Premier prêche : en Son sein

ENTENDS-TU SA VOIX ?

Mère prenait toujours soin d’elle. La lavant, la nourrissant, qu’est-ce qu’un enfant pouvait demander de plus en ce temps ? Elle lui en était reconnaissante.
Le studio était sombre et souvent sujet à l’humidité, mais Mère tenait à ce qu’il soit toujours propre. Ensemble, elles récuraient quotidiennement le moindre recoin des 12 m² composants le centre de leur vie. Il était important que leur pièce soit immaculée car ici résidait le Très-Haut. Lui, omniprésent, était donc constamment avec elles. L’image prenait une toute autre signification ainsi.
Mère lui donna les bases d’une éducation, là où les autres enfants devaient se débrouiller par eux-mêmes. Il était important que la fille sache lire afin de se plonger dans les saints écrits. Il était nécessaire que la fille soit instruit afin de discerner le Mal et suivre le chemin de la pureté. Mère s’occupait d’elle et la fille était heureuse. Son monde tenait entre quatre murs mais le Très-Haut lui offrait en son sein un espace plus vaste que toutes les mers du globe.
Bien sûr, il y avait parfois les coups, les punitions. Mère était dure, mais la fille savait qu’elle était juste. Souffrir faisait aussi partie de son cheminement, du passage sur Terre et de la purification du corps impure emprisonnant son âme. La fille suivait inlassable les dire de Mère car chaque coup qui lui était porté lui rappelaient qu’elle connaissait le chemin. Elle entendait Sa Voix. Qu’importe les sévices, les punitions, la fille savait qu’ils étaient donnés de la main guidée par le Très-Haut. Et elle riait. Elle riait avec Mère alors que son sang coulait. Elles riaient car elles savaient. Petit à petit, la fille se mit aussi à entendre la Voix. Faiblement d’abord. Il était là, avec elle.
Lorsque Mère fut emmenée, la fille ne fut pas seule.

TROUVER SA VOIE

Yézabel. Ce nom qui lui fut donné avait une signification.

Elle fut accueilli au sein d’un groupe comprenant ses préoccupations. Il existait dans le monde des raisons plus importante qu’aucun homme qui ne foulera jamais la Terre de son pieds. Le groupe était petit et ne disposait pas encore de la visibilité qu’on lui connait aujourd’hui. Une simple communauté, assemblée autour de cette quête de pureté : une église en quête d’Union.
Yézabel grandit et devint une jeune femme au sein du groupuscule gagnant en membre et en puissance. Leur parole s’élevait toujours plus haut et plus fort. Leur message atteignant toutes les strates de la société : l’Union pouvait enfin commencer.
A 16 ans, la fille qui était maintenant Yézabel fit son premier Don. Il s’agissait là d’un chemin spirituel longuement construit. Une quête qu’elle devait mener afin de se rapprocher de son idéal de pureté. Le Don ne devait en aucun cas être dévoyé. Cette étape douloureuse lui apporta plus de bien qu’elle n’en eut jamais connu. La partie de son intimité qu’elle venait de perdre avait rejoint le Très-Haut. Elle sentait son corps repousser l’impur de sa nature humaine. La douleur aurait pu faire perdre l’esprit au plus fort des guerrier. Allongée sur son lit, sa foi l’accompagna alors que la douleur traversait son corps à chaque pulsation de son cœur. Le Don était terrible, le Don était magnifique.

2 ans plus tard, elle réalisa son second Don. Encore jeune, les précepteurs la mirent en garde contre la rapidité de sa décision. Un Don était lourd de conséquence et devait être réalisé comme un passage à un niveau supérieur d’Eveil, et non une étape à réaliser par nécessité ou par décision. Elle se croyait prête. En face de l’Assemblée, elle réalisa son second Don, abandonnant à leurs pieds ses maigres possessions. Elle remit d’abord le livre Saint qu’elle tenait de Mère, puis les objets qu’elle avait accumulé : souvenirs, habits, technologie. Enfin, elle retira la toge qu’elle portait, se trouvant ainsi nue. A la merci de l’Eglise de l’Union. L’étape ne se termina cependant pas ainsi. Afin de les rejoindre elle ne pouvait rester nue. Appartenant à l’Eglise, elle devait s’en remettre à ce qu’on lui donnerait. Des vêtements lui seraient remis, oui, mais il était nécessaire qu’elle aille les chercher dans le dispensaire situé à 2 blocs du lieu de culte. Comprenant, elle remercia l’Assemblée, remonta les marches et sortie dans la rue. La tête haute, ne cherchant pas à ce cacher, elle traversa les foules. Qu’importe les regards ? Rien. Seul le Très-Haut importait et nue, il l’avait déjà vu.
Ce soir-là, allongée sur une couche qui ne lui appartenait plus, elle pleura. Non pas du Don qu’elle venait de faire mais de son manque de préparation. Les Dons n’étaient pas des étapes à cocher. Il s’agissait d’abnégations n’ayant de valeur que si l’âme a atteint un niveau d’Eveil suffisant. Elle pleura et pour la première fois, elle se sentit seule. Elle se sentit sale d’avoir bafoué ce passage devant la rapprocher de Lui. Elle ne possédait plus rien et ne pourrait plus jamais rien avoir qui ne soit la possession de l’Eglise. Seul son petit secret entre elle et Lui subsistait.
Ce jour-là, elle Lui fit la promesse de ne plus jamais se ruer ainsi. Chaque Don devait être parfait.

Yézabel continua de grandir au sein de la communauté. Elle acquit reconnaissance de sa foi et devint l’une des voix de l’Eglise de l’Union. Au cœur des dispensaires ou dans la rue, elle prêche la Sainte Parole, ameutant fidèles et passants. Riches ou vils manants, ils se retrouvent vite happés par ses paroles ou broyés par ses mots. Il n’existe qu’une seule voie, qu’un seul chemin : celui de la Pureté. Soyez ou périssez ! Suivez-là, elle vous sauvera.
Il a tant à vous offrir.


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