Tigron et Dragon [Analepse feat Gaara Rei]

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Les étoiles surplombent ce soir la cité et leur regard n’est ni atténué du moindre nuage, ni rempli du jugement sévère qu’elles pourraient avoir pour Decay et ses vices en temps normal. Les myriades d’iris de cette jeune nuit sont tournés en direction du centre de Kabukichō, ou de sa périphérie du moins, éclairant la façade chatoyante de la société Kawashii-Yama. Le parking est rempli des longues berlines noires du clan propriétaire de l’enseigne et éponyme, ainsi que des rangs de motos : chopper et sportives citadines, qui portent en et sûr elles les cellules de cet organisme habituellement discret.

Pour certains, cela fait des mois qu’ils n’ont point croisés leurs frères, pour d’autres, ils accueillent ceux-ci, récupèrent les clés des véhicules pour les parker proprement. La Lune est là, elle aussi, comme escompté. Sous un croissant naissant symbolique, les membres se réunissent et pénètrent le haut siège, non sans un regard empli de fierté pour le logo de l’entreprise, leur propre kamôn emblématique, le Fuji siégeant sur la brume, la victoire de la conviction et de la force face à l’incertitude d’un avenir inconnu. Les kakemonoet sashimono alignés ou suspendus à l’entrée sont formels, ce soir est marqué par le sceau des festivités, de l’une des plus chéris par la famille : Sakazuki. Au milieu de l’obscurité illuminée artificiellement des projecteurs et des guirlandes, l’adelphité comptera bientôt un nouveau véritable compagnon.

Le hall d’accueil a été réorganisé pour l’occasion, les pupitres et bureau dédiés à la réception des clients du clan ont étés remplacés par les longues tables, des bordées de celles-ci laissant un vaste chemin central se dessiner jusqu’à une estrade dressée exceptionnellement au centre duquel deux humbles zabuton se trouvent pour tout ornement. Les hommes et les femmes du clan s’attroupent, de petits cercles se forment et l’on entend leurs rires joyeux et leurs éclats tandis que les coupelles ne cessent de se voir remplir de saké, shoshu ou umeshu de qualité rare par des apprentis, de jeunes kobun pour la plupart adolescents. Tous, sans la moindre exceptions, ont laissés leurs costumes noirs, leurs chemises chamarrés et leurs lunettes de soleils chez eux ou au vestiaire.

Il n’est aucun qui ne soit pas couvert d’un kimono taillé à sa juste mesure, arborant même pour certains de gracieux symboles, animaux totem stylisés ou végétaux caractérisant le moindre d’entre eux. Le prêtre shinto est là, non loin d’une table basse laquée où un nombre de cadeaux s'alignent et se superposent proprement, formant un véritable mont de présents dédiés à un unique receveur. Un gong est frappé alors et survient alors le placement. Des tatamis sont disposés, rang après rang et au centre de l’immense salle, où la hiérarchie du clan s’affiche, chaque frère, chaque soeur, connaissant la place qui est la sienne. Le silence s’installe progressivement et depuis l’escalier central menant aux étages du building, provenant de la pagode reproduite au sommet de celui-ci et autant sa demeure, Matsunaga Takeshi descend.

En plus de son kimono d’un anthracite simple, il est vêtu d’un jumbaori pourpre et jais, liseré de fils d’or véritable. Il est ceinturé d’un obi ocre et cendre auquel sont attachés son daisho, l’alliance des deux sabres du bushi : Son katana, Shizukesa et son wakizashi, Kinshu. Le claquement de ses zori, ses chausses de kendoka, résonne, amplifié par le marbre des marches et devient alors le seul bruit que l’on entend. Il s’installe enfin sur le zabuton situé au centre de l’estrade, le second, immédiatement à ses côtés, est alors encore vide. Deux commis viennent disposer aux côtés des deux assises le plateau contenant une bouteille de saké, une coupe de sel et de fines arêtes de carpes dans de petites assiettes. Enfin, le silence s’impose totalement… Du moins, jusqu’à ce que deux frères viennent à se lever, retirent le haut de leur kimono et se dirigent en direction de deux vastes taiko situés d’un côté et de l’autre de l’enceinte. Les bâtons en mains, ils débutent un lent rythme battu sur la peau tendue des tambours rituels, parfaitement synchrones.

Tous les regards se tournent vers l’entrée et les portes s’ouvrent alors sur celle qu’ils attendent et pour qui tout cela à lieu.

Nombreux se souviennent de l’arrivée de ce bourgeon. Mais ce soir, dans l’encadrement des portes du bâtiment, c’est une fleur éclose qui se présente sous leurs yeux.

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Il n’était pas peu dire que le seul son qui fut à entendre durant la procession de l’invitée d’honneur fut celui des taiko battant au rythme de son pas. Les yeux rivés sur elle, l’assemblée paraissait se faire un devoir de ne point perturber la marche, émettre un jugement ou laisser franchir même le plus petit souffle au delà de leur lèvres closes. Il planait au dessus des têtes ce sentiment général bien connu du clan, car ce jour, une soeur allait être reconnue par l’entièreté des membres du Kawashii-Yama. C’était cette fierté même qui les unissaient, celle là dont on jasait à leur sujet, parfois, mais en aucun cas il ne semblait qu’ils s’en dépareilleraient… D’autant moins en un instant comme celui-ci.

Parvenue à la hauteur du Volcan Apaisé, sobriquet offert au petit père des rues qu’était Takeshi par les siens et d’autres, peut être, la protagoniste en tête d’affiche fit montre d’une humilité qui ne manqua pas de laisser deviner le sourire naissant du maître des lieux. Une expression chaleureuse, paternelle, quoique stricte et contenu. À peine eut elle pliée totalement les genoux pour parvenir au seiza traditionnel, les tambours se turent comme si leur batteurs n’avaient quitté la jeune femme du regard afin de synchroniser leur effet. Rejoignant le duo de l’estrade, le Père de tous et sa fille en devenir, le prêtre shinto se positionna entre les deux sans briser la ligne de leur champ de vision mutuel puis entonna le cantique cérémoniel de l’adoption qui se déroulait, annonçant ainsi que les premiers témoins seraient les Kamis en personnes.

Solennel, le petit homme restait bien droit malgré l’âge qu’on lui prêtait et il aurait été un défi de lui surprendre le moindre clignement de paupière, voir la plus petite inspiration. Toute statue de pierre aurait-il pu être, il se mis en mouvement, tirant vers lui son plateau, écrasant les arêtes de carpe dans le sel, puis mélangeant le tout dans le saké avec précaution. Chacun de ces mouvements paraissait aussi précieux que le précédent, précis, aussi et l’on aurait pu penser aisément qu’il ne se serait autorisé aucune inégalité dans le geste : Tous étaient dédiés à ce qui tenait lieu du plus inestimable des trésors du clan, le pinacle même du Sakazuki. Ne doutant pas que de son côté, Rei puisse faire de même avec les ustensiles qui lui avaient été mis à dispositions, il poursuivait dans une tranquillité méthodique sa préparation.

Lorsqu’il parut enfin satisfait et uniquement à ce moment, il reposa les mains sur ses genoux, patientant le temps qu’il faudrait pour que sa vis à vis termine à son tour. Puis, il posa une coupe de la largeur de la paume de sa main face à lui. Le petit récipient était laqué, brillant d’étranges reflets irisés tandis que son ton principal restait d’un blanc immaculé. Avec un soin infini, il entreprit de remplir à moitié celle-ci de la mixture qu’il avait concocté. Ce n’était pas la première fois en ce qui le concernait. Chacun présent ici et bien d’autres qui n’avaient pu déroger à leurs obligations sur le terrain avaient un jour échangé ce verre face à l’Oyabun, remplissant entièrement sa coupe afin de marquer la différence de leur rang et recevant de sa part l’objet. Aujourd’hui, c’était à l’héritière des Gaara de vivre cet instant. Celle qu’elle était allait disparaître pour celle qu’elle deviendrait dorénavant.

Prenant délicatement l’objet dans ses deux mains, il le tendit à la demoiselle, s’inclinant avec déférence, un remerciement muet, la joie d’un parent reconnaissant son enfant. Lorsqu’elle ferait de même, ils boiraient tous deux et le verre qui avait été offert à la jeune femme lui serait donné, scellant ainsi son existence au service du clan, mais aussi le devoir de Takeshi d’être pour elle la figure qui la guiderait tout le long du reste de sa vie.