encore ouvert au public et une longue filée se tenait devant la porte, contre le mur du bâtiment. Il s’arrêta un peu avant pour revoir la photo de la fille qu’il devait rencontrer sur l’application furtivement. Il fait mine de regarder tout les visages féminins qu’il rencontrait un par un pour enfin croiser le regard de celle qu’il cherchait. Elle était bien plus petite qu’il pensait, mais ça lui était égal, même que ça lui faisait un petit velour à son coeur. Il marcha jusqu’à elle puis lui adressa la parole, un peu hésitant.

- Danica? C’est Stéphan.

Tolstoï était un peu perdue dans ses pensées, le regard posé sans vraiment de conviction sur un écran de téléphone qui noyait de lumière bleue son visage qui n'exprimait pas grand'chose. Le type à coté d'elle commençait à lui taper sur le système rien que par sa proximité - et les bruits de raclements de gorge qu'il faisait nerveusement - et elle poussa un long soupir en regardant l'heure ; elle avait vraiment de l'avance, par déformation professionnelle peut-être. La jeune fille fourra ses mains dans les poches de son trench et leva le nez pour regarder le ciel d'un noir d'encre de chine, bon moyen pour ne pas engager la conversation avec qui que ce soit. C'est alors qu'une voix la ramena un peu à la réalité et elle posa son regard clair sur un jeune homme qui collait à la description qu'elle avait reçu ; elle avait oublié sa photo, parce qu'elle était étourdie quand les choses ne concernaient pas le travail. Ce n'était pas quelqu'un de très précautionneux avec les autres, et qui manquait singulièrement de savoir-vivre parfois. Mais après tout n'était-ce qu'un coup comme les autres, n'est-ce pas ?

Il était plutôt joli garçon, avec un look un peu discutable mais elle n'était pas là pour faire l'amour avec sa garde-robe. La blonde le salua d'un bref signe de la tête, attestant sans fard d'une nature timide, un peu farouche. Elle lissa sa robe par réflexe, ne sachant pas trop quoi lui à part quelques banalités. Elle n'avait pas grand chose à dire et préférait s'abstenir de le prouver par quelques paroles creuses, mais savait qu'il fallait bien sociabiliser un minimum. Relevant le regard vers le jeune homme, la ruse le salua plus proprement :

"Salut, Stepan", elle se corrigea, son lourd accent lui jouant des tours, "... Stephan."

Avec un peu de chance, il était un peu plus doué socialement qu'elle et prendrait un peu les devants. La jeune femme n'avait pas l'air du genre fragile malgré sa timidité ; pas le genre de fille qui se gênait ou qui craignait les autres. Mais il y avait chez elle cette réserve qu'avaient les gens qui ne savent pas entretenir de relation. Peut-être aurait-elle du lui dire qu'elle était contente de le rencontrer, où qu'elle avait hâte de le connaitre, mais ce n'était pas vrai et Tolstoï affectionnait l'honnêteté plus que tout. Pour autant, elle se retrouvait directement dans un cul-de-sac, un peu mise à quia. Elle inspira et remit une lourde mèche derrière son oreille, avouant sans fard :

"J'suis pas douée pour la discussion", elle s'étira un peu, sentant son dos douloureux d'avoir attendu, "... j'peux faire un effort... 'connais pas le quartier, ni les bars. Tu viens souvent ici ?"

Question un peu bête, mais accroche comme une autre. Son lourd accent russe la désignait comme n'étant clairement pas du coin bien qu'elle n'accusa aucune nervosité de se retrouver sur un territoire qui n'était pas celui de l'Organizatya. Après tout, c'était juste un garçon qui rencontrait une fille croisé sur une appli... n'est-ce pas ?

418 lâcha un petit rire niais lorsque cette fille l’appela Stepan. Il trouvait ce nom un peu mignon, enfin, ça avait plus de charme que ce nombre qui lui collait à la peau depuis qu’il traînait avec les Dead Eyes. Il comprenait trop bien pourquoi on lui avait refilé cette étiquette, mais voilà, c’était plutôt rare qu’on l'appelait par son prénom, ou semblant de prénom, par les temps qui court.

Danica continuait de parler. Il ne fallait que quelques syllabes de sa part qu’on pouvait bien constaté qu’elle avait un accent russe, qu’elle venait probablement de Moskva et, du coup, qu’elle ne venait pas du coin. Elle n’avait pas trop l’air stressée d’être en terre inconnue, donc il n’en fit pas vraiment un cas pour l’instant.

-Ah! ça? Ce n’est pas trop grave. Je parlerai pour deux alors. dit-il avec un grand sourire mesquin, presque coquin.

C’était plutôt rare de voir des femmes porter le trench coat avec autant de classe. Le noir lui allait très bien pour une blonde. Une allure de femme fatale, quoi.

- J’habite dans les environs en fait, expliqua 418 à Danica, tout en la relookant de bas en haut, sans faire vraiment exprès. Je passe souvent devant ce bar et j’ai décidé que ce soir était le moment d’y aller.

Il souria bêtement, espérant que ce bar était aussi bien qu’il avait entendu rumeur de ses amis du Pawn Shop. Ils avaient souvent des goûts douteux en général, mais, mis à part un ami qui habitait Napoli, c’était ses seules références en n’importe quoi. Habituellement, il aurait choisi un endroit plus connu de sa part, mais les cocktails n’étaient plus aussi bon qu’à l’époque et le décor avait mal vieilli.

418 regarda devant, pour voir si la file avait bougé en avançon. Ça ne bougeait pas toujours pas depuis son arrivée dans la queue et le videur n’avait pas bronché. C’était le moment de causer sans être trop enterrer par la musique un brin trop forte et ne pas s’arracher la gorge. Un sujet…. Trouvons un sujet bien sympathique… Quelque chose de…

- J’espère bien que tu as l’habitude des bars, je ne voudrais pas te mettre mal à l’aise.

Il se retourna face à elle, question de bien voir son visage. Un visage clair bien angélique, à son goût, un peu triste, mis en valeur par la lumière des lampadaires clignotants de couleur de la rue. Il sentait une espèce d’aura intimidante autour d’elle, mais il ne savait pas trop pourquoi cette impression lui venait. C’était comme… une sorte d’auto-défense? 418 savait bien qu’il n’était pas vraiment la pour détruire cette aura… mais plutôt pour tenter d’entre ouvrir cette coquille le temps d’une soirée, non?

Tolstoï ne sut comment réagir face au petit rire du jeune homme face à sa gaffe. Elle ne releva pas, évitant de se faire des idées sur le fait qu'il pourrait peut-être se moquer de son accent. C'était surement juste une manière de discuter, ou de se montrer un peu séducteur... elle n'en savait trop rien. Il était mignon à vrai dire, même si elle n'avait jamais trop fréquenté ce genre de garçons. Les mecs avec qui la jeune femme passait son temps était en général moins bien apprêté, moins sociables aussi et... plus alcoolisés. Ça changeait, et ce n'était pas un mal même si la situation embarrassait un peu : elle était habituée à régler ses affaires en vingt minutes, pas à sortir prendre un verre. Elle lui offrit un bref sourire, délicat malgré sa nature un peu brute, quand il lui dit qu'il ferait la conversation pour deux.

"Pratique", dit-elle franchement lorsqu'il lui dit habiter dans le coin, "... on s'ra vite chez toi."

Un doute assaillit soudainement la petite blonde, assombrissant son visage. Etaient-ils là pour la même chose ? Elle craignit alors que Dostojewski lui ait joué un de ses tours pendables en lui refilant une vraie application de rencontres et pas juste un truc pour s'envoyer en l'air. Elle déglutit, laissant Stephan la regarder tout à loisir ; elle avait l'habitude du regard des hommes. Elle-même ne se priva pas pour le détailler, puisqu'elle était là pour ça, et que malgré sa réserve elle n'était pas timide avec le sexe opposé. La file ne bougeait pas et c'était peut-être le bon moment d'avoir le cœur net sur les motivations du jeune homme, ou de discuter un peu pour passer le temps même si elle n'était pas très douée à ce jeu là.

"да, j'ai l'habitude", répondit tout de go la blonde à la question posée, sans vraiment développer avant d'offrir à Stephan un petit sourire amusé, un peu carnassier, "c'est difficile d'me mettre vraiment mal à l'aise, Stepàn."

Disons qu'il en fallait beaucoup pour ce faire, mais elle n'était pas là pour lui déballer sa vie. Vraiment car l'attention des autres l'embarrassait un peu, mais rarement jusqu'à la mettre mal à l'aise. Tolstoï n'était pas vraiment curieuse de savoir ce que Stephan faisait dans la vie ou autre, ni même de connaitre ses goûts puisqu'elle était persuadée d'être en face d'un homme qui attendait la même chose qu'elle : aller boire jusqu'à plus soif et finir dans un coin, à l'horizontale ou à la verticale, ou en oblique, peu importait. Il lui fallait encore s'en assurer, histoire de ne pas se sentir stupide.

"T'es pas mal physiquement, mais...", elle se massa l’arête du nez, ayant l'air un peu fatiguée, "... cette appli', je l'ai jamais utilisé avant. C'est un truc sérieux ? Que j'me fasse pas d'idées."

Tolstoï espérait bien que non. La petite blonde bougonna un joli "blyat cyka" - merde, quelque chose comme ça - dans sa barbe, en russe, avant de reporter son attention sur la file qui commençait lentement à s’avancer. Ils étaient loin d'être les premiers cependant, la gêne pourrait donc être longue...

Bon, Il avait réussit à faire sourire Danica. C’était un bon début, elle semblait un peu froide. Mais pour aller droit au but, elle était quand même impressionnante. Le ‘’On s’ra vite chez toi’’ avait eu l'effet d’une bombe chez lui, malgré qu’il ne broncha pas devant cette réponse. C’est vrai qu’il avait mit son annonce en espérant rien de sérieux vraiment, mais la, c’était une autre paire de manche. Pour être honnête, c’était honnête, voir même sans filtre, ça méritait d’être clair. En général, c’était un peu plus complexe d’approcher une femme dans ce genre de rencontre sans payer pour ses services. Il fallait la mettre en confiance, l’inviter à quelque part de sympa puis si après discussion, les deux adultes consentants étaient bien compatibles, et bien il n’avait pas de problème à que le duo fasse l’amour. Pour lui, c’était comme les préliminaires, C’était une nécessité pour avoir du meilleur sexe. Il essaya de changer de stratégie du moment pour s’adapter au personnage qu’il avait devant lui.

Soyons honnête.

- Tant mieux alors, on discutera sans gêne.

Il se demanda à lui-même une chose: Est-ce qu’il était réellement vrai qu’elle était mal à l’aise devant rien? Souvent après ce genre de phrase se suit d’une série de moments vraiment malaisants qu’on veut oublier de notre tête. Il fallait donc s’entendre sur des limites. Puis, il vient cette question sur l’application qu’ils avaient utilisés mutuellement pour se rencontrer. Il fit un petit rire pour camoufler sa gêne.

Soyons honnête, il avait pensé un peu plus tôt.

-Ça dépend des gens qui l’utilisent. Personnellement, je suis plus du genre à dire ‘’Advienne que pourra’’.

Il n’avait peut-être pas utilisé des termes aussi crus qu’elle, mais 418 pensait son message clair sur le vif du moment. Mais l’était-il vraiment? Est-ce qu’elle allait penser qu’il cherchait à profiter du moment ou qu’il cherchait l’amour? C’était plus difficile qu’il ne le croyait, d’être franc avec Danica, mais c’était réellement ce qu’il pensait de cette rencontre: S’il était capable de faire quoi que ce soit ensemble à la fin de cette soirée, il serait content, mais il ne forcerai jamais la chose. La file s’avançait tranquillement maintenant. L’impatience de boire un verre pour oublier ses principes de vie était si désiré. Il avait des désirs charnels à assouvir, mais il n’arrivait pas encore à les dire directement. Ça faisait si longtemps que ce n’était que souvenirs lointain.

Stephan n'avait pas l'être d'être un type facile à décontenancer, ou alors était-il trop insouciant pour ça. Tolstoï appréciait les gens honnêtes parce qu'ils étaient une espèce rare à Decay, et offraient un souffle d'air frais. Elle-même était la franchise même sous ses airs renfrognés, et détestait le mensonge. Se retrouver face à un homme qui ne lui la ferait pas à l'envers - ce n'était qu'une supposition - la changerait de ses habitudes. En conséquence de quoi, elle eut un nouveau sourire un peu fantomatique. La jeune femme se frotta la mâchoire, l'air interrogative quand il lui dit qu'il discuteraient sans gêne. Était-ce vraiment utile ? Tolstoï eut un soupir amusé : quelle sauvage elle faisait, alors que Stephan faisait son possible. La sincérité du jeune homme lui assura qu'elle ne s'était pas vraiment trompée, ce qui était le plus proche de ce qui pourrait s'apparenter à un bon début entre eux. Si Tolstoï n'était assurément pas la plus bavarde ou la plus délicate des femmes, elle demeurait honnête et limpide : elle disait ce qu'elle pensait, elle pensait ce qu'elle disait.

la foule commençait à décanter sous le regard sévère du videur qui faisait entrer les gens en compte-goutte. Les mains dans les poches, la petite blonde avança avec le mouvement, se demandant que ce vaudrait leurs alcools. Elle n'aimait pas les cocktails - trop de sucre gâche le goût de la vodka - et la plupart des trucs qu'elle buvait avait soit le goût de l'alcool à brûler ou de l'eau savonneuse ; la soplica polak lui avait assurément défoncé le palais à force de beuveries intempestives.

"Advienne que pourra ?", reprit-elle avec un air un peu surpris avant de lui avouer : "je parle pas très bien anglais, comme tu vois. Tu expliques ?"

A vrai dire, ce n'était qu'une demi-vérité car son anglais était plutôt bon mais il lui arrivait encore d'avoir quelques ratés, éduquée par Pouchkine uniquement dans la langue natale du vieux gangster. L'anglais était venue après, comme une détestable nécessité pour ces russes au cœur, acceptant difficilement ceux qui ne parlait pas la langue de la Mère patrie. Tolstoï se demanda alors, comme Stephan l'avait craint, s'il cherchait l'amour - dans ce cas il serait déçu - ou simplement une aventure - dans ce cas il serait peut-être contenté. Lasse d'attendre et rendue pressée de boire en raison du contexte un peu spécial de la situation, elle saisit la main du jeune homme pour le mener à sa suite. Elle avait une bonne pigne pour une fille de sa taille, ferme et un peu brutale, qui ne tremblait pas.

"Davaï, davaï ! Cyka blyat !", claironna la blonde en dépassant un couple qui les précédait, glissant dans le bar au nez et à la barbe du videur qui ne trouva comme parade que de lui gueuler un peu dessus, recevant en réponse le geste le plus élémentaire qui soit et ce en toute les langues : un doigt d'honneur.

Peu importait, pourvu qu'ils entrent et cessent de faire le pied de grue avec les autres. Elle avait traîné Stephan à l'intérieur sans vraiment lui demander son avis, et le poussa un peu en avant parce qu'elle pensait qu'il connaissait les lieux.

"Tu cherches la place, chuvak", glissa Tolstoï en faisant le tour de la pièce du regard, marchant derrière Stephan.

(Chuvak = mec, mon gars.)

Ce n’était pas l’idée la plus brillante d’avoir utilisé une expression pour s’exprimer. En plus que la femme qui lui servait de partenaire avait un lourd accent, qu’il trouvait toutefois adorable et exotique, il n’avait pas pensé sur le coup qu’elle ne comprendrait pas faute de langue. Il prit quelque secondes avant de s’expliquer plus clairement.

-Cela veut dire que je cher- Woah!

Danica lui avait pris la main d’une bonne prise avant de s’avancer dans la foule. Elle était plus forte de ce qu’il pensait, la petite.Un peu surpris, de ce pas, il n’avait pas vraiment le choix de la suivre. Durant tout ce chemin jusque dans le bar, il évalua sa première impression qu’il avait d’elle. C’est une petite femme oui, mais avec énormément de caractère et ne tourne surtout pas autour du pot et il ne faut surtout pas tourner autour de pot avec elle. Après quelques échanges un peu violent, Ils étaient enfin dans le bar et c’était la tâche de 418 de trouver une place. Bon, les meilleurs places étaient déjà prises, faute de ne pas avoir été la aussi tôt que les autres. Il fit un petit tour du bar du regard, puis trouva un beau petit coin. C’était pas trop loin du bar, avec une banquette en simili cuir bleu installé au mur, petite table ronde juste en face. C’était propice au rapprochement, d’être côte à côte. Il se retourna vers sa partenaire, puis fit un coup de tête en signe de le suivre avec un autre de ses sourires un peu innocent.

-J’ai trouvé une place, Suis-moi. dit-il en ajoutant un petit clin d‘oeil en fin de phrase.

À son tour, il lui prit une main tout doucement, en prenant soin d’entrelacer ses doigts avec les siens. Comme ça, elle ne pourra pas s’enfuir trop vite, tout en la gardant près de lui. Il n’y avait pas assez de gens pour devoir diviser la foule, donc ce fût assez rapide pour se rendre à la place voulue. 418 lui laissa le choix de s’asseoir en la laissant prendre place d’abords.

- Je te commande quelque chose, ma chère? Je te paie le premier verre.

Il pensait toujours à sa réponse qu’il n’avait toujours pas balancé, mais voilà, il était un peu tard pour en parler maintenant, question de timing.

Passer du temps avec un homme, c'était pour Tolstoï comme nager les yeux fermés jusqu'à heurter quelque chose : pas nécessairement une bonne idée mais ça donnait parfois des résultats incongrus, quand pas intéressants. Elle ne se faisait pas vraiment d'illusion sur son rapport au sexe opposé parce qu'elle consommait les hommes plus qu'elle ne les fréquentait, toujours pressée, toujours à la fois distante et affamée. Son allure et sa petitesse les faisaient souvent se tromper, la voyant comme une sorte d'adorable merdeuse en mal d'autorité là où elle avait en réalité tout de la prédatrice, de la femme fatale ne formulant jamais la confirmation de ses émotions. Suivant Stephan à l'intérieur du bar, la blonde se demanda si lui aussi allait se fourvoyer sur son compte et la trouver mignonne ; l'idée lui tira un sourire sans joie tandis qu'elle se trouvait derrière lui quand il chercha une place. Les gens jugeaient souvent sur les apparences, et elle n'était elle-même pas étrangère au raccourci.

Tolstoï embrassa la pièce d'un regard d'ensemble, sans revenir à la phrase écourtée de son compagnon du soir ; il y reviendrait s'il en ressentait le besoin. Elle se contenta de le suivre sans rien dire lorsqu'il lui désigna l'endroit choisi, ne réagissant pas vraiment à son clin d’œil. Mais qu'il entrelaçait ses doigts avec les siens de cette manière si familière la partagea entre deux idées : celle qu'il n'était pas timide, ce qui était un bon point, et celle qu'elle lui aurait bien mit une droite parce que c'était elle qui décidait quand il y avait contact ou pas. Elle retira prestement sa main avec cette force qui la caractérisait avant de s’asseoir sans demander son reste.

"Je préfère payer ce que je bois", répondit-elle bille en tête.

La jeune femme n'était pas vraiment du genre à apprécier la galanterie, parce qu'elle s'en faisait une idée un peu négative : si on lui offrait quelque chose, elle se sentait comme une pute et préférait qu'on sache qu'elle était indépendante financièrement. Peu être aurait-elle du remercier ou s'excuser, mais rien ne vint ; ce n'était pas son genre. La blonde réfléchit un instant à ce qu'elle allait boire et se demanda ce que prendrait Stephan car pour elle, le choix d'une boisson était parfois révélateur de détails de la personnalité et le jeune homme lui était assez mystérieux pour le moment.

"Un Black and Tan", dit-elle en croisant les jambes sous la table avant de claquer des doigts la main levée pour héler un serveur, "et toi ?"

Elle n'aimait pas les trucs sucrés ou colorés, rien qui avait l'air d'être un cocktail pour pétasse. Un cocktail qui mélangeait bière blonde et strout était très bien. De toute façon, elle avait pris une cuite en buvant du parfum en début de mois, parce qu'elle n'avait pas à ce moment l'argent pour faire un barathon. Mais pour l'instant elle était financièrement renflouée et comptait bien en profitait.

"Davaï Stepàn, qu'est ce que tu racontes sur toi ?", demanda finalement la jeune femme pour essayer de faire la conversation.

Sa première tentative de contact fût refusée. Un bon coup sur l’orgueil, mais ça allait bien aller, enfin, pour l’instant. 418 ne savait pas du tout comment approcher Danica, si différente des femmes qu’il approchait normalement. Elle semblait indépendante, même trop indépendante, alors que lui, s’était autre chose. L’écart entre sa partenaire et lui, c’était le jour et la nuit, entre chien et chat. Malgré cela, il essaya de ne pas baisser les bras. Le défi semblait bien haut, car pour lui elle était difficile à atteindre, mais il suffisait simplement de choisir une nouvelle stratégie et cela lui titillait sa curiosité. Cela allait être plus complexe de jouer avec sa proie sans devenir proie lui même.

- Ah, désolé.

Il fit un sourire, un peu malaisé. Il proposait de payer son verre seulement pour être gentil avec sa compagne, pour avoir une impression de Nice Guy. Au fond de lui, c’était même blessant, mais bon, il savait bien que c’était l’indépendance de la dame qui répondait à sa place.

Maintenant, Il fallait penser à sa commande de son premier verre d’alcool. Il n’aimait pas vraiment la bière et ce n’était pas tant l’endroit pour boire du vin. Se diriger vers le cocktail était le meilleur choix. Par contre, il sentait une certaine pression comme sa réputation allait y passer si il ne choisissait pas la bonne chose.

Pense vite, pense vite.

- Euh… Ça va être un Bloody Ceasar.

Un cocktail à base de Vodka et de jus de tomate et palourde n’était pas si mal. Un peu coloré avec son rebord de sel et sa typique branche de céleri, mais ce n’était ni sucré et épicé à souhait. Il y avait une bon pourcentage de finir avec un Bloody Mary à la place, car une majorité des bars ne l’offrait pas, mais ça ne lui dérangeait pas trop. Ça se ressemble au final.

Sur ce, Danica l’avait encore appelé Stepan en parlant de lui. C’était si mignon, cet accent, mais est-ce qu’elle avait vraiment un intérêt réel? Il lui répondit avec un ton humoristique.

- Hmmm… Je suis Stephan et j’ai 24 ans. Je suis natif de Decay et... je travaille dans une boutique d'électronique.

Ouais, une boutique d’électronique pour ne pas dire un Pawn Shop tenu par un gang de fou d’informatique un peu trop débile sur l’effet de boosters de tout genre 24 heures sur 24… Il faisait partie de ce gang, donc il ne devrait pas trop penser en mal d’eux, mais c’était quand même leur réputation, aux Dead Eyes.