Show me how to lie you're getting better all the time [Ello]

Il n’y avait pas de souvenir dans sa tête, son esprit était étrangement vide, elle sentait une douleur, sans la subir, c’était complexe comme sensation, mais étrangement pas inconnu pour une casse-cou comme cette créature-là. Elle qui n’aurait jamais pu se douter à cet instant comme ce terme lui devenait approprié. Une voix captait son attention, inconnue, comme tout le reste ici. La lumière l’aveuglait, ses oreilles sifflaient, le son venait, mais elle ne comprenait pas, son cerveau n’était peut-être pas encore relancé correctement. Quelques longues minutes lui avaient été nécessaires pour s’adapter, son corps lourd et surtout indomptable.

Peut-être qu’on l’avait drogué, ça aussi cela ne serait pas la première fois, l’effet passerait, il finissait toujours par passer. Alors là encore son rythme cardiaque restait régulier, son calme olympien imperturbable. C’était seulement qu’elle ne réalisait pas encore le massacre qu’elle s’était au final infligé toute seule. Finalement, les ombres devenaient des formes, puis des traits. Si elle distinguait les visages, Ellone n’en reconnaissait aucun, par contre leurs vêtements, cette blouse caractéristique elle la connaissait bien. Non pas encore !

Sa vieille phobie des médecins s’éveillait, plus une vieille rancoeur qu’une réelle peur, mais alors qu’elle s’agitait, seule sa tête acquiesçait de se mouvoir. Son corps était douloureux, elle ne sentait plus ses membres, la drogue imaginait-elle encore en jetant un oeil sur les bosses que formait son torse sous les draps. On l’appelait par son nom. On la connaissait. Amer, le cobaye à en devenir commençait à avoir les premières suspicions sur le lieu qui l'accueillait. Un esprit vif, pourtant son cerveau est lent. Le mélange était détonnant la plupart du temps, la preuve cette explosion. Un médecin lui prenait de ses nouvelles, mais elle l’ignorait totalement, balayait la pièce du regard, ne reconnaissant personne. Ses iris gris se perdaient dans le regard de cette femme étrange qui l’observait comme un prédateur attendant son occasion pour passer à table. Ses instincts s’affolaient comme si son inconscient avait compris avant son esprit.

“ Qui êtes-vous ? Où sommes-nous ? “

Le rythme cardiaque s’accélérait sous son agacement, la fille avait un tempérament de feu, rien d’exceptionnel à cela, ce qui le sera plus c’était quand à force de s’agiter elle descendait son drap, énergique malgré un mois de coma. Ellone avait toujours eu des problèmes avec son adrénaline, un dysfonctionnement cérébral il parait. Tandis qu’on la contenait sans mal sur son lit, ses iris embrumés se posaient sur les bras qui la plaquaient. Eux sur ses épaules. Sa pupille s'agrandissait alors, il manquait un bout après le grand pansement. Son esprit réagissait aussi, son système nerveux envoyé un signal auquel rien ne répondait. Il lui manquait un bras. L’impression qu’on lui compresse la poitrine commençait à monter. Ni crainte, ni apitoiement, cette enfant-là n’était une essence que de rage. Son poul s'accélèrent, colérique plus qu’autre chose. Sa tête tournait, le second aussi était absent, infamie c’était compliqué de se défendre sans bras.

Les docs pouvaient alors constataient à quel point elle était bien réveillée malgré son épuisement flagrant, cette montée de sang, cette poussée de signaux électriques dans sa tête et son corps qui ne contrôlait pas. Puis l’implosion, elle les insultait de tous les noms, lui ordonnait de s’éloigner plus qu’elle ne demandait, jurer une extermination dont elle se pensait toujours capable, même s’il fallait pour cela leur arracher la craché avec ses dents. Un réveil furieux, sur une découverte déroutante.

Et elle ne savait pas encore pour ses jambes. La réalité était alternée par ses pulsions. La chute serait dure, très douloureuse. Si hautain, riant au nez de sa vie, défiant sa chance continuellement et si c’était la fois de trop ? Le refus absolu quant à cette finalité.

Ellone avait les idées fixes. Elle avait toujours su ce qu’elle voulait, quand elle le voulait, mais dans les pires moments qu’en était-il ?

Le flou à nouveau, ce néant, cette fausse béatitude qui ne durerait pas. Cette fois les choses étaient plus claires dans sa tête. La scène avec les gars en blancs, cette piqûre, puis cette fatigue la submergeant. Encore droguée, la fille avait en horreur ce poison, elle jurait dans un coin de sa tête de tous les tuer, sa rage était croissante alors qu’on l’aveuglait encore et que la réponse de ses bras lui confirmait ce qui avait incité sa rage. Elle avait perdu ses bras.

Les choses défilaient alors à cent à l’heure dans sa tête, il lui fallait une solution, une retraite, un plan tout de suite. Comme toujours, sa vie n’avait pas de valeur, pourtant, elle la défendait bec et ongles dès qu’on menaçait de la lui prendre réellement. Silencieuse, son regard fatigué s'ancrait dans celui de cette femme prononçant son nom, encore une fois. Comment avaient-ils su ce dernier, des papiers ? Elle n’en avait jamais, c’était sûrement le responsable ou les… qui leur avait donné. Des envies meurtrières se cumulaient, avec eux la douleur de prendre chaque souffle. C’était qu’à force de faire carburer sa petite tête, la gamine, car c’était qu’elle était au final, commençait à se sentir acculer par sa malchance…

Cette simple pensée l’apaisait alors instannément. Malchance  hein ? Non, non, non… Ellone était l’enfant chérie de Dame la chance. Toujours, toujours au pire instant, elle lui envoyait une perche quand elle touchait le fond, quand elle se noyait dans sa folie, pas celle qui la rendait si téméraire, mais celle qui lui murmurait d’en finir une fois pour toutes. Toujours, de grès ou de force, elle la conduisait à la surface, lui donnait une nouvelle bouffée d’air, l’obliger à vivre, ou plutôt survivre.  Son coeur emballé se calmait alors doucement, si les yeux étaient réellement le reflet d’une âme, qu’aurait pu lire cette étrangère qu’elle fixait avec intérêt, avec ce sourire malsain et déplacé naissant aux coins de ses iris. Bien que discret, parfaitement perceptible. La fille savait déjà, personne ne lui portait intérêt par charité… Même les imbéciles pensant le faire finissaient toujours par ramasser leur dû.

“ Qu’est-ce que tu me veux toi. “ Cela avait le mérite d'être direct et à son image. “ M’expliquait quoi ? Ils savent en faire pousser des nouveaux ? Non hein?  “

Son regard s’était froissé en disant cela, sa mémoire percutant elle repensait à sa connaissance, le fameux Bazil et sa jambe manquante, son substitut. Une grimace durcissait ses traits, avec ça, ses affaires seraient sacrément  contrariées.

“ Sauve-nous du temps, viens-en au fait et ne tourne pas autour du pot j’ai horreur de ça. “

Sa patience aussi avait été amputée on dirait bien. Déjà que de bases elle n’en avait pas beaucoup. Autant être rapidement fixé sur ce qui l’attendait.  La fille n’était pas le genre de personne qui avait besoin d’être “préparé”, généralement, ce genre d’attention avait l’effet inverse sur elle… Pour le moment, elle ne soupçonnait que ses bras, mais bientôt, la fille sentait que quelque chose clochait aussi plus bas. Même sensation désagréable. Une explosion, le flash lui revenait un instant, rien d’autre encore…

“ Quel est mon état exactement ? “ Sa gorge pâteuse rendait douloureux de parler autant… “ Et j’ai soif. "

Le vif de sujet, enfin. Au moins cette femme comprenait vite ses attentes, pas certaine que cela serait à l’avantage de la dealeuse, mais néanmoins la maigre consolation de ne pas batailler pour des explications lui suffisait. Pour le moment du moins…

“ Non sans blague ? Je n’avais pas remarqué. “

Glissait-elle le ton plein d’ironie devant le bilan de sa situation en l’observant se dirigeait vers la sortie. Une qu’elle devinait enfin ne plus être capable d’atteindre. Dans ce moment-là, certaines personnes auraient sûrement préféré la mort à cette condition, mais les créatures telles que cette fille n’aspiraient qu’à en venir au moment du pacte avec le diable qui prolongerait la game de leur infernale existence dans ce monde. Elle avait encore beaucoup de choses à y faire. Beaucoup de tête à trancher. C’était qu’elle était têtue et rancunière mine de rien. Ou simplement obstinée.

Attentive, bien que le cerveau un peu inerte, Ellone avait essayé de ne pas réagir aux informations, elle préférait pour le moment les archiver dans un coin de sa tête, les survoler dans leur essentiel, pour pouvoir y méditer en solitaire le bon moment. C’était aussi que quelque part, elle avait compris que le pire l’attendait. Elle était passée de l'antichambre de l’enfer, directement sous les draps de leur roi. Un mois c’était ainsi écoulé, voilà qui lui redonnait une temporalité. La pièce était simple, le silence presque angoissant autour, elle se doutait bien qu’ils n’auraient prévenu personne de sa condition. Un proche serait à son chevet, au moins un… était-elle déjà morte pour le reste du monde ?

La pensée lui volait un rire gras, amer, mais amusé. La scientifique pourrait-elle un jour deviner ce qui se passait dans cette tête ?

“ Ah oui quand même. “ Lui répondait-elle alors en la fixant avec une sérénité calculée. L’état de choc ou les nouvelles séquelles sur son cerveau sûrement qui justifiaient un tel comportement.

Encore que, c’était tout à fait son genre, c’était même pour ça, que plus jeune, Ellone avait déjà été approché par ses sangsues. Est-ce que cette femme savait qu’elle n’était pas le premier suppôt de l’église à vouloir lui mettre une laisse ? La dernière, elle l’avait mise en pièce, ceci dit, elle était entière à l’époque. Ainsi elle se doutait bien que cette fois, l’impasse et la cage seraient optimisées… Qu’importe de ne pas être capable de lire, elle ne l’aurait de toute façon pas fait, parfaitement consciente que tout ceci n’était qu’une mascarade, elle leur appartenait déjà et si elle ne coopérait pas, ils la démonteraient bout par bout restant pour la vendre en pièces détachées. O+ Groupe rare. C’était pour ça peut-être qu’elle savait que la “négociation” était possible. Aussi elle interpelait l’inconnue avant qu’elle ne file ouvrir la voie à ses sbires.

“ Ouais, ouais, je connais le topo, t'es pas la première à m'endetter, j'en traine déjà une au Cartel depuis mes dix ans. Vous les avez considéré dans votre petit plan d'ailleurs ? Vous empiétez sur leur propriété là. " Un rire rauque encore. Elle repensait à Red, si seulement elle avait pu  le faire crever au passage, ça lui serait plaisant. " Ce qui m'amène à l'Option 3 : Vous me réparez, je vous sers de cobaye et autre  pour vos délires parce que ça le plan n’est-ce pas ? Ça paye une partie de mes dettes de soin, quelques services supplémentaires pour des sommes définies payeront le reste. Sachant qu’on pourrait bien faire affaire en toute cordialité  toute notre vie si vous vous chargez de la maintenance. “ Son sourire de toutes dents, celui qui lui donnait des airs de prédateurs revenait s’inscrire sur sa face. “Je ferais la morte comme ça tout le monde est content.  Les cages, les chaînes et les muselières ont tendance à me griser. Une humeur dans l’intérêt de personne. “ Son sourire était toujours présent, bien qu’il prévenait une intensité plus sombre. “ Je sais parfaitement que tu peux aussi bien décrété que ma vie s’arrête et te rembourser en quelques bouts. Mais si t’es là avec moi, avec tes propositions, c’est qu’il y à un quelconque intérêt pour toi, autant qu’il y en ait un pour nous deux. Crois-moi, ça augmentera nos deux espérances de vie. “

Ou de survis dans leur cas plutôt.

“ Je veux du rhum. Ou de l’eau. “

Tristesse quand elle réalisait qu’elle n’était plus près de se saouler avant longtemps. Sur cette note, une batterie de médecins prenait d’assaut sa chambre, mettant en suspens leur étrange échange commercial. Ellone était du genre à casser des murs pour rentrer dans une pièce si la gueule des portes ne lui plaisait pas… Peu attentive, elle prêtait un intérêt relatif aux explications des médecins, ils lui énoncèrent sa mémoire, mais la fille n’avait pas l’impression que ses capacités cérébrales étaient touchées. Jusqu’au moment du test. Des questions simples firent alors défaut de réponses. Son incompréhension était alors perceptible quand elle était toujours capable de multipler deux nombres de trois chiffres entre eux, mais incapable de dire de quelle couleur était la tasse qu’on lui présentait. Ils essayaient alors de la rassurer, en lui disant qu’il faudra masse de tests pour définir l’ampleur de dégâts, mais alors qu’ils parlaient les mots n’avaient plus de sens, ils n’étaient plus que des bruits dans sa tête se vidant progressivement de toute concentration. L’un d’eux fit un claquement de doigts et son focus lui revenait.

“ Nous avons du retirer une partie de l’hémisphère droit, pour l’heure, il est difficile de savoir ce qui à ôté amputé avec lui, cette zone… “

L’explication reprenait, mais son intérêt avait filé, à quoi bon se le faire expliquer, quoi qu’il arriverait, Ellone devrait le subir, elle préférait autant le découvrir ou même ne pas savoir, ainsi ça ne lui manquerait pas si elle ne savait pas l’avoir déjà eu non ? Elle se surprenait alors à s’impatienter quant au retour de la fille…

Bien qu’elle ne lui répondait pas, Ellone n’en pensait pas moins. Rien ne fait partie d’un contrat à moins d'être cité clairement et écrit noir sur blanc. Qu’importe, elle n’était pas d’humeur à débattre de toute façon. Qui plus est, d’autres, moins agréables à regarder, avaient pris le relai quand il était question de tambouriner son esprit. Ils avaient essayé de l’embrouiller de long en large, de tourner autour du pot à l’infini, mais Ellone était un disque rayé aux idées fixes, voilà qui n’avaient pas arrangé leurs affaires ni leur travail. Finalement, la conclusion était obscure, la fille savait qu’ils ne joueraient pas le jeu et n’essayaient là que de la rassurer, mais pour le moment, feindre la naïveté lui convenait très bien, elle avait besoin de gagner du temps, leur confiance aussi dans une certaine mesure, elle avait surtout besoin de nouveaux membres. Croire qu’on pouvait acculer une bête de son genre dans un angle pour l’asservir était en définitive la vraie idiotie de cette histoire… surtout qu’elle revivait une histoire déjà, peut-être avec une difficulté hardcore cette fois... mais tout de même.

Ou alors c’était elle qui se surestimait ? Mieux valait ça que l’inverse peut-être bien pour sa santé mentale… déjà très perturbée.

Les heures défilaient alors, malgré qu’elle avait dormi pendant un mois, il lui avait semblé que la frustration et l’ennui de ne pouvoir rien faire l’avaient replongé dans ses songes. Un épisode de l’explosion lui était revenu pendant cet interlude des négociations, mais l’arrivée de la déflagration sur elle ne l’effrayait pas, cela avait quelque chose de fascinant réchauffant tout son être. Un souvenir ou ? L’arrivée de sa négociatrice ne lui laissait pas poursuivre la recherche interne. Affichant une mine déçue devant la bouteille d’eau, Ellone savait bien qu’elle était désormais à la merci de tous, même pour les choses les plus simples…

Sa fierté en prenait un coup quand elle remuait pour attraper la paille pour aspirer, mais être incapable d’avaler quoi que ce soit… Au-delà de manquer de s’étouffer en n’ayant pas pu être capable d'ingurgiter le liquide, elle s'interpellait sur la couleur brune artificielle qu’avait donné le sirop à l’eau. Pourtant, il n’y avait aucun goût dans sa bouche. Ses sens avaient capté la fraîcheur pourtant… peut-être juste un effet secondaire passager de son coma… ou son état. Elle allait se passer d’eau pour le moment.  Reprenant son souffle et pour prouver qu’elle allait bien, cette petite orgueilleuse, la fille enchaînait alors rapidement pour répondre à la première question qu’on lui avait posée durant ce retour.

“ On va dire que ça pourrait s’apparenter à ça… sans accord de toute façon, tu ne serais pas là pas vrai ? “ Son commentaire sur la décision de vie ou de mort aurait pu lui décrocher un rire moqueur si sa gorge n’était pas si douloureuse. D’une certaine façon elle le faisait, mais peut-être en était-elle inconsciente. “ Pauvre petite chose… “ Commentait-elle alors sous sa réflexion. Ceux qui se voilent la face sont les plus à plaindre selon notre protagoniste. “ Ouais… je serais quand même plus efficace avec tous mes organes non ? “ Puis elle avait perdu assez de bouts comme ça. “ Quel choix de mots étrange … Pourquoi des “religieux” voudraient une arme de guerre ? “ Elle connaissait la réponse, faisant partie du Cartel, la dealeuse aux premiers rangs savait très bien à quel point la cohabitation était compliquée, tendue. Allez réglé des comptes avec ses patrons, anciens et nouveaux lui plaisait bien comme idée. “ Passe-toi des détours poupée. Quel genre de bras et de jambes ? Je ne vois pas très bien comme une amputée pourrait faire un larbin pour le sale boulot de façon efficace. “ Non hein. Elle voyait bien comment Bazil avait du mal à marcher, alors logiquement, cela devrait être plus complexe, plus dangereux pour elle aussi donc. Mais les risques, c’était un  peu l'essence même de sa raison de vivre. “ Quel genre de monstre tu as en tête Frankenstein. “

Ellone était visiblement assez lucide sur ce qui l’attendrait… qu’importe, toute sa vie elle avait été prête à tout pour survivre et obtenir ce qu’elle voulait… tout.

Prête ou pas, personne n’allait plus lui demander son avis. Soixante-douze heures plus tard, une nuit, une équipe en blouses blanches était venue la faire disparaître. Trois jours où la fille avait vécu sa frustration, prisonnière de son propre corps, incapable de même seulement pousser une mèche de cheveux. Si on l’avait enfermé dans un coffre et oublier, le résultat n’aurait pas été tant différent. C’était en connaissance de cause qu’elle faisait la comparaison, enfant, c’était l’une de ses punitions…

Malgré la fatigue et le manque de motricité, elle avait aperçu du coin de l’oeil les alentours, les avait gravé dans sa mémoire, les seules fois où on lui avait adressé la parole, c’était pour lui dire qu’elle était officiellement morte en passant cette porte. Silencieuse et absente de ce monde en partie dans son esprit, tant de choses s'étaient bousculées dans sa tête. Un instant elle avait été “heureuse” de quitter ce monde. Quelque part, au fond d’elle, une partie avait toujours voulu disparaître. D’un autre côté, dans quoi l’avait-on embarqué ? Il n’y avait pas de fenêtre dans sa nouvelle chambre. C’était peut-être volontaire, ainsi ils pouvaient décider de tout pour elle, même de la plonger dans le néant à leur guise. Mais les ténèbres ne l’avaient jamais effrayé, bien au contraire, c’était dans leur sein qu’elle s’était toujours sentie le plus en sécurité, invisible.

Parfois dispensée de la notion du temps, elle s’était posé des questions bien futiles, comme est-ce qu’elle manquerait à quelqu’un ? Ou est-ce que quelqu’un lui manquerait. Sa politique de l’autruche avait alors repris le dessus, relativisant la situation et cette vie, ancienne et nouvelle. Des poids en moins sur ses épaules, des boulets sortis de ses pieds… Elle devrait s’en convaincre. D’ailleurs elle s’y appliquait durant sa solitude…on ne passait la voir que pour vérifier son état et ses besoins primaires, on la traitait comme une merde et elle leur rendait déjà bien en étant insupportable bien évidemment. Aussi, pas étonnant que ses interactions avaient été limitées au strict minimum. Alors qu’elle ne fut pas sa surprise en découvrant une tête familière. Une visiblement perturbée. Perplexe, ne pouvant rien de plus que tourner la tête pour l’observer. On lui demandait du temps, pourquoi, Ellone ne savait pas très bien, mais elle respectait le choix, parce qu’au fond, ça l’arrangeait de ne pas se faire souler. La fille n’avait pas l’air bien, qu’est-ce qui se tramait dans sa petite tête ?

La pensée des états d’âme de la scientifique faisait esquisser un sourire sadique à notre protagoniste. Parfois, elle faisait partie de pires… d’autant plus que lorsque cette femme revenait sur le devant de la scène, c’était pour lui offrir une “bonne” attention on dirait bien. Comment se portait-elle ? Quelle question stupide, elle était devenue un tronc totalement assistée, officiellement morte, endettée, la morphine qu’on lui fournissait été modérée, sûrement qu’on voulait la “casser” ou alors c’était voyait du conspirationnisme partout. Dans tous les cas, elle dormait mal, elle avait mal, elle était aussi frustrée que impatiente, puis le pompon était qu’on lui avait annoncé un changement rendant sa condition encore pire. Il semblait que ses lésions au cerveau l’empêchaient d’ingurgiter quoi que ce soit. Bien sûr, elle n’avait pas été coopérative quand ils s’étaient ramenés avec leurs tubes pour la nourrir de force… Même sans membre, elle avait des dents qu’il ne valait mieux pas approcher… une longue histoire.

“ Karma ? De cette vie ou celles d’avant ? C’est un truc du genre non ? “

Même l’épuisement n’aurait pas raison de sa manie du dérisoire. Peut-être même qu’elle lui esquissa un sourire moqueur, c’était qu’elle se moquait plus d’elle même que d’autre chose.

“ Tout s’adapte. T’es venu avec des nouvelles du programme à venir aussi ? Pas juste pour mes beaux yeux n’est-ce pas ? "