Chapitre 2 : La Corporation
Decay
Decay, destination de tous les possibles, terre en friche où fourmillent les possibilités et l'argent facile, où chaque vice est accessible, chaque désir libre d'être comblé. L'île prospère, se vautre dans sa propre réussite, quand l'ouragan Isaac survint, balayant sur son passage les installations des gangs comme leurs prétentions. Et un nouveau groupe émerge des brisures laissées par la tempête, la Corporation. Forte de son budget, celle-ci s'invite en sauveuse, promet à tous une aide financière et humaine, des avancées conséquentes, pour une vie meilleure. Avides de pouvoir ou simples fantoches, qui sont vraiment les acteurs de cette entité inédite qui prétend étendre son influence à tout Decay.
11/10/2020 HRP
La Newsletter est sortie ! Beaucoup de changements au programme, par ici
11/10/2020 RP
Quelques semaines après la fin de l'ouragan, la Corporation dévoile son visage ! A lire par ici
12/09/2020 RP
L'ouragan Isaac s'abat sur l'île ! Pour en savoir plus, par ici
12/09/2020 HRP
L'event Hurricane est lancé ! Vous pouvez toujours le rejoindre par ici.
27/08/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
05/07/2020 HRP
Nouvelle newsletter et nombreux changements ! La lire ici.
30/05/2020 HRP
Nouvelle newsletter en cette fin de mai ! La lire ici.
30/05/2020 RP
Un nouveau système de réalité augmentée sort au Space Station Bar ! Participer ici
5/04/2020 RP
Le Carnaval de Napoli est lancé ! Extravaganza
8/04/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
18/03/2020 HRP
Ajout des missions et petite update de l'index !
28/02/2020 HRP
Deuxième newsletter ! La lire ici.
28/02/2020 RP
La Milice redouble de violence et est plus présente sur le territoire de Decay !
31/01/2020 HRP
Première Newsletter, bébé forum deviendra grand ! La lire ici.
31/01/2020 RP
L'intrigue "Paranoïa" a été lancée ! Par ici.
17/01/2020 HRP
Ouverture du forum ! N'hésitez pas à rejoindre le Discord !
Il parait qu'une jeune fille a été aperçue allant dans les égouts. Depuis, elle n'a plus donné aucune nouvelle d'elle. Une nouvelle victime des monstres vivant dans les égouts ?Une vingtaine de serpents en liberté auraient été aperçus sur les Docks. La Triade en sueur.On déplorerait trois morts suite au dernier barathon de la rue de la soif.À Kabukicho, des rumeurs sur l'affaiblissement des effectifs du clan Oni commencent à poindre. L'absence de Yokai se fait-elle enfin ressentir ou cela n'est-il que le fruit de l'imagination de quelques résidents ?Une certaine Shrimpette serait en train d'écrire une fan-fiction sur certains membres de Decay.On dit que l'ensemble du corps d'un certain mercenaire travaillant pour la Triade serait entièrement recouverts de ses nombreux crimes. Une dizaine de cadavres auraient été découverts, au cours du mois de Janvier, sur les Docks. Certains évoquent un règlement de comptes. Un tout nouveau malware parcourrait la toile, déguisé sous la forme d'un logiciel à première vue inoffensif. Il installerait une backdoor sur les machines infectées. Pour quelle raison ? Cela reste un mystère. Une femme vagabonde à la chevelure d'un noir profond et aux yeux écarlates prendrait en charge des malades et blessés au travers de Decay pour une misère, offrant une alternative médicale à celle dispensée par l'Église. Fin Janvier/Début Février, une course de rue, en pleine nuit, aurait conduit certains hommes hors des pistes. Plusieurs voitures seraient sorties de la route suite à un « conducteur fantôme ».
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"Ryuuji et Usui sont sur un bateau..."
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Il marchait sur un fil ténu, prêt à plonger à tout instant vers le sol. Chuter de se brûler les ailes à trop de soleil froids... Les souvenirs le hantaient plus souvent qu'avant, comme si les semaines qui se changeaient en mois rendaient moins supportable l'évidente solitude glacée, d'abord anesthésiée puis désormais à vif. Il avait fini la veille sa dernière gélule de sa dernière ordonnance. La douleur physique devenait plus supportable mais qu'en était-il des plaies de l'âme ? D'aucunes n'auraient pu ainsi disparaître et, à l'image des bandages qui protégeaient l'évidence, il tentait de masquer par son sourire tous les doutes qui l'harassait sans relâche.
Alors, lorsque l'invitation était tombée sur son portable, il n'avait pas tant hésité face à la proposition d'aller boire un verre de la part de Ryuuji dont il n'avait finalement pas pu prendre des nouvelles depuis le speed-dating. Il ignorait ce qu'il cherchait vraiment : il n'était pas si proche de ce doux Yakuza aux traits gracieux, pas autant qu'il l'aurait voulu. Ryuuji avait toujours été doux avec lui, gentil. Alors, lorsqu'il avait répondu qu'il acceptait et que son correspondant lui avait donné l'adresse, Usui avait su qu'il était trop tard pour finalement décliner.

Pourquoi fallait-il que ce soit Moskva ? Pourquoi est-ce que son coeur s'arrêtait chaque fois qu'il quittait Kabukichô pour passer dans les rues éclaboussée de néons multicolores ? Il aurait aimé être capable de refuser finalement tandis qu'il se frayait un chemin dans la circulation dense de début de soirée. Son coeur serré à l'étouffer, il avait finalement prit un chemin familier le long des boulevards aux immeubles scintillants des publicités sur grand écran. Les lumières artificielles qui bouffaient la nuit donnaient des couleurs à ce qui était terni par l'absence. Il s'arrête, machinalement, devant ce club où il était si souvent passé récupérer Silvia... Qu'espérait-il ? L'apercevoir ? Ou au contraire être certain de son départ ? il ne savait pas vraiment, levant les yeux sur les lumières de toutes ces chambres où s'activaient les prostituées contrôlées par le proxénète local. Ses doigts gantés de noir se serrèrent sur le guidon de son scooter, le cuir crissant sur les poignées. Son casque de moto orné d'un oni et de chrysanthèmes cachait son expression tandis qu'il observait en silence pendant de trop longues minutes... Il était trop en avance de toute manière. Son rendez-vous avec Ryuuji n'était que bien plus tard. Etait-ce pourtant raisonnable de s'attarder ? Son regard abîmé de douleur remarqua le mouvement de l'une des filles qui essayait de rabattre les passants solitaires pour les persuader d'entrer... c'était sa chance.

Le moteur se coupa devant la célèbre rue de la soif et il gara son scooter à l'abri, plaçant l'antivol, laissant son casque dans le coffre. Il ne payait pas de mine, avec son blouson de cuir brun élimé, sa chemise noire et son jeans ordinaire. A son côté pendait toujours la même éternelle besace de cuir noir usé où dansait le porte-clé d'Ace et dont il ne se séparait plus. La douleur dans sa poitrine, insupportable, ne saurait être ignorée : il étouffait littéralement de ce chagrin ravivé. Pourquoi avait-il demandé à cette fille qui l'avait aussitôt reconnu ? Pour en avoir le coeur net ? Pourquoi, lorsque le proxénète était sorti brusquement, lorsqu'il l'avait vu porter la main à son flingue et lui gueuler de dégager avait-il comprit ce que Silvia avait voulu lui cacher ?
Il aurait voulu être trop idiot pour comprendre l'évidence. Trop naïf. Les mots de la prostituée russe tournaient dans sa tête jusqu'à la nausée : "On ne l'a pas revue mais le boss, il..." Elle n'avait pu finir, effrayée par l'arrivée impromptue des gorilles et du patron des lieux. Usui ferma un instant les yeux pour se calmer, pour se fondre à nouveau dans l'ordinaire souriant des gens qui sortaient simplement boire un verre entre amis... Pourquoi devait-il avoir la sensation de sombrer ? Il s'enfonça dans le bar où Ryuuji avait proposé de le rejoindre. Il ne buvait pas mais ce soir, le chagrin était trop vif, mâtiné de la terreur de se voir braquer d'un flingue en lui gueulant de foutre le camp. Il ignorait s'il n'aurait pas préféré que le mafieux lui tire dessus. Encore cet instinct de survie... Il n'avait pourtant plus rien à perdre.

L'Etoile Rouge était un bar tout ce qu'il y avait de plus classique en dehors de tables de billards, de fléchette et de la petite télévision au dessus d'un comptoir patiné qui diffusait cette fois-là une course hippique quelconque. L'endroit était étrangement calme, comme atemporel : ni vieux ni récent, simplement hors du temps et le grand type peu bavard derrière le zinc vint simplement prendre la commande d'Usui quand ce dernier se laissa tomber à l'une des banquettes de cuir, derrière la grande baie vitrée qui ouvrait sur la rue et le défilé des voitures comme des piétons. Une bière blonde pression, s'il vous plait. Glissa la voix atone et rauque du brasseur, dont le regard s'était perdu dans le ballet incessant. Il abandonna quelques dollars au barman qui grogna quelque chose en lui ramenant sa commande quelques instants d'après. Trois types patibulaires tentaient un billard et deux autres papotaient en russe. Personne ne fit attention à lui. Dans ce décors et cette tenue, si l'on oubliait ses traits asiatiques, Usui n'avait rien du japonais formel et policé qu'il était habituellement, comme une autre facette de lui-même.

La bière avait eu le temps d'être finie, ne laissant que quelques traces de mousse sur le verre. Il avait été là bien plus tôt que prévu finalement mais ce n'était pas si important... Le menton posé dans sa paume, l'alcool avalé trop vite reposait un peu ses méninges, arrondissait les angles, rendait l'air moins épais, moins douloureux à inhaler. Il se sentait mieux sans pouvoir dire qu'il se sente bien. Ce n'était pas plus mal, il aurait encore été une source de problèmes pour son entourage. Il ne parvenait à rien de constructif.... Alors, lorsqu'il avisa enfin Ryuuji, il se contenta de lui faire un signe. Il n'avait qu'ouvert son blouson sans le quitter pour autant, tour à tour glacé et brûlant. Voir un visage amical cependant lui monta au lèvres un sourire moins feint. Isshiki-sama ! Bonsoir. C'est un plaisir de vous revoir. il s'inclina légèrement, sans se lever, pour ne pas attirer l'attention. Ils n'étaient pas à Kabukichô après tout... Et Usui avait étrangement bien connu ce quartier finalement. Il ne s'y sentait pas chez lui mais au moins était-il à l'aise, captant parfois la signification d'un mot dans les conversations feutrées qui les entouraient. Comment vous portez-vous depuis le speed-dating ? Il sourit encore, de ce drôle de sourire un peu bizarre, à la fois réel et faux. Penser à cela le renvoyait à Ace et ce n'était pas non plus un sujet auquel il avait directement envie de penser. Il tripota son porte-clé sur la hanse de sa besace, posée à côté de lui sur la banquette. Ca fait bizarre de se voir en dehors de Kabukichô...

Moses.

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Quand bien même Ryuuko était une femme fortement maladroite avec les gens du même sexe, elle était autrement une personne sachant gérer ses relations sociales. C’était assez naturellement qu’elle avait invité Usui à boire un verre : elle voulait faire plus ample connaissance et leur changer les idées. La travestie ne prétendait pas comprendre ou connaître les tourments du brasseur. Il ne fallait cependant pas être aveugle pour sentir la morosité de ce dernier... Par ailleurs Ryuuko avait également besoin de se détendre. Le décès de Lex et de l’Oyabun en un si court laps de temps, sa promotion et les sourires vides d’Akemi rendaient les journées de boulot épuisantes. La japonaise avait pris congé un peu plus tard que prévu après une dernière course pour son patron. Une inclinaison et dix adieux plus tard elle montait dans un taxi en direction du bar qu’elle avait indiqué à Usui. Par conséquent elle n’avait pas changé ses vêtements, toute de noir vêtue avec son costume, sa chemise, sa cravate et ses chaussures de ville. Cela n’avait pas vraiment d’importance : c’était comme un nomikai bien qu’ils n’étaient que deux. La kyodai avait choisi un lieu en dehors de Kabukichô ; elle n’avait pas envie de croiser des collègues ou risquer de rencontrer Akemi. C’était un petit quartier, après tout.

Arrivée aux abords de l’Étoile Rouge Ryuuko revêtit son plus beau sourire, sincèrement ravie du moment à venir. Elle savait qu’Usui ne buvait en principe pas d’alcool aussi elle espérait que cela ne l’empêcherait pas de s’amuser avec elle qui, à l’inverse, en consommait beaucoup trop. Une fois à l’intérieur la japonaise détailla rapidement l’ambiance russe et les banquettes en cuir, cherchant du regard un visage familier. Elle tomba rapidement sur le brasseur qui lui faisait signe.

« Bonsoir, Kakei-san, dit-elle en anglais pour les mêmes raisons que son interlocuteur évitait de trop s’incliner, merci d’avoir accepté l’invitation. Ça me fait énormément plaisir. » Elle abaissa poliment la tête d’un mouvement discret et s’assit face à Usui. « C’est vrai, il faut dire qu’aucun autre quartier ne ressemble à Kabukichô. »

Cela rendait toujours les rencontres bizarres, avec une atmosphère fondamentalement différente de leur zone japonaise. C’était néanmoins précisément pour cette raison que Ryuuko avait voulu venir ici. Et puis la proximité avec leur quartier résidentiel rendait l’endroit relativement calme. La travestie leva la main pour appeler un serveur et commanda une bière. Elle se tourna rapidement vers Usui.

« Vous reprenez quelque chose ? »

Elle souriait gentiment, probablement avec plus d’enthousiasme qu’à leur dernière rencontre ou Akemi était présent. La yakuza plaça une mèche derrière son oreille étira son sourire dès lors que le serveur s’éloigna. Ses yeux captèrent le mouvement machinal d’Usui sur sa besace.

« Oh ! Quel mignon porte-clef ! Vous ne l’aviez pas la dernière fois, n’est-ce pas ? » Elle posa un regard se voulant complice sur le brasseur. « Un cadeau ? »
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Il inspira doucement, appréciant ces retrouvailles. Après tout, Ryuuji avait été quelqu'un d'attentionné et de prévenant. Il était bon de voir un visage amical dans la tempête sentimentale qui agitait sa poitrine. Ce soir, il faudrait encore faire semblant. Mentir. Garder la tête froide. Et pourtant... Il n'en avait pas la force. Il voulait boire : pour oublier. Pour ne plus ressentir. Mais il y avait Ryuuji et il ne souhaitait non plus le mettre mal à l'aise. C'était un ami, plus précieux peut-être que ce qu'il voulait montrer. Ils ne se connaissaient pas autant qu'il l'aurait voulu et la venu du japonais lui arracha pourtant ce sourire rare et délicat. Le costard lui allait bien, en définitive. Son regard fatigué, cerné, passa machinalement sur le torse délicat, la ligne des épaules solides mais fines, les hanches à peine plus larges que la taille.

Je vais reprendre une autre bière. sourit-il doucement, tripotant toujours le porte-clé sans même s'en rendre compte. L'objet l'obsédait parfois, ne sachant pas vraiment que ressentir : était-il légitime à ce cadeau, finalement ? Il n'avait pas osé recontacter Ace. La honte lui bouffait le bide, assortie d'une culpabilité écrasante. Il s'était ridiculisé. Il serait idiot de rappeler un type comme lui et la preuve : ils n'avaient pas de nouvelles l'un de l'autre. C'était peut-être pour le mieux, non ? Qui pourrait s'intéresser à lui après ce qu'il avait fait ? Il avait tout foutu en l'air au lieu de simplement passer un bon moment.
Une nouvelle bière déposée devant lui, le brasseur remercia d'un signe de tête. Il avait adopté l'anglais sans y penser, jugeant cela plus prudent en plein Moskva. Il ne se sentait pas concerné par les gangs mais tenait à ne pas s'attirer inutilement d'ennuis. C'était plus simple, peut-être que de se penser capable de sympathiser sans les codes de politesse écrasant coutumiers. Il abandonnait étrangement vite ses habitudes, offrant finalement une facette de lui plus occidentale, plus accessible aussi peut-être au regard chaleureux de Ryuuji.

Soudain, la mention de Ryuuji concernant son porte-clé le fit violemment sursauter, retirant ses doigts de l'objet comme s'il s'était brûlé, plongeant ses mains jointes entre ses cuisses. Oh... Heu je... Pourquoi se sentir aussi mal ? Aussi coupable ? Il ne faisait rien de mal, après tout ? Il n'était pas obligé de dire à Ryuuji que le présent venait d'un autre homme, après tout... Akemi était bien gay et cela ne semblait pas gêner Ryuuji... Dangereuses pensées, plus dangereuses encore que de penser à Ace : Ryuuji semblait très proche d'Akemi... serait-il fâché s'il apprenait pour... Non ! Il devait se concentrer, sourire : c'était une soirée entre amis, pas vrai ? Le stress lui nouait la gorge et il la rinça sous plusieurs gorgées de bières, avalant presque la moitié de son verre cul-sec. Sa tenue pathétique de l'alcool lui montait déjà un très léger rose aux joues - à moins que ce soit la gêne ? C'est... un cadeau oui... au speed dating. Il esquiva le regard de Ryuuji, se sentant un peu soulagé par son astuce. Il avait rencontré autant un homme qu'une femme, après tout. Cela ne voudrait rien dire, pas vrai ?

Promenant ses doigts sur le verre de bière, y traçant des lignes dans la condensation qui trempait le verre, machinalement, il demeura ainsi quelques trop longues secondes avant de relever le regard, pour tomber sur les beaux yeux sombres du Yakuza. Ryuuji était vraiment beau dans ces lumières tamisées, avec sa nuque fine, son visage aux traits androgynes et ce petit grain de beauté hypnotisant... S'était-il attardé plus que de raison dans cet autre regard ? Vous êtes si délicat de visage... Et... vous n'avez pas de pomme d'Adam, c'est drôle... Il plissa légèrement les yeux, l'esprit cotonneux sans être pour autant ivre mais déjà un peu gris. Dangereusement observateur, ce petit brasseur au regard soudain étrangement intense tandis qu'il demeurait focalisé un moment sur le grain de beauté des plus charmant...
Tous les Yakuzas de votre clans sont-ils tous aussi beaux que vous deux ? murmura Usui, pensif, prenant une gorgée distraite de son verre. L'avait-il vraiment dit à haute voix ? Il n'en était même plus certain.

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Ryuuko s’étonna un instant mais ne dit rien, se contentant de sourire en voyant Usui commander une bière. S’était-elle trompée ? Elle était pourtant persuadée qu’il ne buvait pas… Avait-il confondu avec quelqu’un d’autre ? Cela était peu probable. La yakuza hésita à interpréter cela comme un effort pour boire avec elle, ce qui l’embarrassait, ou un mal être poussant à vouloir oublier, ce qui l’angoissait. Comme aucune de ces deux alternatives ne la satisfaisait, la travestie les dispersa dans son esprit en se concentrant sur des détails environnant. Comme le porte-clef de son compagnon. Ce dernier sembla hésitant à répondre et la kyodai se sentit bête : elle n’aurait pas dû poser la question. Le sourire d’Usui semblait vouloir balayer ses doutes mais sur ce point Ryuuko n’était pas dupe.

« Vous n’êtes pas obligé de répondre. Pardon d’avoir posé la question. »

Elle sourit à son tour avec cette chaleur réconfortante qui lui était propre pour indiquer qu’il n’y avait aucun problème. Chacun avait ses problèmes et ses secrets ; elle était bien placée pour le savoir. Malgré tout le brasseur lui répondit et cet effort lui fit plaisir bien qu’elle espérait qu’il ne se forçait pas trop. Elle ne voulait pas devenir cette personne mettant mal à l’aise les autres en essayant désespérément de s’en rapprocher.

« Je vois ! » répondit-elle avec un enthousiasme qu’elle eut du mal à contenir. Réalisant son ton dynamique et probablement un peu trop aigu Ryuuko baissa immédiatement les yeux en s’empourprant légèrement. « P-Pardon. J’étais juste ravie de voir que cela s’est bien passé pour vous, visiblement. M-Mais vous n’avez pas à m’en parler si vous ne le souhaitez pas. »

Cela étira son sourire d’une tristesse difficilement dissimulée. Elle voulait devenir son amie néanmoins elle demeurait étrangère. Elle serra ses poings sur ses cuisses. Courage, Ryuuko ! Certaines amitiés ne se construisaient pas en une journée. L’arrivée du serveur fut une distraction bienvenue et la yakuza pu reprendre son air badin coutumier. Ce n’était néanmoins pas un visage que le brasseur avait pu constater jusque là, en raison de la présence d’Akemi. La travestie était pourtant d’un naturel joyeux, en dehors de sa douceur habituelle. C’était davantage visible lorsqu’il n’y avait pas de femme aux alentours ; ces dernières la mettaient toujours dans un état de timidité extrême.
Ryuuko attrapa sa bière d’un air ravi, glissant ses doigts sur la surface humide avec délectation. Elle adorait cette sensation. Elle ne tarda pas à boire quelques gorgées avec enjouement. La bière d’ici n’avait pas le même goût qu’à Kabukichô : le goût du houblon était plus fort. Lorsque la japonaise reposa les yeux sur Usui, ce dernier la dévisageait. Elle pinça sa lippe avec gêne.

« O-Oui ? » dit-elle pour savoir si quelque chose n’allait pas.« J’ai de la mousse sur les lèvres ?! » demanda-t-elle en s’agitant d’un coup, comme paniquée, s’essuyant aussitôt d’un revers de la main. La réponse fut néanmoins tout autre. Ryuuko se raidit brusquement, les yeux ronds de stupéfaction. On tendait à facilement lui faire la remarque sur la pomme d’Adam. « Haha oui, c’est amusant, n’est-ce pas ?... » bégaya-t-elle avant de se dépêcher de boire pour dissiper son mal être.

Elle réfléchissait à toute vitesse, son breuvage descendant au fur et à mesure de sa réflexion. Il fallait changer de sujet, et vite ! La japonaise reposa son verre déjà à demi-vide sur son sous-bock sans oser regarder Usui. Son expression était intense. Puis, finalement, ce fut le brasseur qui amena ailleurs la conversation ; Ryuuko retint un soupir de soulagement et leva le menton pour poser ses yeux sur son interlocuteur. Troublée mais clairement flattée elle se frotta l’arrière de la nuque.

« N-Nous deux ? Vous parlez de Mishima-sama ? » Elle observa un ventilateur de plafond tourner tandis qu’elle considérait la question posée. Puis elle sourit avec un air navré. « Honnêtement, je ne suis pas au niveau du boss. Qu’il soit habillé en homme ou en femme, il me surpasse de loin. » Elle s’embarrassa soudain et regarda Usui. « N-Ne lui répétez pas, hein ? Ou j’en entendrais parler pendant des mois ! » ajouta-t-elle en rigolant. Elle posa ses coudes sur la table tout en gardant sa bière en main, cette dernière gigotant au rythme de ses balancements. « Mais non, nous ne sommes pas un clan de bishônen. » dit-elle en ponctuant sa phrase d’un sourire amusé. « Le boss ne vous harcèle pas trop ? Il peut être assez entreprenant quand on lui tape dans l’œil. »

Elle baissa les yeux, ses longs cils caressant sa peau. C’était un peu différent, ces derniers temps. Ryuuko ne connaissait pas la nature de la relation entre Akemi et Lex, mais elle voyait bien que cela l’avait profondément affecté. Portant le verre à ses lèvres Ryuuko espérait que ce genre de bagatelle pouvait l’aider à aller mieux.

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Usui était de ces personnes d'un abord difficile étonnant derrière le vernis d'une sociabilité qui n'était jamais qu'une façade. Si son regard se plissait sur l'accent de son sourire, ses prunelles n'exprimaient rien de ses joies ou de ses peines insaisissables qu'il ne partageait à personne par habitude ou par simple pudeur. Bien des gens n'avaient pris la peine d'abattre cette façade terne qu'il offrait à tout le monde, comme emmuré derrière le miroir sans teint de son absence d'émotions.
Il était, en outre, particulièrement peu à même de soutenir sans gêne des conversations, finissant toujours invariablement par trop en dire ou en contraire n'en dire assez. Il avait les affections difficiles et craintives d'un être profondément solitaire par essence, comme s'il craignait invariablement de blesser les gens à ses états d'âme et donc d'être rejeté. A être ainsi gentil avec tout le monde et à ne prendre paradoxalement parti pour personne, Usui n'avait aucun ami sincère qui puisse se targuer de le connaître. Comment considérer alors Ryuuji et Akemi, amis autoproclamés auxquels il ne savait pas vraiment comment croire vraiment ?

Il ne savait quand s'ouvrir, préférant un bavardage pire encore, induit par l'alcool qui ne l'aidait encore moins à paraître socialement adapté. Cependant les sourires sincères de Ryuuji touchaient quelque chose en Usui qui n'était jamais qu'un outsider en manque de tout. L'amitié comme l'amour se confondaient parfois dans cette tête de linotte qui ne savait que sourire malgré les lames qui l'écorchaient. Il avait les affections étranges, tortueuses, étrangement entières, profondément exclusives, presque un peu tordues peut-être par l'absence de repaires. Il n'était même pas jaloux : simplement profondément incertain d'être capable de se faire aimer.
Alors, quand Ryuuji n'insista guère pour le porte-clé, il se retrouva mis face au mur de ses propres contradictions. Un ami aurait eu le droit de savoir mais il ne laissait accéder à ses pensées, à ses secrets, baissant simplement la tête sur ses genoux serrés sous la table en formica noir.
Cependant, le sujet d'Akemi, bienvenue pour balayer tout ce qui pouvait les gêner mutuellement ne fit qu'ajouter à son trouble. La beauté de l'Oyabun, imprimée dans sa rétine depuis une soirée au clair de lune, abandonné sur la terrasse, entre les pans immaculés de son yukata défait...
Cette fois, Usui termina d'une nouvelle traite sa seconde pinte pour cacher le fard ardent qui rougit tout son visage jusqu'aux oreilles.
Hahaha... Oui n'aggravons pas la certitude de sa beauté... Son rire nerveux sonnait faux et le brasseur se mordit la lèvre inférieure, mis à quia par la mention de l'insistance du patron de Ryuuji.

Les gens qui lui tapent dans l'oe... HO ! Non... il n'a sûrement pas du tout ce genre d'appréciation pour m...moi... Bredouilla le brasseur, semblant s'en défendre, le visage toujours aussi rouge. La bière le maintenait dans cet état un peu trompeur où il se sentait animé d'assez de courage pour parler mais manquant cruellement de lucidité pour retenir ce qu'il aurait caché habituellement. Il se passa une main sur le visage, défaisant un bouton de sa chemise pour s'éventer de la main, sa gorge bandée se soulevant doucement. Il faisait chaud tout à coup ? La pensée d'Akemi dénudé n'était cependant pas étrangère à cet état éloquent. Je... C'est plutôt moi qui suis inapproprié... rougit-il en détournant son regard sur la baie vitrée, délaissant son verre vide sur lequel il pianotait du bout des doigts. Le menton sur sa paume libre, il s'accorda un instant pour se recomposer une contenance avant de tourner à nouveau son regard perdu sur Ryuuji... Pas un clan de bishônen, non, mais c'était troublant quand même.

Les doigts nerveux délaissèrent le verre pour retourner tripoter le porte-clé, semblant hésiter un instant à dire quelque chose. Il n'avait pas l'habitude de se confier sur quoi que ce fut à quiconque mais ce soir, ses émotions étaient bien trop complexes et embrouillées. Relevant ses yeux noirs, le jeune homme glissa d'une voix basse et presque... timide : Je suis désolé... Je n'ai pas l'habitude d'avoir d'amis, c'est... nouveau. Et je fais bien souvent fuir ceux qui m'approchent. Ne m'en voulez pas si... je me montre maladroit. Il prit une profonde inspiration, faisant signe au barman de les resservir, posant de nouveau les dollars sur la table. A vrai dire... il se peut... que j'ai voulu consoler votre patron et que et bien... Il se racla la gorge, toussant légèrement, la voix un peu étouffée par la honte. Nous ayons eu des relations un peu plus qu'amicales... Son visage s'enflamma d'un nouveau rougissement. J'espère que vous ne m'en voulez pas... Vous êtes si proches tous les deux que je... enfin... Je... rassurez-vous je n'interviendrais pas entre vous ! Il s'inclina brusquement en avant, profondément contrit. Est-ce que Ryuuji allait le haïr ?


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Ryuuko Isshiki
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LE DERNIER BAR AVANT LA FIN DU MONDE
♫ Telepathic Humans ♪


Le rire nerveux n’échappa pas à Ryuuko qui n’avait pas bu assez d’alcool pour être aveugle des petits détails. Naïvement la travestie songea juste au fait que l’attirance entre Akemi et Usui était peut-être réciproque. Cela lui étira un discret sourire sur les lèvres, n’en disant pas plus afin de ne pas être intrusive. Elle parvenait avec difficulté à trouver un terrain d’entente entre son désir de se montrer à l’écoute et prête à une relation amicale, et la distance nécessaire pour ne pas brusquer le brasseur.

« Vraiment ? » Elle posa son verre sur la table. « C’est dur de se tromper quant à ses attentions pourtant. »

Usui était-il mal à l’aise parce qu’il n’était pas attiré par les hommes ? La pensée traversa fugacement l’esprit de Ryuuko qui devint un peu plus livide. Elle voulut s’excuser et ouvrit la bouche mais le brasseur la prit de court en ajoutant quelque chose qu’elle ne comprit pas sur l’instant. Ryuuko glissa son index sur le verre humidifié. Comment pouvait-on être inapproprié pour quelqu’un ? Parlait-il de mérite ? Les yeux ronds de la femme en disaient beaucoup sur son incompréhension. Elle préféra se concentrer sur autre chose, le jeune homme visiblement mal à l’aise.

« Ça va aller ? » s’inquiéta-t-elle en le voyant s’éventer.

Elle but quelques gorgées, pensive. Avait-elle été indiscrète ? Maladroite ? Sentant le regard d’Usui se poser une fois de plus sur elle, la travestie glissa ses prunelles sur le côté, tentant de faire comme si de rien n’était. Ses intestins se nouèrent. Elle espérait que la supercherie ne serait pas compromise, le brasseur avait l’air perspicace et très clairement en bonne voie pour découvrir le pot aux roses. Retenant un soupir Ryuuko posa sa bière ; disparue. Elle contempla le vide de son verre une seconde, interdite. Elle leva la main pour attirer l’attention d’un serveur et n’eut qu’à secouer le contenant désempli pour que l’employé acquiesce d’un signe de tête. Ryuuko reporta alors son attention sur le brasseur, tout sourire malgré une gêne naissante. À sa grande surprise Usui reprit la parole, se confondant en excuses. Il était honnête et ses mots apaisèrent la japonaise. Elle sentait son ventre se décrisper peu à peu.

« Non, non, vous n’avez pas à vous excuser. » Ses lèvres s’étirèrent avec compassion. « Communiquer est un exercice difficile, même pour moi. » Le visage rayonnant, elle ajouta : « Et je ne compte pas vous fuir. »

Si l’aurait voulu, elle n’aurait pas proposé au jeune homme de la retrouver ici dans un premier temps. Son désir de faire sa connaissance était sincère. Leur relation n’était plus qu’une question de responsabilité vis à vis de la vie de l’autre : c’était une volonté honnête de se faire un ami. Ryuuko avait sentit dès leur première rencontre qu’Usui en avait besoin et ses palabres hésitantes lui faisaient entendre raison. Le brasseur demanda à son tour d’être resservi et cela augmenta le sourire de la travestie. Elle aimait boire, tout simplement. Et davantage en bonne compagnie. La suite des événements la surprit quelque peu : le jeune homme se confia… Sur une relation… Avec son patron ? Ryuuko écarquilla les yeux. Elle resta coi un instant avant de laisser sa mâchoire se décrocher. Quand, soudain, elle ne put s’empêcher d'interférer :

« J-Je… Pardon ?! »

Immédiatement Ryuuko agita ses deux mains pour protester. Son langage corporel tout entier exprimait la négation alors qu’elle s’expliquait :

« Mishima-sama et moi n’entretenons pas ce genre de relation. Absolument pas ! » Elle n’était même pas angoissée, car il n’y avait pas de stress à avoir : elle ne faisait qu’énoncer la vérité. Son comportement était plein d’assurance. « J’apprécie le boss en tant que patron, et en tant qu’ami bien que j’essaie de garder une distance professionnelle entre lui et moi. » Elle eut un rire nerveux. « Par ailleurs je n’ai jamais été attiré par un homme de ma vie, qu’il s’habille en femme ou non… Je n’ai d’yeux que pour la gente féminine. Et, d'ailleurs, quelqu'un m'intéresse en ce moment. Et ce n'est vraiment, mais vraiment pas... » Elle fit une croix avec ses bras. « ... Mishima-sama dont il s'agit. »

Elle inspira un coup. Ce fut désagréable : sa gorge était sèche à force de parler dans cet endroit bruyant. Malgré tout elle poursuivit :

« Sentez-vous libre d’avoir la relation que vous voulez avec lui. Cela ne me regarde pas. » Une seconde de silence. Sa curiosité prit le pas : « Enfin… Cela veut dire que… Vous portez un intérêt romantique à l’égard de Mishima-sama ? Ou ce n’était que… sexuel ? » Elle s’adossa tout à coup dans son siège, soudain embêtée. « Pardonnez ma curiosité, vous n’avez pas à me répondre si le sujet ne vous mets pas à l’aise. » Elle sourit. « Quoi qu’il en soit je ne dirai rien, ne vous inquiétez pas. »

Elle était bien loin de se douter que les péripéties amoureuses de son interlocuteur étaient plus complexes que cela.


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"Ryuuji et Usui sont sur un bateau..."
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Les bières commencent à s'accumuler, élixir doux amer, remède d'infortune aux cœurs brisés. Usui a retenu son souffle, les yeux rivés sur la table, la poitrine odieusement serrée de penser à cette nuit passée dans les bras adorés qui ne seront pas pour lui. Alors, lorsque lui parvient la négation si vive, ses épaules tressaillent et il ose relever le museau pour contempler le japonais qui se défend de cette bête affirmation, ce raccourci facile qui le laisse pantelant. Son coeur tambourine à ses côtes et à cet instant, son visage empourpré s'éclaire d'un sourire bien trop lumineux pour être honnête. Il aurait été ennuyé de convoiter quelqu'un déjà visé par un autre et cette pensée lui fait réaliser d'autant plus brutalement l'évidence : celle de ce désir d'autre chose qu'un peu de sexe désespéré. il est pourtant trop tôt, bien trop pour les choses galantes : son coeur écorché vif ne le supporterait.

Alors cette question de Ryuu tombe comme un couperet et brise le verre de ses illusions. Ses lèvres se pincent légèrement, son corps tremble un peu. Il boit pour se donner bonne contenance et aggrave la réalité : il est déjà trop ivre pour pouvoir mentir. Il soupire délicatement, essayant de se focaliser sur autre chose : sur le visage mobile du japonais en face de lui, sur l'affirmation d'avoir quelqu'un en vue... La personne qui vous plaît... est-ce Umino-san ? demande-t-il non sans candeur, avant de réaliser en voyant l'expression de Ryuuji... Ho heu... enfin... Je vous ai vu avec elle au Speed-dating et... c'est une connaissance d'enfance. Et heu... Il me semblait bien qu'elle serait votre type de femme. Il bredouille, gêné, réalisant qu'il est sûrement intrusif mais n'est-ce pas normal, entre hommes, de parler de ces personnes qui plaisent ? Il n'en sais trop rien, il manque de tous ces repaires pourtant évident. Disons qu'ils sont quitte pour les questions gênantes. Ryuuji semble avoir un faible pour les jolies femmes, comme il l'a déjà constaté au sushi bar. Peut-être est-il de ces Don Juan qui collectionnent les femmes comme l'on collectionne les papillons ? Il espère que non : Umino-san est une brave fille et personne ne mérite d'avoir le coeur brisé.

Il termine presque une nouvelle bière - combien y'en a-t-il eu et sa tête commence à tourner franchement. Il doit se calmer. Ralentir sur l'alcool. Ses joues sont rouges et ses pensées s'égarent et s'éparpillent. Il se rappelle la question de Ryuuji et son regard de chaton perdu se relève pour affronter les prunelles du yakuza. Je... c'est compliqué en réalité... Et un peu long à expliquer. Il se tord un peu les doigts, se mord la lèvre inférieure, succombe enfin à l'envie - non, au besoin ! - de dire la vérité. Mishima-sama ne s'en souviens pas mais... nous nous sommes déjà rencontrés lorsque je n'avais que... quoi ? treize ans ? quatorze ? Il a oublié, évidemment, parce que je n'étais qu'un élément du décors : il venait percevoir les dettes et traitait à l'époque avec mon Ojiisan... Moi je n'ai jamais osé lui parler. Pour lui dire quoi ? Que je voulais être son ami ? C'était ridicule, je n'existais même pas... Evidemment, il a fini par ne plus collecter nos dettes et je ne l'ai ensuite plus revu pendant longtemps... Il s'accorda un soupir, faisant danser le reste de bière dans son verre. Son regard s'assombrit, se faisant plus grave. L'alcool lui déliait la langue : J'ai rencontré une fille... Une prostituée des russes. Je suis tombé fou amoureux d'elle et nous avons été ensemble pendant neuf ans. Nous aurions dû nous marier cet automne après avoir réuni assez d'argent pour partir à Néo-Atlantis... Il y a... quelques mois maintenant elle a rompu. Elle a prétendu qu'elle avait trouvé un meilleur pigeon et qu'il l'emmenait à Néo-Atlantis... Mais je n'y croit pas. Sa voix se brisa complètement et il lutta contre l'envie de pleurer qui montait. Il devait rester digne. Sourire. Voilà, comme ça...

Qu'il était triste, ce sourire qu'il parvint à monter bravement à ses lèvres tandis que ses yeux pourtant rougis restaient secs. Lorsque je me suis réveillé à l'hôpital, que j'ai appris que c'était Mishima-sama et vous qui m'aviez secouru, j'ai cru devenir fou : pourquoi les kamis avaient-ils voulus que ce soit justement lui entre tous qui soit témoin de ma honte ? J'ai été... dévasté. Puis vous deux... vous avez été bons avec moi et j'ai pu enfin avoir l'impression d'avoir des... amis ? Un sourire : plus sincère, bien que tremblant. Il lui fallut puiser encore dans le courage liquide de son verre pour continuer d'une voix atone, plus douce. Lors du speed-dating, j'ai rencontré un drôle de type. Je pensais à ce moment là que mes sentiments pour Mishima-sama n'étaient que de l'amitié mais... lorsque j'ai réalisé que j'étais capable de me laisser draguer par un autre homme, lorsque nous avons eu... quelques moments plus intimes malgré le fiasco que c'était, j'ai compris que mes sentiments n'avaient jamais été animés par un désir d'amitié. Alors... lorsque je l'ai vu l'autre soir... tellement blessé, le coeur aussi brisé que le mien... Je n'ai pas pu contenir ce que je ressentais et rester impassible. Il glissa un pauvre sourire, les joues en feu. Il pouvait encore le ressentir, en fermant les yeux... retrouver le parfum de cette peau adorée, le son de cette voix qui l'avait poussé à la folie... Il est trop tôt... pour lui comme pour moi... Et je n'oserais jamais lui imposer mes sentiments, trahir mon amitié par désir égoïste. Nous ne sommes pas du même monde et sa seule présence me fait déjà bien plus plaisir que je le devrais. Donc... non, ce n'était pas que du sexe pour moi... mais c'en était sûrement pour lui et ce n'est pas si grave si ça le fait se sentir mieux...

Usui soupira, se sentant bizarre de réaliser qu'il venait de se confier sur son histoire pour la toute première fois. Et c'était douloureux mais aussi... libérateur ? Pardon, j'ai monopolisé la parole ! réalisa le brasseur, un peu affolé. Et si Ryuuji le trouvait méprisable ? Si l'aveu à mi-mots de la raison de sa tentative de suicide paraissait ridicule ? Des gens vivaient bien pire qu'une rupture... Mais derrière les mots pudiques il y avait pourtant la véritable raison : cette peur secrète de l'abandon et l'évidence de la plus abyssale solitude pour lui qui n'avait eu ni famille, ni amis.

Moses.

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Ryuuko Isshiki
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LE DERNIER BAR AVANT LA FIN DU MONDE
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Le nom de Sango arriva sur la table comme un éléphant entrerait dans un magasin de porcelaine. Ryuuko écarquilla grand ses yeux puis. Le serveur posa à peine le whisky sur la table que la yakuza l’attrapa pour la vider d’un seul coup durant lequel l’employé la fixa, désabusé. Elle lui rendit le verre vide en demandant avec un air navré « Un autre s’il vous plaît ». La femme n’avait pas vraiment réfléchi à son acte, agissant davantage par panique dans un acte presque auto-destructeur. Elle eut subitement chaud et elle s’éventa avec sa main, le visage fatigué.

« C-C’est vrai, nous en avions parlé. Elle m’a dit qu’elle vous connaissait. » Elle baissa les yeux, un fin sourire sur ses lèvres. Ryuuko avait l’expression des gens amoureux, le visage rouge de gêne. « E-Elle me plaît, oui. Nous apprenons à nous connaître pour le moment, je ne veux pas brusquer les choses avec elle. » Elle rit nerveusement en frottant l’arrière de sa nuque. « Haaa, vous êtes perspicace, Kakei-san ! »

Ponctuant sa phrase d’un autre ricanement coincé, la femme tourna vivement la tête en direction du serveur, ses yeux lui suppliant d’aller plus vite. Puis elle se remit face à Usui, les mains jointes sur le table avec un sourire décontenancé. Elle constate que le visage du brasseur est aussi cramoisi que le sien mais à ce stade de la soirée, Ryuuko n’y songea pas plus. Elle était elle-même dans un état d’ébriété certain à présent, son corps chancelant tout seul bien qu’elle demeurait assise, comme si elle ne tenait plus en place.

« Ce n’est pas un problème si c’est long, vous pouvez me le dire. Je ne le répéterai à personne. »

Elle hoqueta malgré tout ses paroles restaient douces. La kyodai demeurait patiente, son regard étincelant toujours de cette incroyable tolérance bien qu’elle s’affaissa un peu sur la table, la tête dans sa main et le coude sur le bois. Suspendues au lèvre d’Usui Ryuuko but chacun des mots d’Usui. Elle était trop ivre pour garder un visage de façade aussi ses expressions variaient d’une confession à une autre, alternant la surprise, la compassion. La tristesse. Son sourire se brisa alors qu’elle entendait le brasseur parler d’une femme qui l’avait abandonné, ne comprenant que trop bien les raisons véritables étant donné la ville dans laquelle ils vivaient. La yakuza se redressa lentement sans perdre son interlocuteur des yeux, clairement absorbée par son discours. Elle opinait parfois du chef pour attester de son écoute, ses traits déformés par une empathie douloureuse. Le sourire d’Usui était ce qui lui brisait le plus le coeur, si bien qu’elle se mit à pleurer silencieusement, laissant ses larmes couler sur ses joues et perler à son menton. Elle renifla alors que le jeune homme s’excusait, essuya commissures du revers de sa chemise puis hocha la tête.

« N-Ne vous excusez pas, Kakei-san. » Elle eut un rire nerveux, ses larmes ne cessant de couler. « Pardonnez-moi, c’est juste que… votre histoire m’a touché. »

Plutôt deux fois qu’une : il s’était confié à elle, pour la première fois. Ryuuko pouvait peu à peu voir le mur entre eux deux se briser. Elle ricana, de joie cette fois.

« Eheh… Vous m’avez qualifiée d’amie. » Elle avait l’air si candide avec ses traits sincèrement allègres. Puis, reprenant le sujet initial elle tenta de prendre une expression plus sérieuse. « Votre histoire de coeur avec Mishima-sama remonte à longtemps, alors. C’est assez beau. » Elle augmenta son sourire. « Cela est peut-être trop tôt mais vous avez le temps. Soyez là l’un pour l’autre. »

Elle se tut en voyant le serveur revenir avec son second verre de whisky. Une fois partit, elle poursuivit :

« Je ne peux dire s’il n’y a que le sexe, pour le boss, entre vous deux. Mais cela n’est pas éternel. Ce que je sais, c’est que parfois, pour gagner un coeur, il suffit de toujours être là. De donner des petites attentions. D’offrir des moments de rien. » Elle attrapa son verre. « Quoi qu’il arrive je serai là pour vous. »

Puis elle but une gorgée avant de poser son verre un peu violemment, perdant le contrôle moteur de son corps. Elle gloussa sans raison alors que sa tête se mit à tourner.

« Vous êtes quelqu’un de bien, Kakei-saaan… » Un hoquet inopiné s’échappa d’entre ses lèvres ; elle tenta de couvrir sa bouche mais avorta son geste en chemin, trop lente pour parvenir à faire quoi que ce soit. « C’est pour ça qu’elle vous a protégé… » S’affaissant sur la table Ryuuko posa sa tête entre ses bras croisés, son verre suspendu en l’air par sa poigne molle. Elle tenta de le porter à ses lèvres mais manqua de s’en reverser dessus : elle dût se redresser, boire, puis se remettre dans sa position initiale. « Oui, vraiment quelqu’un de bien… Moi aussi… Moi aussi je veux vous protéger ! » Elle ricana. « Mais Mishima-sama le fera mieux que moiii… » Sans aucune raison, d’un ton plaintif elle conclut : « Umino-saaaan… »

La simple évocation de la belle Sango dans ses songes l’excitait sexuellement. Elle avait beaucoup trop bu. Avec une moue d’enfant boudeur Ryuuko tenta de penser à autre chose. C’était difficile : plus elle tentait d’oublier plus les pensées devenaient osées.

« Vous avez du succès, Kakei-san… Moi aussi je veux du s… »

Elle hoqueta, le moment opportun pour arrêter sa phrase.


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Il ne s'attendait pas le moins du monde à voir les larmes dans les beaux yeux de Ryuuji, perturbé de voir cette expression d'empathie sincère qu'il n'aurait imaginé lire sur le visage du Yakuza. Et ces pleurs le laissaient complètement démuni, comme chaque fois qu'il était confronté aux larmes. L'impulsivité naturelle habituellement masquée par le vernis des convenances rejaillit brusquement sous l'effet de l'alcool qui désinhibait tout. Sa main se tendit à travers la table pour tapoter celle de son compagnon de beuverie, avec une certaine maladresse. Quel genre de mec ferait cela ? Usui ne s'en préoccupait plus : faire semblant de ne pas être tactile était impossible à présent que l'alcool brouillait ses repères et il contempla son verre plein - il ne se souvenait pas en avoir redemandé un - en se demandant à combien de litres de bière il était. Ses doigts revenus dans son giron, il soupira doucement, avec ce drôle de sourire bancal. Je ne voulais pas vous faire pleurer... C'est seulement assez pathétique... Il soupira tout bas, maladroit, mal à l'aise, voyant les verres de whisky s'enchaîner pour son compagnon, un peu confus d'avoir appelé Ryuuji son ami sans même y penser. C'était bête, peut-être mais à voir la mine du Yakuza, il n'était pas tant à en rougir : il ne pensait guère que l'on puisse vouloir le lui alors cette simple remarque lui gonfla le coeur d'une reconnaissance pudique.

Les propos de Ryuuji lui réchauffaient un peu le coeur et il hocha la tête, sans trop oser espérer en réalité : qu'Akemi puisse être attiré par lui paraissait impossible. Il n'avait été que là dans un moment de faiblesse, où le corps à des besoins que la raison ne satisfait plus. Je ne sais pas, je préfère ne pas y penser... Il pourrait trouver quelqu'un de bien mieux sans le moindre effort. L'idée lui serra le coeur mais il combattait ses sentiments avec un sourire maladroit, plus mélancolique. Il était réaliste : il restait peu probable qu'il puisse plaire à un quelqu'un de si différent, de si important. Et puis quoi ? N'était-ce pas trop tôt ? Il avala de longues gorgées de bière, la tête de plus en plus embrouillée, l'alcool le rattrapant finalement presque trop vite : il avait dépassé la limite à sa tolérance depuis un moment maintenant et les effets l'assommèrent tout à coup, sans réelle griserie préliminaire.
Il resta ainsi, un peu bêtement, à fixer la table, le corps penché en avant, le décors se floutant allègrement, le léger brouhaha prenant une ampleur migraineuse et cotonneuse à la fois. Les minutes défilaient et son corps accusait la gifle d'un état qui lui tombait dessus comme une chappe de plomb. Il écoutait Ryuuji tandis que le sens des mots lui échappaient un peu, comprenant soudain l'appel à Umino-san et cela le fit bêtement glousser d'entendre son vis-à-vis sous entendre qu'il avait envie de sexe. Il rigola bêtement, la ligne des épaules tremblantes, un peu perdu tout à coup.

M...Moi aussi j'ai envie de baiser mais pourquoi c'est siiii compliqué, pfff...J'ai pas de succès , c'est juste heu... bizarre en ce moment. Et j'me suis ruiné un coup avec A...ce. Il était tellement sexy, pfff, j'suis trop nul... Il appuya ses deux coudes sur la table, le menton sur ses poings, ses yeux bruns s'illuminant d'une idée de génie dont seuls les gens ivres peuvent s'enorgueillir. JE SAIS ! On n'a qu'à... leur envoyer un message. Vous à Umino-san et moi... Il s'illumina tout à coup, les joues rouges, le visage habituellement maussade se parant d'un immense sourire benêt. Il s'agita sur sa banquette, soudain surexcité de l'idée. Donnons-nous du courage ! Il agita son verre à moitié vide, l'avalant d'une traite encore une fois, réprimant un hoquet en faisant claquer la pinte sur la table. Je... Je vais aux toilettes et... on fait ça.... Sinon on va finir par se peloter de dépit et vous z'aimez pas les hommes. Il éclata d'un rire bruyant, les joues rouges, les yeux brillants. Se lever lui réclama un effort surhumain qu'il n'aurait imaginé. Il n'avait presque jamais été si ivre et son corps peinait à répondre. Il tituba tant bien que mal en direction des WC et s'appuya enfin contre la porte salutaire, si fraîche. Il faisait moins chaud et il s'éventa de la main avant de s'affaler à moitié contre la vasque du lavabos, tentant de s'asperger un peu le visage. Le regard imprécis qu'il se renvoya dans le miroir le fit glousser. Il passait une soirée avec un ami ? Il était tellement content... Il peinait à ouvrir le robinet quand la porte s'ouvrit sur un grand russe patibulaire qui lui jeta un regard avant de se placer aux urinoirs. Usui lui offrit un sourire de bourré angélique, parvenant - enfin - à prendre un peu d'eau pour essayer de se dégriser - peine perdue !

L'urinoir lui semblait un Everest insurmontable mais il parvint à rester debout sans - trop - tanguer, le corps toujours en décalage avec sa pensée. Il rêvassait sans penser à rien, achevant de vidanger ses litres de bière avec toujours ce sourire niais sur le visage, perdant conscience de son environnement proche. Le regard du type sur lui aurait dû l'alerter mais il était trop ivre pour se sentir observé, achevant son affaire, se battant de nouveau avec le robinet pourtant automatique pour se laver les mains. Lorsqu'il releva le regard sur le miroir, le type était derrière lui, bien trop proche...

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♫ Sorry ♪


Son métabolisme ne lui permettait pas d’être plus résistante face à l’alcool. Pourtant Ryuuko aimait toujours autant boire. Cependant, elle ne dégustait pas ses breuvages favoris ce soir : elle recherchait davantage l’ivresse. Sa tête commençait à lui donner cette sensation de flotter avec, paradoxalement, une impression de lourdeur abominable. Elle riait bêtement, s’exprimait crûment, assez lucide pour comprendre ce qu’il se passait et réfléchir mais pas assez pour garder un filtre. Usui semblait dans le même état et cela ne faisait qu’ajouter un peu plus d’euphorie sur son visage cramoisi, les yeux déjà un peu vagues.

« Si vous saviez, Kakei-san, tous les coups ratés que j’ai pu avoir dans ma vie... » Elle soupira bruyamment en posant son verre. Difficilement elle se redressa un peu en prenant appui de la paume de ses mains sur la table. Puis elle gigota sa main dans les airs, sans sens particulier sinon de l’expression gestuelle n’arrivant plus à suivre le reste. « Je sais pas pour les mecs, mais les meufs, c’est compliquééé ! » Elle plaqua sa main contre son visage un instant, dépitée, et hocha la tête de gauche à droite. « J’en ai eu des tellement sexy, dans mon pieux, en plus. Et puis rien. Tout a foiré. J'vous comprends. » Enfin elle pointa du doigt Usui sans vouloir spécialement le désigner. C’était malpoli mais l’alcool l’empêchait de faire attention. « La libido, ça s’en va aussi vite que ça se casse. » Elle ouvrit sa main et dirigea sa paume vers le ciel. « C'est trop nul. »

Sur ces belles paroles Ryuuko reprit son verre et en but une gorgée. Elle n’en appréciait plus le goût à ce stade et elle sentait son foie lui demander de s’arrêter. En tout réponse elle ricana toute seule, avant de fixer Usui avec des yeux ronds.

« O-Oh ouais, un message ! Bonne idée ! Faut qu’ils comprennent ce qu’on ressent, vous avez raison. » Malgré ses expressions inhibées, le sourire de la japonaise gardait ce côté pur et chaleureux. « Vous allez... » Elle retint un rot inopiné en plaquant son poing contre ses lèvres, et reprit : « Vous allez l’envoyer à Mishima-sama ou à… Ace ? »

Le nom de « Ace » lui disait quelque chose néanmoins son cerveau n’était plus assez opérationnel pour faire le lien avec le speed dating. Ryuuko opina du chef et observa Usui partir aux toilettes, le fixant sans but précis. Elle resta idiote un moment, le regard perdu sur la porte des WC pour hommes avant de réaliser que, elle aussi, avait besoin d’y aller. Elle s’étira en se relevant, songea tout de même à demander au barman de surveiller leurs affaires et pénétra dans les toilettes avec une démarche étonnement fière comme si l’alcool remplissant son ventre encombrait ses gonades imaginaires. Elle passa devant Usui sans le percevoir et s’enferma dans un cabinet, ne pouvant évidemment pas utiliser les urinoirs. C’est long, songea-t-elle mais le fait de purger son organisme lui donnait déjà un peu la sensation d’avoir les idées claires. Bien que subrepticement.
Lorsque la yakuza sortit de sa caissette, un russe à l’air louche était presque collé au japonais. Elle plissa les yeux, son cerveau mettant plus de temps à agir que d’habitude, prenant le temps difficile de la réflexion. Ryuuko était ivre mais pas bête : elle savait que se battre dans son état serait compliqué. Elle n'avait pas assez bu pour tituber mais ses réflexes étaient atténués. Aussi Ryuuko préféra prendre une approche pacifique.

« Eh l’ami… Vous avez besoin de quelque chose ? »

Elle fronçait les sourcils, ce qui était intimidant d’habitude mais peu en l’heure actuelle avec son visage grisé. La japonaise se plaça entre l’étranger et Usui, ce qui fit reculer le russe de quelques pas.

« C’est mon ami et son petit copain… Enfin, mon chef… Enfin, c’est compliqué... » Ses traits se renfrognèrent : aligner quelques mots intelligibles pour être diplomate n’était pas une tâche aisée, ronde comme elle était. « Bref, il serait pas très content que ça se passe pas bien, vous voyez ? Faut que je prenne soin de son petit copain.. Enfin, ami… Enfin… C’est compliqué… En son absence. Et j’ai juste envie de boire et de me détendre. » Elle sourit sottement, presque gentiment. « Vous êtes là pour ça aussi, non ? Boire et vous détendre ? Vous… Vous voulez boire avec nous ? J’vous offre un verre. »

Ryuuko était aux antipodes de son charisme habituel. Pour autant essayait-elle de se montrer ouverte et sympathique avec son prochain : c’était déjà bien.


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