Vaincre sa phobie {ft. Chip}

Tu étais sortie plus longtemps cette fois. Toujours aussi mal fringuée de tes vieilles godasses, de ton jogging tâché par cette sale boue et un simple débardeur tu tires une taffe de ta clope, l’air ailleurs en laissant tes deux canidés humer l’air et aboyer sur les passants ou les chats errants leur passant sous le nez. Lorsque le plus grand entame les hostilités la petite suit, les rendant tous les deux ingérables en cette soirée au temps passablement dégueulasse.

D’ailleurs une gouttelette ne tarde pas à tomber sur le museau de la plus jeune qui s’excite, grognant en levant la gueule vers le ciel comme pour chercher d’où venait cette petite pluie commençant à tremper ces ruelles.

« Eh merde. »

Tu n’avais rien prévu, pas même une veste pour te protéger un tant soit peu de ce changement de météo. Les chiens s’activent, s’excitent aussi un peu en laissant leurs pattes éclabousser tes pieds en jouant l’un et l’autre comme des fous. Vraiment des gosses. Les incitant à accélérer le mouvement tu finis par t’abriter sous un porche le temps que la pluie ne cesse. Un ordre simple pour les faire s’asseoir sur les jauges, attends un instant et finalement lâche leur laisse commune pour attacher tes cheveux en un chignon maladroit.

Il fallait bien qu’il passe à ce moment-là.
Il suffisait d’un sac en papier de bonnes choses à manger pour activer leur odorat imbattable.
Le plus vieux hume, attends et finalement dans un aboiement curieux se rue sur le pauvre petit homme pour espérer lui substituer son repas en lui sautant dessus pour le plaquer au sol de son épaisse fourrure, la plus jeune le suivant en aboyant sur l’homme tout en remuant la queue. Ni une ni deux tu paniques, leur fonçant dessus pour récupérer laisse et les tirer loin du garçon à qui tu viens tendre la main.

« Mon dieu je suis désolée ! Ils m’ont échappé des mains mais ils ne sont pas méchants je vous assure ! Vous allez-bien rien de cassé ? »

Chip pensait se rendre sur l’adresse indiquée sur la petite carte de visite qu’il avait dans ses mains, probablement pour discuter business et de son avenir pour le moment incertain. Il craignait à chaque fois de se faire agresser ici et là, il se faisait tout petit, en espérant qu’on ne le remarque pas. Il vint remonter ses lunettes sur son nez d’un petit geste significatif, recroquevillé dans son hoodie bien trop grand pour le frêle homme qu’il était, et s’avançait dans les rues en espérant changer assez vite de quartier et, surtout, de trouver un endroit un peu plus sécurisant.

La pluie commençait à tomber et il n’avait rien pour lui, à part la capuche qui trônait éternellement sur sa tête. Et en plus de ça, l’eau allait bientôt gâcher son pauvre repas qu’il s’était préparé à l’arrache plus tôt et qu’il n’avait toujours pas dévoré. Le reste de ses gourmandises étaient dans un petit sac en papier étrangement tâché de gras. Il commença donc à manger, doucement, avant que l’appétit ne le gagne et qu’il se mette à le dévorer avec plus d’entrain sur le chemin.

Ceci dit, il ne s’attendait carrément pas à se retrouver agressé par une créature tout droit sortie des enfers. Une force non négligeable vint le plaquer à même le sol, alors qu’une truffe humide commençait déjà à s’intéresser à son stupide repas. Il n’a pas fallu bien longtemps à Chip pour se mettre à hurler et paniquer, et l’arrivée d’un deuxième chien ne vint clairement pas l’égayer, au contraire.

« Non, non non ! Lâche ! LÂCHEZ-MOI ! »

Il était tout sauf raisonnable à ce moment-là, tétanisé alors que le sandwich s’échappa même de ses mains devenues moites sous la peur. Il pleurait déjà, ses lunettes s’embrumaient et la pluie n’arrangeait clairement rien, jusqu’à ce que quelqu’un se décide à maîtriser les bêtes qui continuaient d’aboyer comme des fous furieux. Roulé en boule, il s’en voulait déjà de s’être montré aussi peu mature face aux chiens, tirant la capuche sur son crâne pour espérer se cacher dedans. La main tendue vers lui le terrifiait sur l’instant, avant qu’il ne se décide à se redresser de lui-même, déjà à moitié trempé, et son repas abandonné.

« Ils ne sont pas méchants ?! Sérieusement ? Ce sont des horreurs ! Éloignez-les de moi par pitié ! »

Son corps tout entier tremblait, et il finit par enfin lever les yeux vers la femme qui les tenait fermement en laisse. Ses yeux s’écarquillèrent doucement, il ne s’attendait clairement pas à croiser une personne de sa trempe, et il n’était que plus impressionné – et terrifié par la même occasion.

« O-Oh euh… Pardon je voulais pas les traiter comme ça… Mais maintenant je leur offre volontiers mon repas, hein ? », dit-il en donnant un coup de pied ferme dans son sandwich à moitié dévoré, en direction des deux chiens.

La scène s’était passée très vite, trop même pour que tu puisses réagir plus rapidement. Les chiens à tes pieds pour laisser l’homme se redresser de lui-même et l’observer d’un peu plus près. Il était relativement chétif, du genre à se briser facilement. Bien plus que toi en tout cas. Tu pouvais donc tout à fait comprendre qu’il soit terrifié à l’idée de se retrouver nez à nez aux boules de poil continuant d’aboyer de temps en temps avant que tu ne claques la langue pour les faire taire.

Remuant la queue en voyant le sandwich poussé en leur direction ils viennent s’acharner dessus pour te tirer un peu plus dans la direction de l’homme et refuser d’obéir tant qu’ils n’auraient pas dévorer ce met si délicat en se léchant les babines.

« Ce n’est franchement pas très sympa vous savez. » Pourtant vu la peur qu’il semblait ressentir tu ne pouvais pas lui en vouloir. « Ils sont gentils, impressionnants et ce sont juste des grosses peluches. »

Les tirant finalement vers toi pour t’interposer entre eux et l’homme tu sens toujours la pluie te tremper la gueule. D’abord hésitante tu finis par tirer les deux malamutes avec toi pour t’abriter sous la devanture d’un magasin et inviter l’homme à te suivre d’un petit signe de la tête.

« Je suis sincèrement désolée pour ce qui s’est passé. Je peux pour rembourser votre sandwich si vous voulez ou je peux peut-être vous payer un verre pour me faire pardonner ? Normalement ils obéissent bien mais quand il y a de la nourriture en jeu ils sont inarrêtables. »

Un petit rire gêné t’échappe alors qu’ils ont enfin décidé de se calmer en se couchant à tes côtés, à l’opposé de l’homme pour rester au sec et observer la pluie d’un œil attentif.

« Au faite vous ne vous vous êtes pas fait mal ? Je m’en voudrais de vous laisser repartir blessé ou affamé. On peut s’arrêter quelque part le temps que la pluie se calme … Enfin si vous le voulez bien sûr. Je ne voudrais pas … comment dire … vous faire peur. »