Rien de moins que le Saint Graal ! [Alyce]

Affairée ses doigts parfaitement manucurés pianotent sur le clavier à toute vitesse pendant que défile le flot ininterrompu du chat en ligne qu'elle a décidé d'explorer pour pouvoir plus facilement trouver du client potentiel pour sa chaîne. Sa photo de profil dénudée juste ce qu'il faut attire les garçons comme le miel attire les insectes. C'est amusant mais presque trop facile. Sa jambe bat la mesure d'une musique qui hurle dans son casque audio, son chausson en forme de lapin frottant contre la tour d'ordinateur complexe, mainte fois bricolée. Le bruit de la ventilation de l'imposante machine trompe le silence du reste de la pièce. Si tant est que l'on puisse parler de silence : le studio minuscule engoncé dans un immeuble de plus de douze étages est juste au dessus du sex-shop qui occupe le rez-de-chaussée. Le brouhaha résiduel des passants, de la circulation dense de ce milieu d'après-midi, et de la sono criarde du magasin ne filtrent cependant pas le casque high-tech acheté avec l'argent des streams. Les persiennes baissées plongent la pièce dans la pénombre, striant le mur de rais lumineux d'un soleil de plomb.
La main aux ongles multicolores s'arrête un instant pour saisir le verre de jus d'aloé où presque tous les glaçons sont déjà fondus. Le liquide frais avalé en une déglutition sonore, Velvet s'étire longuement, se replaçant correctement sur sa chaise de bureau noire et rose. Tirant sur ses doigts pour les faire craquer, son regard abandonne un instant ce vivier de pigeons potentiels pour observer son espace minuscule.

Il va falloir prévoir un peu de rangement : ses affaires de la veille son en vrac sur le lit king size qui prend à lui seul le tiers de la pièce, juste devant lequel se tient le bureau où deux écrans panoramiques se disputent l'espace déjà encombré de papiers, de stylos à encre colorée pailletée, de carnets, de washitapes, de capotes et d'un bazar hétéroclite de fournitures de bureau et de sex-toys encore emballés. Elle vient tout juste de recevoir des nouveauté de l'un de ses plus gros sponsor pour ses prochaines vidéos. S'ajoutent à cela rien de moins que quatre webcams filiaires dont l’œil rond est encore éteint pour le moment, prêtes à se braquer pour enregistrer les moindres angles de ses vidéos.
La jeune fille laisse un moment son esprit dériver pendant que le flot de la conversation du chat se fait moins dense. Elle devrait avoir assez teasé les réseaux pour aujourd'hui. Une bonne chose de faite. Ne jamais se reposer sur ses lauriers, c'est la clé du succès.
Les yeux noisette parcourent distraitement son agenda en ligne, vérifiant qu'elle n'a pas - encore - oublié un éventuel rendez-vous ou quoi que ce soit à faire. Le frigo du minuscule coin cuisine est plein de cochonneries, elle est fin prête... Si l'on excepte ce foutu ménage ! Bah, la flemme, elle aura qu'à tout cacher sous le lit !

La musique plein les oreilles, elle manque de peu de louper les coups de sonnette. Le troisième est le bon et Velvet bondit dans un sursaut, s'arrachant le casque, sa chaise à roulettes butant contre le bas de son lit, manquant de peu de se vautrer en arrière. J'arrive ! gueule la voix flûtée et aiguë à l'adresse de celui qui s'acharne sur sa sonnette. Bondissant sur ses pieds, la streameuse ajuste sa robe minimaliste : presqu'une nuisette en définitive, en coton rose pâle à petits pois blancs dont la longueur scandaleuse s'arrête tout juste aux premiers entrelacs de dentelle de son shorty blanc. Puis, tournant la clé dans la serrure, elle ouvre la porte en grand sur...
ALYCEEE ! Voilà la jeune fille qui sautille devant cette amie imprévue, dont les bras sont chargés d'un gros carton particulièrement volumineux. Et mon bébééééé ! s'exclame Velvet, tout sourire, l'air absolument comblée, enlevant littéralement le carton des mains de sa comparse.

Laissant la porte ouverte, la jeune fille s'éloigna pour poser le carton sur son lit dans un "ouf" sonore, ses chaussons lapin trépignant sur le lino noir et blanc au rythme de sa poitrine libre sous les fines plissures de la robe. Rentre, rentre ! Ne te fais pas prier ! La silhouette délicate, tournoya pour regarder l'autre fille, lui faisant signe de la main pour qu'elle ferme la porte derrière elle. Tu as bien cinq minutes pour prendre un café quand même ! Ne pars pas comme une voleuse alors qu'il fait si chaud et que tu as porté mon gros bébé jusque là. Tout sourire, pleine d'énergie malgré la chaleur, elle lui offrit son plus large sourire, les mains jointes dans le dos, ses cheveux bouclés chatouillant la base de son cou et qu'elle chassa d'un geste presque impatient.

La jeune fille dansait d'un pied sur l'autre devant cette grande boîte que l'autre femme avait tant souffert pour lui apporter. Un instant absorbée par l'impatience, elle en oublia Alyce, la laissant choisir de se mettre au frais... frais relatif car elle n'avait toujours pas eu de pigeon pour lui offrir son climatiseur... qu'à cela ne tienne ! Il faisait tout de même meilleur que dehors, grâce à la douce pénombre presque rassurante et les persiennes qui zébraient de noir le mur blanc décorés de posters de jeux célèbres et de quelques fanarts de sa communauté. La voix d'Alice la tira de son excitation, tournoyant sur elle-même pour un grand sourire, les mains dans le dos, sa jupe balançant toujours sur ses cuisses potelées. Quelle mauvaise hôte elle faisait de s'occuper de son carton alors même qu'elle avait une invitée. Un thé glacé ? J'ai du jus d'aloé bien frais, du sirop de grenadine et de menthe, je peux faire du thé et mettre des glaçons dedans ceci dit. Ha, et de la limonade mais cette marque est dégueulasse. Elle offrit à son comparse son plus grand sourire, avant de hausser un sourcil, tiquant - enfin - vraiment sur sa tenue digne d'une expédition en Sibérie plutôt qu'un jour de canicule. Les yeux noisette s'ouvrirent en grand et elle joignit les mains devant sa poitrine qui menaçait sans cesse de s'échapper de sa robe minimaliste, produisant un "clap" sonore. Mais tu es habillée pour l'antarctique, ma chérie ! Et tu es toute trempée ! Si tu veux, je te prête ma salle de bain : un jet d'eau frais et tu devrais retrouver forme solide. Elle étouffa un rire entre ses doigts pâles avant de se précipiter vers le frigo américain qui jurait avec le minimalisme de son espace cuisine, qui tenait littéralement sur un timbre poste. Ce n'était pas comme si Velvet avait pour habitude de vraiment cuisiner. Elle faisait plutôt réchauffer ce qu'elle achetait déjà fait à la supérette ou se faisait bêtement livrer. Elle attrapa deux verres propres, les laissant sur une table carrée laquée blanche à peine assez grande pour deux.

A la mention de l'unboxing, Velvet jeta un regard distrait vers son bureau, sans éprouver la moindre once de gêne : pourquoi le serait-elle pour du plastique ? Ah, ça ! Non, j'ai déjà fait l'unbox'. C'est du stuff' pour les vidéos, si j'ai besoin. Des trucs de sponsor, t'sais. Elle haussa une épaule, remontant d'une main distraite la bride de sa robe qui glissait le long de son bras. A force de s'agiter aussi...

Sautant du coq à l'âne avant même que son amie puisse vraiment répliquer, elle ajouta : Tu sais que boire chaud quand il fait chaud ça limitait la déshydratation ? Mais bref... je sais plus ce que tu veux boire, tu avais dit quoi finalement ? Bon, je te met de l'aloé frais, tu verras j'adore moi, avec les morceaux là, c'est trop bon. Son sourire éclairait tout son visage sans maquillage : une belle peau de bébé, des joues un peu rondes, de jolies fossettes qui s'accentuaient sur son rire et les tâches de rousseur plus visibles que d'habitude sans le filtre du fond de teint. Elle parvint de nouveau au frigo, ouvert pour rien un peu plus tôt pour y récupérer la bouteille de jus d'Aloé et des glaçons : plein de glaçons parce qu'elle adorait les croquer et les faire tinter contre le verre.

Pour la douche, le mitigeur est inversé : le rouge c'est pour l'eau froide et le bleu pour l'eau chaude. Et... ha ! une serviette ! Dans le placard sous le lavabo, prend n'importe laquelle. Pas de "non", ça te fera du bien. Elle faisait les questions et les réponses, Velvet, désignant du menton une petite porte qui ouvrait sur une salle de bain minuscule mais fonctionnelle, étrangement mieux rangée que le reste de l'appartement. Un large miroir en forme d'étoile, entouré d'une guirlande led rose, trônait devant le lavabos, et l'étagère juste à côté alignait tous les produits de beauté et parfums de la streameuse.
Les verres étaient prêts sur la table, se couvrant de condensation et Velvet s'était mise dans l'idée de ranger un peu les vêtements qui traînaient sur le lit et par terre, le temps qu'Alyce se rafraichisse. Ses pieds nus se prirent par mégarde dans une culotte abandonnée, trébuchant dessus, manquant de se casser la figure... LA PUTAIN DE TA MERE DE CULOTTE DE SES MORTS ! brailla la douce et mélodieuse voix de la jeune fille hyperactive, faisant trembler les murs de l'appartement.

Sautillant sur un pied pour conserver son équilibre, Velvet chassa la culotte coupable d'un revers d'orteil pour la virer sous le lit - déjà bien encombré de tout un tas de bordel et de caisses de rangement contenant principalement son matos de réparation et de pièces de rechange. Les gens étaient souvent dépassés que son boulot de streameuse érotique paye. C'était clairement sous estimer la demande : les mecs auraient toujours besoin de se branler. Et quoi de mieux que l'anonymat d'internet pour assouvir toutes sortes de plaisirs voyeuristes. Elle commençait à être connu dans le milieu, après tout. Sa fanbase était suffisante pour lui assurer des revenus plus que confortables et son véritable loisir était en réalité ses activités de réparatrice d'à peu près tout - et n'importe quoi. Peu de gens savaient la réalité sur sa combine simpliste : pousser les fans à en vouloir toujours plus d'elle. Se rendre indispensable. Parfaite. Elle vendait son image, son fantasme et rien ne lui plaisait plus que ça. Elle maquillait la réalité en prétendant vivre de ses réparations mais le fait était là : le sexe virtuel nourrissait mieux.

Aussi quand le museau d'Alice passa l'entre-bâillement de la porte, la jeune fille lui offrit un sourire éclatant sans aucune raison. C'était purement gratuit, cette joie de vivre qu'elle dispensait à tout va. C'est la faute d'une culotte, elle a failli me faire me péter la gueule. rigola-t-elle franchement, sans aucun fard. Aye cap'tain ! Attend je vais te trouver un truc. s'exclama-t-elle, les bras plein d'une pile de linge sale qu'elle... lâcha tout simplement au sol pour mieux l'enjamber pour accéder à la penderie. Elle passa en revue ses affaires d'un œil critique avant de saisir un pantalon d'intérieur léger crème et un tee-shirt noir à l’effigie d'un groupe de métal. La coupe masculine  un peu large laissait à penser que Velvet l'avait piqué à quelque amant de passage - lequel ? Il y en avait eu tellement... Rien de fou, de provoquant, elle n'était pas stupide : Alyce ne semblait pas être du genre à porter des petites tenues sexy. Non pas qu'elle ne soit pas charmante mais elle commençait à cerner un peu son style. Met tes affaires dans le lave-linge qui est dans la salle de bain, je vais les mettre à tourner, no soucis. T'as le temps ? C'est cool, on pourra papoter. Et pour papoter, Velvet était championne. Bien qu'elle sache écouter, elle était volubile et son esprit difficilement fixé trop longtemps sur les choses passait aisément du coq à l'âne. Tendant le butin des vêtements propres à la bonne odeur de lessive, plus soigneusement pliés qu'on aurait pu l'imaginer à la voir si brouillonne, elle profita du répit pour aller servir le jus d'aloé bien frais, sur son lit de glaçons. Elle avait oublié la pile de linge sale abandonné entre l'armoire et le bureau mais cela n'avait aucune importance.

Dès qu'Alice fut présentable, Velvet gambada jusqu'à la salle de bain, préparant la machine pour les affaires de sa livreuse - et amie - avant de la rejoindre près de la petite table avec deux chaises qui n'attendaient qu'elles. S'affalant sur la sienne, la streameuse prit une longue gorgée de sa boisson dans un long soupir de plaisir. Je m'en serais voulu de te laisser à l'état liquide alors que tu me ramenais mon nouveau bébé. Ca va mieux ? Elle était sincère dans sa sollicitude, offrant à sa compagne un nouveau sourire, collant le verre froid à son front pour mieux savourer la fraîcheur après s'être autant agitée. Les bruits de la machine à laver en marche couvraient ceux de la rue et de la boutique et les persiennes brouillaient une vue finalement assez sympathique de Decay vu des hauteurs de son étage. Haaa, j'en peux plus de cette chaleur... Je veux un climatiseur, bordel ! Mais pfff, j'ai pas encore eu de pige... de tipeur qui m'en a fait livrer un. Rien ne va plus dans ce monde, ma bonne dame. A croire qu'ils aiment me voir toute moite et transpirante... M'enfin c'est un délire comme un autre. termina-t-elle dans un clin d'oeil. Et pour te répondre : oui ça paye. A blinde. Faut faire son trou, sans mauvais jeu de mot. Mais je concilie plein de passions et je me fait de la thune, que demander de plus ? Elle sirota encore quelques gorgées de son verre, appréciant la saveur sucrée et glacée.

Et toi alors ? Tu vas bien ? Elle appuya ses coudes sur la table, les doigts entrecroisés, sa jambe battant la mesure. Ses yeux noisette étaient soudain intenses, focalisés sur la jeune femme aux cheveux rouges comme pour mieux décrypter son langage corporel plutôt que ses paroles.

Elle souriait toujours, Velvet. A tout,à rien. Sans faillir, aussi sûrement que le ciel est bleu et que la terre tourne autour du soleil. Une constante dans cet univers de fous, de dingues et de paumés. Malgré ses égarements et ses agitation contraires, elle appréciait ces instants simplement passés avec une amie en visite imprévue, sans autre prétention que de passer un bon moment. J'adore tes fesses, laisse-les à l'air autant que tu veux ! rebondit la streameuse en riant de bon coeur, plus par taquinerie que par réel sérieux. Et quand bien même Alyce aurait choisi de se promener nue, cela lui aurait été égal. Quelle importance, finalement. La nudité n'était qu'une convention sociale, un carcan de plus, en particulier pour les femmes. S'engoncer dans des vêtements aussi douloureux qu'inconfortable pour le sacro-saint plaisir visuel masculin n'était pas une obligation. Etre présentable non plus. Cela devait rester un plaisir personnel. Et la tenue aussi légère que les mœurs de Velvet attestait pour le coup tout le libéralisme de la jeune femme en matière de conventions.

Laissant Alyce se mettre à l'aise et faire sa petite vie sans s'en formaliser un instant, Velvet demeurait une hôtesse dispersée mais attentive aux besoins des autres. Rien ne valait une bonne douche quand la chaleur plombait à ce point. Elle n'était pas assez égoïste pour ne pas pourvoir aux besoins d'une amie. Aussi rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de savoir que sa visiteuse se sentait mieux. Tout cela se détournait de son volumineux carton dont elle oubliait tour à tour l'arrivée avant de songer à l'ouvrir mais chaque fois quelque chose la distrayait, détournant son attention volage. Assise sur sa chaise, la jambe s'agitant sous la table, elle écoutait simplement, amusée d'entendre Alyce parler de bonus. J'aime le sexe au moins autant que les machines et les jeux vidéos, oui. avoua-t-elle sans fard, d'une voix flûtée plus sérieuse malgré les propos scabreux. Elle assumait ses goûts sans rougir et avec une franchise désarmante. Donc c'est effectivement un privilège que de faire ce qui nous amuse le plus en un seul boulot. Elle avala une grande gorgée de son verre, jouant avec l'un des glaçons avant de le croquer - elle adorait cette sensation.

Lucide et terre à terre malgré ses fantaisies, la jeune fille n'avait cessé de sourire, hochant simplement la tête. Travailler de nuit était peut-être mieux par ces canicules, après tout. Tu profites du peu de fraîcheur qu'on a, t'es une maline. Ils ont toujours pas la clim, dans ton boulot ? Ils abusent, pff. Elle agita la tête, désapprobatrice. Offrir de bonnes conditions de travail aux employés devrait être la base. C'était dans ces moments là qu'elle était heureuse d'être sa propre patronne. Rien n'était plus lourdingue qu'un chef incompétent. Quoi que bosser dans un bureau et se taper tout le service comme dans tous les pornos devait avoir son charme. Elle gloussa sans raison de ses propres égarements avant de revenir à la réalité.

Contente que tu aimes, c'est frais. J'aime bien, et puis les morceaux c'est rigolo. Mais baaaah, écoute ça va, rien de trop fou fou, la fanbase est sage, ils doivent être écrasés par la chaleur. Et j'ai encore trouvé un type qui me stalkait dans les poubelles devant l'immeuble. Rien que du vieux. Elle esclaffa de bon coeur, comme si trouver des cinglés prêts à tout en train de l'espionner était parfaitement banal. Peut-être était-ce le cas ? Ou peut-être ne faisait -elle en définitive que la fière à bras pour n'inquiéter personne. Velvet restait difficile à cerner et à lire, avec sa tendance à minimiser les problèmes. Rien ne semblait la heurter ou la terrifier, comme si elle pouvait affronter le monde mais il restait la réalité d'une toute jeune fille de vingt-et-un ans dans cette ville de fous homicides.

Ha ! Et tu m'as amené mon gros bébé... Dis dis, tu veux le voir ? Que tu te sois pas tapé douze étages... ha, attend, au fait, tu avais pas vu le monte charge ? Ne me dis pas que tu l'as porté sur si haut ? Ouah, t'as des gros biscottos en plus de jolies fesses. Je vais t'appeler si je déménage ! Elle éclata de rire, se levant d'un bond pour rejoindre le lit, se couchant presque sur le carton avec un air d'amour infini. Alors alors ? T'es curieuse ou pas ? termina-t-elle de sa voix flûtée, chantante, trépignant elle-même sur place.

Les yeux noisette demeuraient animés d'une lueur très douce, chaleureuse. Elle s'en voulait un peu : elle ne voulait pas inquiéter Alyce avec ses histoires. Ce n'était pas si grave : elle n'avait pas peur, elle refusait d'avoir peur. Elle ne laisserait pas l'angoisse gagner, ni les larmes. Elle se voulait plus forte que Decay, plus forte que les cinglés et les paumés. Elle souriait donc, de ce ravissant sourire qui plissaient ses paupières en arc de cercle tandis qu'elle plaçait son menton sur ses doigts entrelacés, les coudes sur la table.
Ma chérie, ce n'est pas du courage : c'est de l'inconscience. J'aime jouer ma vie à la roulette russe de tout ce que cette ville compte de creepy chelous. Ca n'a rien de courageux, vraiment. C'est l'adrénaline qui me plait. Et puis, soyons pragmatique : ce n'est pas de l'abus si je suis d'accord pour me faire sauter, pas vrai ? Elle se tapota la tempe de l'index sur un sourire de renarde. Elle affrontait la vie ainsi : qu'on veuille la coincer dans un coin sombre ? Parfait, elle en profiterait pour arracher son plaisir aux griffes même les plus malsaines. Elle ne les laisserait pas gagner : personne ne la briserait jamais. Elle se l'était répété encore et encore comme un mantra. Et puisque ce n'était plus des abus, il n'y avait donc pas de traumatisme. Elle garda cela pour elle, plus fine qu'on l'imaginerait à la voir ainsi. Sa main se décroisa pour rompre l'espace entre Alyce et elle à travers la table, venant frôler délicatement les cheveux rouges et la joue pâle. Il y avait quelque chose de doux, de bienveillant dans ce sourire et puis, déjà, le moment passa tandis qu'elle rejoignait son colis en sautillant.

Fantasque petite flamme qui dansait dans l'appartement, elle balayait les chagrins et la douleur d'un sourire, de mots balancés trop vite, d'une énergie puissante et un peu épuisante, souriant à tout va. T'es quand même plus costaude que moi, je t'assures. Je me ferais une entorse en soulevant un paquet de céréales alors trimbaler un carton comme ça : LOL quoi ! Vautrée sur son carton, les fesses à l'air galbées dans son shorty, elle se redressa d'un coup pour aller chercher un cutter dans le tiroir de son bureau, rompant le scotch pour ouvrir enfin le carton. Placée entre Alyce et le contenu pour mieux faire durer le suspens, Velvet plongea ses bras dans le paquet pour en retirer...
Tadaaaaadaaam, mesdames et mesdames je vous présente la seule, l'uniiiique... NINTENDO 64 ! Elle brandit son trophée au dessus de sa tête, manquant de se prendre une manette sur la tête, trépignant sur place en gloussant, ses petits petons martelant le tapis.

Surexcitée rien qu'avec cette vieillerie aussi démodée qu'introuvable, elle semblait une enfant un matin de noël, les joues rougies de bonheur, rejoignant la table pour y poser, avec plus de précaution la précieuse console qui avait bien vieillit. Tu connais ? C'est abusé comme c'est vieux mais papa en avait retapé une quand j'étais môme, ce que j'adorais ça ! J'ai joué tellement d'heures dessus ! C'est toute mon enfance et puis le rétro gaming ça a toujours la côte. Je vais la retaper, la bichonner et puis je streamerais des fois des jeux cultes comme ça. Elle irradiait littéralement de bonheur, époussetant un peu l'antiquité. L'autre jour chez une mamie, j'ai récup' un vieux walkman qui marche plus, pareil je voudrais bien trouver ces vieilles cassettes tsé... Et le remettre en état. Tu vois ce que c'est ? Si t'en vois passer à ton boulot, tu me les met de côté, hein ? Elle caressa la machine d'un geste énamouré : les machines la mettaient toujours dans cet état...