Chapitre 2 : La Corporation
Decay
Decay, destination de tous les possibles, terre en friche où fourmillent les possibilités et l'argent facile, où chaque vice est accessible, chaque désir libre d'être comblé. L'île prospère, se vautre dans sa propre réussite, quand l'ouragan Isaac survint, balayant sur son passage les installations des gangs comme leurs prétentions. Et un nouveau groupe émerge des brisures laissées par la tempête, la Corporation. Forte de son budget, celle-ci s'invite en sauveuse, promet à tous une aide financière et humaine, des avancées conséquentes, pour une vie meilleure. Avides de pouvoir ou simples fantoches, qui sont vraiment les acteurs de cette entité inédite qui prétend étendre son influence à tout Decay.
11/10/2020 HRP
La Newsletter est sortie ! Beaucoup de changements au programme, par ici
11/10/2020 RP
Quelques semaines après la fin de l'ouragan, la Corporation dévoile son visage ! A lire par ici
12/09/2020 RP
L'ouragan Isaac s'abat sur l'île ! Pour en savoir plus, par ici
12/09/2020 HRP
L'event Hurricane est lancé ! Vous pouvez toujours le rejoindre par ici.
27/08/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
05/07/2020 HRP
Nouvelle newsletter et nombreux changements ! La lire ici.
30/05/2020 HRP
Nouvelle newsletter en cette fin de mai ! La lire ici.
30/05/2020 RP
Un nouveau système de réalité augmentée sort au Space Station Bar ! Participer ici
5/04/2020 RP
Le Carnaval de Napoli est lancé ! Extravaganza
8/04/2020 HRP
Nouvelle newsletter ! La lire ici.
18/03/2020 HRP
Ajout des missions et petite update de l'index !
28/02/2020 HRP
Deuxième newsletter ! La lire ici.
28/02/2020 RP
La Milice redouble de violence et est plus présente sur le territoire de Decay !
31/01/2020 HRP
Première Newsletter, bébé forum deviendra grand ! La lire ici.
31/01/2020 RP
L'intrigue "Paranoïa" a été lancée ! Par ici.
17/01/2020 HRP
Ouverture du forum ! N'hésitez pas à rejoindre le Discord !
Il parait qu'une jeune fille a été aperçue allant dans les égouts. Depuis, elle n'a plus donné aucune nouvelle d'elle. Une nouvelle victime des monstres vivant dans les égouts ?Une vingtaine de serpents en liberté auraient été aperçus sur les Docks. La Triade en sueur.On déplorerait trois morts suite au dernier barathon de la rue de la soif.À Kabukicho, des rumeurs sur l'affaiblissement des effectifs du clan Oni commencent à poindre. L'absence de Yokai se fait-elle enfin ressentir ou cela n'est-il que le fruit de l'imagination de quelques résidents ?Une certaine Shrimpette serait en train d'écrire une fan-fiction sur certains membres de Decay.On dit que l'ensemble du corps d'un certain mercenaire travaillant pour la Triade serait entièrement recouverts de ses nombreux crimes. Une dizaine de cadavres auraient été découverts, au cours du mois de Janvier, sur les Docks. Certains évoquent un règlement de comptes. Un tout nouveau malware parcourrait la toile, déguisé sous la forme d'un logiciel à première vue inoffensif. Il installerait une backdoor sur les machines infectées. Pour quelle raison ? Cela reste un mystère. Une femme vagabonde à la chevelure d'un noir profond et aux yeux écarlates prendrait en charge des malades et blessés au travers de Decay pour une misère, offrant une alternative médicale à celle dispensée par l'Église. Fin Janvier/Début Février, une course de rue, en pleine nuit, aurait conduit certains hommes hors des pistes. Plusieurs voitures seraient sorties de la route suite à un « conducteur fantôme ».
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Echange de bons procedes


J'avais passé les six derniers mois à travailler sur le dossier, puis les deux dernières nuits à retravailler chaque page pour ne faire plus que du tas de feuilles, une synthèse claire qui rentrerait sur une seule. Un recto et un verso, condensé des bénéfices qu'aurait ma future cellule d'écoute et d'entraide, non seulement sur le moral et la motivation des femmes du Cartel, mais aussi et surtout, sur le gain de productivité qui en découlerait. À ce moment là, je savais que je misais gros sur ce qui, déguisé en une série de calculs plus compliqués les uns que les autres sur des lignes de tableau Excel, n'était qu'une immense spéculation. Mon étude qualitative et quantitative m'avait donc amenée à ce constat : mon initiative offrirait une meilleure condition de travail à mes "filles", tout en entraînant une hausse du chiffre d'affaires dans ma comptabilité les concernant. Si le contexte avait été un tant soit peu différent, la fameuse Wall Street m'aurait certainement ouvert les bras ! De retour à la réalité, ici je ne suis encore qu'une simple chargée d'administration, affublée d'un bureau beaucoup trop petit, et d'une chaise en bois qui à chaque fin de journée me fait me demander si j'ai un jour possédé une colonne vertébrale.

C'est donc, comme souvent, avec la boule au ventre que je me rends à l'étage de la direction du Cartel pour une entrevue avec l'un de ses barons. Ma tenue professionnelle en dit long sur mes intentions : je ne souhaite aucunement passer sous le bureau pour obtenir cette faveur. Je porte un tailleur pantalon noir et une chemise blanche simple, à mes pieds, une paire de tennis blanches neuves. Une tenue professionnelle chic et décontractée à la fois, digne de la comptable du dernier bureau sur la droite, quelque part tout au fond de l'aile administrative : celle dont on se soucie le moins.
Documents à la main, je signale ma présence à Suzi, qui va elle-même la signaler à Diego Salvador.
Une fois qu'il en donne la permission, j'entre dans son bureau. Mes yeux ne croisent pas immédiatement les siens, il a l'air occupé.

- Bonjour monsieur, je vous remercie d'avoir accepté de me recevoir.

Je ne monte pas le ton pour me présenter à lui, je sais que je n'ai pas à le faire.
Alors que son regard dur se relève en direction du mien et me transperce de part en part, une sensation désagréable me noue le ventre.

- Puis-je m'asseoir ?

M'efforçant de rester positive, j'attends ses directives. Si j'ai bien appris une chose depuis mon arrivée à la Casa, c'est que mieux vaut savoir rester à sa place en toutes circonstances. Je n'ai pas travaillé avec autant d'acharnement ces derniers mois, pour tout foutre en l'air à cause d'un comportement inapproprié. Ne le défiant pas plus du regard, je regarde autour de moi pour me distraire. J'ai à l'esprit que je ne suis peut-être pas la personne la plus appréciée de la Casa, mais que j'ai la juste réputation de très bien faire mon travail. Même si je ne m'attends à aucune reconnaissance venant de la hiérarchie, je sais qu'à juste titre, pour le moment, je suis loins de risquer mes dix doigts. Qui rapporte de belles sommes au Cartel bénéficie généralement d'une petite immunité, certes fragile, mais tout de même suffisante pour le ou la faire passer sous les radars.
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« Oui vas-y, tu peux la faire rentrer. » J'observe ma secrétaire se retirer, la porte du bureau se referme et je me retrouve avec quelques dizaines de secondes de flottement pour me préparer à ce qui va suivre. Alors je me sers un verre de bacardi, vieux de plusieurs années, et je coupe la musique qui résonne dans la pièce. Parler avec du son qui tape aux oreilles, ça a jamais été très agréable pour la plupart des gens, et je suis pas du genre à aimer faire chier mes employés. Je traîne pas à la faire entrer, terminant de faire une peu le tri sur le bureau tandis qu'elle s'approche, de ranger quelques papiers qui traînent, remettre en place deux trois conneries. « Oui installes-toi Mia, met-toi à l'aise. Tu veux boire quelque chose ?  » Je l'observe brièvement, la dévisageant un instant histoire de me faire une première impression sur la personne qui me fait face et qui voulait s'entretenir avec moi.  Elle est jeune, grande pour une femme, typée latina, vêtue d'une façon classe sans tomber dans le cliché de la femme de bureau en jupe et talons.

J'ai pas vraiment étudié son cas personnellement, je pars du principe que si tu bosses pour le Cartel c'est que tu mérites un minimum de confiance. Encore plus si on t'as toujours pas foutu dehors, ou que ton cadavre gît pas au milieu des poubelles de Medellin. Ici, la petite dame a pas l'air de faire parler d'elle, si ce n'est pour le sujet qui a motivé cet entretient. Elle fait pas de vague et bosse bien, rien à lui reprocher en gros. Gestionnaire Comptable responsable de la main d’œuvre féminine, j'avoue que avant qu'on me parle d'elle, je pensais pas qu'un tel truc existait à la Casa. Je veux dire, j'ai pas l'impression que les femmes ont besoin d'un représentant officiel pour se faire entendre. C'est un milieu difficile, j'entends bien, pas mal macho, mais de là à nous monter un syndicat féministe pour faire entendre leurs droits, bon. Maintenant, je crois qu'elle s'adresse à la bonne personne. Je suis loi d'être fermé à la discussion et c'est toujours mieux de venir me voir que de s'adresser à mon cousin pour ce genre de choses.

« On a jamais eu l'occasion de se rencontrer je crois, ou alors je me souviens pas et j'en suis désolé. Je te passe la présentation, tu sais déjà qui je suis sinon tu serais pas là.  » Vrai que j'ai tendance à parler pour rien dire, mais j'y peux rien. Je suis content mine de rien de rencontrer une nouvelle tête qui bosse pour moi. « J'avoue avoir été surpris par l'objet de ta demande, c'est pas tous les jours qu'on vient me voir pour ce genre de choses, en plus que je crois que les gens ont tendance à me voir comme une sale raclure qui en a rien à foutre de ce genre de problèmes.  » Je serai pas étonné que les femmes me voient comme un petit enculé de misogyne. Je bois une gorgée de mon rhum avant de reprendre. « Je te laisse présenter tes idées, le projet sur lequel t'as bossé puis on va en discuter. Je préfère te dire que j'ai déjà des questions à ce sujet. Bref, je te laisse la parole !  » Mon regard est tout ce qu'il y a de plus sérieux, je suis loin de ça à prendre à la légère, alors à toi de bien te démerder pour me convaincre du bien fondé de ton projet.


Dernière édition par Red le Jeu 30 Avr - 18:46, édité 2 fois
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Il m'autorise à m'asseoir, ce que je fais sans plus attendre.

- Je vous remercie. [...] Non, ça ira, merci, ne vous dérangez pas monsieur.

Je réponds à son invitation à boire un peu brusquement, prise de court. "Monsieur", il est vrai que je l'ai dit deux fois par respect pour son statut, mais à bien le regarder, il n'a pas l'air si vieux. Je me mords l'intérieure de la joue en regardant le Baron. C'est la première fois que je le vois d'aussi près. Il m'est déjà arrivé de le voir passer au loin dans les locaux, mais je n'ai jamais été amenée à le rencontrer. Je détaille le peu de tatouages que je peux voir exposés sur sa peau, la majeure partie recouverte par son t-shirt. Il porte une grosse chaîne en or qui lui pend au cou, des lunettes de soleil du même métal noble sur le front, et une montre aussi. Je ne vois rien d'autre, étant donné qu'il est assis à son bureau. Étrangement, je me sens presque trop habillée ? Je n'aurais jamais cru qu'il serait aussi... décontracté.
Je me ressaisis aussi vite que je le peux. Première rencontre et il risque de me prendre pour une adolescente toute excitée à la vue d'un homme. Ça n'est pas le cas, mais il est vrai que son apparence m'intrigue.

- C'est effectivement la première fois.

En effet, je sais très bien qui il est, son cher cousin encore plus, et contrairement à la première impression que j'avais eu de lui, Diego Salvador a l'air d'être un Baron bien plus accessible. Penser à Sinistros me donne la chair de poule. Je le fais disparaître des mes pensées illico presto.

- "Raclure", non, juste... pris. Je suis moi-même étonnée d'avoir pu vous rencontrer en personne.

Je souris malgré moi. Il est vrai qu'on en entend tous les jours sur les Barons et je ne pensais pas que l'un d'eux dirait cela de lui-même. Voyant le regard de ce dernier s'assombrir, je note la couleur de ses yeux. Deux billes noires, qui à mon avis peuvent être particulièrement flippantes si on en vient à le contrarier. Constatant son sérieux, je me racle la gorge pour reprendre le mien et commence mon exposé.

- Absolument. Vous n'êtes certainement pas sans savoir qu'une part importante de la main d'oeuvre du Cartel est féminine. Si je souhaite mettre en place cette organisation, ce n'est pas tant pour nos conditions de travail qui sont majoritairement correctes, mais pour aider nos femmes dans toutes leurs démarches quotidiennes. À savoir professionnelles, mais également personnelles. Voici un rapport chiffré qui vous parlera certainement davantage.

Je cale légèrement sur le "correctes", me sentant parfois moi-même négligée. Rien qu'un petit rappel à la chaise en bois.
Une fois que je lui ai tendu le document en question, j'attends un court instant qu'il en ait pris connaissance avant de poursuivre.

- Comme vous pouvez le constater, la présence de l'Église de l'Union à Medellín occasionne quelques... dommages collatéraux, si je puis dire ? Étant donné qu'elle est en situation de monopole concernant les médicaments et autres produits de première nécessité, les femmes sont contraintes de s'en rapprocher régulièrement. Qu'il s'agisse de dispositifs de contraception, de pilules du lendemain ou de produits destinés aux cycles menstruels. Je ne vais pas vous faire de dessin. Or, il n'y a pas de meilleure opportunité pour l'Église afin de tenter de les rallier à sa cause. C'est un premier constat que j'ai pu moi-même faire sur le terrain.

Effectivement, là est ma stratégie. Je ne suis pas sans être au courant que le Cartel lutte perpétuellement pour l'abolition de cette institution et de ses privilèges. Des mois de travail et de recherches pour trouver la faille qui me ferait réussir cet entretien.
Je continue.

- L'Église leur promet une protection et un confort de vie si jamais elles viennent à quitter le Cartel pour la rejoindre. Nous avons perdu 3% de notre effectif féminin rien que ces deux derniers mois. Je vous accorde que dit comme ça, ça ne paraît pas beaucoup. Seulement, c'est à l'avenir que, si jamais d'autres femmes étaient rassurées par un tel choix, cela pourrait augmenter de manière drastique. Sauf votre respect, je ne pense pas que la violence ou les menaces soient la meilleure des manières de procéder afin de les fidéliser. Certaines femmes sont en ménage et ont un foyer, des enfants à nourrir et cherchent à survivre du mieux qu'elles le peuvent.

Je me permets un avis bien placé de comptable. Les chiffres ne mentent pas et la violence n'a jamais rien résolu. J'observe le baron qui, à ma surprise, n'a pas particulièrement l'air offensé par mon audace.

- Pour en venir aux faits. Ma cellule d'écoute et d'entraide me permettrait de venir en aide à nos salariées, en organisant des collectes et des redistributions de produits utiles au quotidien, parallèlement, d'où "l'écoute", elle me permettrait de garder un oeil sur ce qu'il se passe en interne tout en assurant un suivit psychologique et offrant un soutient émotionnel à celles-ci. Le milieu atypique dans lequel nous vivons et évoluons à Decay n'offre pas toujours un climat optimal au travail bien fait. Le but de la démarche est donc de gagner en productivité ce qui est parfaitement envisageable comme vous pouvez le voir au verso, mais aussi de surveiller nos voisins indésirables d'un peu plus près.

Il bouge sur son siège, indéchiffrable. Je prie pour que ça passe et qu'il ne nous envoie pas péter, mon travail et moi. Finalement, j'aurais peut-être dû accepter un verre lorsque cela avait été si gentiment proposé.
Pourquoi me fixe t-il de la sorte ? Ça y est, tout ce que je voulais éviter : le malaise.
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Elle refuse mon verre, ce qui me surprend pas. Déjà parce qu'elle doit pas vouloir flinguer son image auprès de son patron, puis parce qu'elle m'a l'air d'être du genre à préférer garder les idées claires pour bosser. Ou peut-être que c'est une gentille fille bien sage qui ne s'écarte pas du droit chemin, même pour un petit verre d'alcool. Qu'importe la raison, ça se respecte. Je lâche un sourire quand elle évoque mon emploi du temps très chargé. Putain oui. « Vrai que gérer le Cartel ça a tendance à rapidement te bouffer tout ton temps. T'as beau en avoir quatre autres des comme moi, c'est un merdier pas possible. Le bonheur. » Un peu salée comme constatation, mais criant de vérité. Tu veux avoir une vie sociale, ne devient pas l'un des Cinq Doigts du Cartel. Je soupire un coup, avant de boire une gorgée. On est pas venu discuter de ma life, alors je ferme ma gueule pour le moment. Madame a la parole, et toute mon attention. Et dès les premières paroles, je comprends à qui j'ai affaire.

Elle parle. Elle parle bien, beaucoup, mais vraiment bien. Du genre, très carré quoi. Bureaucratique, ou professionnel, je sais pas vraiment comment on dit. Elle l'habitude d'exposer ses idées au travail je penser, en même temps quand tu défends une cause féminine, t'as plutôt intérêt de savoir la ramener et sortir de belles phrases. Alors oui c'est impressionnant, parce que je saurais pas vraiment tenir une conversation du genre sans retomber dans mes travers, mais ça rend l'ensemble compliqué à tenir. Je lui fait pas l'insulte de l'interrompre, je suis le genre de mec qui déteste quand on lui coupe la parole. Ça me fout dans une rage bordel, je pourrais casser des bouches. La sienne, elle est plutôt jolie, ça donne pas envie de lui fracasser. Elle me tend une feuille que je consulte tout en continuant d'écouter son argumentaire. Je suis un peu sur le cul, parce qu'elle a bien bossé son sujet. En fait, je me sentirai presque un peu con, en comparaison je me suis pas autant préparé.

Elle m'arrache un autre sourire amusé lorsqu'elle évoque l’Église de l'Union. On va y revenir, mais je vois qu'elle s'est bien renseignée. Je les supporte pas ces fils de chiens. Elle est plutôt intelligente cette Mia, j'aurais bien été tenté de la faire chier mais elle a pas laissé grand-chose au hasard. Le projet a l'air de lui tenir à cœur, pas juste un caprice de goumiche mal baisée qui veut emmerder son monde. Ok donc. C'est à mon tour je crois. On prend le temps de s'humidifier la gorge, parler la bouche sèche c'est chiant. « Bon, eh bah déjà, de toi à moi, c'est du bon boulot. Je t'avoue que je pensais pas qu'on partirait sur une présentation aussi sérieuse, mais c'est plutôt bon. » Je vais pas trop la mousser non plus, sinon elle va croire que c'est gagné d'avance. « Maintenant, y'a des trucs dont il faut qu'on cause. » Des hics. Le fameux mais qui casse tes espoirs, et ses ovaires pour le coup. « Je suis globalement pas contre l'idée de venir en aide aux femmes, c'est ton droit et ton énergie. Tu la dépenses comme tu veux tant que tu taff bien et que ça rapporte au Cartel. »

« Maintenant, que les femmes représentent une part importante de la main d’œuvre du Cartel, bon c'pas forcément mon point de vue. Je dis pas que vous servez à rien, au contraire. Mais de une, je suis pas dans un délire de mélanger hommes et femmes en terme d’effectif, pour moi vous êtes un tout. Mais je crois que si vraiment on devait se pencher sur l'affaire, importante serait un mot un poil exagéré. » M'enfin de savoir combien elles sont, j'ai envie de te dire que je m'en contrefous totalement. Mais j'ai envie d'être pointilleux, de jouer les relous et de voir comment elle se défend. J'ai en face de moi la possible future représentante des femmes de mon gang après tout. « Pour les conditions de travail, si elles sont pas correctes ou pas suffisantes, alors je compte sur toi pour profiter de ta position pour y remédier. Si tu veux que quelque chose change, attends pas que les autres le fassent pour toi. » Ça, c'est autant un conseil qu'une façon de lui indiquer comment je fonctionne. ¨Propose des choses, pointe où ça merde et trouve une solution pour le changer.

J'ai beaucoup de choses à gérer, les conditions de vie des gens qui bossent pour moi, c'est une préoccupation en vrai. Mais y'a pas qu'eux, y'a aussi Medellin, la population. J'aimerai pouvoir changer leur quotidien à eux. Je suis peut-être égoïste en privilégiant des personnes à d'autres, mais j'ai des employés, le travail que je peux pas faire, il me suffit de le déléguer. « L’Église, ces putains d'enfoirés sont mon problème, t'as pas de soucis à te faire là-dessus. J'aimerai te dire que ce soir je fais une descente et je te ramène la tête de cet enculé de Patriarche, mais c'est pas aussi simple. Ils sont tenaces. Les rats ont eut le temps de s'implanter, et maintenant ils s'accrochent. Mais la dératisation est prévue oui. » C'est juste que j'ai aucune idée du temps que ça prendra, alors en attendant va falloir trouver comment pallier à ça. « Je sais que ceux qui se détournent du Cartel pour aller voir chez ces enfoirés le font par obligation, tu penses que la violence ne résoudra pas le problème, c'est ton avis. » Le mien est légèrement différent, j'ai pas obtenu le surnom de Red en faisant des câlins et des bisous sucrés.

« J'ai pas l'intention d'aller casser la bouche de la moindre gonzesse qui va toquer à la porte de l’Église pour obtenir le moyen d'avorter, ou de traiter ses fuites urinaires. Maintenant, la trahison, je supporte pas ça. Y'aura des exemples, y'a toujours des exemples. C'est le genre de message que l'on retient le mieux. » Elle a déjà pensée à une petite combine pour amoindrir les dégâts, c'est bien. « Ça se défend oui, une personne bien dans sa tête est plus efficace au travail, là-dessus j'ai rien à dire. Tu dis vouloir garder un œil sur nos voisins, contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire, ce sont loin d'être la Croix-Rouge ou Médecins sans frontières. Ces chiens te feront la misère s'ils apprennent qu'on les espionne, j'espère que tu t'en doutes ? Et pour t'atteindre, attends-toi à ce qu'ils viennent taper d'abord sur tes espions. » J'entends par là, tes précieuses petites protégées pour qui tu prends autant de risques.

« Et si tu mets ça en place, les rapports de ton petit réseau, je veux qu'ils me parviennent directement. Si je suis trop occupé pour te recevoir, tu passeras par Pablito, mon dras-droit, ou Lucky, qui est... Bah, le bras gauche. » Je rigole légèrement, sincèrement, parce que je viens de réaliser que j'avais jamais étudié la question sérieusement, la position de ma petite protégée à moi. Si elle est devenue comme une sœur, une meilleure amie, je lui ai jamais proposé de poste établi, ni réellement mis les choses au clair concernant ses fonctions. Elle est avec moi quoi, et c'est tout ce qui compte. Je la garde à l’œil et je sais qu'elle me garde à l’œil, les deux yeux même. C'est un soutien indéfectible, le genre sur lequel tu doutes jamais. C'est aussi une sorte de catalyseur pour moi, le gros chien enragé de base. Celui qui pète toujours le plombs, qui veut tout régler par les poings et une bonne baston. Casser des bouches. C'est une bonne chose, Lucky, mais ça on lui dira jamais, eh.

Je termine mon verre, la lâchant pas des yeux. Je veux qu'elle comprenne le sérieux de la situation. Je l'analyse beaucoup, aussi. On se connaît pas encore, mais on va apprendre à se connaître, aujourd'hui.
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