We Will All Evolve. | ft. Amber-Georgette Hifergon

Brièvement, il s’arrête. Alors que la pluie ne cesse de tomber en ce début de soirée, il hésite encore. A-t-il seulement un autre choix ? Cela fait plusieurs semaines dorénavant que sa rééducation stagne, en l’absence des bons soins. Et vivre sur ses maigres économies n’est pas une bonne solution. Silencieusement, le Mongol hésite pourtant. Un hopital ? Est-ce là la seule solution qu’il a su trouver ? Il serre les dents sous son masque. Il n’est plus un Assassin depuis les événements de Neo-Atlantis. Tout au plus un messager. Mais tout son Apprentissage auprès du Mentor s’est subitement volatilisé, brisé, lorsque le Roi-Père a accepté le marché. Un unique ticket aller-retour pour revenir de la Cité des Mille Lumières. Qui lui aura coûté une partie de sa place au sein de la Triade. Avalant sa salive, il pousse un soupir. Peut-être qu’il n’a pas vraiment d’autres choix que d’aller trouver l’Union.

Baissant la tête, remontant le col, il entre finalement dans l'Hopital. Un instant, pourtant, il hésite encore jusqu’au moment où il n’a plus vraiment le choix. Une infirmière lui pose la question. « Vous avez besoin d’aide, Monsieur ? » Silence. Bref. Puis la voix mécanique du masque du Mongol s’active, alors qu’il répond dans sa langue natale, traduite pour l’anglais généralisé dans Decay. « Oui. J’ai besoin de quelqu’un pour … Me réparer. », avait-il lâché alors qu’il montrait uniquement sa main droite où il manquait qu’un seul doigt. Inutile d’en dévoiler davantage actuellement, elle n’était qu’un intermédiaire de toute façon.

Une courte phase de dégoût sur le visage de la jeune femme. Elle n’avait peut-être pas tant que cela l’habitude de voir des gens amputés d’un doigt ou deux. Peut-être était-ce bel et bien une erreur de sa part de se présenter en ces lieux. Une inspiration. Puis elle l’avait invité à la suivre vers un autre endroit de l'hopital. Puis l’attente silencieuse. Sûrement une autre erreur de sa part. Une inspiration. Une expiration. Et cette main droite qui ne cessait de trembler. Depuis la disparition de Doc’, il n’était plus aussi bien fourni et ses angoisses se faisaient de plus en plus nombreuses.

De moins en moins d’inhibiteurs, moins de drogues dans son propre corps, peut-être tout cela le rendait plus vulnérable ? Il devait pourtant se contrôler. Au moins pour soigner sa main gauche et redevenir l’Assassin qu’il était.

Il n’eut pas vraiment à attendre en vérité. Alors qu’il préparait la descente pour s’asseoir, la porte s’ouvrait déjà sur une médecin qui, somme toute, était bien banale. Il n’aimait pas vraiment l’endroit mais il n’avait pas d’autres choix que de se présenter en ces lieux s’il voulait trouver une solution à son problème. Il lui manquait des doigts et il ne pouvait définitivement pas revenir à ses anciennes fonctions sans une solution viable. Amber de son prénom n’était pas Doc’. Aussi le Mercenaire s’était résolu à devoir se rendre directement à l’hôpital. Ce serait aussi l’occasion pour lui, s’il trouvait l’ouverture, de récupérer quelques drogues nécessaires pour contrôler ses angoisses et les tremblements de plus en plus gênants de sa main droite. Une inspiration sous son masque tandis qu’il pénétrait finalement le bureau de la Doctoresse.

L’endroit était plutôt petit, le rendant brièvement claustrophobique. Il détestait définitivement les endroits clos. Peu de mobilité. Peu d’accès. Il était difficile de se mouvoir avec aisance. Il n’avait pas pris la peine de lui serrer la main alors qu’il se glissait seulement dans les Bureaux. Elle comprendrait bien assez vite pourquoi il se trouvait en ces lieux. Puis refusant la boisson, en raison de son masque intégral qu’il portait constamment, le Mongol se posait finalement. Silence de quelques instants alors qu’elle buvait son thé avant de lui demander la raison de sa venue. Elle allait au moins droit au but, il ne pouvait pas le lui enlever. Peut-être que dans une autre vie, si elle n’était pas au service d’un groupuscule dont il se méfiait depuis leur apparition, il aurait pu s’entendre avec elle. Doc’ avait compris cela, elle.

Puis parlant en sa langue natale, le japonais, le traducteur automatique intégré de son casque modulait sa voix dans des tons synthétiques et monocordes. C’est ainsi qu’elle put directement tout comprendre sans aucun effort de ce qu’il devait lui présenter. Dévoilant ses deux mains brisées – à la main droite, il lui manquait le petit doigt tandis qu’il manquait le petit doigt et l’annulaire à la main gauche-, le Mongol commençait ses explications. « Nous allons dire que j’ai … Subi un accident de travail durant mes activités. » Il était Mercenaire et Assassin. « J’ai perdu trois de mes doigts et depuis, avec ma main gauche, je ne suis plus capable de réaliser ce que je faisais de mieux avant. » Faisant glisser une lame rangée dans la manche, elle apparut dans sa main et, exécutant le plus simple mouvement, il en perdit le contrôle aussitôt, la faisant tomber au sol.

_ Désolé pour l’écho. », lâchait-il, lui-même agacé par l’absence de contrôle de sa propre main. Il détestait toujours autant cette situation. Il ne pouvait plus accepter le moindre contrat en l’état, écarté de toutes les activités de la Triade. Et déjà sa main droite se mettait à être parcourue de tremblements. Le manque des drogues, mélangé à ses angoisses qui lui revenaient directement quand il s’observait incapable de réaliser un mouvement que ses muscles connaissaient pourtant par cœur. Rangeant la lame, serrant les dents sous son masque, elle ne l’entendit pas soupirer, ni ne vit toute la détresse dans son regard. Il avait besoin de réponses. Il avait besoin de savoir qu’il pouvait encore être fixé et réparé.

_ Que pouvez-vous faire pour moi ? … », lâchait-il comme si elle détenait toutes les réponses à cette question. Pour la première fois, il devait s’avouer faible. Depuis vingt ans, il n’avait jamais été aussi bas et si cela continuait, il devrait se trouver une nouvelle place dans un échiquier dont il ne connaissait pas tous les enjeux. Qu’elle lui donne enfin une réponse. LA réponse.

Elle avait pris trop aisément sa main gauche, ce qui avait aussitôt créé une raideur dans l’ensemble de son corps. Car le Mercenaire mongol détestait le contact physique, ce que l’ancienne Doc’ avait fini par comprendre. Si son échine s’était directement raidie, et qu’il était déjà prêt à sortir une lame de sa manche droite, elle s’en était tenue à l’étude de ses doigts. Et de ceux qui lui manquaient. Pourtant, brièvement, elle avait dû sentir la secousse de tremblement dans la main de l’Assassin. Comme s’il n’avait pas eu le temps de retirer sa main de son emprise. Peut-être était-ce pour cela qu’il n’était pas venu plus tôt ? Il était palpé comme un vulgaire outil. Elle n’avait eu aucune considération. Ce froid si caractéristique du corps médical.

Et sans plus de considération, elle avait fini par le lâcher tandis qu’il ramassait sa fierté brisée. Il détestait cette situation. Il détestait ne plus pouvoir travailler comme il le voulait. Il détestait ne plus être habile de sa main forte. Il détestait devoir se trouver en ces lieux. Serrant le poing comme il pouvait, sa tête suivait curieusement les mouvements erratiques de la docteure. Savait-elle seulement ce qu’elle cherchait ? Se faisant la réflexion que la jeune femme cherchait une aiguille dans une ruelle crasseuse de Decay, il lui proposait déjà son aide alors qu’elle ouvrait une grande. « Vous auriez besoin d’un coup de main, peut-être ? », lâchait la voix synthétique de son masque. Puis continuant de l’observer, il était resté sagement assis, presque par peur de toucher à quoi que ce soit dans ce capharneum organisé qu’elle seule devait comprendre et connaître.

Ses yeux s’attardaient brièvement sur les livres qu’elle possédait. Pendant un temps, il avait eu le temps de lire. Quand il était encore qu’un Enfant au Mausolée. Bien avant que sa vie ne vire au cauchemar quotidien qu’était dorénavant sa vie misérable. Un lent soupir décroché tandis qu’il relevait finalement la tête sur la démonstration qu’il avait devant le masque. Elle parlait dans le même temps. Evidemment. L’Eglise. Cela lui coûterait le bras pour avoir à nouveau ses deux doigts. Se redressant brièvement, il s’adossait dans son siège pour croiser ses bras sur son torse.

_ En gros. Je dois me vendre un bras pour obtenir votre prototype. C’est ça ? … », lâchait dorénavant la voix synthétique dans un anglais parfaitement robotisé sans la moindre intonation. Sous son masque, il se pinçait la lèvre inférieure. Piège. Trou à rats. S’il pensait ne pas pouvoir tomber plus bas, il se trouvait encore plus profond. Comme si chaque instant était une véritable chute libre qui ne cessait jamais. « De combien on parle exactement ? Et quel serait le crédit ? »

Puis après un court silence, il tentait une autre approche. « N’y a-t-il pas moyen d’éviter les prothèses mais que je sois capable de manier une lame autrement ? », soupirait-il sous son masque dans sa langue originelle (qu’elle n’entendait pas). Une solution. Qui ne devait pas lui coûter des mois de salaire qu’il n’avait plus depuis longtemps. Et de plus belle alors qu’il perdait le contrôle un peu plus, sa main droite tremblait. Peut-être qu’une fois sur son départ, il devrait finalement voler des médicaments. Juste pour enfin pouvoir dormir. Un peu de morphine contre toute la douleur de son corps. Pour oublier ses angoisses. Pour s’abandonner. Retrouver tout ce qu’il a perdu.