A la antigua | ft. Aurelius

Une lettre. Ça doit être la première fois de toute sa vie que le Gang a reçu une lettre. Honnêtement, on a déjà pensé plusieurs fois à enlever la boîte, vu qu'on en a pas besoin. Il n'y a que les gens haut placés qui ont quelque chose à se reprocher qui utilisent encore le papier, et ils ont des coursiers pour ça. Mais quand j'ai découvert qu'une souris avait fait son petit nid dans la boîte aux lettres et y attendait des petits, j'ai pas osé la déloger et, depuis, on les laisse tranquille. Des fois, on leur donne des restes de sandwich.

Forcément, la lettre, quand on l'a récupérée, elle était à moitié bouffée. C'est le bruit dans la boîte qui m'a interpellée, comme si on croquait du carton, ça m'a étonnée. J'ai pourtant répété aux autres de ne pas mettre la boîte du sandwich avec. Quand j'ai ouvert, c'est une dizaine de petites bêtes qui grignotaient une enveloppe. Je l'ai sortie de là, et ai déplié le machin, avec les gars. Un mec, qui ne disait pas son nom ou juste dont je n'ai pas retenu le surnom sur le coup, cherchait à louer les services de quelqu'un. Un hacker, à priori. Pas étonnant, ces derniers temps, on est assez sollicités, au gang. Une chance qu'on dorme pas beaucoup, parce qu'il y a du boulot.

Le petit détail, c'est la convocation en personne. Décidément, ils ont tous cette marotte ces derniers temps, le genre de délire qui bloque mes collègues. Mais pas moi. Contrairement à eux, j'ai pris l'habitude de changer de pseudo régulièrement, et j'ai pas peur de me déguiser, changer de maquillage, simplement parce que ça me plait. Eux, forcément, ils iraient pas regarder du fond de teint en face. Alors du bodypaint …

Du coup, je me suis auto-désignée pour y aller. Les gens qui ont ce genre de besoins sont souvent plein d'argents, et complètement largués sur la technologie. Je regarde l'adresse, ça a l'air super officiel, comme truc. Et c'est à Chicago ! J'aurai pas besoin de traverser les quartiers bordéliques de Decay. Depuis la Semaine Rouge, ils sont tous complètement paranoïaques. Et puis je regarde l'heure et le jour. C'est dans une heure. Depuis combien de temps elle était là, cette lettre ? Tu m'étonnes qu'elle soit déjà à moitié bouffée ! Une chance que les souris soient bien nourries et s'attaquent à la partie vierge des feuilles ! "Merde, mais c'est bientôt !" J'attrape mes affaires sans réfléchir à ce que je trimballe avec moi - une partie de ma cargaison de boosters à livrer cette nuit, des outils et un nouveau prototype de dictaphone pour remplacer l'ancien. Du poids inutile qui rend ma course plus laborieuse mais tant pis, c'est pas un des autres types des Dead Eyes qui se bougerait pour y aller.

Quand j'arrive sur place, je ne suis pas sûre d'où je suis, exactement. Je ne sais pas par où entrer, ni s'il y a un numéro à contacter, un endroit où se placer. J'ai tellement l'habitude des gens qui passent par MeetYourGuy et qui sont super exigeants sur les circonstances de la rencontre que je ne sais même plus comment ça fonctionnait, avant. Quand j'étais aux US. je vois un genre d'interphone, et je me mets à taper sur tous les boutons, sonner partout, avant de taper à la porte. "Hola ! Désolée j'ai rendez vous avec quelqu'un dans vingt minutes !" Autant mettre toutes les chances de mon côté, d'autant que je ne sais même pas si je ne suis pas au bâtiment d'à côté, ou d'en face.

« - Tu es mort Octo, tu as oublié de regarder derrière la porte en rentrant. »

Un long soupir s’extirpant d’entre tes lèvres, se perdant contre ton masque à la teinte d’orée. Cela concluait cette session d’entrainement alors que tu te levais de ta chaise pour t’approcher de ton homme, l’observant du mieux que tu le pouvais à travers le verre de son masque à gaz, l'un des nombreux outils dont ta structure disposait.

« - On reprendra demain en entendant suis moi j’ai un rendez vous de prévu dans une vingtaine de minutes. »

La voix synthétique amplifiant ton ton déjà naturellement autoritaire, tu ne tardas à quitter l’imposante salle qui vous servait de lieu d’entrainement. Les plaques de bois ou autres taules installées de façon à disposer diverses pièces, la rencontre que tu avais préparée devait se dérouler en ce qui faisait office de bureaux pour ton entreprise. Des pièces cette fois-ci des plus classiques. Tu étais curieux de savoir quel individu allait t’envoyer ce fameux gang dont tu avais entendu parler. Un gang que l’on t’avait proposé alors que tu planifiais le fait d’étendre le réseau de ta boîte. En effet il fallait avouer que tu disposais des hommes nécessaires pour assurer des missions lambda mais non pas de quoi réaliser des activités annexes vitales à tes opérations.

Tu aurais préféré recruter à temps complet une personne douée dans ce domaine mais cela était complexe. Ton aversion pour les drogués rendant certains recrutements impossibles, ta politique stricte ne faisant qu’empirer les choses. Il était complexe de trouver des éléments talentueux qui se contaient de l’alcool et du tabac en douceurs en dehors des moments charnels qu’ils pouvaient s’accorder. Allais tu tomber face à un homme, une femme, un junkie ou une personne un tant soit peu respectable. Tu espérais de surcroit que les Dead Eyes comme ils se faisaient appeler disposaient réellement d’une bonne expertise dans le domaine pour lequel tu les avais sollicité.

Alors que tu t’installais dans ton petit nid douillet, une certaine voix ne tarda à raisonner. Un "hola" suivit de quelques mots grésillant sur ce qui faisait office de combiné. Tu répondis rapidement de ces quelques mots.

« - Un de mes hommes va venir vous ouvrir. »

Ton fidèle soldat s’exécutant sans attendre à ces paroles, tu en profitas pour ranger quelques paperasses traînant sur ton bureau. La majorité des gens préféraient tout concilier sur un support numérique sans réfléchir à la facilité d’obtenir leurs informations. En ton cas tu avais toujours ce faible pour le support papier, une simple flamme pouvant effacer toutes traces. Ce n’est pas pour rien qu’une cheminée ne cessait de crépiter au cœur de cette pièce où tu allais procéder à ton entretien du jour. Un dispositif devenu obsolète aujourd’hui dans son rôle primaire de par les chauffages électriques et autres moyens pour se réchauffer. Des bruits de pas ne tardèrent à se faire ouïr, ceux-ci se dirigeant vers ta porte tandis qu'elle vint s'ouvrir.

« - Je vois que vous êtes des plus ponctuelles pour ne pas dire pressée vu votre avance mais avant tout quelques précautions s’imposent. Octo fouille là et prend son sac, ne vous inquiétez pas il vous sera restitué à la fin de notre entrevue et il ne manquera rien. Une fois ceci fait laisse nous seul à moyen que mademoiselle souhaite exprimer quelques protestations ? »

Au fond tu considérais qu’elle n’avait pas réellement le choix, à deux contre un elle n’était pas en situation de négocier et malgré tout ta structure pour peu qu’elle se soit renseignée dessus disposait d’une image de professionnalisme en tous points. De plus tu n’appréciais point que l’on puisse remettre en question tes directives, qu'importe le statut de l'individus face à toi. Tes doigts pianotaient machinalement contre l’accoudoir de ton siège alors que tu comptais lui forcer la main d’une façon relativement subtile.

« - J’allais presque en oublier les formalités, Aurelius directeur de Bellone, comment vous appelez vous ? »

Déclaras tu tout en désignant le siège face à toi, un sourire s’arquant sous ton masque, non pas des plus malicieux mais tout sauf candide.

Une voix masculine me répond. Il a l'air vraiment sérieux, de la part de quelqu'un qui envoie des lettres, ça ne m'étonne pas tellement. Et en même temps, s'il a besoin de nos services, c'est qu'il doit pas être versé dans la technologie. Je hausse les épaules, cherchant autour de moi les caméras, capteurs, quelque chose. Mais je suis interrompue par l'arrivée rapide de l'homme envoyé. C'est bien, je constate que je ne me suis pas trompée de bâtiment, et qu'ils sont efficaces. Avec un peu de chance, je pourrai partir en tournée de livraison plus vite que prévu.

Je le suis sans rien dire, mais je regarde autour de moi. On peut trouver des idées n'importe où, surtout des idées de génie. Après tout, j'ai bien pensé à mon modèle de bottes murales en tombant sur un gecko accroché à la serre de Medellin. Mais rien de bien inspirant dans le coin, c'est juste … propre.

On arrive assez rapidement et la porte s'ouvre tout de suite. Je vais pour répondre à son commentaire sur mon avance, mais je n'ai pas vraiment l'occasion d'en placer une. En plus, il a une voix grave, et plutôt autoritaire, il ne laisse pas place au hasard ou aux silences. "Vous pouvez regarder, ça me dérange pas, mais il y a des trucs fragiles, faites gaffe !" Que je lance, avant détourner mon regard du sous-fifre pour le poser sur le patron. "Je suis venue directement du travail, comprenez !" J'essaie de contenir mon accent, mais je n'y arrive pas vraiment. Il paraît que ça fait plus professionnel de parler anglais sans accent, mais tant pis. "Je suis un peu multitâches, voyez, un peu comme tout le gang, en fait. Même si j'aime pas tout." La différence étant que moi, je n'impose pas mes goûts et mes lubies aux autres, sans doute pour ça que je suis là.

"Bellone ! C'est sympa comme nom. Moi c'est Visage !" En prononçant ce surnom, choisi à la volée face à la recrudescence de demandes en hacking que je vois arriver sur mon MeetYourGuy ces derniers temps, je finis par enfin analyser le faciès de cet Aurelius. Il est masqué. Évidemment. C'est le deuxième que je rencontre en peu de temps qui fasse dans les jeux de masques. Est-ce que c'est une mode ? Ou une nécessité ? Une sorte d'uniforme pour les gens de Decay dont j'aurais pas entendu parler ? En tout cas, si c'est une mode, je trouve qu'elle a du style, et j'aime bien. Je trouve que les gens font moins peur comme ça, ils sont toujours neutres. "Il est sympa votre masque, j'en ai pas encore vu dans ce genre là. Il fait quoi ? Vision nocturne ? Repérage ? Vous avez quoi comme interface ? " Je songe au casque en construction dans mon atelier, pour le type dont j'ai récupéré le contrat. Toutes les idées sont bonnes à prendre, dans ma tête comme chez les autres. "C'est pour ça que vous avez besoin de moi ? Vous avez été hacké ? Ah c'est pas terrible ça. Les gens ont aucun sens de l'intimité, m'enfin, je comprends. Le défi, tout ça …"

Et puis je réalise que je suis encore partie trop loin. Je me redresse sur le siège, pose mes mains sur mes jambes - ça m'évitera de parler en bougeant trop - et je conclus comme je peux. "Excusez moi, j'aime juste beaucoup les masques. Dites moi plutôt pourquoi vous avez besoin de moi ?"

Il n’existe pas deux fois l’occasion de faire une première bonne impression. Une simple phrase qui allait plus que sûrement s’appliquer actuellement. Tu étais satisfait de voir qu’elle n’avait opposé la moindre résistance à confier certains de ses effets personnels confinés en ce sac. Ce n’est qu’en quelques phrases que tu avais commencé en ton esprit à esquisser son profil au fur et à mesure. Distraite et relativement bavarde, tu te demandais si elle faisait parti de ce genre d’individus qui disaient littéralement tout ce qui leur passait par la tête même si en tant que membre de gang elle devait faire le tri entre ce qu’il fallait révéler ou non, du moins tu l’espérais pour elle. Tu te demandais même si elle connaissait la signification de Bellone ou si elle avait trouvé la sonorité plaisante. Il était assez improbable de croiser en Decay une personne assez instruite pour trouver l’origine de ce nom tout comme celle du surnom que tu utilisais. En soi tu n’étais pas étonné par le certain intérêt non dissimulé envers ton masque qu’elle portait, le modificateur de voix ayant toujours son effet. Peut être était elle bricoleuse en plus de hackeuse parmi toutes les tâches qu’elle faisait.

Tu appréciais son caractère pour l’instant autant que cela pouvait te freiner. Tu pouvais facilement affirmer qu’elle était des plus vives ce qui annonçait des tractations rapides et efficaces sauf imprévu. Peut être un peu trop vive et éventuellement indisciplinée et peu méthodique ? C’est ce dont tu avais peur. Par contre cela te faisait toujours excessivement sourire le fait qu’elle puisse évoquer que ton entreprise se soit fait hacker. Ce n’est pas comme si tous les documents importants que vous aviez était confinés sous format papier, qui irait chercher du papier en cette époque. Être vieux jeu avait ses avantages tout comme ses inconvénients.

« - J’ai besoin de vous tout simplement car je recherche des personnes aptes à répondre sur du long terme à plusieurs commandes en matière de hacking. »

Tu voulais étoffer tes cartes en main, même s’il existait de vieilles façons de procéder en de multiples domaines avoir un surplus d’informations n’était jamais de trop pour préparer au mieux certains contrats.

« - Lorsque nous aurons besoin de vos services vous serez contacté. Les informations à obtenir seront variées, itinéraire exceptionnel ou non d’un individu. Je pourrais vous demandé de mettre des bâtons dans les roues de certains systèmes de surveillance aussi dans le cadre d’intervention de mes hommes. Chaque prestation sera rémunérée si vous y arrivez avec succès, un pourcentage moindre de la somme convenue sera accordé en cas d’échec. »

Pour toi cela paressait être un début de contrat honnête auxquels il est difficile de dire non, ce que tu n’avais évoqué c’était les cibles. Il n’était pas exclu que dans le futur tu souhaites plus personnellement t’attaquer à de gros poissons pour t’approprier certains de leurs biens ou qui sait relancer la discorde entre les gangs. Un marché trop calme est toujours mauvais en tant que mercenaire.

« - J’exigerai cependant que vous soyez l’unique interlocutrice, je n’aime pas multiplier dans ce domaine. Vous serez la seule qui devra me rendre des comptes et à qui je donnerai du crédit en votre gang si vous devez agir à plusieurs pour une tâche que j’ai commanditée. »

Il n’y avait donc plus qu’un tout petit dernier détail que tu ne tardas à lui annoncer, quelque chose qui allait qui sait la faire grincer des dents ou nécessiter plus de temps.

« - Je ne vous cache pas que vous aurez peut-être à hacker d’autres gangs appartenant à l’Alliance, mes clients sont multiples et je considère que l’argent n’a pas d’odeur. La seule chose qui me fait reculer est la potentielle perte d’un de mes hommes si le tout s’avère bien trop complexe. »

Car après tout si l’on faisait appel à du mercenariat c’est que l’on n’en avait pas les moyens matériels et humains ou alors que l’on ne préférait risquer sa vie de par la dangerosité de l’acte.

« - Qu’en pensez-vous ? »

Les gens masqués sont quand même bien taiseux, et taciturnes. A chaque fois que j'en croise, ils manquent d'enthousiasme. C'est peut-être l'absence de visage qui fait ça, je sais pas, mais c'est quand même un peu flippant. J'ai toujours l'impression qu'ils me jugent. Bon. Là, je peux comprendre. Je déblatère un peu trop pour un entretien d'embauche, je le sais. Et dans le coin, ça a l'air d'être plutôt très sérieux.

"Long terme, ok." Moi, tant que ça met du beurre dans les pâtes et des épices dans le curry, je dis pas non. J'aime bien avoir une rentrée d'argent régulière, mais j'aime aussi la variété. J'ai trop de mal à rester sur le même projet trop longtemps. L'avantage avec le hacking, c'est que c'est souvent fichu pareil, mais la cible est toujours légèrement différente. De quoi pimenter sans désorienter.

"Oui, classique." Je commente encore. C'est varié, amusant aussi. Moi, je me fiche bien de savoir qui ça touche, tant que c'est pas mon propre gang. Et puis, c'est du hacking. Je tue personne.

Tout me semble assez honnête, finalement. C'est presque trop beau pour être vrai, quand on voit le nombre de raclures qui essaient d'en avoir pour moins cher, qui veulent nous la faire à l'envers sous prétexte qu'on se met pas en danger, et qu'on ne fait que bidouiller derrière un ordinateur. En attendant, on fait plein de choses, on a un boulot créatif. Et on vient toujours nous chercher, parce qu'on est indispensables. La preuve ! Ce boulot bien payé et super sérieux, j'ai pas tellement cherché pour l'avoir. C'est qu'on me demande !

L'idée d'être la seule interlocutrice ne me gêne pas trop. J'ai l'habitude de parler à la place des autres. Pas que j'aime ça, en plus, j'ai l'impression de faire n'importe quoi la plupart du temps. Mais les autres savent bien que j'ose pas leur dire non, que j'ai déjà pris trop de responsabilités dans le gang pour refuser, et que je présente bien parce que je suis une femme. C'est con, hein. Mais d'après eux, ça pèse dans la négociation. "Pas de problème." Que je réponds alors à cette condition là. Le crédit, je m'en fous. La célébrité dans le hacking, je la gagne pas vraiment par les petites tâches confidentielles pour lesquelles je suis payées, je préfère être connue pour les choses que je partage, ou les gros projets d'envergure, le genre où j'y vais par moi-même.

Reste ce qu'il m'annonce ensuite. Hacker des gangs de l'Alliance, hein. C'est pas faute de leur avoir proposé d'être protégés par nos programmes ou nos hackers. S'ils ont refusé, c'est bien de leur faute. On fait bien notre boulot, s'ils avaient accepté, j'aurais pas été capable de les pirater. "Vous savez, autant j'ai pas d'avis sur l'odeur de l'argent, autant je considère que hacker quelqu'un c'est aussi un peu lui rendre service. Soit on réussit, soit on apprend. S'ils perdent quelque chose à se faire pirater, c'est qu'ils se sont pas assez préparés. Quand on y pense, si je pirate un organisme, je l'informe d'une brèche qu'il pourra colmater plus tard. Alors, 'voyez, j'ai pas de scrupules à avoir." Je souris, parfaitement honnête. Je crois que les gangs de l'Alliance ne seraient pas d'accord avec cet avis. Mais en même temps, je pense qu'ils ne sont pas très moraux non plus, et ils nous prennent pour de joyeux idiots. Ça risque pas de changer.

"Franchement ça me va très bien ! Je me demande même si c'est pas un peu trop beau pour être vrai. Je veux dire, vous avez l'air de bien payer, et même en cas d'échec. Qu'est-ce qui me vaut ça ?" Et puis, l'autre question qui vient avec celle-ci. "D'ailleurs, je suis curieuse, pourquoi nous ? C'est au hasard ? Ou vous avez entendu parler de nous ?" Moi qui avais l'impression que les Dead Eyes passaient surtout pour des taupes qu'on oublie la plupart du temps. "Remarquez, j'peux comprendre, mais vous m'avez pas l'air d'être quelqu'un qui passe sa vie dans le Deep, voyez ?"

Fidéliser, tu avais toujours considéré qu’une personne totalement acquise ne serait qu’alors apte à offrir son plein potentiel. Cela passait par un bon salaire en un premier temps et bien d’autres attentions en un second. Ce processus c’est ce que tu voulais réaliser avec elle et son gang aussi petit soit il comparé aux géants qui régissaient les différents quartiers de Decay. L’appât du gain suffisait généralement mais dans son cas elle n’avait tardé à se montrer bien plus curieuse. Etait il nécessaire de lui faire comprendre qu’elle allait sûrement tremper dans des coups très sales ou encore excessivement dangereux ? Non tu pensais qu’elle était consciente de tout ceci. Elle n’était pas consciente de ce que tu voulais faire de ton entreprise cependant, de ce que tu voulais construire doucement mais sûrement. Tu n’avais pas peur des autres titans de ce taudis, de cette basse ville mais encore te fallait-il des partenaires fiables et joueurs, aptes à accepter un rare danger. Faire affaire avec toi n’était pas une belle chose car tu appréciais t’accaparer chaque individu qui pouvait s’avérer utile pour ta structure. Parfois réalisable, parfois impossible, tu n’aimais pas avoir d’individualité sous tes ordres mais plutôt comme un essaim fidèle.

« - Je vais vous répondre dans l’ordre, concernant le paiement voyez cela comme une certaine façon de vous motiver. Une entreprise doit toujours payer ses employés même en de sombres périodes non ? On peut appliquer le parallèle ici. »

Tu prenais soin de ta meute, egocentrique mais non pas idiot dans ta façon de procéder. Bellone prenait en charge les frais médicaux de tes hommes blessés en mission, chose qui te faisait songer à la nécessité d’embaucher un médecin à plein de temps d’ailleurs même si ce n’était le sujet actuellement. Tu te levas sur cette pensée égarée pour faire quelques pas dans le bureau et te placer juste derrière la chaise de ton interlocutrice. Tu avais gardé dans un premier temps tes mains auprès de toi, celles-ci liées en ton dos tandis que tu lui répondais de nouveau.

« - Vis-à-vis du pourquoi vous, je n’avais pas envie de recourir à un gang plus important et ceux-ci n’auraient pas voulu aussi. L’Alliance est un vivier où chacun tente de tirer l’épingle du jeu et les Dead Eyes disposent, vous disposez d’une expertise rare dans le domaine qui m’intéresse. Les Russes font leur argent sur le proxénétisme, le Cartel sur les drogues par exemple et vous sur le hacking. Il était naturel que je me tourne vers vous non ? On va dire que j’ai donc entendu parler de vous. »


Tu aurais pu embaucher un civil mais il fut bien plus facile de trouver un gang en lien avec cette activité que de chercher un quelconque individu, le fameux problème de chercher une aiguille dans une botte de foin. Tu vins dès lors apposer tes mains sur les épaules de la jeune femme alors qu’une partie de tes vêtements amples retombaient auprès de la jeune femme, en l’occurrence le semblant de cape que tu portais englobant partiellement chaque côté de la chaise où « Visage » se tenait.

« - Et effectivement je ne suis pas ce genre de personnes qui passent leur temps en certains recoins peu recommandés d’internet même si les prestations de ma boîte acceptent les traitements… Dégradants par rapport aux cibles que nous pouvons avoir. Ne pas baigner matériellement dans tout ce qui est trop informatique nous préserve des gangs comme les votre. Si quelqu’un souhaite faire une crasse à ma structure, il devra inévitablement verser de son sang. »

Pour te voler des informations, des documents, il fallait venir tes les arracher, venir les prendre ici en ton chez toi et cela était risqué pour les personnes que tu n’avais invitées. On pouvait te hacker mais il n’y avait que peu à récupérer hormis une adresse qui n’est que celle de ton bâtiment et d’autres données aisées à trouver de base. Tu considérais avoir une longueur d’avance de par tes vieilles méthodes de la main à la main ou via le traditionnel papier. Tu aimais avoir le contrôle, cela transpirait en ton comportement et rien, absolument rien n’y faisait exception. Ta simple stature présentement, la position de tes mains auprès de ta silhouette en disant long.

Le type - je suppose que c'en est un, peut-être que j'ai tort - a l'air super à l'aise. C'est chez lui, après tout. Il se permet de se balader, se lève, et vient même jusqu'à se mettre derrière moi. C'est tant mieux, je crois, ça m'évite d'avoir à travailler mon air sérieux et concerné. Il paraît que quand je réfléchis, je perds en crédibilité, enfin, c'est ce qu'on m'a dit.

Tout ce qu'il dit semble trop beau et trop bien dit pour être vrai. Ça me rappelle les politiques aux US, quand j'ai débarqué là bas. Une tendance affreuse à sembler trop généreux, pour découvrir après que tout vient avec beaucoup de conditions. Mais ici comme là-bas, quelles que soient les conditions, j'ai appris à apprécier une opportunité. Une bonne paie, c'est de l'argent de côté pour financer mes autres activités, et des boosters en moins à livrer. Peut-être même que je pourrai payer quelqu'un pour le faire à ma place et ne pas perdre de clientèle.

Il parle pas mal, le type. Il dit beaucoup de choses et les dit bien, alors j'ose pas trop le couper ou tout simplement, parler. Quelque part, mon orgueil de scientifique est un peu piqué par le fait de nous choisir un peu par dépit, quand même. On n'était pas son premier choix. Les autres s'en foutraient probablement, et c'est un peu mon cas, mais il y a un petit quelque chose d'amer. J'ai peut-être plus d'ambition que je ne l'admets. Je préfère garder le silence en me mordillant la lèvre. Après tout, il admet notre expertise, c'est déjà ça.

Je sursaute, d'un coup, lorsqu'il pose ses mains sur mes épaules. J'ai pas l'habitude qu'on me touche. A bien y réfléchir, il n'y a bien que les serpents  la maison qui m'offrent un semblant de contact depuis que je suis à Decay. Les autre Dead Eyes sont … pas vraiment tous ragoûtants et on a comme un accord tacite de se considérer les uns les autres comme des êtres dénués de corps. C'est surtout moi que ça arrange. Le tissu fluide de la tenue du type vient comme m'enfermer dans la chaise et, avant même que je prononce un mot, il se remet à parler.

Il n'a pas tout à fait tort, il y a des inconvénients évidents à être en ligne. Mais avec quelqu'un de calé dans le domaine, il pourrait aussi avoir le bon côté des deux camps. "C'est une façon de voir les choses." Que je fais en haussant très légèrement les épaules. Ses mains posées sur moi m'empêchent étrangement de faire ce que je veux. Pourtant il ne force pas, c'est comme une sorte de suggestion. Je penche la tête sur le côté en réfléchissant. "Hmmmm." J'aime hacker. J'aime le défi de faire tomber les défenses une à une et trouver la petite faille, le truc à exploiter. Mais j'aime aussi créer, et l'envie de développer un système de sécurité complètement imperméable me plairait tout autant. C'est que j'ai pas encore eu l'occasion de le faire pour les Dead Eyes, ils sont déjà trop nombreux sur le coup, et depuis avant mon arrivée.

"Savez, moi ça me va, hein. Vous me payez pour faire un truc que j'aime, et en plus, c'est plutôt sécurisé. Je vais pas cracher dans soupe !" Même le sourire ne vient pas, c'est quand même particulier. "Dites, vous avez besoin de vous asseoir ?" Que je finis par demander. Je comprends pas pourquoi il se pose sur moi alors qu'il a des chaises, un bureau. Je saurais pas dire pourquoi, mais ça me met mal à l'aise. Vraiment mal à l'aise. Je me recroqueville sur la chaise naturellement - je suis pas du genre à me tenir droite de toute façon, mais là, pour l'entretien, je tâchais de faire un effort. J'ai beau ne plus faire attention à toutes ces choses là, je me souviens encore de ceux que j'ai dû passer aux US, à l'université. Être irréprochable, pour être embauchée à la place des dizaines d'autres geeks bien américains qui attendaient dans la salle d'à côté.  Mais là, je sens comme un froid, qui me force à me ratatiner sur la chaise.

Mais à peine la phrase prononcée, j'ai l'impression d'avoir fait une connerie, alors j'essaie de passer à autre chose, la suite, vite. " C-Comme je disais, moi ça me va ! Vous voulez communiquer comment, du coup ? Les lettres, ça risque d'être un peu long, vous pensez pas ? J'peux mettre en place un réseau protégé, j'ai déjà fait pas mal de choses de ce genre là. Ou une ligne directe ? Un truc à l'ancienne ?"

La mise en scène et quelques actes des plus simples pouvaient avoir de rares effets en bien des situations. Son sursaut en disant long, tu ne voulais lui mettre la pression ou plutôt la faire angoisser mais chacun de tes gestes avait pour but de l’inviter doucement mais sûrement à ne pas te dire non. Tu avais toujours préféré après tout négocier sous un toit qui t’appartenait qu’en un endroit qui ne faisait parti de ton territoire. Il est rare d’avoir des individus qui s’amusaient à jouer au plus malin lorsque l’environnement ne leur était des plus familiers même s’il existait toujours des exceptions qui se pensaient supérieurs. Des exceptions auxquelles tu appartenais parfois sachant qu’il était dans certaines situations nécessaire de montrer les dents. Tu ne pouvais dire que tu appréciais la jeune femme présentement mais tu te complaisais en ses approbations concernant ton offre. Elle n’émettait pas la moindre once de discorde même s’il y avait de nombreux individus aptes à cacher efficacement leur ressenti afin de mieux poignarder. Tout se passait bien, peut être trop bien même s’il ne fallait nier l’hypothèse que tout puisse bien se dérouler jusqu’à la fin.

Il n’y avait eu qu’un petit faux pas de la part de ton interlocutrice. En tant normal tu aurais pu être des plus susceptibles face à cette remarque déplacée mais tu sentais que tu avais pu obtenir tout ce que tu souhaitais d’elle alors pourquoi tout gâcher subitement. Elle avait même décidé de passer à autre chose promptement, une forme d’excuses non avouées à tes yeux. Tu savais que tu allais en apprendre plus sur elle avec le temps, des choses qui allaient éventuellement te déplaire mais il était en bien des cas nécessaires d’ignorer de fâcheux points. Tu espérais juste qu’elle ne se donne pas une image actuellement et qu’elle ne soit une vulgaire junkie comme un grand nombre de ces nuisibles qui peuplent les divers gangs. Il était impossible d’être efficace ou quoi que ce soit d’autres en étant addicte à une de ces onéreuses substances néfastes. Il n’y avait pas à dire tout ceci te révulsait au plus haut point. Tes mains reprenant place auprès de ton corps alors que tu la scrutais toujours, curieux de voir comment elle allait réagir en ses moindres mouvements, si un quelconque tic allait se déclencher, n’omettant les moindres détails comme ses doigts.

« - Je suis convaincu qu’effectivement vous n’êtes pas très familière avec le format papier et que de par de nombreux aléas cela peut mettre du temps. Une ligne directe peut convenir effectivement mais je rajouterai un plus si cela ne vous dérange, selon la situation un masque jetable sera lié. »

Un terme très étrange pour désigner une manière de chiffrement cela était surtout en prévision de nouvelles activités qui te faisaient de l’œil. Ton entreprise n’avait d’ennemi actuellement mais chaque chose en son temps, si tu allais vouloir t’agrandir tu allais devoir emprunter des sentiers douteux. Tu allais te faire des ennemis auprès des gangs et non pas seulement de la Milice. Tu pensais avoir fait le tour de ce contrat entre toi et son elle là où tu préférais évoquer tous les points en un coup que revenir plus tard sur des termes. Personne n’aimait la modification d’un contrat et l’imprévu, qui appréciait l’imprévu au final. Tu trouvais donc toujours en le dos de la jeune femme faisant quelques pas alors que tu n’exerçais pourtant plus la moindre pression physique sur sa silhouette. Tu n’étais donc plus intéressé présentement par le contrat mais par la demoiselle qui se trouvait en l’une des chaises de cette salle. Tu appréciais sonder chacun des êtres que tu pouvais croiser, une pratique qui révélait surtout du vice en réalité. Il y avait du bon à connaître une personne mais toi, toi tu ne t’y prenais pas avec le temps et des rencontres, de l’échange comme toute personne lambda mais plutôt avec des actes qui se diluaient tel du poison.

« - Vous me paraissiez comme dérangée, quelque chose vous gênait ? »

Tu aimais mettre le point sur ce qui était déplaisant, gênant, c’était déplacé mais tu savourais chaque fois où tu remuais le couteau dans la plaie même si la personne pouvait vivement vouloir te remettre en place. Tu étais comme un prédateur mais qui appréciait autant l’odeur du sang que les manifestations des émotions.

Je déteste ne pas savoir, ne pas comprendre ce qui se passe. Enfin, plus particulièrement, je déteste savoir qu'il se passe quelque chose sans savoir quoi. Un peu ce genre de sentiment qu'on a quand on arrive dans un pays dont on maîtrise tout juste la langue mais pas le sous-texte. Quand je suis arrivée aux États-Unis, j'avais déjà ce problème. Les gens parlaient, disaient quelque chose de normal, de sérieux, puis éclataient de rire et s'en allaient. Je comprenais plus tard qu'ils ne le pensaient pas et que, finalement, ils riaient de moi. Je n'ai jamais compris pourquoi, et j'ai vite décidé de laisser tomber.

Parfois, à Decay, les gens sont comme ça. Pas les Dead Eyes, ça non. Ils sont bien trop occupés à réfléchir à leurs projets, leurs jeux. Les autres, par contre … Les clients. Les cibles. Des gens dont j'ai pu pirater les fichiers, les conversations, sans comprendre tous les sous entendus qui s'y trouvaient mais que seuls les clients comprenaient vraiment.

Alors, ce type, il me propose toutes ces choses super, soit. Il met des formes, prend des détours et parle bien. Je sais que je ne dois pas juger les gens qui ont du vocabulaire, ce n'est pas de leur faute si j'ai un gros accent et que je cherche parfois mes mots. Mais sa façon de se conduire de parler … Je commence à me dire que j'ai peut-être quelque chose à craindre. Je ne sais pas vraiment quoi, il ne m'a pas menacée, n'a rien dit de particulier qui pourrait me faire réfléchir. C'est sa présence, sa façon de se placer dans mon dos et de me toucher qui me met le poux à l'oreille. Ou la puce ? La tique ? Quelque chose comme ça.

J'ai pas pour habitude de me retenir de parler. Je sais que je parle trop et trop vite, mais là, quand bien même je n'ai pas tout à fait compris ce qu'il entend par cette histoire de masque jetable, je ne dis rien. Il reste dans mon dos pour me parler, je ne comprends pas. D'habitude, les gens veulent me regarder dans les yeux, ce qui m'agace assez quand je préfère faire autre chose en même temps, pour mieux me concentrer. Mais j'arrive pas à y trouver du réconfort. Pour une fois, ça me gêne de ne pas pouvoir le regarder quand je lui parle. J'ai … un peu froid.

A sa drôle de question, je finis par me retourner pour le chercher du regard, prenant appui sur le dossier de la chaise pour tordre mon dos qui craque - de trop longues heures recroquevillées sur mon bureau l'ont un peu bloqué, ça me fait du bien, tout à coup. Je cherche mes mots, et ça se voit. "J-je, heu. J'ai pas l'habitude qu'on me touche." J'ai beau être une exception en terme d'hygiène au milieu de mecs crados des Dead Eyes, je suppose que les gens me pensent aussi sale qu'eux. "Mais je sais pas, j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal ? Qui vous dérange ?" J'hésite un peu, avant de jouer carte sur table. Qu'est-ce qui pourrait m'arriver de pire ? Mourir ? Ce serait pas la première fois qu'un membre du gang meurt bêtement, mais probablement le premier assassinat. " Voyez." Mon accent est particulièrement présent, je préfère le laisser aller, prendre toute la place qu'il faut plutôt que me tromper dans le sens de mes mots. "Je suis douée dans ce que je fais, mais je comprends pas ce que les gens pensent s'ils le disent pas. Et j'ai un peu l'habitude de découvrir après les conneries que j'ai faites. J'ai l'habitude qu'on m'engueule ou qu'on me prenne pour une idiote un peu bizarre. Je vois jamais ce que je fais de mal. Là … Ben j'ai l'impression d'avoir quelque chose à me reprocher, sans savoir quoi ? Vous voulez bien m'dire ?"

Elle empestait, non pas une quelconque odeur désagréable, incommodante mais bel et bien ton parfum préféré. Le parfum de la peur même si tu ne pouvais entièrement calculer le degré de cette frayeur qui la gangrenait non plus en silence mais librement comme elle en témoignait. Elle n’était pas à l’aise malgré tout ce que tu lui avais vendu, ta simple présence, tes simples gestes inoculant en elle des réactions non pas de conservation mais d’appréhension. Tu en étais comme exalté quant à toi, ravi, délecté par son état même si tu avais su susciter bien pire en diverses situations plus mortelles. Il n’y avait rien de plus satisfaisant que ce qu’elle te témoignait, un ressentiment qui n’était autre que de la précaution à divers niveaux, le tout lié à cependant et pour l’instant l’acceptation de travailler pour toi. Tout ceci était très positif à tes yeux, elle était donc une personne qui avait la tête sur les épaules et qui saurait quand ne pas franchir certaines limites. Un profil quasiment parfait même si tu ne pouvais la prétendre par cœur, il allait être nécessaire de lui consacrer du temps afin de mieux la connaître pour le bien commun de votre partenariat. Après tout il y avait bien une parcelle humaine en toi mais il était complexe de savoir comment elle avait évolué au fil des années là où ton existence même prônait un passé inexistant.

Il y avait quelque chose qui te rendait très curieux vis-à-vis d’elle cependant en sa façon d’agir présentement alors que tu ne l’avais quitté du regard durant son questionnement. Tu te demandais jusqu’où son raisonnement avait pu aller pour qu’elle considère avoir fait une certaine chose perçue comme mal à tes yeux. Tu allais devoir dissiper ses craintes partiellement fondées là où aucune personne ne pouvait prétendre te connaître, savoir ce que tu pouvais faire ou non et pour quelle raison. Il était possible de gouverner par la crainte et cela tu l’appréciais mais ici il n’y avait aucune utilité à un tel traitement trop poussé, juste ce qu’il était nécessaire pour être respecté et estimé.

« - Je vois, mademoiselle n’est pas des plus tactiles je comprends parfaitement tout cela. »

À vrai dire tu ne l’étais pas non plus spécialement, tu calculais tout bonnement chacun de tes faits et gestes pour les insuffler d’un effet, d’un objectif à réaliser. Tes actes n’avaient pour but que de transmettre, il était rare que tu agisses par désir de contact. Pour un être crée de toute pièce tel que toi, le toucher était devenu un outil mais rien de plus. Tu avais fait le choix en cet instant de lui tendre la main pour le bien du lien qui finirait bientôt par vous unir professionnellement.

« - Il n’y a pas de sous-entendus ou autres de ma part vous concernant et vous n’avez rien fait de mal à mes yeux mais j’apprécie votre honnêteté. »

Une chose rare en Decay, être trop honnête avait tendance à facilement ouvrir les portes à de fâcheuses situations mais il n’y avait rien de plus plaisant en certains cas qu’un interlocuteur qui jouait carte sur tables. Il était parfois fatiguant de devoir trop triturer la psyché d’une personne imperméable et ce qu’elle t’offrait sur un plateau tu l’appréciais au plus haut point. Plus les secondes passaient plus tu étais satisfait du choix que tu avais fait de la contacter elle et son gang. La première impression te faisait songer au fait que tu allais en avoir pour ton argent même s’il était nécessaire de voir l’évolution de tout ceci. Tu vins donc faire quelque pas pour reprendre place en ta chaise de ton côté du bureau tout en l’abreuvant d’une nouvelle réponse.

« - J’aime juste connaître les personnes avec qui je vais travailler afin de n’avoir de mauvaises surprises même si vous serez d’accord qu’on ne peut prétendre savoir tout sur un individu dès la première rencontre. »

Tu te voulais un tant soit peu réconfortant tout comme neutre en tes propos afin de ne pas la déranger plus qu’elle ne semblait l’être en ce moment précis. En faire trop avait souvent l’effet contraire lorsque la peur dévorait un être passant le relais à ce que l’on dénommait la paranoïa. Tu souhaitais plus que tout ne pas voir ceci naître en elle te concernant même si l’esprit humain et la façon d’interagir avec celui-ci était extrêmement complexe. Tu adorais ces moments afin de pouvoir travailler ce que tu percevais comme un art, celui de modeler les sentiments qu’un humain devait ressentir.

« - Vous fumez ? Ou vous voulez boire quelque chose ? »

Ne cherchant pas à forcement détourner le sujet, tu savais qu’en les tréfonds de Decay il était toujours bon d’offrir de simples choses en diverses tractations non pas nécessairement pour amadouer son intervenant mais pour parfois prouver sa bonne intention ou son estime. Tu avais pu abreuver ton désir de peur, il était temps de l’apaiser et laisser le prédateur retourner en cage.