Michto INC. ft. Bijou

Les coffee shop n'étaient pas le terrain de prédilection de Salome qui leur préférait les bars enfumés aux parkings envahis de motos et de vieilles voitures. C'était le territoire de Bijou, sa jumelle, qui avait beaucoup de plus de "standing" qu'elle selon la jeune femme. Si les deux sœurs étaient jumelles - elles se chamaillaient souvent gentiment sur qui était arrivée la première - elles étaient tel le jour à la nuit mais complémentaires, elles ressemblaient également l'essentiel de l'autre. Leurs vies, rythmées de réussites comme de déboires, de joies ordinaires comme de peines immenses, étaient étranges et marginales et le dénominateur commun à tout ce maelström d'aventures avait toujours été ce qui leur manquait le plus : l'argent. Débrouillardes, filoutes et volontiers sans scrupules, elles survivaient en suivant le cour des jours et des nuits et attrapant au vol la moindre opportunité. Belles à leurs manières, croquant les hommes et leurs portefeuilles, elles se lançaient parfois dans des plans communs, comme aujourd'hui ou après une série de messages préliminaires sur leur portables respectifs, les jumelles préparaient à nouveau la charpente d'un projet assurément foireux.

Durant son jour de repos, Salome avait fait tout un tas de trucs inutiles et inondés les réseaux sociaux d'une flopée de merde abyssale comme elle aimait tant le faire pour s'occuper l'esprit. L'heure venue, elle avait enfilé un mini-short et un crop-top noir et blanc, un bomber bordeaux et enfilé une paire de baskets montantes toute neuve - elle n'avait pas oublié ses chaussures cette fois car elle avait passé une heure a tanner Bijou comme quoi elles étaient à mémoire de forme et étaient tellement confortables que c'était comme ne pas en avoir. Assurément dans deux heures, elle finirait pieds nus. Une paire de grandes créoles plus tard, elle était sortie en trombe de l'appartement de la collègue qui l'hébergeait pour la semaine afin de rejoindre l'endroit où elle avait passé un moment avec sa jumelle le mois dernier. Et comme elle était déjà partie en pensées sur ce qu'elle allait lui dire et ce qu'elles allaient faire, Salome avait... vingt minutes de retard, mais c'était fort peu quand on la connaissait. Bijou était habituée. Et pas un dollar en poche, comme à son habitude.

La brune y alla à pieds car c'était peut-être stylé d'avoir une grosse moto routière, mais l'essence c'était pas donné. Pas de petites économies pour elle. Ce n'était pas si loin en fin de compte et comme elle avait la bougeotte de nature, marcher une demi-heures la mit littéralement en liesse et lui permit de se défouler en chemoin histoire d'avoir les idées aussi claires qu'elle pouvait les avoir. C'est-à-dire totalement en bordel, déjà loin dans le futur à parler à sa Bibi alors qu'elles ne s'étaient même pas encore rejointe. Apercevant la tignasse blonde de sa jumelle au loin - elle attendait devant le coffee shop, faisant quelque chose sur son portable - Salome pressa le pas jusqu'à se mettre à courir. Et c'était vrai que ces baskets étaient confortables !

"Hey, Bibi !", hurla littéralement la brune en se jetant sur sa sœur, "alors alors alors, tu vas bien ? Tu as de quoi payer ? Tu as regardé la chaîne que je t'ai donnée ? Au fait, des mecs en vue ? What's the tee ?"

Volubile et partie sur cent idées à la fois, comme toujours. Son entousiasme joyeusement foutraque se sentait dans l'accolade affectueuse qu'elle offrit à Bijou, la serrant fort dans ses bras.

"On rentre ? J'ai super soif, je viens de me taper trente minutes de montée, c'était super mais j'ai littéralement la gorge sèche comme la chatte à maman. Oh bordel, j'ai pas un rond, comme tu sais. Tu as de quoi payer ?", elle réfléchit avant de continuer, "j'ai pas déjà posé cette question, en fait ?", à nouveau, un silence avant qu'elle reprenne brutalement, "et sinon, tu vas bien ? Tu as regardé la chaîne que je t'ai passé ?"

Il n'y avait que Bijou pour supporter et suivre Salome quand elle était dans un tel état. Ou dans le moindre de ses états en fait.

Salome parlait vite mais l’enchaînement de pensées dans son esprit allait plus vite encore et sa sœur était une des rares personnes qui savait lui ménager du temps pour arriver à réunir son attention sur les choses importantes ou à trier ce qui devait être retenu ou pas. C'était une gymnastique entre elles qui leur venait des tréfonds de l'enfance, s'étant adaptées ensemble à une stratégie efficace pour se comprendre et créer ensemble cette belle complicité qu'elles avaient aujourd'hui. Les deux jeunes filles mimèrent un baiser avant que la blonde accepte l’accolade un peu brutale - Salome contrôlait mal ses gestes quand l’enthousiasme lui brûlait l'esprit - et partagèrent une allégresse commune, communicative. Salome toucha par réflexe les longs cheveux clairs de sa jumelle, incapable de garder ses mains pour elle plus de deux minutes.

"Okuuur, meuf ! Ça me rassure !", elle se dandina d'impatience d'un pied à l'autre en crochetant le bras de Bijou pour la presser un peu d'entrer dans le coffee shop, "t'es la meilleure, tu sais ? La prochaine fois c'est moi qui aurais de la thune, promis. C'pas toujours à toi d'allonger la fraîche."

Elle riait déjà sans raison, petit tornade ordinaire, aussi brune que Bijou était blonde et pourtant parfait reflet l'une de l'autre à quelques détails près. L'air espiègle de sa sœur lui tira un gloussement incontrôlable se changeant en une franche hilarité sortie un peu de nulle part. Parce que Salome aimait simplement rire, être heureuse, être bien. Elle riait dès qu'elle le pouvait et n'avait besoin d'aucune excuse, d'aucune raison.

"... trois ? P'tain j'aurais pensé plus tu vois... oh, hé, tu as pensé quoi de la vidéo du chat qui fait du pole dance ? C'était trop marrant, j''en pouvais plus. Et le truc de l'autre charo là, sur comment séduire une meuf ? "La question elle est vite répondue", j'en pouvais plus non plus, ce gars là c'est de l'or. je le sucerai pas si ma vie en dépendait et puis je peu... on parlait de quoi ?", se rendant compte qu'elle était en train d'oublier l'essentiel, ".. de porn ? P'tain j'sais plus. Attend... Gurl ! Justforyou, Velvet ! J'ai bon ? Ouais carrément, enfin je virerai pas lesbienne non plus mais j'irai bien lui faire le tour de l’île si tu vois ce que j'veux dire."

Salome gloussa bouche fermée, l'air un peu benêt. Elle avait ce côté sans gêne, très direct, lorsqu’il s'agissait des choses les plus intimes qu'elle tournait souvent en vulgaire. Parce que ce n'était pas la plus distinguée des femmes, pas la plus raffinée : elle s'en foutait. Entrant dans l'établissement, les sœurs s'avancèrent vers le comptoir pour faire la queue avec les autres clients et Bijou eut un éclair d'humeur, acceptant difficilement d'attendre. Salome était du même tonneau, mais pour d'autres raisons et avec d'autres réactions. La jeune femme laissa sa frangine constater l'avancement, déjà en train de pianoter sur son portable pour répondre à la dite Velvet. Ça avançait bien cette merde, il fallait dire ? Maintenant est-ce que c'était un bon plan... ?

"Oh, tu disais quoi ? J'ai pas écouté, désolée. Un bar ? Sûr, sûr. On verra, on va déjà essayé de boire quelque chose ici avant de crever déshydratées", elle sourit, aimait bien voir Bijou s'impatienter et claquer sa langue contre son palais - une vraie petite princesse, "vu tout ce qui y'a sur la carte, perso je mettrais trois semaines, sérieux. Ha non pas de café, après j'ai avoir une chiasse d'enfer, tu sais bien. J'vois pas, y fond quoi en froid ? Putain j'ai soif, j'vais sécher de désespoir", elle se pencha sur le côté, "Oh, sashay, les gars ! Activez vos boulis !", voyant que le client devant elles se retourna, "c'est bon, pas d'souci, c'était une blague !"

Spoiler, non. Mais Salome avait tendance à oublier ses ressentis en quelques secondes au contraire de Bijou qui était d'une nature rancunière. Pour s'occuper, elle fixa sa sœur et l'écouta parler d'un nouveau pigeon potentiel, souriant de plus belles.

"Oh, sérieux ? La planquueeeee, la girlfriend experience. Même pas besoin de se rouler des pelles, le plus souvent. Il est comment, il a quel âge ? Il a du fric au moins, t'es sûre de ton coup ? J'suis conne, tu m'en parlerais pas si tu étais pas sûre... oublie, parle-moi de ça. Oh, moi ?", elle réunit ses idées, "j'ai donné un coup de main", elle agita le poing d'une manière suggestive, "à tonton Nick", c'était ainsi qu'elle appelait Dirty Nick, le gérant du stripclub dans lequel elle travaillait, "en échange de quoi il me laisse dormir dans les loges. Ca vaut pas un protecteur mais c'est déjà ça. T'inquiete ma chérie, j'vais nous trouver quelqu'un. J'ai deux combines en route, et j'dois aller voir ce que le Track compte en gang. Ces mecs-là avec leurs caisses, c'est totalement mon genre. Je verrais bien puis y'en a qu... bon, ça avance en fait ?"

A bien y regarder, les différences voyantes entre Bijou et Salome mettaient souvent en exergue leurs ressemblances, aussi étrange que cela puisse paraître : il était impossible de louper qu'elles étaient jumelles. Ce même visage vivait pourtant au rythme d'émotions très différentes toujours violentes; vivaces grandes bourrasques de vie qui emportaient tout sur leur passage. Bijou était l'agressive, Salome la dissipée. Salome était l'insouciante, Bijou la calculatrice. Elles avaient du apprendre très tôt la débrouille et fonder sur leur lien une complémentarité qui n'avait finalement pas grand chose à voir avec leur statut de jumelles ; toutes les jumelles ne se complètent pas, ne s'ordonnent pas. Ce n'était qu’un cliché et elles avaient forcé le trait pour survivre. Et quand elles riaient ensemble, les soeurs, tout Decay savait leur conversation.

"Ce mec me tue, son pantalon lui moule tellement la bite que ça lui fait un cameltoe, juré j'avais jamais vu ça", elle hocha du chef de bon cœur, une larme à l’œil ne comprenant pas la suite de la phrase de Bijou, "... je touche pas à son p'tit pipeau, sérieux ! J'suis pas mercen... missionnaire. Merde, j'suis pas dans les bonnes œuvres quoi. T'as compris !"

La brune dansait une jambe à l'autre, sentant déjà les fourmillement préliminaire à l'ennui saisir son corps. C'était difficile pour elle de demeurer sur place pendant plusieurs minutes d'affilée, encore plus s'il ne fallait rien faire d'autre que d'attendre. Si la patience n'était pas son fort, tout pointait la pathologie. Des tics, des tocs, des reniflements. Des coups d’œil à droite, à gauche. Elle regarda les différentes tables, dévisagea des gens, siffla un instant une mélodie indistincte, les bras derrière le dos. La jeune femme ne dit rien quand sa sœur parlait du fait qu'elle râlait ; comme d'hab, pensa-t-elle avec une étrange tendresse. Bijou ne savait pas fermer sa gueule, à vrai dire. Et c'était précisément ce que Salome préférait chez elle : ce flot de merde ininterrompue qui pouvait en sortir, avec des putains d'humeur. C'était adorable - parfois un eu dangereux mais allez, c'est le jeu ma bonne Lucette - et c'était amusant pour la brune qui prenait un peu tout trop à la légère. Un mec la dévisagea alors qu'elle ne s'en était même pas rendu compte et elle posa sa main sur l'épaule de sa sœur en signe d'apaisement quand elle le fit reculer.

"Calme tes tétons, ma Bibi. Fragile anonyme numéro quatre de la journée vaut pas la peine que tu t'bouches une artère pour lui", lui dit-elle gentiment - malgré les étranges expressions dont elle faisait preuve, tout cela était très affectif - avant de lui offrir une bise sur la joue, "heureusement que t'es là pour me défendre, frangine."

Elle lui tapote dans le dos en signe d'apaisement tandis que la blonde était partie chercher sur son portable la gueule de son prochain pigeon qui rendait Salome vraiment curieuse. Pendant ce temps, la file n'avançait pas vraiment ou alors pas assez vite au gout des sœurs. "Trente ans, wow, c'est un vieux", s'étonna bêtement la brune en plaisantant à moitié. Elle savait que Bijou sortait des fois avec des bons gros vieux des familles, "fais voir, fais voir", s'impatienta finalement la jeune femme, arrivée au bout de sa faible patience, essayant de presser sa sœur en la collant et l'agitant un peu sans le vouloir. Il arrivait à Salome d'avoir des gestes très brutaux sans même s'en rendre compte. Elles discutèrent de la situation de la brune et se sourirent de concert en parlant du patron de cette dernière. Pour elles, les hommes étaient contrôlés par leurs pulsions. C'était plus facile de les gérer quand on connaissait ce secret. Aucun homes, selon Salome, ne peut résister à ses envies sur le long terme. Et tandis que Bijou lui répondit avec un air évasif mais très sincère - elle était occupée - Salome lui offrit un sourire plein de tendresse, lui ébouriffant les cheveux en riant. Oui, ensemble, elles y arriveraient. Rien ne les arrêterait, sinon la mort. Non pas qu'elles soient téméraires ou stupides, mais parce qu'elles n'avaient pas d'autre choix : c'est marche ou crève, ici. Occultant totalement les grognades de Bijou, Salome se concentra sur la photo que cette dernière lui montra, l'esprit absorbé par l'image.

"Bonnard, si c'est bien lui", elle lui sourit avec malice, le rose aux joues d'excitation en réponse à l'air féroce de sa jumelle, "bien sûr que tu vas l'plumer ma chérie !", elle se frotta le menton, un peu songeuse, "... ça a l'air d'être un asiatique.... un japonais à la physionomie du visage", comment savait-elle ça, elle ? "tu fais gaffe à tes miches et si ça devient chaud, tu le sashay away, okay ?"

Et soudain, Salome fut absolument prise de cours : concentrée autant qu'elle le pouvait sur ce que lui montrait Bijou, elle se retrouva clairement toute démunie quand leur tour fut venu et que Bijou l'enjoint à commander la première. Il était clair en la voyant regarder les différents menus qu'elle ne savait pas ou regarder. Elle voyait sans regarder, elle ne parvenait  pas à retenir ce qu'elle lisait, encore perdue dans la discussion. C'était comme mettre un enfant dans un rayon de jouets et lui dire, sans le limiter, qu'il pouvait prendre tout ce qu'il voulait. Le choix était bien trop difficile pour elle qui se tourné avers sa jumelle, l'air un peu penaud ; elle avait besoin d'aide. La barista avait l'air de s'impatienter, ce qui ne faisait ni chaud ni froid à la blonde mais le fait de demeurer sans pouvoir choisir commença à affreusement la frustrer. Cela se voyait sur son visage. Elle avait juste envie de boire quelque chose, et fini.

"Bibi, je...", elle releva le regard sur les menus, comme une petite fille perdue, "ce truc, là, c'est quoi ?", son regard se posa sur un autre choix, "attend, non... ça plutôt mais... c'est pareil ? On dirait que c'est pareil, mais sans le... c'est quoi déjà ? Meh, hibiscus. Nan... un café, ha non ça me file la chiasse. Ha putain, Bibi, ce truc, j'ai oublié le nom. Le truc vert qui sent la noix de coco ? Chaud ou froid... c'est un truc de thé je sais plus... c'est, hm, amer, non ? Aide-moi j'ai bouffé le nom, chérie... le truc vert, avec la noix de coco. C'était vert, mais y'avait de la noix de coco ?"

C'était la merde pour Salome et elle avait clairement besoin d'un coup de main de Bijou pour ce genre de choses.

Salome regarda un instant sa sœur qui demeurait silencieuse avant que cette dernière n'éclate de rire. Elle-même se contint admirablement à peine quelques secondes pour se laisser aller à une hilarité contaminée par celle de sa jumelle, gloussant tant et sans y mettre de forme qu'elle sentit ses yeux se chamarrer d'humidité. Les moments qu'elle passait avec Bijou étaient précieux, uniques. Elle ignorait combien de temps encore leurs mascarades pourraient durer avant qu'un homme ne leur fasse du mal ou ne cherche à les séparer - ce qui serait impossible, mais les hommes étaient par nature cruels pour la jeune femme, et faisaient ce qu'ils leur plaisaient. Decay n'était pas une vile où le bonheur fleurissait dans la rue, mais elle se sentait chanceuse d'avoir à ses côtés une personne en qui elle avait une confiance aveugle et un amour infini. Ce genre de chose n'arrive pas en toute en vie pour beaucoup de gens. Elle, elle avait Bijou. La brune glissa sa main dans celle de sa sœur, lui offrant un sourire tendre lui pouvant qu'elle appréciait le moment pour ce qu'il était : un îlot de bonheur dans la dureté de l'océan que formait leur vie. On y vient, on en repart et on y revient quand les grandes agitations tempêtent sur l'existence. On s'y cache aussi. On y demeure heureux, puis on retourne à la mer pour pécher et se nourrir car l'amour, aussi fort soit-il, ne remplit pas les estomacs.

Les deux sœurs se retrouvèrent penchées sur le téléphone de la plus blondes des deux pour parler du profil du nouveau pigeon désigné de Bijou. Plutôt bel homme, avec un air un peu canaille qui changeait des vieux habituels qui choyaient sa jumelle avec des attitudes de vieux beaux pétés de fric. Salome hocha du chef lorsque Bijou lui demanda si elle était sûre de l'origine du mec sur la photo, et la brune préféra se focaliser sur cette discussion plutôt que sur l'attente bien qu'elle aurait pu prendre ce temps pour décider en avance de sa boisson... mais elle n'avait pas vraiment l'esprit pratique, Salome. Elle avait également complètement oublié la raison de leur rendez-vous, et l'histoire de Velvet...

"C'est facile, faut juste faire attention aux détails : les japonais sont en général un peu plus pâles que les chinois et leur visage est plus large. La forme des yeux est très différente", elle lui montra une photo d'un ancien coup, "ça, c'est un chinois, chérie. Après c'est des généralités mais... on peut aussi spotter la différence parce que culturellement, les chinois et les japonais ont pas le même rapport aux couleurs. Les chinois apprécient souvent les couleurs lumineuses alors que les japonais mettent l’accent sur les petites touches personnelles. Des trucs comme ça, des détails quoi."

Malgré son étourderie naturelle, Salome avait un curieux sens du détail et n'oubliait que rarement un visage même si les noms lui échappaient toujours. Elle comprenait vite les différences culturelles, les détails, les manières d'être et avait toujours été un véritable papillon social en dépit de ses troubles. C'était cette aptitude à s'adapter et à se réadapter diversement qui l'aidait le plus dans la vie, et était sa meilleure qualité. Elle rit quand sa sœur parla d'un gars de la triade qui leur avait mit chaud au fesse à toutes les deux; c'était pas passé près en réalité et si elle en riait, Salome ne renchérit pas : l'histoire avait été assez grave et à un poil de cheveu de les faire passer ad patres. Elle se perdit dans les différents menus affichés et ses propres envies changeantes, incapable de se décider seule ou même de lire efficacement. La voix de sa jumelle lui parvint de loin, et elle hocha bêtement de la tête à tout ce qu'elle disait pour finalement la laisser choisir à sa place, ne sortant de son angoisse qu'en sentant sa main sur son épaule. Le calme relatif de Bijou la tranquillisa et elle hocha de la tête.

"Froid, c'est bien. Peu importe au final", elle haussa des épaules, se sentant un peu penaude, "j'vais là bas en avance sis', j'tiens plus, je dois poser mon bacon quelque part. J'te laisse prendre le tout, merci pour la boisson."

Et la voilà déjà partie occuper l'espace de la banquette, retirant ses baskets pour demeurer en tailleur, pieds nus et prenant ses aises. Partout où Salome s'asseyait, elle semblait chez elle. C'était drôle à voir. Elle releva la nife en voyant sa sœur arriver, la remerciant de la tête pour la boisson et en prenant une longue lampée pour se rafraichir la gorge, les joues roses du plaisir de pouvoir enfin boire.

"Alors dis-moi, Bébé, ton mec, il a un p'tit nom et un boulot ?", elle avait déjà bu la moitié de son chai, "il doit avoir un bon taff, sinon tu lui ferais pas ton Eleganza Extravaganza, n'est-ce pas ? Pour qu'un mec te tente, faut qu'il puisse suivre ton "purse first", je te connais. Et j'veux tout savoir !"

Salome eut un large sourire un peu malicieux, curieuse de nature et ayant totalement oublié ce qu'elle voulait raconter à Bijou. Ce n'était pas si grave, au final...

Un battement de cil plus tard, Salome était déjà partie en papillonnant d'une table à l'autre, perdue dans un milliard de pensées disparates en attendant sa jumelle, s'installant le plus familièrement du monde. Son regard sillonnait les boiseries du lieu, ses doigts courraient sur la table, ses jambes s'agitaient sous cette dernière tandis qu'elle se recoiffa de quelques gestes de la main à la hâte. La brune en était rendue à jouer avec les pointes quelque peu fourchues de ses cheveux - putain, il faudrait qu'elle coupe ça - quand Bijou revint avec le plateau où se trouvaient leurs commandes. Elle lui offrit comme toujours un sourire solaire, insouciant et volontaire, visiblement communicatif avant de se saisir de sa boisson pour tirer sur sa paille et boire presque la moitié d'un coup en soupirant d'aise. Elle s'installa plus confortablement sur sa banquette et écouta Bijou lui expliciter un peu l'histoire.

"Tu m'en diras plus quand tu sauras, blondie", Salome ferma la bouche, retenant un rot disgracieux mais soufflant le résultat après avoir roté bouche fermée, "... tu m'connais, j'suis une fouineuse. Mais ouais, j'vois. Ça m’empêche pas de m'inquiéter mais j'vois ! Après tout c'est mon rôle d’aînée !"

A vrai dire, aucune des deux jumelles n'avait jamais su laquelle était arrivée en première mais c'était une plaisanterie récurrente entre elles que de se donner la place de l'aînée du duo. Salome offrit un clin d’œil complice à la blondinette, regardant les traits de cette dernière se détendre un peu ; elle aimait bien quand Bijou faisait la gueule, ça lui donnait un petit air boudeur adorable. Mais ses sourires n'étaient pas mal non plus. Prenant un air soudainement étonné, la brune avait littéralement oublié l'histoire qui l'avait menée à demander à voir sa jumelle et elle mit un instant à se souvenir de sa propre histoire, réfléchissant au point de se dire un isntant qu'elle avait lublié le motif de leur rendez-vous. Mais putain, sa mémoire ! Elle se souvint brutalement, tout sourire.

"Oh, oui ! Justforyou, Velvet !", elle piaffa d’impatience, oubliant qu'elle avait oublié, frappant dans ses mains avec un enthousiasme gamin, "salope millésimée, pur jus", dans sa bouche et celle de sa sœur, salope et chaudasse étaient réellement des compliments et non pas des injures, "... 'lui ai proposé un feat. dans une de ses vidéos puis j’ai pensé à toi. Les puceaux adorent les jumelles, ils tipent comme des demeurés sur sa chaîne, de ce qu'j'ai vu. Elle est okay pour nous deux, faut juste négocier le pourcentage. Y'a pas grand'chose à faire, rien qui te demandera de trop te mouiller", elle ajouta, aussi malicieuse que vulgaire, "la partie inondation du sous-sol, je m'en chargerais après. Je suis bien chaude pour la baiser. Toi, t'as juste à teaser. Mais c'est comme tu veux chérie."

Salome ne dit rien de plus, finissant son chai d'une seconde lampée qui n'avait lus rien de préliminaire, faisant un bruit incroyable en tirant sur sa paille. Quand sa sœur décroisa puis décroisa les jambes, elle-même se remit plus à l'aise en tailleur, se grattant un peu le dos. Elle était extrêmement souple, et passa ses jambes sous ses genoux sans effort pour se mettre en vrai tailleur.

"T'inquiète hunty, je m'occupe de tout et ça dépassera pas ta limite. La virginité ça vaut cher, tu la vendra à qui tu veux. Ça te tenterai ou pas, du coup ?", elle marqua une petite pause mais reprit presque dans le même souffle, "c'est moins chiant avec une femme, en plus elles sont moins dégueulasses en général, tu verras. Reste à voir si elle va pas nous entuber sur le pourcentage, mais on est malines, on se laissera pas enculer... enfin pas pour des clopinettes quoi !"

Elle rit du nez de manière bruyante, fière de sa blague nulle. Passant son index sous son nez, Salome se fendit d'un sourire invincible et conquérant, sûre d'elle et particulièrement détendue concernant son plan.